Le binge drinking Prévention et intervention Salvatore Campanella & Pierre Maurage Université Libre de Bruxelles Université catholique de Louvain Bruxelles, Janvier 2018
Au programme - Utilité de la prise en charge du binge drinking - Remédiation cognitive et nouvelles pistes d’intervention - Autres interventions: attention, émotion et motivation - Perspective sociétale et conclusion
Utilité de la prise en charge du binge drinking
Thérapie des troubles liés à l’alcool - Centration classique sur l’alcoolo-dépendance. - Typiquement: 45-60 ans, 15-20 ans d’alcoolo-dépendance. - Trois phases (cure ou ambulatoire): - Sevrage: 5-7 jours - Post-sevrage: 2-3 semaines - Post-cure: jusque plusieurs mois - Variété des prises en charge: - Approche médicamenteuse - Approche psychiatrique / psychologique - Thérapie familiale / de groupe / communautaire
MAIS population complexe: Thérapie des troubles liés à l’alcool MAIS population complexe: - Substance omniprésente et valorisée - Prise en charge souvent tardive (troubles cognitifs) - Faible motivation et treatment gap Taux de rechute massif: 60-80% à 6 mois
Thérapie des troubles liés à l’alcool Quelles solutions ? Trois pistes majeures: (1) Réduire le treatment gap: online therapy, outreaching (2) Améliorer la prise en charge: remédiation, neuropsy (3) Agir à la source, avant la dépendance Intervenir sur d’autres modes de consommation La consommation « modérée » et le binge drinking sont aussi un champ de prévention et d’intervention
Consommation « modérée » Au-delà de la conception binaire dépendance vs pas de dépendance. Explorer d’autres patterns de consommation d’alcool en routine clinique. AUDIT Screening en 10 questions 5 minutes
Consommation « modérée » En Belgique: 20% (F) - 40% (H) en consommation à risque Effets cognitifs/cérébraux dès consommation modérée Donc: AUDIT, outil crucial pour tout praticien même hors addictologie / psychiatrie Evaluation consommation d’alcool indispensable
Ici aussi, rôle possible du clinicien: Pour le binge drinking Ici aussi, rôle possible du clinicien: Détection Intervention Un screening et une prise en charge précoces pourraient améliorer l’efficacité du traitement usage abus dépendance abstinence sevrage
Remédiation cognitive et nouvelles pistes d’intervention Partie Prof Remédiation cognitive et nouvelles pistes d’intervention Partie Prof. Campanella 3
Autres interventions: attention émotion motivation
Autres interventions - 15 minutes disponibles… - Objectif: - Cibler les processus sur lesquels agir - Donner des exemples d’outils - Pas de description précise des outils ou de l’implémentation (mais outils disponibles librement) - Trois axes: Réentraînement attentionnel Remédiation émotionnelle/interpersonnelle Modification des motivations
Réentraînement attentionnel: biais Biais attentionnel, favorisant la consommation Réduire le biais peut diminuer la consommation Réentrainement attentionnel Apprendre à détourner l’attention de l’alcool Création d’une contingence: La flèche apparaît toujours du côté du soft.
