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Texte de Charles Zorgbibe

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Présentation au sujet: "Texte de Charles Zorgbibe"— Transcription de la présentation:

1 Texte de Charles Zorgbibe
Reformulations Texte de Charles Zorgbibe

2 Au lendemain de la paix de 1945, les lignes de force du nouveau système bipolaire étaient apparues très vite, comme en témoigne le fameux rapport de George Kennan adressé de Moscou au Département d'Etat en mars 1946 et publié sous la signature de M. X en Juillet 1947, par la revue Foreign Affairs. Rien de tel aujourd'hui: Dix ans après la chute du Mur de Berlin et la guerre du Golfe, les traits fondamentaux du nouveau système international restent flous. Le nouvel ordre mondial actuel est semblable à celui qui s’est mis en place à la fin de la deuxième guerre mondiale Les rapports internationaux d’aujourd’hui ne sont plus polarisés comme ils l’étaient en 1945 La chute du mur de Berlin et la guerre du Golfe ont transformé la tension USA- URSS en tension internationale

3 Toutes les interprétations sont ouvertes, allant du retour à un monde classique d'États nations - du même type que celui "d'avant Sarajevo 1914" - aux prophéties sur un "conflit des civilisations " ou à l'annonce, après le triomphe du modèle démocrate libéral, de la fin des grands affrontements historiques. Personne ne peut prédire quelle forme va prendre la nouvelle configuration mondiale On assiste maintenant à un retour des nationalismes On se trouve dans une période de combats entre idéologies politiques

4 Au-delà de ces modèles théoriques, quelles sont les tendances qui pourraient caractériser le système international de la prochaine décennie ? Plusieurs sont à l'œuvre simultanément. Aucun modèle théorique unique ne correspond à la réalité mondiale actuelle Il faut appliquer plusieurs théories pour trouver celle qui fonctionnera à l’avenir La future organisation mondiale semble reposer sur un mélange de modèles

5 L'utopie de Kant - une communauté universelle des droits de l'homme, communauté "cosmopolitique", présente virtuellement dans les consciences - semble se concrétiser, deux siècles après avoir été pensée par le philosophe de Königsberg. La mise en place des tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la création d'une Cour pénale internationale, la chasse aux anciens dictateurs et la banalisation du discours sur "le droit d'ingérence" montrent que l'esprit du temps est bien à l'établissement d'un "État de droit international", fondé sur des États de droit nationaux et sur l'exclusion des "nations non républicaines", pour reprendre le vocabulaire de Kant. La communauté universelle de Kant semble se réaliser, si on en juge par les institutions juridiques internationales, qui font la promotion d’un état de droit international à base républicaine La communauté universelle de Kant n’est qu’une simple utopie irréaliste car elle se limite à des discours sans réelle mise en application La communauté universelle de Kant, qui vise un système international dirigé par un dictateur, s’oppose à la vision internationale d’institutions qui veulent punir les crimes contre l’humanité

6 Cependant, la mise en œuvre de ce grand projet révèle de nombreuses contradictions. D'une part, le droit d'ingérence est très sélectif : il s'arrête aux portes des membres les plus puissants de la communauté des États. L'application du droit d'autodétermination est souvent incohérente. Pourquoi reconnaître si rapidement l'implosion de l'ex- Yougoslavie et imposer une structure étatique artificielle à la Bosnie, cette Yougoslavie en réduction? D'autre part, les décalages de civilisation sont trop grands d'un continent à l'autre, voire d'une nation à l'autre, pour que la révolution dans les esprits soit la même partout. Le risque est que la nouvelle éthique internationale apparaisse imposée par l'Occident, non sans une certaine arrogance parfois. La révolution kantienne n'aurait alors abouti qu'à un nouveau " cercle des nations civilisées " à la manière du XIX" siècle - une nouvelle démonstration de la bonne conscience occidentale. La réalisation de cette communauté dépend du droit d’ingérence et d’un retour aux valeurs du siècle précédent Il est difficile de mettre ce modèle en application à cause du poids des grandes puissances et de la prédominance de l’approche occidentale Le modèle théorique de Kant possède trop de contradictions pour pouvoir être applicable à tous les pays et à toutes les civilisations

