Les cytopénies d’origine médicamenteuse Anémie Neutropénie / Agranulocytose Thrombopénie
GENERALITES Anémies d’origine médicamenteuse LES ANEMIES GENERALITES Anémies d’origine médicamenteuse
ANEMIE D’ORIGINE MEDICAMENTEUSE Anémie hémolytique Par déficit en G6PD Par étiologies immunologiques Anémie par insuffisance de production Par inhibition de la dihydrofolate réductase
déficits enzymatiques en G6PD Médicaments incriminés Anémies hémolytiques par déficits enzymatiques en G6PD Généralités – Médicaments incriminés
Enzymes érythrocytaires : rôle clé dans le métabolisme des hématies Leur absence : Hémolyse pathologique Glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) rôle clé dans le shunt des pentoses-phosphates avec production du NADPH permettant élimination des peroxydes : Protection contre l’oxydation. Pyruvate kinase (PK) enzyme de la glycolyse permettant la production d’ATP : Fonctionnement de la pompe à sodium
Hémolyse par déficit en G6PD Glucose-6-phosphate 6-Phosphogluconate NADP NADPH Glutathion réductase GSH GSSG Glutathion péroxydase H2O2 H2O
Déficit en G6PD Déficit enzymatique le plus répandu dans le monde Environ 400 millions de personnes portent une mutation avec différences géographiques Prévalence en Afrique, Chine, Sud Est asiatique (mais rare au Japon). Anciennement appelé favisme Cause la plus fréquente des anémies hémolytiques par enzymopathie 1ére description en 1950 d’une hémolyse après prise de primaquine. Medications and G6PD deficiency, Youngster I et al, Drug Saf 2010.
Déficits en G6PD Transmission récessive liée au sexe : maladie frappe les garçons + quelques cas de filles homozygotes Terrain : pourtour méditerranéen, Afrique Noire, Asie Forme grave : Activité enzymatique < 10% de la normale. Hémolyse chronique avec splénomégalie dès l’enfance Forme atténuée : Activité enzymatique > 10% de la normale. Crise d’hémolyse après la prise d’oxydants (peu ou pas d’hémolyse chronique) Expression clinique est en général plus importante chez le sujet blanc (G6PD <10%) que chez le sujet noir (G6PD à 15-25%)
Quels médicaments faut-il contre-indiquer? Polymorphisme du déficit enzymatique Activité enzymatique > 10% permet de prévenir l’apparition d’une hémolyse lors de la prise de certains médicaments Hémolyse modérée et transitoire chez certains sujets Correction spontanée en quelques jours car touche seulement les GR âgés Variation interindividuelles pour un même médicament Plusieurs catégories de médicaments (contre-indiqué, déconseillé, déconseillé à posologie élevée, utilisation possible après analyse des données disponibles)
Les médicaments contre-indiqués Acide Nalidixique Dapsone Nitrofurantoïne Noramidopyrine/Métamizole sodique Rasburicase Sulfadiazine (voie orale) Sulfafurazol Sulfaguanidine Sulfamethoxazole Sulfasalazine Trimethoprime Liste exhaustive sur le site de l’AFSSAPS
mécanisme immunologique Anémie Hémolytique par mécanisme immunologique
Anémie hémolytique due à la présence d’anticorps à la surface de l’hématie : AH auto-immune (AHAI) par acquisition d’auto-anticorps AH immuno-allergiques liées à une prise médicamenteuse AH par allo-immunisation observées dans transfusion incompatible et maladie hémolytique du nouveau-né.
Hémolyse immunologique d’origine médicamenteuse Phénomène rare Hémolyse médicamenteuse immunologique = 1 cas pour 1 million (sous-évaluation?) AHAI non médicamenteuse = 1 cas pour 80000 En 2007, 125 médicaments sont potentiellement impliqués 3 groupes médicamenteux prédominent Antibiotiques Anti-inflammatoires Anti-néoplasiques (fludarabine) Historiquement (USA) 1970 : Méthyldopa (67% des cas); pénicilline IV fortes doses (25%) 1990 : Céphalosporines (70% des cas) (surtout Cefotetan) Garraty G et al, Drug-induced immune hemolytic anemia, Hematology, 2009
Hémolyse immunologique d’origine médicamenteuse Schématiquement 2 types de réponses immunes Formation d’Auto-anticorps dirigés contre les antigènes du globule rouge : processus auto-immun Formation d’anticorps anti-médicament Processus immunoallergique Liaison covalente du médicament sur Mb globule rouge Traitement Arrêt du médicament Corticothérapie controversée Échange plasmatique (AH sous cefotetan à risque vital engagé)
Anémie par insuffisance de production Inhibition de la DHFR
Anémie par carence en folates : Généralités Réserves pour 4 mois Carence d’apport, malabsorption (maladie coeliaque), iatrogènes (médicaments: triméthoprime/sulfamethoxazole; méthotrexate) Anémie macrocytaire arégénérative Aspect identique à un déficit en B12 pour hémogramme et myélogramme Diagnostic : Dosage des folates. Traitement Acide folique : FOLDINE 10 mg/j pendant 2 mois
Anémie macrocytaire induite par les inhibiteurs de la dihydrofolate réductase Methyl THF THF Déoxyuridine monophosphate Méthylène THF DHF Thymidine ADN Vitamine B12 Homocystéine Méthionine
NEUTROPENIE / AGRANULOCYTOSE D’origine médicamenteuse Idiosyncratic drug-induced agranulocytosis: Possible mechanisms and management. Tesfa D et al, American Journal of Hematology, 2009.