Réentraînement attentionnel: paradigme Apprentissage Au fur et à mesure des essais, on apprend que la flèche arrivera du côté du soft. Et on apprend à orienter automatiquement son attention vers le soft. Conséquence Diminution du biais attentionnel vers l’alcool Effet rapide: Quelques sessions de réentraînement (600 essais - 45min)
Réentraînement attentionnel: résultats Efficacité - Réduction du biais attentionnel - On est moins automatiquement attiré par l’alcool Surtout: réduction de la consommation (chez binge drinkers) de la rechute (chez alcoolo-dépendants) Schoenmakers et al., 2013; Fadardi et al., 2015
Ces craving-biais jouent un rôle dans la consommation Réentraînement attentionnel: résumé Au-delà des troubles d’inhibition, le binge drinking est aussi caractérisé par du craving et des biais attentionnels vers l’alcool Ces craving-biais jouent un rôle dans la consommation Le réentraînement attentionnel permet de réduire ce biais et donc de réduire la consommation Programme de réentraînement disponible gratuitement et facile à utiliser
Remédiation émotionnelle/sociale - Binge drinking: déficits de décodage émotionnel Activation Activation
Déficit de décodage des émotions Difficultés interpersonnelles Remédiation émotionnelle/sociale - Proposition d’un cercle vicieux: - Donc réduire les troubles de décodage pourrait réduire la consommation Déficit de décodage des émotions Difficultés interpersonnelles Consommation Coping
Remédiation émotionnelle/sociale - Auto-administration - Paliers de progression - Deux niveaux (émotions 100% ou micro-expressions) - Feedback pour chaque essai Philippot & Power, 2009
Réentraînement émotionnel - Programmes de remédiation de la cognition sociale - Ici aussi, programmes librement accessibles Peyroux & Frank, 2014
Le binge drinking est surtout influencé par la pression sociale Modification des motivations S. LANNOY Questionnaire sur les motivations à boire (30.000 étudiants): - Stimulation («ressentir de la joie/euphorie») - Coping («oublier mes problèmes, être moins stressé») - Sociale («faire la fête avec mes amis») - Conformité («ne pas être exclu de mon groupe») Le binge drinking est surtout influencé par la pression sociale Lannoy et al., 2017
Modification des motivations - Possibilité de modifier ces motivations sociales - Quelques pistes cliniques: - Entretien motivationnel (voir Bloc suivant) - Travail sur les normes sociales liées à l’alcool - Travail sur l’assertivité, l’estime de soi - Beaucoup d’outils disponibles pour agir sur le facteur clé: les motivations Oei & Morawska, 2004
Individualiser l’intervention - Les binge drinkers ne sont pas une population homogène - Identifier les facteurs centraux chez chaque individu - Adapter la prise en charge Lannoy et al., 2017
Un dernier outil de prévention Transmettre un message simple Prévention actuelle basée sur deux piliers: - Court terme: réduction des risques Pas de la consommation - Long terme: prévention par la peur Inefficacité prouvée - Proposition: insister sur les effets à moyen terme messages simples de régulation
Proposer des messages simples - Sous-information actuelle sur l’alcool - Informer sur les effets à moyen terme Les résultats scientifiques sont clairs: Le binge drinking a des effets rapides et persistants sur - le cerveau - la mémoire Et donc une influence sur les objectifs personnels…
Les effets positifs arrivent avant les effets négatifs Proposer des messages simples Les effets positifs arrivent avant les effets négatifs Les Binge Drinkers Obtiennent Cherchent 1° Amusement 2° Etre plus sociable 3° Se sentir joyeux, relaxé 4° Oublier les problèmes Les effets positifs sont atteints à 3-4 doses, les effets négatifs n’arrivent qu’après. Pourquoi continuer à boire?
Tous les effets positifs, pas d’effet négatif Proposer des messages simples En soirée: 2-3 doses la 1ère heure Puis alterner: un verre d’eau un verre d’alcool Tous les effets positifs, pas d’effet négatif
Perspective sociétale et conclusion
Côté pile: valorisation sociétale de l’alcool
Côté face: dangers de l’alcoolisation
Une substance, deux dimensions Alcool, drogue sociale Alcool, drogue létale Le binge drinking, conséquence (normale) d’un rapport sociétal (anormal) à l’alcool.
Questionner la sur-valorisation de l’alcool ?
Interdire la publicité ?
Réfléchir au prix ?
Responsabilisation individuelle et sociétale. En conclusion - Le binge drinking est largement répandu chez les étudiants. - Les binge drinkers ont: (1) des motivations fortes pour consommer (2) un contrôle préservé sur leur consommation (3) un fonctionnement cognitif et cérébral altéré - On ne peut pas lutter contre le binge drinking sans revisiter notre rapport à l’alcool. Responsabilisation individuelle et sociétale.
Take-home message
Conclusion: rôle des soignants Population complexe car: - Pression sociale (pairs) et sociétale - Pas de conséquences apparentes - Pas de demande de soins - Abord souvent par comorbidités
Conclusion: rôle des soignants Mais effort rentable: Réduire le binge drinking maintenant, c’est réduire l’alcoolo-dépendance dans 20-30 ans PLAISIR AUTOMATISATION INITIATION CONSOMMATION REPETEE ADDICTION CONTEXTE
Conclusion: rôle des soignants Que faire en tant que clinicien? Au moins: - Evaluer : screening alcool + binge systématique - Informer : effets du binge drinking Parfois: - Intervenir : outils disponibles Pas de dramatisation, souvent problème auto-régulé avec l’évolution de vie
Merci pour votre attention pierre.maurage@uclouvain.be Le site de mon laboratoire: http://www.uclep.be Laboratory for Experimental Psychopathology