7 Depuis les traités de Westphalie, le monopole de l'État comme unique acteur sur la scène internationale semblait incontesté. Aujourd'hui, il a volé en éclats sous la pression des organisations interétatiques, mais surtout des organisations non gouvernementales et des entreprises multinationales dont on chante la puissance dans ces "palmarès croisés" où se juxtaposent le produit national brut des Etats et le chiffre d'affaires des firmes mondiales. Même pour les "souverainistes" les plus classiques, le rôle central de l'État n'est plus une évidence: le temps n'est plus où les diverses sources de puissance - économique, culturelle, scientifique pouvaient être mises au crédit de la puissance collective étatique. Mais n'exagère-t-on pas le déclin de l'État? Le problème de la légitimité des organisations non gouvernementales va se poser. Si on sait ce que représentent les forces politiques au sein d'un parlement national, comment jauger la représentativité des organisations internationales " de citoyens " qui entendent jouer un rôle croissant dans tant de domaines de la politique mondiale? Quant au couple État / entreprise multinationale, les cartes qui restent dans les mains du plus modeste des États africains restent décisives lorsque s'ouvre le dialogue avec une firme voulant établir une filiale sur son territoire. L’État reste la base de l’organisation internationale car il est légitime, alors que les ONG ou le secteur privé ne sont pas légitimement choisis par le peuple. Les nouvelles relations internationales mettent en jeu d’autres acteurs que les États nationaux (ONG, firmes privées), qui perdent leur monopole Il faut aller plus loin que la vision traditionnelle des États souverains, et accepter que le secteur privé puisse dicter l’avenir des petits États

8 L'intensification des flux migratoires est une autre caractéristique
L'intensification des flux migratoires est une autre caractéristique. Il y a un siècle, une Europe surpeuplée se transportait vers le reste d'un monde souvent vide d'habitants. Ces flux sont aujourd'hui inversés: les nations d'Europe et d'Occident n'assurent plus leur continuité démographique et deviennent les terres promises de peuples du tiers-monde en surnombre dans leurs régions d'origine, fascinés par ce qui subsiste du rêve américain ? ou de l'État providence européen. Des problèmes psychologiques et politiques peuvent surgir. Ainsi, le " modèle républicain " français est particulièrement menacé par ces flux migratoires, plus que d'autres nations dont le principe n'est pas l'assimilation, mais la juxtaposition de communautés séparées. Le mouvement des migrations s’inverse, suite au ralentissement démographique en Europe, et certains pays européens ont des difficultés à accepter les différences culturelles car leur idéologie est l’assimilation. L’internationalisation des échanges créée une immigration massive des pays pauvres vers les pays riches qui vient menacer l’équilibre économique et social des pays de l’Ouest. Les populations des pays pauvres peuvent, grâce à la mondialisation des échanges, immigrer vers des pays qui leur garantissent une vie meilleure dans le respect de leurs communautés d’origine.

9 Le monde actuel est également à la recherche d'une sécurité collective décentralisée. Une fois passé "l'état de grâce" qui accompagna la chute du mur et la guerre du Golfe, l'Organisation des Nations unies a donné de nombreux signes d'essoufflement. Le consensus semble ébranlé entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. L'ONU, dont la structure reflète le monde de 1945, semble impossible à réformer, comme le prouve l'échec des tentatives d'élargissement du cercle des membres permanents. En outre, l'habitude prise de confier la responsabilité d'opérations de maintien de la paix à des "sous-traitants" nationaux - les Etats-Unis en Haïti par la résolution 940 du 31 juillet 1994, la France au Rwanda par la résolution 929 du 22 juin ne pourra pas être prolongée, car elle aboutirait à la reconstitution des "sphères d'influence" traditionnelles. L’ONU doit retrouver les sphères d’influence qui prédominaient avant la chute du mur de Berlin de manière à rétablir la paix mondiale. L’ONU a besoin de se réformer pour répondre au monde d’aujourd’hui, différent de celui de l’après-guerre, et d’une manière qui ne privilégie pas certains pays au détriment d’autres. L’ONU n’a plus les moyens d’assurer la sécurité collective et doit confier les missions militaires de maintient de la paix aux grandes puissances qui font partie des membres permanents.

