1 Contenus sur Internet : éviter les contresens Colloque « Antipiraterie » Cannes, 11 Mai 2004 Nicolas Curien Conservatoire National des Arts et Métiers.

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Transcription de la présentation:

1 Contenus sur Internet : éviter les contresens Colloque « Antipiraterie » Cannes, 11 Mai 2004 Nicolas Curien Conservatoire National des Arts et Métiers

2 Une démarche prospective Prendre du recul, en replaçant la lutte contre le piratage dans la dynamique plus globale de léconomie et de la société de linformation. Identifier les opportunités (et non pas seulement les menaces) que les évolutions techniques en cours ouvrent aux industries culturelles : livre, musique, jeux vidéo, cinéma. Fournir un cadre général de réflexion, susceptible de guider lévolution des modèles daffaires et celle de la réglementation, face au progrès technique apporté par les TIC et Internet, en évitant les contresens et les « fausses bonnes » idées.

3 Une démarche économique (1) Lanalyse économique doit traiter deux problèmes : dune part, la recherche de lavantage collectif maximal (optimum économique), la collectivité comprenant lensemble des acteurs de la chaîne de création-production-édition-distribution, sans omettre les consommateurs. dautre part, la recherche dun partage équitable, ou du moins acceptable, de cet avantage collectif maximisé entre ses diverses parties prenantes, dont les consommateurs (surplus de consommation).

4 Une démarche économique (2) Dans les industries culturelles, on est en présence de : – rendements croissants : coûts fixes élevés vis-à-vis des coûts variables ; – concurrence imparfaite : marché concentré ; – biens dexpérience : dont la qualité nest pas connue du consommateur, ex ante. Le libre fonctionnement du marché ne conduit donc pas à loptimum économique et il convient de recourir : – lintervention publique : taxation pour financer les coûts fixes, quotas pour assurer la diversité, etc ; – des « méta-marchés », fluidifiant et améliorant linterface offre / demande, tels que lInternet peut en fournir.

5 LEssence de lInternet (1) Transport et stockage des informations numérisées à un coût marginal très faible : le réseau est quasiment un pur coût fixe. « Non-rivalité » des informations : chacun peut « consommer » linformation sans empêcher ni gêner sa consommation par dautres. La non rivalité est une réalité technique objective, quil convient de distinguer de la notion « dexcluabilité » (restriction dusage, par exemple à travers le DRM), qui est un construit social, visant à restaurer artificiellement de la rivalité là où le progrès technique tend à labolir.

6 LEssence de lInternet (2) Architecture technique non hiérarchique, permettant un mode intermédiaire entre la diffusion de masse et la communication inter-personnelle : forums, sites de critiques, communautés de logiciels libre, etc. « Bien commun » informationnel : les ¾ du web nappartiennent pas aux modèles des médias de masse ou du commerce électronique : recherche, éducation, santé, débat démocratique, etc. Le P2P, prolongement naturel de cette logique déchanges « socialement désirables », déstabilise les modèles daffaire des industries culturelles.

7 La rareté se déplace La rareté, source de la valeur économique, se déplace depuis le bien informationnel vers la construction dun lien entre ce bien et ses consommateurs potentiels. Devant la variété croissante des biens numériques, il convient de passer dune logique de diffusion à une logique dappariement : – pour le consommateur, trouver lœuvre « désirée » (efficacité statique), en harmonie avec son processus dacculturation (efficacité dynamique) ; – pour lauteur, entrer en relation avec son public (efficacité statique) et créer pour lui, voire avec lui, ce qui lui convient le mieux (efficacité dynamique).

8 Lévolution des modèles daffaires La stratégie pertinente : ne doit pas tendre à rétablir artificiellement le modèle centralisé et unidirectionnel des média de masse, fondé sur la distribution de supports rivaux ; doit notamment sattacher à valoriser les nouvelles raretés liées aux trois fonctions : – dappariement : couplage offre / demande ; – dacculturation : formation dynamique des goûts ; – de coproduction : participation active des consommateurs à la construction de loffre.

9 Mutation de la chaîne de valeur (1) Réduction des coûts de production, les investissements de création devenant, dans certains cas, de plus en plus à la portée du grand public. Recentrage de la fonction éditoriale sur linterface offre / demande : les interactions entre consommateurs et/ou entre consommateurs et créateurs-producteurs exigent des outils adaptés dinformation et de formation, des plate-formes interactionnelles, qui peuvent précisément être fournies et valorisées sur Internet.

