Hervé Stecq et Martin Simard La mobilisation d’acteurs et le développement régional : le cas de la stratégie MigrAction Hervé Stecq et Martin Simard

Plan de présentation Quelques faits et chiffres sur la migration des jeunes Les principaux résultats de recherche sur la migration des jeunes Une recherche sur le leadership et la mobilisation d’acteurs La mobilisation d’acteurs liée à la stratégie MigrAction

1. Quelques faits et chiffres sur la migration des jeunes

1.1 Une population veillissante Les groupes « jeunes» sont en diminution relative depuis 30 ans. L’âge moyen est en hausse constante et il dépasse maintenant le seuil des 40 ans Les personnes centenaires sont également en augmentation, principalement chez les femmes Source : http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/referenc/pdf2013/qcm2013_fr.pdf

1.2 Une génération moins nombreuse Source : http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/referenc/pdf2013/qcm2013_fr.pdf

1.3 Un mouvement migratoire centripète Leblanc, P., Girard, C., Côté, S. et Potvin, D. (2003) « La migration des jeunes et le développement régional dans le croissant péri-nordique du Québec », Recherches sociographiques, vol. 44, n° 1, p. 35-55.

1.4 Les effets de migration des jeunes La présence des jeunes est un élément important pour : Le marché résidentiel et la consommation La créativité et le dynamisme socioéconomique du milieu La croissance future de la population LE SOLEIL, C. Thibeault (10-11-02)

1.5 Régions gagnantes, régions perdantes   1996 2011 variation Pop totale 1 Bas-Saint-Laurent 208 695 199 225 -4,5 2 Saguenay–Lac-Saint-Jean 290 182 271 305 -6,5 3 Capitale-Nationale 643 377 700 766 8,9 4 Mauricie 264 581 261 927 -1,0 5 Estrie 282 671 312 858 10,7 6 Montréal 1 797 912 1 969 707 9,6 7 Outaouais 311 733 368 459 18,2 8 Abitibi-Témiscamingue 155 901 145 642 -6,6 9 Côte-Nord 104 643 95 215 -9,0 10 Nord-du-Québec 39 050 42 400 8,6 11 Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 106 404 92 452 -13,1 12 Chaudière-Appalaches 385 705 404 931 5,0 13 Laval 334 918 404 094 20,7 14 Lanaudière 380 827 469 143 23,2 15 Laurentides 439 611 554 013 26,0 16 Montérégie 1 282 798 1 453 053 13,3 17 Centre-du-Québec 217 889 232 799 6,8 Total 7246897 7977989 6,5 Source : Institut de la statistique du Québec

2. Les principaux résultats des recherches sur la migration des jeunes

2.1 Enquêtes statistiques et sondages Il y a eu 2 grandes enquêtes sur la migration des jeunes en 1999 et 2005 du GRMJ Diverses études à méthodologie qualitative Des bilans statistiques sur les migrations

2.2 Un regard sous l’angle culturaliste La migration prend l’allure d’un rituel ou d’un rite de passage chez de nombreux jeunes. Il s’agit d’être mobile pour aller «vivre sa vie». Les programmes d’études exclusifs aux grands centres deviennent souvent un prétexte pour quitter la maison familiale autour de la vingtaine. Toutefois, il ne faut pas interpreter cela comme un rejet de la region d’origine où comme l’absence de sentiment d’appartenance Garneau, S. (2003) «La mobilité géographique des jeunes au Québec : la signification du territoire», Recherches sociographiques, Vol. 44, no.1, p. 93-112 Gaudreault, M., Perron, M.. et Veillette, S. (2002) «La migration régionale : mieux comprendre le désir d’enracinement des élèves du secondaire au Saguenay–Lac-Saint-Jean», Cahiers québécois de démographie, Vol. 31, no. 1, p. 123-150 Côté, S., Gauthier, M., Molgat, M. et Deschenaux, F. (2003) « Pourquoi partent-ils ? Les motifs de migration des jeunes régionaux », Recherches sociographiques, vol. 44, no 1, p. 113-139

