Ecosystème intestinal et digestion colique Journées DES oct. 2011
PLAN Le Microbiote intestinal Digestion colique Présentation Explorations Composition Interactions Effet de barrière Flore et système immunitaire Modifications histologiques Digestion colique Colon droit : Métabolisme glucidique Métabolisme des gaz Métabolisme lipidique Colon gauche : Protides et métabolisme azoté Autres fonctions Pathologies et applications thérapeutiques
Microbiote intestinal
Le microbiote intestinal - Présentation In utéro: tube digestif stérile - Colonisation à l’accouchement Bactéries environnementales rôle du mode d’allaitement Environnement, antibiotiques facteurs individuels de l’hôte (génétique ++) Acquisition d’une microflore adulte (2-6 ans) Fonctions multiples Stabilité relative dans le temps pour 1 individu Composition individuelle unique = « carte d’identité » + gde similarité du microbiote entre jumeaux homozygote qu’entre conjoints (génétique>environnement) Près de 80% des espèces dominantes observées ds le microbiote d’un individu lui sont propres
Le microbiote intestinal - explorations Seulement 20 à 30% du microbiote intestinal humain cultivable Méthodes indirectes (tests respiratoires…)
Le microbiote intestinal - explorations Utilisation d’outils moléculaires indépendants de la culture : génotypage des ARNr 16S bactériens + Électrophorèse en gradient dénaturant : vision dynamique de la diversité des espèces du microbiote Électrophorèse : possible d’analyser des bandes apparaissant ou disparaissant ds 1 contexte nutritionnel particulier pour réaliser l’identification par seqeunçage de l’espèce bactérienne correspondante. METAGENOMIQUE = extraction, clonage et sequençage de l’ADN des populations bactériennes de l’ensemble d’une niche écologique (ici intestin humain) METAGENOMIQUE
Le microbiote intestinal - composition - 1014 μorg constituant le microbiote = 1kg - 1013 cellules constituant le corps humain Cavité buccale : 107/ml de salive - Aérobies et anaérobies Estomac : <10 2/ml Streptococcus Lactobacillus Colon :109 à 1011 /ml (caecum et rectum ++) Gradient oral-aboral Augmentation des anaérobies strictes en distalité Iléon :107/ml Croissance le long du grêle
Le microbiote intestinal - composition jéjunum iléon colon 103 106 108 1011 pH : 2-3 pH : 4,5-7 Diminution O2 Bacteroides (Bacteroidetes) Eubacterium Clostridium (Firmicutes) Ruminococcus Bifidobacterium (Acinetobacteria) Streptococcus Lactobacillus Lactobacillus (Firmicutes) Streptococcus (Firmicutes) E. coli Clostridium (Firmicutes) Bacteroides Eubacterium Veillonella
Le microbiote intestinal - composition FLORE COLIQUE 3 gds groupes phylogénétiques Firmicutes (≈ 50%) BG+ des groupes Eubactérium -Clostridium coccoides -Clostridium Leptum Bacteroidetes (10-40%) BGN du groupe Bactéroides - Prevotella - Porphyromonas Actinobacteries BG+ du genre Bifidobactérium et du groupe Atopobium-Collinsella En proportions + faibles = entérobactéries (0.4 à 1%), lactobacilles et streptocoques (2%) 4è groupe= proteobactéria (E.Coli…) Eckburg et al. 2005
Le microbiote intestinal - composition Organisation de la flore colique : Flore dominante (109-1011ufc/g de fèces) :10 à 20 espèces avec niveau de population élevé Surtout BGN non sporulés (Bacteroides ++) BG+ = Eubactérium, Clostridia Bifidobactérium Catenabactérium CG+ (peptostreptococcus…) Flore sous dominante 106 -108 ufc/g Bactéries aéro/anaérobies facultatives : entérobactéries, streptocoques, +/- lactobacilles → effet pathogène si population > 108 ufc/g Flore transitoire / allochtone <105-106 ufc/g → pas de pouvoir pathogène Entérobactéries : citrobacter, klebsiella, proteus, enterobacter, pseudomonas, staphylocoques Levures (candida albicans présent dans 50 à 60% des copros)
Le microbiote intestinal - Interactions I. Effet de barrière La flore (dominante) est capable de s’opposer à l’implantation et à la multiplication de bactéries exogènes Compétitions au niveau des sites d’attachement épithéliaux et pour les substrats Production de peptides bactéricides (bactériocines) et acide lactique La flore vient renforcer les barrières physiologiques à la colonisation (anatomique = mucus, jonctions serrées des entérocytes, desmosomes, basale / physiologique = cellules de panneth, secretion d’IgA, cellules dendritiques, lymphocytes des plaques de peyer…)) Barrière « drastique » pour la flore potentiellement pathogène Barrière « permissive » = établissement d’un équilibre entre flore dominante et allochtone Synergie avec l’hôte (mucus, barrière histo, défensines, sys. Immun intrinsèque…)