10 L'avenir est à la montée en puissance des organisations continentales de sécurité collective, comme le montre le rôle croissant de l'OSCE en Europe et de l'OEA en Amérique latine. En Afrique, les forces d'interposition au Libéria et en Sierra Leone sont celles de la Communauté d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), tandis que d'autres organisations sous-régionales jouent les médiatrices: la Communauté d'Afrique australe (SADC) aux Comores et au Congo-Kinshasa, l'Autorité intergouvernementale d'Afrique orientale (JOAD) au Soudan, en Somalie et entre l'Érythrée et l'Éthiopie. Il resterait à imaginer une structure régionale pour l'Extrême Orient asiatique, seule région du monde qui en soit dépourvue et la plus grosse de conflits potentiels. Au total l'espoir, surgi au lendemain des révolutions de 1989, d'une société apaisée grâce au triomphe de "l'idée libérale" était-il une illusion ? En réalité, des conflits avec des puissances secondaires - tels ces "rogue states", ces États délinquants pris pour cible par les stratèges du département d'État - n'affecteraient pas la nature du système international de l'après-guerre froide. Les vraies interrogations portent sur d'autres points. Peut-on être certain du caractère pacifique des États démocratiques, ou commet-on l'erreur de Marx et des marxistes, convaincus du caractère naturellement pacifique des États socialistes? Les États libéraux sont-ils à l'abri d'un retour en force de pulsions nationalistes ou autres? Surtout, à Pékin et à Moscou, l'opinion publique et les dirigeants sont-ils définitivement gagnés à "l'idée occidentale"? Des retours en arrière sont-ils à exclure chez ces deux puissances, ce qui entraînerait la réapparition d'un "ennemi global" ?

11 Le libéralisme est le véritable responsable des guerres et dans le monde, y compris dans des conflits régionaux comme en Afrique ou en Amérique latine. La plus grande menace à l’ordre mondial provient du nationalisme des états délinquants et des états marxistes, qui parviennent à créer des guerres sur tous les continents, malgré les forces d’interposition internationales. Une paix durable peut être atteinte par le rôle local d’organisations régionales. La véritable menace ne provient pas des états délinquants, peu puissants, mais de la possibilité de retour au nationalisme de grandes puissances telles que la Chine et la Russie.

12 Les années , années du " tournant " d'un système international à l'autre, ont été marquées par un rapprochement des sensibilités collectives, par une sorte de réunification de la communauté internationale, après un siècle de guerre civile transnationale. Le temps semblait venu d'obtenir une reconnaissance générale des "interventions humanitaires", d'élargir le droit humanitaire des conflits armés à toute " situation d'urgence ", de légaliser l'action des organisations non gouvernementales de secours et d'affirmer le droit, "pour les populations en détresse, de recevoir une aide internationale "d'urgence, lorsqu'elles ne peuvent être secourues par leurs propres pouvoirs publics. Ce fut l'objet de résolutions de l'Assemblée générale puis du Conseil de sécurité des Nations unies. La résolution du 8 décembre 1988 affirme avec une grande force le principe du libre accès aux victimes, qui ne doit être entravé ni par l'Etat d'accueil ni par les Etats voisins -l'État où se trouve le territoire visé conservant tout de même un rôle prioritaire. Avec la résolution du 14 décembre 1990, l'Assemblée générale " pousse les feux " de l'ingérence humanitaire. Elle renforce le principe du libre acheminement de l'assistance à travers le territoire de l'Etat en proie à un sinistre en créant des "couloirs humanitaires ", inspirés du "droit de passage innocent " dans les eaux territoriales d'un Etat riverain (article 17 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer). Certes, ces résolutions ne sont pas contraignantes. Simples recommandations, elles ne peuvent être assimilées à la création d'un nouveau droit. Les notions mêmes de secours immédiat et d'accès aux victimes ont suscité les réserves de nombreux Etats du tiers-monde.

