Insuffisance Rénale Aiguë Les objectifs du cours répondent à ceux de la question d’internat - Savoir diagnostiquer une IRA -Connaître la prise en charge urgente de l’IRA - Savoir prendre en charge l’anurie Par ailleurs ils répondent aussi à la nécessité de savoir mener l’enquête étiologique afin de pouvoir diagnostiquer les principales Causes d’IRA susceptible d’être admise en urgence pour mise en jeu du pronostic vital ou fonctionnel du rein et sur lesquelles Une prise en charge adaptée est indispensable rapidement (GNRP par exemple) Christophe Vinsonneau Service de Réanimation Polyvalente MELUN
Quelques définitions… « L’IRA désigne un syndrome caractérisé par une diminution rapide des capacités du rein à éliminer les déchets……..qui se manifeste cliniquement par l’accumulation des produits finaux du catabolisme azoté (c’est-à-dire l’urée et la créatinine). » SM. Bagshaw, In L’insuffisance rénale aiguë, Springer éd. 2007 « L’IRA est une pathologie complexe…….caractérisée par la détérioration plus ou moins brutale du fonctionnement rénal soit sur un mode oligo-anurique soit sur celui d’une diurèse conservée » J. Chanard, In Réanimation Médicale, Masson éd. 2009 « L’IRA est l’état pathologique résultant de la baisse brutale du débit de filtration glomérulaire. » www.wikipedia.org
Insuffisance rénale aiguë Définition Arrêt brutal des fonctions d’épuration des deux reins caractérisé par une diminution brutale voire un arrêt de la filtration glomérulaire. S’accompagne d’une perte de régulation du milieu intérieur (homéostasie) portant sur : L’épuration des métabolites azotés (urée, créatinine) Les éléctrolytes (sodium, potassium,..) L’équilibre acido-basique L’eau (troubles de l’hydratation) Absence d’atteinte des fonctions endocrines du rein (érythropoïétine, vitamine D, SRAA) Permet d’expliquer succintement les grandes perturbations induites par l’IRA et les grandes différences entre IRA et IRC
Epidémiologie de l’IRA Incidence et mortalité IRA acquise à l’hôpital 5% (facteurs iatro. 55%) sur 2000 admissions consécutives Hou SH. Am J Med 1983. 4,9 à 25 % en réanimation suivant les critères diagnostiques Metnitz, Crit Care Med 2002; Menasche, Crit Care Med 1988. Mortalité 46% à 3 mois, 66% à 2 ans (indépendants de l’âge) Feest TG. BMJ 1993. Mortalité hospitalière - patients hors réanimation : 40 - 50% - patients de réanimation médicale : 60- 80% Liano F. Semin in Nephrol 1998; Guérin C. Am J Respir Crit Care Med 2000. Quelques données épidémiologiques afin d’introduire la grande fréquence de cette pathologie et son sombre pronostic
Prevalence Prévalence : 5 - 40 % Dépend de la définition Hoste EA et al. Crit Care Med, 2008
Définition : KDIGO La défaillance rénale aigue est définie par : - Augmentation de la créat plasmatique ≥ 26.5 µmol/l en 48 h ou - Augmentation de la créat plasmatique ≥ 1.5 valeur de base de (J-7) - Diurèse < 0.5 ml/kg/h en 6 h La sévérité de la défaillance rénale est évaluée suivant le tableau suivant : Stade Créat. Diurèse 1 Valeur de base x 1.5-1.9 <0.5 ml/kg/h sur 6-12 h ou de ≥ 26.5 µmol/l en 48 h 2 Valeur de base x 1.5-1.9 <0.5 ml/kg/h sur 12 h 3 Valeur de base x 3.0 <0.3 ml/kg/h sur 24 h créat ≥ 353.6 µmol/l ou EER ou anurie sur 12 h
Prevalence IRA aux urgences Challiner et al, BMC Nephrology 2014 745 patients admitted from the ER 1/3 with AKI on admission 2/3 with AKI during hospital stay