Le microbiote intestinal - Interactions II. Flore et système immunitaire Flore commensale = stimulus physiologique de la maturation du système immunitaire intestinal Dvpt et maturation des Lymphocytes B Activation et croissance des plaques de Peyer Activation des cellules présentatrices d’Ag Régulation de la balance Th1/Th2 Stimulus de la synthèse d’Ig (IgA ++) En revanche effet faible sur le systèeme immunitaire périphérique (taux d’Ac sérique contre les Ag bactériens sont bas) « Tolérance » du système immunitaire intestinal vis-à-vis des Ag bactériens intraluminaux
Le microbiote intestinal - Interactions III. Modifications histologiques En absence de flore : Hypoplasie de la muqueuse colique (-20% de C par crypte) Ralentissement du renouvellement cellulaire Après colonisation bactérienne : Augmentation de la cellularité du chorion Apparition de cellules activées (lymphocytes, plasmocytes, macrophages) Diminution de la hauteur des villosités, augmentation des cryptes Augmentation de l’index mitotique rôle des AGCC (Butyrate ++) = apports énergétiques, action trophique… L’adhérence est cependant limitée par le mucus
Digestion colique Colon droit : Métabolisme glucidique Métabolisme des gaz Métabolisme lipidique Colon gauche : Protides et métabolisme azoté Autres fonctions Pathologies et applications thérapeutiques
Digestion colique - présentation 1,5kg/24h de matériel digestif dont une majorité d’eau -> 120g/24h excrétés Colon = 20% de la réabsorption d’eau (≈ 1L) et 25% de la réabsorption de Na+ Compartiment anaérobie, T=39°C Activité métabolique essentiellement colique (car besoin > 10^8/ml pour activité enzymatique bactérienne significative)
Digestion colique - présentation Substrats disponibles : Exogènes : Amidon non digéré Fibres pariétales (cellulose, hémicellulose…) Glucides de réserve Osides et oligosides Proteines non absorbées ou d’origine bactérienne Endogènes : mucus, mucopolysaccharides Cellules desquamées Sécrétions pancréatiques et biliaires
Digestion colique – métabolisme glucidique Polysaccharides Malate Pyruvate oxaloacétate Fumarate Succinate Acétyl-CoA Lactate Succinyl-CoA CO2 + H2 Acéto-acétyl-CoA Méthyl-malonyl-CoA En orange= acides gras volatils ou AG à chaine courte (AGCC) Acétaldéhyde Crotonyl-CoA Propionyl-CoA Butyryl-CoA CH4 Acétate Ethanol Butyrate Propionate
Digestion colique – métabolisme glucidique => Colon droit H2 GLYCOLYSE et FERMENTATION BUTYRATE ACETATE PROPIONATE CO2 300 mmol/24h H2O Enz intracellulaires = libérées après éclatement des bactéries GLUCOSE HYDROLYSE Fibres Amidon Cellulose Autres glucides Enzymes intracellulaires Amylase Cellulase B glucosidases Enzymes extracellulaires glucosidases Ac. Organiques
Digestion colique – métabolisme glucidique Devenir et rôle des AGCC : absorption rapide (6 à 12umol/cm²/h), 95% réabsorbés. AGCC : absorbés par les C épithéliales par transport Na+ dépendant -> modulation de l’hydratation des selles, sécrétion de bicarbonates, REABSORPTION d’eau. Leur concentration détermine le pH intraluminal Production d’ENERGIE provenant du métabolisme glucidique : 2 à 3 kcal/g de glucides fermentés (5-15% des apports energétiques)
Digestion colique – métabolisme glucidique BUTYRATE : Action locale = 70% des sources énergétiques des colonocytes Stimule absorption eau et sodium (via co-transporteur SMCT1) Stabilisateur mitotique Réparations de l’ADN, régulation des gènes, effet anti-oxydant, anti- inflammatoire -> anticancéreux potentiel ? Libération de gastrine ou de PYY via le SNA -> satiété Renforce la barrière épithéliale (augmente l’expression des jonctions serrées), effet trophique sur la muqueuse colique ACETATE : Métabolisme dans les tissus périphériques (cœur, cerveau, muscles) PROPIONATE : Régulation de la néoglucogénèse hépatique Diminue la cholestérolémie ?