13 Dans les années 1990 est apparue la notion de droit humanitaire, ratifiée par plusieurs résolutions de l’ONU, et qui va au-delà des États. Même si ces résolutions ne sont pas des lois, elles rencontrent l’opposition de plusieurs pays du Tiers-Monde. Le nouveau système international est gouverné par un ensemble de lois votées par l’ONU et qui imposent aux États des obligations de secours aux populations en situation d’urgence partout dans le monde. Les pays en voie de développement s’opposent à l’idée du nouveau droit international, qui autorise les pays mandatés par l’ONU à faire ingérence dans leurs affaires nationales et qui légalise les ONG.

14 Ceux-ci récusent la notion d'urgence pour mettre l'accent sur une aide efficace au développement qui, seule, permettrait d'éviter ou d'atténuer une situation de détresse. Pourtant, ces deux résolutions ne sont pas restées des coquilles vides. Dès 1988, l'Union soviétique de Gorbatchev, confrontée à un terrible séisme en Arménie, ouvre ses frontières aux sauveteurs, sans visa, pour la première fois de son histoire. La pratique des couloirs humanitaires allait être appliquée, dès juin 1991, pour le ravitaillement des populations du Sud Soudan, par un itinéraire fluvial à travers le Nil bleu et la rivière Sobat, avant d'être développée en Croatie et en Bosnie. Les opposants au droit humanitaire sont responsables des détresses vécues par les populations d’Arménie, du Soudan, de Croatie et de Bosnie. L’application du droit humanitaire international permettra aux pays en voie de développement de mieux répondre aux crises engendrées par les catastrophes naturelles. Ceux qui s’opposent au droit humanitaire d’urgence privilégient l’aide au développement comme outil de prévention des situations de détresse.

15 L'entrée en lice du Conseil de sécurité a modifié la perspective dans laquelle s'inscrivent les préoccupations humanitaires. Organe principal des Nations unies en matière de maintien de la paix, véritable " bras séculier " de l'organisation mondiale en matière de sécurité collective, le Conseil est à même de prendre des décisions obligatoires pour les États membres - ce qu'il fit par la résolution 688 du 5 avril 1991 exigeant du gouvernement de Bagdad "un accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans toutes les parties de l'Irak" ; il s'agissait en l'occurrence des populations kurdes soulevées contre Bagdad. L'ingérence dans les affaires internes était, cette fois, manifeste. Des " relais humanitaires " furent mis en place sur le sol irakien, les routes et pistes de montagne empruntées par les Kurdes furent balisées d'hôpitaux mobiles et d'entrepôts, tandis que des " gardes bleus " de l'Onu étaient déployés. Toutefois, la résolution 688 s'appliquait à un État vaincu. De même la 794, par laquelle le Conseil de sécurité constatait, le 3 décembre 1992, "l'ampleur de la tragédie humanitaire" somalienne, visait un pays sans gouvernement et qui semblait provisoirement privé de sa substance étatique.

16 L’intervention du Conseil de sécurité de l’ONU a officialisé le droit d’ingérence dans les affaires internes des États, autorisant l’intervention militaire dans les pays qui ne respectaient pas le droit humanitaire, comme l’Irak ou la Somalie. Le Conseil de sécurité de l’ONU est capable d’imposer des décisions aux pays membres en ce qui concerne le droit humanitaire international, comme par exemple en Irak ou en Somalie. Cependant il s’agissait d’états en position de faiblesse, et pas de grandes puissances. La création du Conseil de sécurité de l’ONU a entraîné la fin de l’action des ONG humanitaires, remplacées par des missions de l’ONU, qui sont intervenues après la chute de l’Irak et de la Somalie.