Formule sanguine (chez l’adulte) Globules Blancs = 4000 à 10000 / mm3 • Neutrophiles 45 – 75% soit 1800 à 7000 / mm3 • Eosinophiles 1 – 3% soit 50 à 500 / mm3 • Basophile 0 – 1% soit 0 à 50 / mm3 • Lymphocytes 20 – 40% soit 1500 à 4000 / mm3 • Monocytes 3 – 9% soit 100 à 700 / mm3 On raisonne TOUJOURS en valeurs absolues JAMAIS en pourcentage
Variations pathologiques des polynucléaires neutrophiles (PN) PN < 1800 / mm3 : Neutropénie 1000 / mm3 < PN < 1800 mm3 : Neutropénie modérée P. Neutrophiles < 500 / mm3 : Agranulocytose Etiologies : Toxiques médicamenteux, hémopathies, aplasie médullaire… P. Neutrophiles > 7000 / mm3 : Polynucléose neutrophile Etiologies : Syndrome inflammatoire, infections, hémopathies (syndromes myéloprolifératifs)…
Etiologies des neutropénies Neutropénie de margination (bénigne) La plus fréquente Asymptomatique et de découverte fortuite 1200 / mm3 <PN< 1800 / mm3 Neutropénie d’origine infectieuse (virus, brucellose, listéria…) Neutropénie des maladies auto-immunes Gougerot, PAR (Syndrome de Felty si association à splénomégalie), Lupus Neutropénie des hypersplénismes Neutropénie constitutionnelle (rares, mutation de l’élastine ELA2) Neutropénie des hémopathies malignes Neutropénie d’origine médicamenteuse
Agranulocytose d’origine médicamenteuse Terrain : tous les âges… mais ↑↑↑ avec l’âge (50 % > 60 ans) et svt une femme (70 %) Début svt brutal… horaire : Température à 39–40 ° avec frissons Angine « brutale » douloureuse et svt ulcéro-nécrotique Sinon cellulite de la face ou du périnée ou pneumopathie
HOSPITALISATION en Urgence ATB IV probabiliste à large spectre Un tel Tableau HOSPITALISATION en Urgence ATB IV probabiliste à large spectre Mesures d’isolement
Hémogramme GB : N ou légère leucopénie (3 à 4 G) PN : < 500 par mm3 Pas de myélémie et pas de blastes Hb : N ou à peine (110 à 130 g) Plaquettes : N ou un peu (80 à 120 G) soit « participation » au mécanisme soit par infection soit par mini-CIVD TP et Fibrinogène ?
Myélogramme « précoce » Dureté de l’os : N Richesse de la moelle : N ou peu Lignée granuleuse : absente ou quelques blastes « physiologiques » +++, pseudoblocage de maturation au stade du promyélocyte Lignée rouge et plaquette : N en nombre et en morphologie …sauf svt plasmocytose réactionnelle Pas de cellule anormale
DIAGNOSTIC D’UNE AGRANULOCYTOSE AIGUE Neutropénie extrême, d'apparition brutale après absorption de certains médicaments; la destruction des éléments de la lignée granuleuse est due à une cause immunoallergique; il n'existe pas de test in vitro permettant de confirmer le diagnostic.
