Concentré protéique déshydraté de luzerne (EFL) Un complément alimentaire pour l’Homme ? Pr Eric Bertin CHU de Reims
Malnutrition dans le monde 800 millions de personnes (dénutrition protéino-énergétique) 39 millions entre les périodes 1990-1992 et 1997-1999 augmentation de la prévalence dans 23 des pays étudiés (lien avec conflits et catastrophes naturelles / changements climatiques / croissance démographique)
11 millions d’enfants/an meurent de dénutrition et de maladies opportunistes 17% des enfants ont un faible poids de naissance (jusque 50% dans certains pays)
Retentissement global de la malnutrition susceptibilité aux maladies (infectieuses) efficacité des vaccinations obésité, diabète et pathologies cardiovasculaires chez l’adulte apprentissages développement économique migrations de population / conflits ethniques désordres écologiques
La malnutrition favorise les maladies / handicaps et la mortalité via 4 carences majeures carence en protéines : défenses immunitaires (risque infectieux) retard de croissance intra-utérin ; lactation (altérations développementales définitives: cerveau / pancréas / rein) kwashiorkor … carence en vitamine A : cécité perméabilité des muqueuses (diarrhée ; infections respiratoires) carence en fer : anémie des capacités intellectuelles et motrices (enfant) carence en iode : goitre développement cérébral
Carence en vitamine A prévalence : 250 millions d’enfants d’âge préscolaire cécité : 500 000 enfants / an diarrhée : décès de 4 millions d’enfants < 5 ans / an supplémentation : 23% de la mortalité chez enfant
Carence en fer prévalence : > 2 milliards de personnes anémie : 500 millions d’enfants (40% des enfants < 5 ans) 50% des femmes enceintes supplémentation : 20% de la mortalité maternelle
Carence en iode prévalence : 740 millions de personnes crétinisme : 16 millions retard mental : 50 millions supplémentation du sel : 70% du sel utilisé dans le monde est iodé > 50% en 10 ans du nombre de nouveaux nés atteints
Alimentation des pays en voie de développement principalement basée sur mélange céréales / légumineuses : (céréales pauvres en lysine / légumineuses pauvres en Aa soufrés : méthionine, tryptophane, cystine) - riz / lentille-soja ; blé / pois ; maïs / haricot - répartition insuffisante peu de produits d’origine animale et de fruits
Quelles solutions alimentaires pour remédier à la malnutrition aliments de base en situation d’urgence (catastrophe, conflit, …) compléments à l’alimentation traditionnelle en chronique associer l’aide alimentaire à une éducation des mères et des enfants (petit déjeuner ou déjeuner scolaire …) être dans une perspective d’autosuffisance à terme
Caractéristiques d’un bon complément nutritionnel ? réponse aux principales carences (sauf énergie) intégration simple et bien acceptée dans la nourriture traditionnelle faible coût bonne conservation aux différentes conditions climatiques développement ultérieur d’une production locale / régionale
Les extraits foliaires (EF), des compléments nutritionnels utilisables ? l’extraction des protéines des feuilles de diverses plantes les rend aptes à la consommation par l’Homme (Pirie W, Science 1966) intérêt démontré des EF sur la croissance des enfants d’âges différents : - Waterlow JC (Br J Nutr, 1962) - Doraiswamy TR (Br J Nutr, 1969) - Kamalanathan G (J Nutr Diet, 1976) - Shah FH (Plant Foods Hum Nutr, 1981) utilisation correcte du béta-carotène : 70% Amaranthe / 90% synthétique - Devadas RP (World Rev Nutr Diet, 1978) correction de l’anémie ferriprive (données association « Leaf for Life ») Revue de la littérature : Dillon JC et De Mathan O (Cah Nutr Diet, 1998)
Effets des extraits foliaires de luzerne (EFL) (production artisanale) aucune étude publiée dans revue internationale principale étude financée par « Leaf for Life » (Coimbatore, Inde) : - enfants de 2,5 à 5 ans - consommation des EFL pendant 2 ans (1975-1977) - apport de 10g de protéines - EFL produits sur le lieu de l’expérimentation - effet sur la croissance, similaire à celui du lait - impact positif sur taux de rétinol et hémoglobine - aucun effet néfaste rapporté résultats confirmés par d’autres études (Leaf for Life) intérêt d’associer de la vitamine C aux EFL pour lutter contre l’anémie (Lowe CA, 1992)
Effets des extraits foliaires de luzerne (EFL) (production industrielle en France) nombreuses expériences positives intégration dans de véritables projets socio-éducatifs (association Soynica, Nicaragua) résultats similaires à ceux mis en évidence par Leaf for Life avec composés artisanaux
Données collectées par l’A.P.E.F (EFL produit en France: 10g chez enfant et 15g chez adulte) croissance staturo-pondérale poids de naissance / lactation anémie infections respiratoires diarrhée chronique
