Le droit à la réputation

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Transcription de la présentation:

Le droit à la réputation DRT 3805

La protection de la réputation Comment les techniques du droit commun de la responsabilité civile contribuent à articuler les valeurs qui viennent en conflit lors de la circulation de l'information. La valeur attachée à la réputation découle des conditions inhérentes à la vie en société. Selon Moscovi, la réputation comprend deux volets, chacun ayant une composante externe à la personne. Le premier volet touche à l’essence du terme « réputation » qui se définit comme le jugement que les autres portent sur une personne. Le second volet de la réputation se rattache à son caractère instrumental. Ainsi, la réputation se définit comme les propos que les autres entendent à l’égard d’une personne. On la conçoit alors comme un moyen pour les autres de connaître une personne. Selon Moscovi, la réputation est une manifestation purement humaine et fondamentale pour la société. S. MOSCOVI, Psychologie sociale des relations avec autrui, Paris, Nathan, 1994, p. 120 Moscovi définit la réputation «comme le jugement porté par une communauté sur un individu particulier appartenant généralement, mais nécessairement à cette même communauté», dans S. MOSCOVI, Psychologie sociale des relations avec autrui, Paris, Nathan, 1994, p. 119

Le droit à l’honneur et à la réputation « Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation » art. 3, Charte des droits et libertés de la personne Un droit rattaché à la dignité humaine

art. 3 CCQ 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée. Ces droits sont incessibles.

1457 C.c.Q Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Une valeur protégée malgré l’absence de garantie constitutionnelle explicite c’est une valeur importante rattachée à la dignité de la personne Hill c. Église de scientologie, [1995] 2 R.C.S., 1130, p. 1179 Le droit à la réputation ne reçoit pas, comme tel, une garantie constitutionnelle; ce qui ne veut pas dire que les valeurs qui y sont sous-jacentes ne sont pas importantes . La Cour suprême du Canada affirme l'importance de la protection de la réputation des personnes et reconnaît les liens que cela peut avoir avec des notions voisines comme celle de vie privée. Dans l'arrêt Hill, le juge Cory écrit que: Bien qu'elle ne soit pas expressément mentionnée dans la Charte, la bonne réputation de l'individu représente et reflète sa dignité inhérente, concept qui soustend tous les droits garantis par la Charte. La protection de la bonne réputation d'un individu est donc d'importance fondamentale dans notre société démocratique. En outre, la réputation est étroitement liée au droit à la vie privée, qui jouit d'une protection constitutionnelle. Comme le juge La Forest le dit dans R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, à la p. 427, la vie privée, y compris la vie privée sur le plan de l'information, est “[f]ondée sur l'autonomie morale et physique de la personne” et “est essentielle à son bienêtre”. La publication de commentaires diffamatoires constitue une intrusion dans la vie privée d'un individu et un affront à sa dignité. La réputation d'une personne mérite effectivement d'être protégée dans notre société démocratique et cette protection doit être soigneusement mesurée en regard du droit tout aussi important à la liberté d'expression. Aux fins de la nécessaire pondération de ces valeurs, voyons d'abord le changement que les appelants proposent à la common law actuelle. nos soulignés

La diffamation au sens large: allégation ayant pour effet d’humilier, de lui faire perdre l’estime des autres peut être fausse ou non et DOIT résulter d’un geste fautif Édith Deleury et Dominique Goubau affirmaient d’ailleurs que: « La diffamation ne doit pas être confondue avec l’injure, expression outrageante, terme de mépris ou invective qui n’impute aucun fait, mais qui, si elle entraîne un dommage, donne ouverture à réparation. Il faut admettre que les tribunaux ne font pas toujours la distinction, le terme « diffamation » étant employé, le plus souvent, « dans un sens large, couvrant l’insulte, l’injure et pas seulement l’atteinte stricte à la réputation. » DELEURY, Édith et Dominique GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 168; En pratique, puisqu’une atteinte fautive à la réputation ou à l’honneur découlant de propos vexatoires constituent toutes deux une faute civile, et que de surcroît le droit à l’honneur et à la réputation sont protégés par le même article de la Charte québécoise, la distinction n’a souvent qu’un intérêt théorique. Elle pourrait toutefois se révéler importante en matière de prescription, puisque l’atteinte à la réputation se prescrit par un an, alors que la prescription normale en matière de recours personnel est de trois ans. Il ne semble toutefois pas que ce problème particulier n’ait été soulevé devant les tribunaux. 2929 C.c.Q.; Kosco c. Assurance-vie Desjardins inc., J.E. 97-752 (C.S.), inf. par C.A.M. 500-09-004760-971 (1999-05-26); Ventola c. Banque nationale du Canada, 2925 C.c.Q.