2.3 Un regard sous l’angle culturaliste (suite) Québec l’idéale, Montréal l’insoutenable « Québec, c'est quand même une grosse ville mais c'est moins pire qu'à Montréal. Quand tu y vas, c'est l'fun, les gens sont gentils tandis qu'à Montréal, tu te promènes et bang, quelqu'un te rentre dedans  » (ID19PAR359). « Je suis un gars qui aime être dehors pis avoir de la place pour bouger. À Québec, c’est moins pire qu’à Montréal. Y’a le parc des Laurentides qui est à la portée de la main, sinon il y a le mont Saint-Anne ...  » (ID15PAR363). Québec Fortin, V. et Simard, M. (2009) « Québec l’idéale, Montréal l’insoutenable. Les représentations de la ville chez les jeunes », Organisations et territoires, vol. 18, no.2, p.39-47. Montréal

2.4 Le contre-phénomène des retours Plusieurs jeunes effectue un retour dans leur région d’origine après un séjour plus ou moins long dans une grande agglomération afin «d’élever les enfants» ou pour «trouver un environnement calme» Potvin, D. (2006). « Les jeunes adultes migrants de retour, un potentiel pour le développement de leur région d’origine », thèse de doctorat, Université du Québec à Rimouski. Résumé en ligne : http://www.irec.net/index.jsp?p=28&f=426. Saguenay

2.5 Et les politiques publiques ? Peu d’études portent sur les politiques ou strategies des organismes publiques. Au-delà de la politique jeunesse du gouvernement Québécois, il s’agit souvent de mesures ponctuelles (promotion de la vie en milieu «non-métropolitain», exemptions de taxes, etc.)

Une recherche sur le leadership et la mobilisation d’acteurs

3.1 Fondements théoriques : le leadership, à la jonction de l’individuel et du collectif La mobilisation peut être vue comme une conciliation de stratégies personnelles conduisant à des actions collectives autour de problématiques de développement régional, ce qui requiert l’intervention d’un agent conciliateur (Robitaille, 2006). PAGES 70-72 Selon l’approche méso-actionnelle, la mobilisation pour l’action collective serait le résultat d’interactions entre individus. En effet, les interactions entre acteurs seraient structurantes en cela qu’elles prennent la forme de réseaux sociaux (Degenne et Forsé, 1994). La mobilisation serait l’activation d’un réseau latent alors constitué dans le but de réaliser des actions collectives (Lemieux, 1999).

3.2 Fondements théoriques : le rôle déclencheur de l’acteur individuel Selon la théorie du leader, le pouvoir d’influence d’un acteur lui proviendrait soit de son savoir-être, soit de son savoir-faire. D’une part, le savoir-être reposerait sur sa personnalité. Certains acteurs auraient une influence de par leurs caractéristiques physiques (taille, allure), intellectuelles (intelligence, QI) et morales (volonté, persévérance) (Landry, 2007). PAGES 70-72 D’autre part, l’acteur influencerait par ses actes, son savoir-faire. Il serait reconnu pour ses compétences à la fois approfondies et variées. Il ferait preuve d’une volonté d’engagement envers et contre tous, pour mener à bien des objectifs communs. Enfin, il aurait une vision, à savoir une « manière de concevoir un futur possible […] un idéal à atteindre, défini comme un but visé » (Luc, 2004 : 120). Il est pour cela un modèle à suivre.

3.3 Objectifs de recherche Partant de l’idée que le développement régional est généralement le résultat d’une dynamique d’acteurs territorialisés, notre recherche visait à comprendre les mécanismes d’activation de cette dynamique. Le but précis de la recherche était de démontrer qu’une mobilisation se manifeste à travers le leadership de certains acteurs individuels avant de prendre un élan collectif.

