ÉLÉMENTS D’UNE CLINIQUE DE LA PRÉCARISATION P LE FERRAND Psychiatre EMPP
I- DÉFINITION
sans chez soi (homeless) marginaux SDF vagabonds clochards pauvres sans abri précaires exclus sans chez soi (homeless) marginaux SDF vagabonds La terminologie multiple témoigne de la difficulté à cerner le phénomène
Trois axes de compréhension sont intéressants : notion de pauvreté notion d’exclusion notion de précarité
1 ) La pauvreté
notion ancienne qui remonte à l’antiquité : étymologiquement, le terme signifie « produire peu » un pauvre est « une personne qui n’a pas suffisamment de moyens pour subvenir à ses besoins » l’idée de pauvreté est relative : on est pauvre par rapport à quelqu’un de riche le concept actuel renvoie à un fait statistique qui définit un « seuil de pauvreté dans une culture donnée ».
2 ) L’exclusion
elle désigne le fait de se retrouver en dehors du lien social commun étymologiquement, le terme signifie « fermer dehors » en logique, l’idée d’exclusion renvoie à l’idée d’inclusion, c’est-à-dire d’un dedans par rapport à un dehors : on peut dire qu’il n’y a pas de dedans sans dehors et que l’organisation même de toute société fabrique du dehors, c'est-à-dire de l’exclusion dans la dialectique de nous/inclus/dedans et de eux/exclus/dehors.
L’exclusion officielle n’existe plus depuis le XXe siècle L’exclusion agie ou subie continue d’exister l’exclusion subie : déclassement l’exclusion agie : marginalité, auto-exclusion. elle concerne des groupes sociaux qui rejettent la société établie (punks, travellers, teuffers, sectes) elle renforce la cohésion sociale par la peur qu’elle provoque.
3 ) La précarité
le terme vient du latin « precarius » « qui ne s’exerce que grâce à une autorisation révocable » ou « obtenu par la prière ». le sens actuel est une extension métaphorique qui signifie « un avenir » non assuré, incertain et instable. il faut distinguer la précarité psychologique (la vulnérabilité) et la précarité sociale l’état de précarité et le sentiment de précarité
4) Interaction entre ces trois phénomènes
1 Insuffisance de ressources financières (notion de seuil de pauvreté) 2 Précarité : emploi préservé mais incertain de travailleurs pouvant basculer dans la grande pauvreté à l’arrêt du CDD, en cas de licenciement économique ou de faillite de l’entreprise 3 Exclusion sociale : populations qui ne bénéficient pas des biens sociaux communs (qualité de vie médiocre, absence de loisirs et de biens culturels : émigrés, « jeunes des banlieues », retraités) 4 Pauvreté + exclusion : chômeurs longue durée 5 Pauvreté + précarité : jeunes de moins de 25 ans en recherche d’emploi toujours hébergés chez les parents 6 Précarité + exclusion : malades mentaux, travailleurs étrangers, chômeurs 7 Pauvreté + précarité + exclusion : SDF, clochards 4 5 7 6
la précarité sociale ne doit pas être confondue avec la pauvreté
on peut vivre dans une société pauvre sans précarité, être pauvre sans être précaire on peut vivre dans une société précarisante et être précaire sans être pauvre on peut avoir le sentiment d’être exclu sans être précaire ou pauvre (cf. immigré)
dans la société actuelle, pauvreté, précarité, exclusion entretiennent des relations étroites dans un cercle vicieux de souffrance psychosociale
II -LA SOUFFRANCE SOCIALE
Il existe une souffrance sociale normale c’est l’épreuve de réalité constitutive de l’individuation
Il existe une souffrance sociale anormale lorsque le contrat social qui lie l’individu à la société se dérobe
III–VULNÉRABILITÉ IDENTITAIRE ET SYMPTOMES D’ADAPTATION DANS LE PROCESSUS DE PRÉCARISATION
1) la vulnérabilité au stress
la dépressivité. l’anhédonie la dépressivité l’anhédonie Le sentiment d’insécurité et d’inconsistance la mésestime de soi
3) La dépersonnalisation
4) L’hyperémotivité l’angoisse la colère le dégoût
5) La pensée opératoire
6) La relation et le lien : la sociophobie L’angoisse d’abandon L’angoisse d’intrusion
7) l’agoraphobie
8) la désynchronisation temporelle
9) l’altération du sens commun : la déréalisation
IV -LA SOUFFRANCE PSYCHO-SOCIALE
Lorsque la vulnérabilité individuelle rencontre une souffrance d’origine sociale insurmontable, survient alors un syndrome d’auto-exclusion pathologique caractérisé par le sentiment de se sentir exclu de l’appartenance à la commune humanité. Le terme auto renvoie à une activité psychique interne qui permet au sujet de s’exclure du monde et de lui-même pour ne pas souffrir ni penser, transformant le « subi » en « agir ». Il s’agit d’une logique de survie : pour ne pas souffrir l’intolérable, l’individu s’anesthésie pour se couper de sa souffrance Mais en s’anesthésiant il se coupe en même temps de lui-même, des autres et de son avenir
a) Symptomatologie de l’auto exclusion hypoesthésie corporelle, anosognosie psychique émoussement affectif inhibition de la pensée déréliction errance incurie disparition de la honte
b) Spécificité du soin et de l’aide
La première défense paradoxale est la non demande
La deuxième défense paradoxale est la réaction thérapeutique négative
La troisième défense paradoxale est l’inversion des demandes aboutissant au syndrome de « la patate chaude » -demandes psychologiques et confidences adressées au travailleur social -demande sociale adressée au médecin -demande médicale adressée au psychologue