10 Mutation de la chaîne de valeur (2) La distribution de supports physiques est rendue obsolète par la distribution de fichiers en ligne (comme les diligences par le chemin de fer), ce qui : – ouvre aux auteurs la possibilité dun contact direct avec le public ; – nexclut pas une valorisation : micro-paiement des téléchargements, abonnements forfaitaires. Sadapter à cette nouvelle donne et y créer de la valeur est aujourdhui un impératif pour les auteurs, les éditeurs et les distributeurs.

11 Evolution de la Propriété intellectuelle (1) A long terme, la définition juridique dune œuvre ou dun auteur devra certainement évoluer, pour tenir compte : – de lutilité sociale du « réemploi » et de la création collective des contenus ; – de ce quune œuvre a de multiples parties prenantes (son auteur, mais aussi ses auditeurs ou ses spectateurs).

12 Evolution de la Propriété intellectuelle (2) A court terme, il convient dassouplir, plutôt que renforcer, la réglementation existante, afin de permettre la mise en place des nouvelles pratiques de production et de consommation. Lassouplissement consiste à remplacer un droit de propriété absolu (droit dauteur) par un droit à rémunération (par exemple, licence légale). En protégeant des modèles économiques obsolètes, plutôt quen incitant et en aidant les industries culturelles à évoluer, on court le risque de fragiliser ces industries en retardant leur adaptation et, par conséquent, de pénaliser la culture française.

13 Le cas du Cinéma Les impératifs : assurer une juste rémunération de la création et de la production, plus coûteuses que dans dautres industries culturelles : 10% des coûts totaux pour le livre, 15% pour la musique, 40% pour le cinéma ; préserver la diversité culturelle et encourager la production et la consommation dœuvres nationales : proportion élevée en France (40%), relativement au reste de lEurope.

14 Les effets du P2P (1) Réduction des ventes de DVD par un effet de substitution DVD / DivX, transfert dont lintensité reste toutefois à apprécier (voir lexemple de la musique). Doù un renforcement de la tendance à la contraction de la chronologie des média, phénomène de toute manière imposé par la mondialisation. A chronologie invariante, pression à labaissement des taux de contribution des différents acteurs de la chaîne (éditeurs de DVD, TV cryptées, TV en clair).

15 Les effets du P2P (2) Baisse, mais sans doute modérée, de la fréquentation des salles : faible substitution entre DivX et spectacle en salle, relative stabilité du partage de la consommation entre spectacle vivant / cinéma / spectacle à domicile (TV + Home cinéma + VOD). Doù, possiblement, moindre marge de manœuvre pour subventionner la production nationale via la taxation des places de cinéma. Effet ambigu sur la diversité culturelle et léquilibre œuvres nationales / étrangères : – plus dœuvres US consommées en Europe ; – mais, inversement, opportunité dune plus grande diffusion des œuvres françaises aux US.

16 Les « remèdes » (1) La proposition de taxer la voie remontante (upload) au volume (rapport du CERNA), de manière à dissuader le piratage sans recourir au DRM, a en réalité pour effet de faire disparaître le P2P et, avec lui, les nouvelles opportunités offertes par Internet. Une meilleure manière de procéder consiste à : – lever toute contrainte sur le P2P et la numérisation des fichiers culturels : liberté de copie et de transport de linformation de support en support ; – financer la création-production en jouant sur le tarif daccès au réseau Internet, et non en taxant lusage de ce réseau.

17 Les « remèdes » (2) En faisant porter la subvention sur laccès, plutôt que sur le trafic montant, on se rapproche de lefficacité économique : les réseaux sont à coût fixe élevé et coût marginal faible. Relever de 15 à 30 le forfait daccès au haut débit suffirait à financer lensemble de la production musicale et cinématographique (montant par exemple inférieur à labonnement satellite, de 40 à 45 avec les options Canal plus et Ciné Cinéma). Et il sagit là dun majorant, une part de financement pouvant également provenir : – dune contribution des producteurs de supports et déquipements de lecture ; – dune micro-facturation des téléchargements (trafic descendant).

18 Quelques messages directeurs Tirer parti du progrès technique, plutôt que le refuser. Faire des « pirates » daujourdhui les clients de demain…. Tout en préservant les communautés déchanges qui constituent loriginalité essentielle dInternet. Faire évoluer les modèles daffaires, puis réglementer, plutôt que linverse.