Insuffisance rénale aiguë Critères diagnostiques L ’élévation de la créatininémie (normale : 80 à 100 mol/l chez l ’homme, 60 à 90 mol/l chez la femme) Rhabdomyolise (contexte, CPK, AST, LDH) Valeur de dépistage (sous estime la sévérité) Permet mesures préventives Nécessité de confirmation et d’évaluation du degré d’atteinte Introduction des différents critères diagnostiques et leur pertinence -Créatinie
Insuffisance rénale aiguë Critères diagnostiques La clairance de la créatinine (normale : 120 20 ml/mn, diminue de 1 ml/mn par année d ’âge au dessus de 40 ans) Formule de Cockroft et Gault Cl créat = a (140 - âge) x Poids / Créat plasm a : 1,05 chez la femme ou 1,25 chez l ’homme Créatinine plasmatique Débit de filtration glomérulaire C1 C2 C 1 C 2 1 = 2 C 1 << C 2 Introduction des différents critères diagnostiques et leur pertinence -Créatinie
Insuffisance rénale aiguë Critères diagnostiques Absence d ’arguments pour une pathologie chronique Taille des reins normale à l ’échographie avec bonne différenciation cortico-médullaire (attention à l ’amylose, le diabète et la PKR) Absence d ’anémie Absence d ’anomalies du bilan phospho-clacique Le taux d’urée est un mauvais marqueur de fonction rénale car dépendant du métabolisme protidique La diurèse ne dépend pas que des fonctions d’excrétion du rein et ne peut servir isolément au diagnostique d’IRA
Circonstances de découverte Présentation clinique (peu spécifique) Vomissements, asthénie anorexie, hypothermie, OAP Troubles de conscience, crises convulsives, coma Syndrome hémorragique Contexte / Interrogatoire Oligurie voire anurie Douleurs lombaires Pathologie fréquemment associée (choc, rhabdomyolise…) Anomalies biologiques urée élevée (dépend du métabolisme azoté) créatinine élevée (dépend du catabolisme musculaire) hyperkaliémie, acidose métabolique (augmentation du TA), hyponatrémie + hyperhydratation globale Découverte systématique
Fonction métabolique Fonction endocrine Equilibre hydro-ionique
IRA IRF (70 %) IRA Organique (20 %) Atteinte obstructive (10 %) IRA Organique (20 %) IRA Organique : NTA dans 85 % des cas
Démarche diagnostique générale devant une IRA Affirmer le diagnostic d’insuffisance rénale et son caractère aigu Apprécier la tolérance OAP, troubles de conscience, convulsions Hyperkaliémie = risque vital URGENCE +++ Rechercher le mécanisme impliqué Obstructif (post-rénal) Fonctionnel (pré-rénal) Organique Enquête étiologique
Insuffisance rénale aiguë Démarche diagnostique Eliminer une IRA sur IRC (écho, NFS, bilan phospho-calcique) Analyse du contexte clinique, des antécédents personnels et familiaux, des traitements en cours Élimination d ’une IRA obstructive (echo) Recherche du profil fonctionnel ou non de l ’IRA (iono sang et iono u) Examen clinique complet à la recherche de signes extra-rénaux Recherche HTA, OMI Analyse sédiment urinaire, hématurie, protéinurie, ECBU
IRA obstructives Doivent être systématiquement évoquées devant toute insuffisance rénale aiguë, même si diurèse conservée (mictions par regorgement en cas d’obstacle prostatique) Contexte : anurie brutale et complète, hématurie macroscopique sans protéinurie, douleurs lombaires, rein unique. Echographie des reins et des voies urinaires (dilatation des voies excrétrices), TDM voire suivant le contexte clinique UIV, cystoscopie. Traitement urgent +++ = désobstruction (attention au syndrome de levée d ’obstacle).
