Les fonds de cartes historiques Un exemple de circulation des savoirs et des méthodes entre l’Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas autour de 1900
Plan Contexte scientifique: - Le défi allemand: Germania docet? - Les rapports entre l’histoire et la géographie; histoire de la civilisation (Kulturgeschichte) et histoire régionale (Landeskunde) Les fonds de cartes historiques : - une entreprise collective tournée vers la collaboration internationale -un projet avant tout scientifique -un succès ou un échec ?
Introduction « On s’est donc aperçu, le jour où l’on n’avait plus simplement en vue l’étude des événements politiques, qu’il fallait un autre genre de cartes. Ceux, par exemple, qui s’occupent de déterminer les régions d’un pays dans lesquelles se sont établies des populations diverses, qui s’efforcent de suivre sur la carte une frontière linguistique dans ses différents développements, qui veulent y tracer des divisions économiques, y rechercher les formes diverses de la colonisation du sol ou de la propriété, les régions particulières de droit de coutumes, de dialectes, que préoccupent, par exemple, l’histoire des voies de communications, des divisions des marchés vers l’époque où les villes ont apparu, etc., ceux-là ne peuvent plus se servir de ces atlas sommaires » (Henri Pirenne, « À propos d’une entreprise récente de cartographie historique », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Gand, 7e année, n° 3, 1899, p. 3).
Le défi allemand: Germania docet? « Nul pays n’a plus contribué que l’Allemagne à donner aux études historiques ce caractère de rigueur scientifique » (Gabriel Monod, « Du progrès des études historiques en France depuis le XVIe siècle », Revue Historique, n°1, 1876, p. 29). Les fonds de cartes selon le système de Thudichum: nécessité interne, mais aussi défi externe: « Karten im Massstab 1 : , wie sie Frankreich und Italien längst besitzen, sind für Deutschland bis jetzt nicht vorhanden » (F. W. von Thudichum, Historisch- statistische Grundkarten. Denkschrift, Tübingen, H. Laupp’schen Buchhandlung, 1892, p. 11).
Histoire et géographie Les fonds de cartes: la géographie comme auxiliaire de l’histoire? Leipzig comme centre de la recherche en histoire régionale (Landeskunde), en histoire de la civilisation (Kulturgeschichte) et en cartographie historique (Grundkartenforschung): Seminar für Landesgeschichte und Siedelungskunde (1901), Centralstelle für die Grundkartenforschung am Historisch- geographischen Seminar (1900) Protagonistes: Karl Lamprecht ( ) et Rudolf Kötzschke ( )
Une entreprise collective Décision de la Konferenz von Vertretern landesgeschichtlicher Publikationsinstitute: les Grundkarten sont « als der allgemeinen für historisch-statistischen Forschungen unentbehrlichen Grundlagen in jeder Weise zu fördern » (« Ergebnisse der Beratung der dritten Konferenz von Vertretern landesgeschichtlicher Publikationsinstitute in Nürnberg » in Bericht über die fünfte Versammlung deutscher Historiker in Nürnberg vom April 1898, Leipzig, 1898, p. 59).
Une entreprise internationale Association des pays voisins à cette entreprise est la tâche de Lamprecht, mais aussi celle de Kötzschke! Pirenne comme intermédiaire entre la France et l’Allemagne: « Da wird es nun eine wesentliche Unterstützung meines Gesuches, wollen Sie zu gleicher Zeit, sei es an Monod, sei es an sonst jemanden, von dem Sie glauben, dass er Sinn für diese Sache und Einfluss hat, mitteilen, dass die belgischen Grundkarten beschlossen seien und dass es mindestens wünschenswert sei, in diejenigen Karten, welche von Belgien nach Frankreich überschießen, auch die jenseits der belgischen Grenze liegenden französischen Gemeindegrenzen aufzunehmen. Ich hoffe, dass eine solche demonstratio ad hominem mein generelles Gesuch wirkungsvoll unterstützen wird » (lettre de Lamprecht à Pirenne, 16 mars 1899).
Le principe des fonds de cartes Nom d’historische Grundkarten, car consignation de données historiques sur l’histoire politique, agraire, économique, culturelle et religieuse Carte topographique d’un pays ou d’une région à grande échelle (1: ) contenant les cours d’eau, les noms de lieux et les limites communales Cartes-canevas vendues à très bon marché pour l’usage des historiens, des archivistes et des érudits Copie des fonds de cartes et des cartes historiques à la Zentrastelle de Leipzig Réalisation de ces fonds de cartes à partir d’un travail historico-topographique afin d’en garantir la fiabilité Base pour des cartes historiques détaillées (en vue d’une histoire comparative dans le temps et dans l’espace)
Ceci n’est pas une historische Grundkarte ….
Un projet avant tout scientifique « Die Grundkarten sollen ermöglichen, Ergebnisse gelehrter Forschungen auf dem Gebiet der Geschichte, Rechtsgeschichte, Altertumskunde, Topographie, Naturkunde, Statistik, usw., mit Feder und Farben einzutragen, und sie auf diese Weise klar und übersichtlich zur Anschauung zu bringen, wie dies in den Naturwissenschaften längst mit größtem Erfolge geschieht » (F. W. von Thudichum, Historisch-statistische Grundkarten. Denkschrift, Tübingen, H. Laupp’schen Buchhandlung, 1892, p. 4-5).
un projet avant tout scientifique « (…) indem für immer größere Teile Deutschlands, ja Mitteleuropas in den historisch-statistischen Grundkarten ein eigenartiges Mittel geschaffen wird, von dem zu erhoffen ist, dass es die Möglichkeit bisher unerreichter Genauigkeit in der räumlichen Darstellung historischer Probleme gewährt » (Kötzschke, « Die Technik der Grundkarteneinzeichnung », Deutsche Geschichtsblätter, 1, 1900, p. 114). Le but de ces fonds de cartes est l’établissement d’atlas historiques, « die allen Ansprüchen der Wissenschaft an Kritik und Genauigkeit genügen (…) » (ibid.).
Les fonds de cartes selon le système de Thudichum: un succès ou un échec ? Allemagne et Autriche: Verein zur Herausgabe eines historischen Atlasses von Bayern (1906), atlas historique de la Basse-Saxe sous l’égide de la Commission d’histoire de Basse-Saxe; Historisches Atlas des österreichischen Alpenländer: accueil mitigé; critique de l’usage des limites des communes Belgique: rapport enthousiaste de Pirenne à la Commission royale d’Histoire (1898): quelles suites? Pays-Bas: la Commissie voor de historisch-statistische kaarten in Nederland (1900) et le Geschiedkundige Atlas van Nederland ( ): le meilleur élève? France: réactions de Lucien Gallois dans la Revue historique et les Annales de géographie: critique du manque de relief, point de vue de géographe?
Conclusion Entreprise de fonds de cartes: stimulation à la réflexion méthodologique et à la confection d’atlas historiques selon les principes d’une histoire scientifique plus que réussite concrète Illustration de la circulation d’idées et de la collaboration à plusieurs niveaux : local, régional, national et international Lien entre archivistes, historiens, géographes et entre les sociétés savantes et la recherche historique à l’université Réception variable selon les pays: cas de transfert culturel Inscrire le « temps dans l’espace »: initiation de l’historien à la géographie historique