17 L'inflation médiatique qui accompagna l'émergence de ce nouveau droit de l'urgence - ou de l'ingérence - humanitaire a suscité nombre de controverses. On est allé jusqu'à sacraliser un droit "annonciateur d'un nouvel état de l'humanité". Jean-Christophe Rufin railla ces intégristes de l'ingérence qui distinguent deux phases dans l'histoire de l'humanité: l'état de jungle, marqué par des démarches humanitaires instinctives symbolisées par Noé, "premier secouriste, organisateur des premiers secours d'urgence", puis l'état de civilisation, le droit de secourir à travers les frontières les victimes de toutes les catastrophes, ainsi que l'émergence d'un idéal de justice internationale contre toutes les tyrannies. Le droit d’ingérence humanitaire a été critiqué parce qu’il a été poussé à l’extrême, sorte de caricature d’une justice universelle. Le droit d’ingérence humanitaire implique un droit sacré de l’humanité à être protégée de toute forme d’abus et d’injustice. Le droit d’ingérence humanitaire symbolise une ère nouvelle de la nouvelle société-monde, état de droit international.

18 La portée de ce droit de l'urgence ou de l'ingérence humanitaire doit en tous cas être circonscrite. D'une part, ce nouveau droit ne modifie pas en profondeur le droit international général. Notre société mondiale est, certes, une société d'interdépendance, voire d'interpénétration, cherchant de plus en plus à élaborer de véritables politiques intérieures de la cité planétaire, à lancer des actions transnationales dans des domaines qui relevaient exclusivement jusque là des différentes souverainetés étatiques. Et les États ont accepté d'être encadrés par une organisation internationale. Depuis le pacte Briand-Kellogg jusqu'à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte de San Francisco, leur droit de recourir à la force a été contenu, puis prohibé. Mais le droit international reste fondamentalement un droit de juxtaposition des souverainetés; il est moins l'expression d'un idéal normatif qu'une technique au service des politiques étrangères, en tant que "code chiffré des relations internationales (Stanley Hoffmann).

19 Le droit d’ingérence humanitaire a entraîné l’interdiction faite aux états d’utiliser la violence dans le règlement des conflits et constitue la base du fonctionnement des relations internationales modernes. Le droit d’ingérence humanitaire doit se situer à l’intérieur du droit international, qui se limite généralement à répéter les droits des états souverains et à fonctionner comme un outil de coopération internationale. Le droit d’ingérence humanitaire correspond à la volonté de construire une société-monde obéissant à des lois internationales indépendantes des états souverains.

20 Au demeurant, l'affirmation d'un droit d'ingérence n'est pas une panacée. Le principe de non-intervention se réclame lui aussi de la morale, internationale, en protégeant les États les plus faibles contre les interventions impériales. Faut-il choisir entre l'alibi des tyrannies et celui des nouveaux impérialismes? Force est de reconnaître qu'entre l'idéal de l'État de droit national, les rapports entre États et le droit cosmopolitique cher à Kant, la conciliation est difficile... Par ailleurs, ce nouveau droit ne doit pas occulter plus d'un siècle de construction d'un droit humanitaire international, formé de strates successives. Le "droit de La Haye" ou droit des conflits armés, régit le comportement des belligérants dans la conduite des opérations militaires. Le "droit de Genève", ou droit humanitaire au sens strict, tend à sauvegarder la population civile ainsi que les militaires hors de combat. On peut même y ajouter le droit coutumier, qui a longtemps contribué à humaniser les guerres civiles. De la "reconnaissance de belligérance" du XIXème siècle (laquelle semble revitalisée aujourd'hui, dès lors que le gouvernement légal de Colombie va jusqu'à attribuer une assise territoriale à l'organisation insurgée avec laquelle il négocie) à l'article 3 des Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977, ce droit très original, d'une grande cohérence, est progressiste dans sa technique. Un organisme privé, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), gère ainsi un véritable service public international. Il exerce dans le concert des États un droit général d'initiative qui lui est reconnu par une série de conventions interétatiques.