Digestion colique – métabolisme des gaz H2 (15%) CH4 (20%) Consommation bactérienne H2 CO2 O2 Seulement 30% d’individus méthano-excréteurs H2 CH4 La majorité des gaz est consommée in situ Fermentation des HDC Bactéries Protéines Urée Glycoprotéines SH2 N2 N2 Fermentation des HDC et des proteines dans le colon droit produt de l’H2, CO2 et gaz odorants Une partie de l’H2 est réabsorbé, une autre métabolisée par les bactéries intestinales en H2S ou dans le colon gauche en CH4 chez les sujets methanoproducteurs Méthane : produit par flor colique gauche notamment lié à Methanobrevibacter smithii Seulement 25-30% de méthano excréteurs Des concentrations élevées de méthane ne se rencontrent que dans le colon gauche chez ces individus CO2 HCO3 + AGV N2 O2 CO2 H2 (6-21%) CO2 (8-49%) O2 (1-4%) CH4 (1-22%) N2 (19-83%) Gaz odorants <1%
Digestion colique – métabolisme des gaz Devenir du H2 fermentaire : Fibres – substrats endogènes Microorganismes hydrolytiques et fermentaires AGCC Acétate, Butyrate, Propionate Excrétion : pulmonaire (15%) flatulences (10%) CO2 H2 15% de l’H2 diffusent dans le sang et sont rejetés par expiration Production de H2 = 300ml/g de substrat fermenté On remarque que l’acétogénèse et la sulfato-reduction permet la production d’energie (ATP) -Bactéries méthanogènes = 2 espèces seulement, 25-30% des individus sont capables de produire du méthane. Pour être « méthano excréteur » il faut >10^8 -bactéries méthanogènes/g -les bactéries de l’acétogénèse réductrice ne sont pas capables d’exprimer leur potentiel hydrogénotrophe en présence de bactéries méthanogènes, en revanche cette voie de l’acétogénèse est particlièrement développée chez les non-méthano-excréteurs Microorganismes Hydrogénotrophes Bactéries sulfato-réductrices Bactéries Méthanogènes (30% des individus) Bactéries acétogènes OU H2S + ATP CH4 Acétate + ATP
Digestion colique – métabolisme lipidique Effet sur AG insaturés (bactéries hydrolysent les liaisons insaturées) -> AG hydroxylés ont un effet laxatif Métabolisme des acides biliaires : Réabsorption iléale = 97% Acides biliaires essentiellement absorbés dans l’iléon mais 150 à 600mg/j arrivent dans colon Acides biliaires Acides biliaires primaires Ac. colique et chénodésoxycholique Acides biliaires Secondaires Ac. désoxycholique et lithocholique Réabsorption colique – cycle entéro-hépatique Effet sur la motricité intestinale
Digestion colique – métabolisme protidique Substrats = protéines exogènes non absorbées ds le grêle + 40 à 60g/j de protéines endogènes (enzymes digestives, C desquamées, bactéries tuées…) + urée L’azote ou les AA sont utilisés par les bactéries comme métabolites de leur propre protéogénèse et métabolites énergétiques Amines Amoniaque Ac. organiques H2, CO2, CH4 Indoles phénols protéines peptides Ac. aminés
Digestion colique – métabolisme protidique => Colon gauche HYDROLYSE Ac. aminés Clostridii Protéines DESAMINATION AGCC Alcool uréase NH3 (100-150mmol/24h) urée CO2 H2O Les protéases ont un pH optimal proche de la neutralité dc colon gauche ++, la fermentation des glucides (qui produit des acides) peut donc influencer l’activité protéolytique Ac. aminés Protéines Corps bactériens Résidus protéiques Cellules desquamées DECARBOXYLATION Amines Histamine Tyramine Cadavérine Putrescine NH3 (3-4mmol/24h) Activité vaso-active