3.4 Méthodologie de recherche Nous avons procédé à l’aide d’entrevues semi-dirigées d’acteurs régionaux et d’une revue de la presse locale et régionale. Ces documents discursifs ont fait l’objet d’une analyse de contenu par l’intermédiaire du logiciel NVivo.

3.5 Étude de cas : MigrAction Le cas étudié est significatif car illustre le foisonnement de collaborations locales ou régionales, ayant le développement régional comme thème d’action. L’une d’elles, la Stratégie MigrAction, a été observée comme un cas exemplaire mettant en évidence un phénomène de mobilisation d’un réseau d’organisations autour de la migration des jeunes Ce cas rejoint les critères de Yin (2003 : 160-162) : exemplarité, complétude et circonscrit dans le temps et dans l’espace PAGES 139-140

3.6 Étude de cas : MigrAction (suite) De manière pratique, la stratégie MigrAction est une démarche collective initiée et gérée par le forum jeunesse régional du SLSJ (RAJ02). L’idée a germé dans des rassemblements en 2001 et 2002 et celle-ci a pris la forme d’une entente spécifique de régionalisation en 2004. Agissant sur plusieurs fronts, la stratégie a mobilisé un nombre grandissant d’acteurs dans la décennie suivante et celle-ci est reconnue comme étant particulièrement dynamique

3.7 Étude de cas : MigrAction (suite) 5 cibles d’intervention Image positive de la région Mesures incitatives à l’établissement Insertion socioprofessionnelle Culture entrepreneuriale Implication sociale des jeunes Organisme porteur RAJ-02 coordonne la SM CA (19 membres) définit les principaux axes d’intervention Équipe terrain Équipe « migrActive » : 14 agents (migration, mobilisation, participation)

4. La mobilisation d’acteurs liée à la stratégie MigrAction

4.1 Les caractéristiques du leadership individuel   Caractéristiques des leaders (compétences, personnalité, pensée) Aspects opératoires (comportemental) : Sentiment efficacité personnelle ; Efforts d’amélioration continue ; Tâches/Rôles. Aspects affectifs, émotionnels (psychologique) : Engagement dans le travail ; Motivation ; Valeurs/Vision. Définitions : « […] acte d’influence, volontairement accepté par les membres du groupe, qui oriente un groupe vers ses buts reconnus et qui maintient le groupe comme groupe. » (Barker et al., 1987 : 153) Leadership local (régional) : « processus d’influence partagé entre un ou des leaders et une communauté, à une époque et dans un contexte donné. » (Prévost, 1996 : 6)

4.2 Une diversité de leaders dans le temps Confiance Détermination Performance sociale Expertise Intelligence sociale Pierre Foi et confiance en la SM Capacité de persuasion Convaincant Gestion des ressources humaines et négociation de financement Ouverture d’esprit, partage de ses points de vue Irène Par motivation intrinsèque à l’accomplissement Communiquer sa motivation intrinsèque Sonia Foi en ses compétences personnelles Jeanne Par motivation intrinsèque à la connaissance

4.3 Des leaders adaptés aux phases de mobilisation Type de mobilisation dominant Leaders 1. Déclenchement et diagnostic (2001) Pierre + Irène 2. Mobilisation initiale (2002-2003) Concertations et partenariats régionaux 3. Vision commune et planification actions collectives (15 sept. 2003-25 juin 2004) Partenariats régionaux 4. Opérationnalisation 1ère entente spécifique (juin 2004-juin 2007) Collaborations et partenariats locaux Pierre + Irène + Sonia 5. Évaluation et négociations de renouvellement (25 juin 2007-14 juillet 2008) Collaboration et partenariats locaux Irène + Sonia 6. Opérationnalisation 2ème entente spécifique (juillet 2008-juin 2011) Partenariats régionaux et collaborations et partenariats locaux Irène + Jeanne

4.4 Des leaders en relais à l’intérieur de réseaux Plus les acteurs sont leaders, plus sont en relais dans leurs réseaux Ces réseaux d’acteurs sont aussi des réseaux organisationnels Sonia Pierre Jeanne Irène