IRA obstructives Etiologies Obstructions extra-rénales (souvent rein unique) Lithiase (+++) Tumeur urothéliale ou vésicale Obstacle prostatique Fibrose rétropéritonéale Nécrose papillaire (diabète, néphropathies de analgésiques, pyélonéphrite, drépanocytose) Obstructions intra-rénales Cristaux d ’acide urique (chimio et hémopathies malignes) Cristaux de phosphate de Ca (Chimio des hémop malignes) Précipitation intra tubulaires de chaines légères
IRA « fonctionnelles » Conséquence d’une hypovolémie efficace avec hypoperfusion rénale : Apparaît pour une PA < 80 mmHg ou si mécanismes compensateurs dépassés Vasodilatation de l ’artériole afférente (prostaglandines) Vasoconstriction de l ’artériole éfférente (Angiotensine II) +++ Hyperaldosteronisme secondaire
Pré rénal vs Nécrose tubulaire aigue [Urea]u x [Creat]p [Urea]p x [Creat] u Fe Urea = X 100 Lameire N et al. Lancet, 2005
IRA fonctionnelles Sédiment urinaire normal Reins échographiquement normaux Contexte clinique évocateur Evolution rapidement favorable si restauration de la pression de perfusion rénale sinon: Risque d ’évolution vers la Nécrose tubulaire aiguë souvent réversible Risque d ’évolution vers la nécrose corticale définitive
IRA fonctionnelles Etiologies Hypovolémies aigues Rénales (Nau > 40 mmol/l) néphro. avec pertes de sel, diurétiques, déficit en minéralocorticoïdes, diurése osmotiques (U / P osm = 1) Digestives (Nau < 20 mmol/l) Vomissements, diarrhées Cutanées (Nau < 20 mmol/l) Redistribution vasculaire Troisième secteur (brûlures, pancréatite, hypoalbuminémies) Vasodilatation périphérique (choc septique) Défaillance circulatoire Choc Hémorragiques Choc Infectieux Choc cardiogéniques infarctus du myocarde troubles du rythme tamponade péricardique embolie pulmonaire Modification hémodynamique intra-rénale IEC AINS
Nécrose tubulaire aiguë Il s ’agit de la cause la plus fréquente d ’IRA aiguë de début brutal et habituellement réversible Phase initiale : oligurie d’installation rapide (diurèse < 0,5 ml/kg/j) Phase d ’urémie confirmée : oligo-anurie (diurèse < 300 ml/24 heures) clairance de la créatinine < 3 ml/min apparition du sd commun des urémies aiguës Phase d ’amélioration : reprise progressive de la diurèse et des fonctions d’excrétions en 15 à 21 jours environ
Nécrose tubulaire aiguë diagnostic Tableau biologique: Urines peu concentrées U osm < 350 mosm/l [U/P] osm < 1,1 [U/P] Créat (mmol/l) < 15 [U/P] urée (mmol/l) < 10 (souvent < 4) Natriurèse > 20 mmol/l Fe Na (Cl Na / Cl Créat) > 2 % [Urée] / [Créat] plasm < 40 [Na/K] urinaire > 1 (en l ’absence de diurétiques)
Principales causes des IRA par nécrose tubulaire aiguë CIVD MYOGLOBINURIES Ecrasement musculaire Rhabdomyolyses non traumatiques INTOXICATIONS Sels de métaux lourds Ethylène-glycol Produits iodés de contraste Solvants oragniques (CCl4) Antibiotiques (aminosides et glycopeptides) AINS... ETATS DE CHOCS Hémorragiques Infectieux Toxiques Cardiogéniques Traumatiques Pancréatites HEMOLYSES INTRAVASCULAIRES Immunologiques (ex : erreurs transfusionnelles Infectieux ou parasitaires Toxiques (chlorates, hydrogène arsénié) Toxiques sur déficit enzymatique (G6PD)
Principes du traitement Rechercher des facteurs pré-rénaux et post rénaux Corriger les facteurs pré-rénaux et post-rénaux Arrêter les traitements néphrotoxiques si possible Améliorer le débit cardiaque et le débit sanguin rénal Monitorer la balance entrée/sortie, le poids Rechercher et traiter les complications Apport nutritionnel satisfaisant Traiter les foyers infectieux Soins infirmiers de qualité Débuter l’EER avant la survenue de complications Adapter les doses de médicaments à la fonction rénale Lameire N et al. Lancet, 2005
Messages à retenir Mieux vaut prévenir l’IRA (valeur de la créat +++) Maintient de la pression de perfusion rénale Evitement des néphrotoxiques Diurétiques, dopamine…. à oublier Le contrôle de la kaliémie est VITAL Les petits moyens ne doivent pas retarder les vrais traitements Hyperkaliémie + IRA + anurie = Epuration extra-rénale La recherche de l’obstacle est systématique L’urgence de la levée de l’obstacle dépendra de la tolérance L’expansion volémique guérit l’IRA fonctionelle Attention au remplissage si anurie et NTA : OAP