CAT PN < 500 et moelle sans Granuleux = Agranulocytose Médicamenteuse « immuno-allergique » Mise en évidence d’Ac anti-PN et anti précurseurs granuleux 1 ) Enquête Médicamenteuse 2 ) Traitement en milieu adapté
Mécanismes Toxique Immunoallergique Cytotoxicité directe du médicament ou de ses métabolites Pas de sensibilisation antérieure Accident dose dépendant Traitement prolongé Agranulocytose progressive Thrombopénie et anémie associées rares Immunoallergique Sensibilisation antérieure > 8jours Accident non dose-dépendant Agranulocytose brutale Ac leuco-agglutinants dans le sérum
Les mécanismes immuno-allergiques Fixation initiale du médicament (haptène) sur le PN Liaison du médicament avec un Ac spécifique (complexe immun) s’adsorbant sur les PN Induction d’un auto-Ac par le médicament
Médicaments incriminés Mécanisme immuno-allergique Antithyroïdiens de synthèse (néo-mercazole) IEC Anti-H2 AINS Anti-agrégant plaquettaire (ticlopidine) Toxicité directe Phénothiazine Sels d’or Pénicilline forte dose
Recherche du médicament responsable Enquête étiologique difficile Polymédication Difficulté des tests in-vitro Médicaments en cause sont nombreux Ré-introduction du médicament est contre-indiquée Déclaration à la pharmaco-vigilance
THROMBOPENIES Etiologies et Diagnostic PTI TIH
Présentation clinico-biologique Syndrome hémorragique : cutané (purpura, ecchymose, hématome) Muqueux (bulles, hémorragies buccales) Attention quand plaquettes < 50000/mm3 Plaquettes < 150 000/mm3
2 situations initiales: Thrombopénie isolée Thrombopénie associée à une anémie et/ou leucopénie 4 grands groupes étiologiques: Thrombopénies artéfactuelles Thrombopénies associées à l’hypersplénisme Thrombopénies d’origine centrale Thrombopénies d’origine périphérique
Diagnostic biologique et étiologique Confirmer la réalité de la thrombopénie (éliminer thrombopénie artéfactuelle) Apprécier la situation clinique globale syndrome infectieux, méningé (purpura fulminans) syndrome hémorragique (saignement, fond d’œil) contexte (chimioT, splénomégalie, ATCD, Médicaments type Héparine) Etudier l’ensemble des paramètres de l’hémogramme En fonction de cette démarche, examen spécialisé (hémostase, myélogramme, durée de vie des plaquettes, Anticorps…)
1. Thrombopénies artéfactuelles Fausse thrombopénie Anomalies in vitro, de laboratoire Agglutination des plaquettes sous l’effet de l’EDTA (anticoagulant présent dans le tube) Il faut faire un frottis sanguin pour rechercher la présence d’amas plaquettaire et contrôler le chiffre de plaquettes sur tube avec un autre anticoagulant (citrate)
2. Thrombopénies de l’hypersplénisme Séquestration dans la rate des plaquettes majorée par splénomégalie Plaquettes > 50000/mm3 (sinon, autre étiologie) Pas de signes hémorragiques Associée généralement à une discrète leucopénie Etiologies diverses (alcool…)
3. Thrombopénies d’origine centrale Insuffisance de production médullaire des plaquettes - Etiologies des bi ou pancytopénies Aplasies, myélodysplasies, envahissement médullaire (leucémies aigues..), myélofibrose. Infections virales (auto-immunité avec effet toxique sur les mégacaryocytes) Infections bactériennes (mécanisme souvent composite avec origine périphérique) Amégacaryocytose constitutionnelle (très rare)
4. Thrombopénie d’origine périphérique Consommation ou destruction excessive des plaquettes Mécanisme le plus fréquent Thrombopénies auto-immunes Purpura thrombopénique auto-immun (PTI) Maladies auto-immunes (lupus, thyroïdite, Sjögren…) Thrombopénies médicamenteuses immunoallergiques Complexe médicament + glycoprotéine plaquettaire + Anticorps IgG Ou médicament joue le rôle d’haptènes (pénicilline) Thrombopénies infectieuses virales (HIV, HBV, HCV, rubéole, oreillons, rougeole, parvovirus, VZV)
4. Thrombopénie d’origine périphérique Thrombopénies allo-immunes Post transfusionnelles (receveur possède des Ac anti plaquettes (groupe HPA) Thrombopénie néonatales allo-immunes (Ac maternels contre le groupe plaquettaire de l’enfant) Thrombopénies d’étiologies diverses CIVD (Coagulation Intra-Vasculaire Disséminée), bilan de coagulation perturbé Parasitaires : paludisme, toxoplasmose, leishmanioses Grossesse (thrombopénie gestationnelle, HELLP syndrome…)
