Sociologie des sciences IEP Toulouse 2ème année Vincent SIMOULIN
PARTIE 2 : Les pratiques scientifiques Un programme mertonien qui ne désenchante pas la science … … mais qui innove en se penchant sur les pratiques des chercheurs, sur le fonctionnement de la science … … et contribuera ainsi à sa propre réfutation et à son dépassement.
PARTIE 2 : Les pratiques scientifiques IL’organisation de la recherche. A) Petite histoire de l’organisation des sciences et disciplines. B) Formation et recrutement des chercheurs C) Différences et similitudes entre les disciplines.
Petite histoire de l’organisation des sciences Yves GINGRAS, Peter KEATING, Camille LIMOGES. Du scribe au savant. Les porteurs du savoir de l’Antiquité à la révolution industrielle. Paris : PUF, 2000.
Histoire de l’organisation des sciences Mésopotamie, Égypte : Le temps des scribes. Antiquité grecque :Le temps des philosophes. Moyen-âge : Le temps des clercs et l’imprimerie. XVII-XVIIIème Le temps des amateurs. Fin du XIXème : Le temps des universités (Humboldt) XXème : Le temps de la « Big Science »
Le temps des scribes av J. C. (M) et – 3100 av J. C. (E) L’invention de l’écriture De grandes et efficaces bureaucraties Des préoccupations pratiques Le refus de l’abstraction et de la polémique L’opposition intellectuel/manuel
Le « miracle grec » Le temps des philosophes De à av J. C. De petites cités indépendantes sans bureaucratie É limination des dieux comme explications Le goût nouveau de la rhétorique et des débats La pensée critique Une compétition entre les débattants Le début des expérimentations Une pensée abstraite et désintéressée
Le temps des clercs Naissance des universités (vers 1200) pour former à la théologie, la médecine et le droit Formation d’une élite intellectuelle qui conserve un savoir théorique et antique L’invention du « commentaire » de texte Un faible intérêt pour les avancées et les fins pratiques Invention de l’imprimerie (1440)
Le temps des amateurs Une difficile conquête de l’autonomie par rapport à la religion et au pouvoir politique Fondation de sociétés savantes, de revues et d’académies scientifiques Développement de nouveaux instruments Recours aux hypothèses, à l’expérimentation et aux mathématiques
Le temps des universités Fin du XIXème siècle Apparition d’une distinction entre science et technologie, entre science fondamentale et science appliquée Différences entre disciplines et spécialités encore peu perceptibles Les laboratoires commencent à s’organiser tout de même
Le temps de la « Big Science » Une organisation nationale de la recherche Le coût croissant des équipements pousse à des coopérations internationales La communauté scientifique se différencie et se divise en communautés et en spécialités Les publications et les revues se multiplient
B) Formation et recrutement des chercheurs Norman STORER. The Social System of Science, 1966.
La description d’une profession scientifique qui organise son autonomie 1) un système de récompenses spécifique qui assure la motivation des membres de la communauté scientifique. 2) le contrôle de la transmission, le maintien et l’extension du stock de connaissances et des procédures de validation des méthodes de formation légitimes et efficaces. 3) obtenir de la société le financement de leur système de formation en échange des progrès que leurs recherches permettent.
La science comme profession Un espace : - homogène (âge comme seule différence) - égalitaire (peu de différenciation) - démocratique (chacun participe à sa régulation) - libéral (espace protégé des interventions extérieures)
La carrière du scientifique R. K. Merton, Harriet Zuckerman. “ Age, aging and age structure in science ”, 1972
Les 4 rôles sociaux du scientifique 1) Le rôle de “ chercheur ” : développement de la connaissance scientifique. 2) Le rôle de l’ ”enseignant ” : formation et socialisation des jeunes. 3) Le rôle de l’ ”administrateur ” : rédaction des rapports, direction d’un laboratoire, recherche de partenaires et de financeurs, participation à des commissions d’évaluation, etc. 4) Le rôle de “ régulateur ” (gate-keeper) : évaluation des travaux d’autrui.
Les étapes d’une carrière scientifique Les plus jeunes doivent privilégier le rôle du chercheur Vient ensuite celui de l’administrateur Le chercheur développera enfin ceux de l’enseignant et du régulateur Le fait d’accéder jeune à des rôles sociaux différenciés est le signe d’une carrière scientifique réussie.
C) Différences et similitudes entre les disciplines. Une forte influence des disciplines (Shinn) et/ou De fortes différences organisationnelles à l’intérieur même des disciplines (Lemaine, Lécuyer, Gomis et Barthélémy )
La thèse de l’influence disciplinaire sur l’organisation Terry Shinn. “ Division du savoir et spécificité organisationnelle ”, Revue française de sociologie, 1980, XXI, p 3-35
Les laboratoires en chimie, physique et informatique Des laboratoires des années 1970 dans trois disciplines différentes : chimie, physique et informatique Aucune variable non scientifique n’a d’effet significatif sur l’organisation adoptée par les laboratoires Un modèle organisationnel par discipline
Le modèle “ mécanique ” L’autorité est centralisée Les échelons hiérarchiques sont nombreux La structure de communication est rigide et formelle (réunions officielles et notes de travail) Le travail est prédéterminé et il y a une réelle coupure entre conception et exécution Les contacts sont rares aussi bien au sein du laboratoire qu’avec les autres laboratoires La mobilité professionnelle est très limitée. Ce modèle se rencontre surtout en chimie.
Le modèle “ de structures perméables ” L’autorité est décentralisée et diffuse La hiérarchie est surtout symbolique Les communications sont libres et multiples La division du travail est variable selon les projets Beaucoup de projets en collaboration avec l’extérieur du laboratoire L’évolution de carrière est possible Ce modèle se rencontre surtout en informatique.
Le modèle “ organique ” L’autorité est à la fois centrale et collégiale La hiérarchie est souple tout en comportant un grand nombre d’échelons Les communications sont formelles mais sont complétées par des sous-réseaux informels La division du travail est stable mais permet des écarts (pratiques codifiées mais négociables) La mobilité est importante aux niveaux supérieurs mais réduite au niveau des techniciens. Le directeur gère les relations extérieures. Ce modèle se rencontre surtout en physique.
L’influence de la nature de la réflexion disciplinaire En chimie, le travail est hypothético-déductif et accumule des expériences répétées. En informatique, le travail est presque entièrement théorique et correspond à la formulation de modèles conceptuels et mathématiques. En physique, le travail est en partie hypothético-déductif, en partie conceptuel. Les instruments sont perfectionnés et complexes.
L’influence du processus de socialisation - En chimie, seuls les chercheurs venant des grandes écoles sont supposés capables de diriger un laboratoire et ils reçoivent une formation essentiellement magistrale. - En informatique, les chercheurs viennent en majorité des universités où l’enseignement était davantage basé sur du travail en laboratoire et des discussions par petits groupes. - En physique, chaque laboratoire doit intégrer de multiples spécialités. Les formations étant différentes, des sous-réseaux se constituent en fonction de l’origine scolaire.
La thèse des stratégies de recherche Gérard Lemaine, Bernard-Pierre Lécuyer, Alain Gomis et Claude Barthélémy. Les voies du succès. Paris, GERS, 1973
L’absence de modèle organisationnel 6 laboratoires de physique et 6 laboratoires de chimie une grande diversité d’organisations dans chaque discipline le type d’organisation n’apparaît pas lié à la qualité de l’unité