Réserves concernant l’extension du recours aux EFL en tant que complément alimentaire chez l’Homme pas d’étude contrôlée d’efficacité – innocuité avec EFL actuellement utilisés et produits industriellement absence de publication internationale sur le sujet dossier AFSSA en attente
Composition des EFL produits en Région Champagne-Ardenne 50 - 60% de protides 10% de lipides (AGPI : 60%, AGS : 30%, AGMI : 10%) 6% de polysaccharides 1 - 2% de fibres de cellulose 14% de minéraux 8% d’eau
Apport de 10 g d’EFL valeur absolue % besoins quotidiens enfant de 15 kg 5 g de protides 50% 7 mg de fer 87% 900 µg d’équivalent rétinol (vitamine A) 100% 300 mg de calcium 25% 3 mg de vitamine E 40% 30 µg de vitamine B9 20%
Valeur biologique des protéines issues des EFL pas de « frein » identifiable à leur digestibilité contenu en acides aminés essentiels intéressant et équilibré indice chimique : teneur Aa essentiels EFL/oeuf = 90% CUD de N : 90% (= soja) chez porc (Bourdon D, 1980)
EFL Œuf Lysine 5,6 – 7,4 % 6,6 % Tryptophane 1,6 – 3,4 % 1,7 % Thréonine 4,6 – 5,8 % 5,1 % Méthionine 1,5 – 2,6 % 3,4 % Valine 5,8 – 6,7 % 5,6 % Leucine 8,5 – 10,6 % 8,1 % Isoleucine 4,3 – 6,7 % 4,8 % Phénylalanine 5,8 – 7,0 % 6,5 %
EFL et composés toxiques métaux lourds et aflatoxines : indétectables pesticides organophosphorés et organochlorés : indétectables nitrates / nitrites : taux faible (pas de besoin de fertilisation azotée)
EFL et Saponines pas de toxicité des saponines d’Alfalfa chez le singe (Malinow R, J Med Primatol 1982) pas de diminution de l’assimilation du cholestérol alimentaire (Malinow R, Am J Clin Nutr 1979) possible diminution de l’absorption du fer (graines de luzerne !) (Southon S, Br J Nutr 1988)
EFL et L-Canavanine contenue préférentiellement dans les graines et germes des légumineuses risque d’induction / de réactivation de maladie auto-immune (LED) dégradation par la chaleur (taux indétectables après 2h à l’autoclave) (Malinow 1984)
Saponines (%) L-Canavanine (µg/g mat sèche) Jus de luzerne fraîche 2.3 85-110 EFL 0.5-1.4 4.3 Soja 2.1-5.6 2.1 (50% prot) Lentilles 6.6 2800 (farine) Pois 6.1 1.3 (70% prot) Oignon 10000
EFL et Phytates les plus répandus des phosphoglucides diminuent absorption de : calcium, zinc et fer grandes quantités dans graines / son des végétaux quantités négligeables dans feuilles et tiges (Sauveur B, 1989) EFL < 0,2 g/kg blé 2,9 g/kg son de blé > 10 g/kg Germe de blé 7,7 g/kg
EFL et Polyphénols présents dans tous les tissus végétaux (consommation quotidienne environ 1g /j) > 4000 composés différents 4 principales classes de polyphénols alimentaires : acides phénoliques / flavonoïdes / stilbènes / lignanes peuvent former des complexes avec les protéines (obstacle à leur disponibilité) propriétés : antioxydantes ++ / anti-inflammatoires / anticancérigènes … absence de tanins dans la luzerne polyphénols solubles : 0,8 – 1,1% du poids sec
EFL et Phytoestrogènes rôle protecteur contre l’ostéoporose et le cancer du sein ; infertilité ? essentiellement 3 classes de polyphénols ont des effets phytoestrogéniques définis: - isoflavones (soja) - lignanes (céréales complètes, lin et nombreux légumes) - coumestrol (pousses de soja) interaction également d’autres polyphénols avec les récepteurs estrogéniques (quercétine …) les teneurs en ces molécules et leurs métabolites sont inférieures à celles de nombreux autres plantes (soja, lupin, trèfle, lentille, haricot blanc et rouge) (Mazur WM et al)
Données issues de consommation chez l’animal (INRA) consommation : 6 – 8 g/kg/j pendant 120 j (chez l’Homme: < 1 g/kg/j) absence d’effets délètères
Conclusion les EFL = complément alimentaire intéressant plante « écologique » à haut rendement nécessité d’une étude multicentrique contrôlée pour les faire adopter par les grandes organisations de lutte contre la malnutrition
Perspectives Protocole de validation en tant que complément alimentaire : - étude débutée - perspective de financement à court terme Création d’un comité de pilotage pour la valorisation des EFL : - soutien des projets de validation (protocole, AFSSA) - renforcement et coordination de la recherche
Protocole 2 groupes de > 30 enfants, âge : 3-5 ans enfants faisant partie d’un groupe d’enfants dénutris (soit > 20% ayant un rapport poids/taille < -1 ET selon classification NCHS/OMS) 10g EFL vs 15g poudre de lait écrémé (5.2g de Protides), 5-7 j/sem 9 mois à 1 an de suivi nécessité d’un encadrement médical approvisionnement et financement assurés
Poids Taille Examen clinique Données alimentaires + Hémoglobine Poids Taille Examen clinique Données alimentaires Hémoglobine Protidémie *Albuminémie *Créat *Trans J0 + J8 J 16 J 23 J 30 (1 mois) J45 J 60 (2 mois) 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois 7 mois 8 mois 9 mois 10 mois 11 mois *12 mois * Données facultatives