Digestion colique – métabolisme protidique Devenir et rôles des produits de dégradation : AGCC = acétate, propionate, butyrate (cf) NH3 : Absorbé et détoxifié en urée par le foie Altération de la morphologie et du métabolisme des colonocytes Augmente la synthèse d’ADN -> cancérogénèse colique? Encéphalopathie Phénols, indoles : Détoxifiés par conjugaison aux glucuronides ou aux sulfates. Co-carcinogènes? Amines: Coma hépatique, migraines…
Microbiote : autres fonctions XENOBIOTIQUES : Action sur certaines molécules : Activation : Imidazolés, sulfasalazine (rupture de la liaison entre sulfapyridine et 5-aminosalicylate) Inactivation : digoxine Production de vitamine K, vitamines B, folates Adaptabilité dans le syndrôme du grêle court : augmentation des capacités de réabsorption hydroélécrolytiques (>5L), hyperfermentation des glucides non absorbés par le grêle…
Dysbiose - Pathologies Le microbiote est impliqué dans de nombreuses pathologies : Obésité, diabète : altérations du métabolisme IBS : hyperproduction gazeuse, ballonnements… MICI : dysbioses Cancers coliques Allergies alimentaires…
Dysbiose - Pathologies Exemple : Maladie de Crohn Diminution du taux de Firmicutes statistiquement corrélé à la maladie de Crohn (retrouvé dans plusieurs études) Sokol et al. IBD 2009
Dysbiose - Pathologies Exemple : Maladie de Crohn Étude nichée dans un essai du GETAID Patient avec iléocolectomie : analyse du microbiote à M0 et M6 : F.Prausnitzii à M0 : 3,3%±3,4 -> rémission à M6 0,3%±0,5 -> récidive à M6 p =0.027 Diminution du taux de Firmicutes statistiquement corrélé à la maladie de Crohn (retrouvé dans plusieurs études) Se = 0.82 Sp = 0.68 VPP = 0.6 VPN = 0.87 Rajca et al. DDW 2011
Approches thérapeutiques Objectif = eubiose Moyens : Approche nutritionnelle : Modification des apports en fibres fermentescibles… Approche microbiologique : Probiotiques Prébiotiques Symbiotiques Antibiotiques
Conclusion Microbiote intestinal = véritable organe Unique = carte d’identité d’un individu Interactions majeures avec l’hôte Rôles physiologiques et pathologiques Implication dans de nombreuse pathologies coliques et métaboliques De nombreuses implications restent à explorer…
Sources The intestinal epithelial barrier in the control of homeostasis and immunity M.Rescigno, Trends in Immunology June 2011 Fermentative metabolism by the human gut microbiota A. Bernalier-Donadille, Gastroentérologie Clinique et Biologique (2010) 34 Regulation of innate and adaptive immunity by the commensal Microbiota I.Jarchum, Current Opinion in Immunology 2011 Microbiota–immune system interaction: an uneasy alliance N.Salzman, Current Opinion in Microbiology 2011 Microbiota and irritable bowel syndrome P. Ducrotté, Gastroentérologie Clinique et Biologique (2010) 34 Le microbiote intestinal : équilibre et dysbiose F.Barbut, HépatoGastro Vol 17 dec 2010 La flore intestinale , de l’équilibre au déséquilibre, M.Hagiage, Ed Vigot The utility of probiotics in the treatment of irritable bowel syndrome: a systematic review. Brenner DM , Am J Gastroenterol 2009 Human colonic microbiota: ecology, physiology and metabolic potential of intestinal bacteria. Macfarlane GT e al., Scand J Gastroenterol Suppl 1997 Abreu MT: Toll-like receptor signalling in the intestinal epithelium: how bacterial recognition shapes intestinal function. Nat Rev Immunol 2010 Hamer et al : Review article: the role of butyrate on colonic function. Aliment Pharmacol Ther 27 Venema et al : Role of gut microbiota in the control of energy and carbohydrate metabolism. Curr Opin Clin Nutr Metab Care 2010