21 Le droit d’ingérence vise à protéger les petits pays contre les grandes puissances et à assurer le respect du droit humanitaire, comme le fait le droit international. Fait remarquable, c’est une institution privée qui dirige cette mission publique. Le droit d’ingérence risque de menacer les réalisations du droit international en général car il s’oppose au principe de non-intervention, et par conséquent ne respecte pas la souveraineté des États. Le fait que c’est un organisme privé, le CICR, qui dirige les missions de droit international, risque de diminuer la crédibilité du droit humanitaire après des États souverains.

22 Le nouveau droit de l'urgence humanitaire est certes calqué sur le droit humanitaire des conflits armés. La résolution de l'ONU reconnaît aux organisations non gouvernementales "sans frontières", en cas de conflit armé, des facilités d'accès et d'intervention comparables à celles qu'ont accordées à la Croix-Rouge internationale les Conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 1977 : une " juridisation" bien paradoxale pour des ONG qui, dans un premier temps, refusaient toute filiation avec l'action d'une Croix-Rouge jugée trop respectueuse des souverainetés étatiques, et qui voulaient dynamiser l'action d'urgence sur le terrain, en marge du droit existant. Avec le droit d’urgence humanitaire les ONG sont en conflit avec la Croix-Rouge dont elles refusent de reconnaître l’autorité. Ce nouveau droit humanitaire a pu exister grâce à l’action des ONG, qui ont poussé à sa création en parallèle avec celle de la Croix-Rouge. Ce nouveau droit humanitaire autorise les ONG à intervenir au même titre que la Croix-Rouge, alors que pendant longtemps les ONG ont accusé la Croix-Rouge d’être trop complaisante envers les états.

23 Le développement d'une "diplomatie humanitaire" débordant du champ du droit humanitaire pour entrer dans celui de la sécurité collective a suscité d'autres controverses. On a critiqué une "imbrication militaro humanitaire" - l'enchevêtrement des préoccupations humanitaires et du maintien de la paix - dénoncé une nouvelle langue de bois, le novlangue humanitaire" comme l'aurait dénommé George Orwell dans son 1984, s'il avait pu prévoir cette nouvelle idéologie dominante. Le procès est ouvert. Encore faut-il distinguer deux catégories de prévenus: les organisations non gouvernementales et l'État. La nouvelle diplomatie internationale, qui vise à relier droit humanitaire et maintien de la paix, permet de résoudre la plupart des conflits. Il faut éviter de mélanger les préoccupations humanitaires et la sécurité collective. L’association entre droit humanitaire et paix mondiale est l’idéologie dominante décrite dans l’ouvrage de George Orwell, 1984.

24 L'action des ONG peut irriter, dans la mesure où elle reflète l'idéologie du "village planétaire", avec sa générosité mais aussi son simplisme et sa confusion. La communication devient une obsession, car le témoignage public et l'image brute de la détresse physique doivent susciter l'émotion, seule à même d'arrêter les tentations de génocide. Mais, du coup, toute analyse des conflits dans leur complexité est rejetée: les militants "sans frontières" se veulent des praticiens de l'urgence, leur but est la préservation de la vie biologique. Le monde qu'ils présentent est sans aspérité, jusqu'au jour où il est troublé par des crises et des catastrophes peu expliquées. La démarche est anti-politique, fondée sur une vision très restrictive du rôle de l'État, comme s'il s'agissait de délimiter un champ humanitaire privé et de délégitimer les pouvoirs publics - ceux de leur propre État comme de l'État en crise. Une démarche anti-politique d'autant plus paradoxale que les organisations humanitaires, placées au cœur des conflits de notre temps, deviennent de véritables acteurs internationaux. Cela dit, une nouvelle génération de responsables humanitaires a pris conscience de ces contradictions et entend revenir à la fonction - non négligeable - de vigiles exercées par les militants et organisations "sans frontières".