Thrombopénie centrale** Contexte clinique évocateur CIVD obstétricale ou infectieuse Transfusions massives Hypersplénisme d'origine inconnue Viroses (MNI, rougeole, rubéole.) Maladies auto-immunes (lupus…) Contexte clinique non évocateur Myélogramme Mégacaryocytes normaux ou augmentés Mégacaryocytes diminués, absents ou anormaux Thrombopénie périphérique Thrombopénie centrale** (+/- Durée de vie des plaquettes*) Moëlle riche Moëlle pauvre Troubles de répartition Durée de vie subnormale Séquestration splénique immédiate Excès de destruction Durée de vie diminuée Biopsie médullaire Lignées rouge et/ou blanche anormales Lignées rouge et blanche normales Aplasie Fibrose +/- Envahissement Biopsie médullaire Envahissement médullaire (hémopathies) SMD acquis idiopathiques HYPERSPLENISME Splénomégalie (toute étiologie: SMP, hémopathie lymphoïde, hypertension portale) Carences vitaminiques vit B12, folates Thrombopénie acquise isolée 2aire (toxique) ou idiopathique CONSOMMATION EXCESSIVE CIVD, syndrome de Moschcowitz, syndrome hémolytique et urémique, Prothèse cardiaque, CEC IMMUNOLOGIQUE Virus, immunoallergie médicamenteuse, alloimmunisation (transfusions), autoimmunisation (lupus, syndrome d'Evans, LLC…), Purpura thrombopénique immunologique (PTI) Certaines thrombopénies constitutionnelles Aplasie à moëlle hétérogène *intérêt seulement si thrombopénie chronique ou recherche du siège de destruction des plaquettes
Le Purpura Thrombopénique auto-immun (PTAI) Destruction immunologique par Auto-anticorps PTAI aigu Le plus souvent chez l’enfant ou l’adulte jeune Apparition rapide, brutale, Thrombopénie sévère, isolée Absence de contexte pathologique connu Pas de signes cliniques autres que les manifestations hémorragiques (absence de toxique médicamenteux, pas de fièvre, pas d’organomégalie) PTAI chronique Thombopénie modérée, chez l’adulte, rémissions spontanées rares
Principaux examens biologiques Hémogramme + frottis Thombopénie isolée et sévère (souvent < 30000/mm3) Myélogramme richesse normale avec de nombreux mégacaryocytes Bilan d’hémostase TP, TCA sont normaux en l’absence de CIVD Tests plaquettaires Coombs plaquettaire Technique MAIPA (Monoclonal Antibody Immobilization of platelet Antigens) pour recherche d’Ac anti Glycoprotéine plaquettaire
ASPECT DU MYELOGRAMME DANS LE PTI
Diagnostic différentiel Eliminer fausse thrombopénie!!! Autres étiologies de thrombopénie périphérique Maladies auto-immunes type lupus (prescrire bilan biologique d’auto-immunité) Infections virales (prescrire sérologies virales) Toute thrombopénie périphérique du sujet jeune est due au HIV jusqu’à preuve du contraire!!! Tout contexte vu précédemment notamment ttt à l’héparine!!!
Traitement Transfusion de plaquettes ne sont pas indiquées sauf si accidents hémorragiques Mesures symptomatiques : proscrire intra-musculaire et médicaments interférants avec l’hémostase (AINS, AVK, héparine…). TTT systématique si plaquettes < 30000 ou 50000/mm3 Corticothérapie 1mg/kg/jr de prednisone pendant 3 semaines puis décroissance progressive et arrêt (2 mois) +/- Immunoglobulines IV (0.4g/kg/j) pendant 5 jours
Thrombopénie induite par l’héparine (TIH) TIH de type 1 Mécanisme non immunologique lié à l’effet pro agrégant direct de l’héparine sur les plaquettes. Modérée (plaq > 100000/mm3), d’installation rapide (< 5 jours de ttt) Rémission spontanée, pas de conséquences
Thrombopénie induite par l’héparine (TIH) Apparition 7 à 21 jours après début ttt Thrombopénie importante Développement par le patient d’Ac de type IgG dirigés contre le complexe PF4-héparine (PF4 pour facteur 4 plaquettaire) Complications thrombotiques artérielles et veineuses!! Et non pas hémorragiques!!
Thrombopénie induite par l’héparine (TIH) Diagnostic biologique Difficile, faisceau d’arguments (score de probabilité clinicobiologique) Attention, toute diminution de plus de 40% du chiffre de plaquettes, même sans thrombopénie, chez un patient en cours de ttt pr héparine doit faire discuter le diagnostic
Diagnostic biologique Recherche d’Ac anti-PF4 (technique type ELISA) Support solide recouvert de complexes héparine-PF4 + sérum du patient à tester puis révélation par Ac anti-Ig humaines couplés à une enzyme Techniques d’agrégométrie Plaquettes de donneur + sérum du patient + héparine : mesure de l’agrégation
Traitement Arrêt immédiat de l’héparinothérapie!!! Mise en place d’une coagulation efficace (risque thrombotiques!!) par orgaran (danaparoïde) ou Hirudine Si TIH sur TTT par héparine standard, il n’est pas licite de la remplacer par une HBPM.