4.5 Des réseaux d’acteurs en constante mobilisation Acteurs entente de 2004 : 7/11 Acteurs en + entente de 2008 : 22/29 ___ Réseau de coopération du RAJ-02 (2001-2004) ___ Réseau de coopération du CJE Roberval (2001-2004) ___ Réseau de coopération du CJE La Bivoie (2001-2004) ___ Réseau de coopération du CJE Saguenay (2001-2004)

4.6 Des réseaux d’acteurs en constante structuration Plusieurs membres du réseau ne sont pas des participants de la Stratégie MigrAction Une diversification du réseau (entreprises, organismes communautaires, etc.) Agrandissement du réseau : menace ou opportunité ?

4.7 Des résultats sur le terrain

Conclusions Les étapes de la mobilisation semblent influencer la structuration des réseaux d’acteurs. Les réseaux régionaux seraient principalement activés dans les premières phases de la mobilisation, lors du diagnostic et de la mobilisation initiale. Inversement, les réseaux locaux seraient davantage activés au cours des phases d’opérationnalisation et de mise en œuvre (p.446) En ce qui concerne les formes de leadership, le leadership individuel aurait été alimenté par trois sources : la confiance en soi, la détermination et la connaissance du milieu. Pour sa part, le leadership interpersonnels s’est révélé à travers des relations de mentorat, de coaching, de passation, de défi, de modèle ou d’antimodèle. Finalement, le leadership de type holistique s’est illustré par l’appropriation collective des objectifs d’amélioration du bilan migratoire, des efforts coordonnés pour atteindre un bilan positif ainsi que par l’identification des membres du groupe aux valeurs contenues dans la Stratégie MigrAction.

Fin

LA MOBILISATION D’ACTEURS ET LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL : LE CAS DE LA STRATÉGIE MIGRACTION Le phénomène de la migration des jeunes affecte les espaces ruraux et les villes petites et moyennes depuis plusieurs décennies au Québec. Avec la baisse de la natalité, cette forme de migration est devenue plus visible dans les années 1990 et elle a suscité une mobilisation des acteurs du milieu dans plusieurs régions périphériques. La mobilisation a été particulièrement forte dans la région du Saguenay−Lac-Saint-Jean. Le regroupement Action-jeunesse y a orchestré l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie MigrAction, une politique publique originale conçue localement qui a nécessité la coordination d’un grand nombre d’acteurs sur plus d’une décennie.   Partant de l’idée que le développement régional est généralement le résultat d’une dynamique d’acteurs territorialisés, notre recherche visait à comprendre les mécanismes d’activation de cette dynamique. Le but précis de la recherche était de démontrer que des influences mobilisatrices se manifestent à travers les interactions qui se produisent à l’intérieur d’un réseau d’acteurs. Nous nous sommes particulièrement intéressés à deux types d’influence : le leadership et le discours. Sur le plan méthodologique, nous avons procédé à l’aide d’entrevues semi-dirigées d’acteurs régionaux et d’une revue de la presse locale et régionale. Ces documents discursifs ont fait l’objet d’une analyse de contenu par l’intermédiaire du logiciel NVivo. La recherche a illustré le fait que la combinaison de modes de leadership (individuel et holistique) était propice à la mobilisation au sein d’un réseau d’acteurs. À nos yeux, cela valide plus largement l’existence d’une articulation entre l’acteur-individu et l’acteur collectif, au cours de l’action collective. La démarche a également relevé de nombreux autres facteurs entrant en ligne de compte dans le processus de mobilisation. Ces facteurs sont de natures fonctionnelle, culturelle, émotionnelle ou rationnelle. En perspectives, l’étude pourrait ouvrir ouvre la voie à de futures recherches ayant trait aux mécanismes de mobilisation d’acteurs du développement régional. Enfin, des organismes intervenant sur le terrain dans le champ du développement devraient y trouver matière à réflexion.