25 Ceux qui critiquent les ONG refusent la vision d’une société-monde dans laquelle le droit humanitaire protège les populations des excès des états souverains et refuse le jeu de la politique traditionnelle. Les ONG sont souvent critiquées parce qu’elles présentent une vision simpliste des conflits, se limitant à montrer des images choquantes de la souffrance humaine afin de pouvoir agir sans tenir compte des états souverains. Il est nécessaire de surveiller l’action des ONG car certaines dépassent leurs droits et veulent jouer le rôle d’acteurs internationaux, au mépris des droits des états souverains.

26 L'intrusion de l'État protecteur - celui dont ressort l'organisation humanitaire, non celui en situation de détresse - pose de tout autres problèmes. Quelle forme doit prendre son intervention pour être légitime ? Que l'État propose sa coordination opérationnelle, voire son partenariat actif à celles des ONG qui les souhaitent ou les acceptent peut sembler positif. Mais ce "soutien technique de l'action humanitaire" est perverti lorsque l'emprise des pouvoirs publics se fait croissante, que l'action non gouvernementale sert de relais à l'État et que ce dernier devient lui-même " humanitaire", brouillant toutes les identités. Les militants associatifs sont alors assimilés à l'Etat dont ils sont les ressortissants et perdent leur label de neutralité. De fait, l'aide d'urgence a souvent été érigée en enjeu d'État et l'humanitaire est devenu une forme de l'action gouvernementale. Le pouvoir médiatique aidant, le succès dans l'ambiguïté est assuré: la compassion tient lieu de démarche étatique, elle dispense de choix politique à opérer et d'objectifs à définir.

27 Les ONG doivent rester indépendantes de leur pays d’origine, même si celui-ci les soutient moralement et matériellement, sinon elles perdront leur caractère neutre et donc leur crédibilité. Les États doivent soutenir les ONG basées sur leur territoire pour pouvoir jouer un rôle important actif sur la scène internationale. L’association entre ONG et États reflète le nouveau partenariat public/ privé qui caractérise les nouvelles relations internationales.

28 Les Etats, tout comme les organisations de sécurité collective, sont tentés de limiter leur action à l'humanitaire, entretenant ainsi la confusion sur la mission qu'ils s'assignent. Dans les guerres de sécession yougoslaves, la garantie du libre accès des secours aurait pu être la conséquence des missions classiques d'interposition et de maintien - ou d'imposition de la paix. Mais la démarche humanitaire fut mise en premier et la protection des convois d'aide devint une fin en soi. Par la résolution 770 du 14 août 1992, le Conseil de sécurité s'affirmait résolu à "acheminer l'aide humanitaire partout où elle est nécessaire en Bosnie-Herzégovine". L'usage de la force est autorisé, mais limité à la protection de ces seuls convois. Les États, les organisations et les coalitions interétatiques finissent par se piéger eux-mêmes et deviennent les otages d'une "gestuelle humanitaire". Le résultat, lors du conflit du Kosovo, est un mélange des genres contre lequel nous mettait naguère en garde le président du CICR : "Vouloir fusionner ces deux fonctions distinctes, militaire et humanitaire, en une seule et unique démarche dont les États, en se substituant aux organisations humanitaires, assureraient la mise en œuvre [...] ne peut qu'amener l'action humanitaire à une impasse".

29 Les États doivent résister à l’idée d’amalgamer action militaire et action humanitaire, car l’action humanitaire doit rester le privilège des ONG et l’action militaire celui des États. Fusionner action militaire et action humanitaire permet aux États d’assurer la protection des ONG qui interviennent dans les zones de conflit. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a autorisé en 1992 les États à se substituer aux ONG pour assurer l’aide humanitaire sous protection militaire.

30 Comment rompre cette confusion préjudiciable
Comment rompre cette confusion préjudiciable? Les polémiques qui ont accompagné et suivi le conflit du Kosovo -l'Alliance atlantique a-t- elle réagi à une épuration ethnique menée par les Serbes, ou a-t-elle "aggravé, par son intervention, ladite épuration? - sont révélatrices de la défiance que suscitent, dans une partie de l'opinion internationale, les divers alibis humanitaires. La mise en place, auprès du Conseil de sécurité, d'une instance indépendante d'évaluation des situations humanitaires constituerait un progrès sur le chemin de la transparence des opérations de maintien ou d'imposition de la paix et un élément important d'un réseau de diplomatie préventive. La diplomatie préventive permettrait de mettre fin aux interventions humanitaires menées par les États. La fusion humanitaire/ militaire a permis de mettre fin aux opérations de purification ethnique au Kosovo. La création d’un organisme international chargé des dossiers humanitaires permettrait de mettre fin à la confusion entraînée par la fusion humanitaire/ militaire.

31 L'aspiration à une existence étatique est toujours à la source de nombreux conflits internes contemporains. Des experts américains évaluent à quatre cents le nombre des diverses revendications d'autodétermination exprimées aujourd'hui dans le monde. Dans ce contexte, on pourrait souhaiter la création d'une juridiction internationale d'un nouveau type, devant laquelle peuples ou minorités pourraient plaider pour leur droit à l'autodétermination ou porter plainte pour violation de leurs droits à l'autonomie. Le droit pourrait être dit avant tout recours à la force. Pour les juristes classiques du XIX" siècle, la "protection d'humanité" était la seule intervention armée licite. Elle se fondait sur une "lésion de la société humaine", dès lors que l'une des parties à un conflit enfreignait les principes élémentaires du droit international et les droits humains fondamentaux. Un État pouvait ainsi être contraint d'intervenir à l'étranger pour protéger la vie de ses nationaux, lorsque les réclamations diplomatiques restaient sans effet. La doctrine classique étend ce droit d'intervention à la protection des "droits de l'humanité", par exemple aux ressortissants de l'État qui s'effondre dans une guerre civile. Encore faut-il que la situation soit assez tranchée pour ne pas laisser place au doute.

32 La création d’une instance juridique internationale chargée de recevoir les revendications d’autonomie permettrait d’éviter les conflits armés visant à établir cette autonomie. Traditionnellement le droit n’autorise l’intervention armée que dans le cas d’infraction du droit fondamental. Un très grand nombre de conflits armés actuels est dû au fait que des peuples veulent affirmer leur droit de devenir des États indépendants. Le droit actuel autorise le recours aux armes uniquement dans cette situation. Le droit classique autorise l’intervention armée pour permettre aux États d’empêcher certaines minorités sur leur territoire de faire valoir leur droit à l’indépendance, dans le but d’éviter les guerres civiles et l’effondrement des États.

33 La protection d'humanité a souvent servi d'alibi aux politiques de puissance. Elle a facilité, au XIXe siècle, les expansions coloniales. Il n'en reste pas moins que de telles situations se multiplient dans le monde de l'Après-guerre froide, particulièrement en Afrique, de la Somalie au Libéria et à la Sierra Leone. Comment s'en tenir à la règle traditionnelle du consentement de l'État directement concerné lorsqu'il n'existe plus, que son appareil s'est effondré et que la sécurité des personnes vivant sur son territoire n'est plus assurée? Après l'évaluation de l'instance indépendante, la qualification de "protection d'humanité" par le Conseil de Sécurité donnerait sa solennité à l'intervention de la communauté internationale. Il faut laisser aux États le pouvoir de protéger militairement leurs populations afin d’éviter les guerres civiles et l’instabilité politique sur le plan international. Il faut se méfier de l’utilisation de la protection humanitaire par les États, qui peuvent s’en servir pour justifier le colonialisme ou l’impérialisme. La création d’une instance internationale permettrait d’éviter cet abus. Il faut laisser le Conseil de sécurité de l’ONU gérer les missions humanitaires et laisser les grandes puissances gérer les interventions militaires.


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