La faute en matière de diffamation suppose: l’appréciation du comportement de la personne, compte tenu de son domaine d’activité obligation de moyens et non de résultat S.R.C. c. Radio Sept-Iles (1994) R.J.Q. 1811 (C.A.) assimilable à une « responsabilité professionnelle » Le comportement fautif se déduit en fonction de l'écart entre le comportement de celui qui s’exprime et celui qu'une personne raisonnable et diligente aurait eu en de semblables circonstances. L'appréciation de cet écart se fait en fonction du contexte de la diffusion du propos. Dans le cadre de l’analyse de l’activité de l’agent au moment où le préjudice a été causé et les conditions dans lesquelles elle s’exerçait, les tribunaux tiennent compte notamment a) des activités de la personne au moment de la diffusion des propos diffamatoires, b) du type d’informations émises et c) du contexte de la diffusion des propos. Patrick A. MOLINARI et Pierre TRUDEL, «Le droit au respect de l'honneur, de la réputation et de la vie privée: Aspects généraux et applications», dans BARREAU DU QUÉBEC, FORMATION PERMANENTE, Application des chartes des droits et libertés en matière civile, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1988, 197, 204-207.

L’objet de la diffamation Une personne qui doit être identifiable Ortenberg v. Plamondon, 1915 24 B.R. 69 Les membres d’un groupe Malhab c. Arthur, 2003 J.Q. no 2521 (C.A.) Diffusion Métromédia CMR inc. c. Bou Malhab, 2008 QCCA 1938

L'analyse intrinsèque du message Les mots ont un sens propre qui peut être en soi diffamatoire Bouchard c. Bombardier [1992] RRA 38 ou diffamatoire, compte tenu du contexte Chiniquy c. Bégin (1915)24 B.R. 294 Les tribunaux déduisent la faute de trois éléments à savoir : 1) l'écart entre le comportement de l'agent et celui d'une personne raisonnable et diligente — le standard autrefois exprimé par l’expression « bon père de famille » — aurait eu en semblables circonstances; 2) l'activité de l'agent au moment où le préjudice a été causé et les conditions dans lesquelles elles s'exerçaient et 3) l'intérêt du public.

Les critères de prudence et de diligence normes de bonne pratique professionnelle usages du métier le comportement effectivement suivi L’analyse du sens du message litigieux sert non seulement à établir son caractère diffamatoire, mais également la gravité de la diffamation. Le caractère diffamatoire témoigne de l’existence d’un préjudice. La gravité de la diffamation sera un facteur important au moment de l’établissement de la faute, lors de l’analyse du comportement du défendeur ainsi que lors de l’évaluation du dommage. Bien que l’on doive considérer le message dans son ensemble, certains mots sont plus susceptibles d’être qualifiés de diffamatoires. Les propos injurieux, qui heurtent sans peine les oreilles du juge, seront aisément qualifiés de diffamatoires. Par exemple, dans Bélanger c. Champagne, le juge a considéré que les termes « niaiseuse » et « chipie » dénotait un jugement de valeur de la part du défendeur et était acceptable. Par contre, l’emploi du terme « gigon », régionalisme péjoratif a été considéré comme exagéré, insultant et gratuit. Dans une autre situation un avocat s’était vu qualifié par un animateur de radio de « menteur, fanatique, hystérique, manipulateur et malade mental », ont été considérés comme diffamatoires. [1999] R.R.A. 952. Bertrand c. Proulx, (2002) R.J.Q. 1741; (2002) R.R.A. 949; J.E. 2002-1269; REJB 2002-32150 (C.S.) Ce qui est tenu pour être diffamatoire ainsi que la gravité d’une diffamation varie selon l’époque, le contexte social et le lieu de réception du message. Ce qui contribue à ternir la réputation d’une personne et ce qui est socialement désapprouvé diffère selon le contexte au sein duquel le message est reçu. Nicole Vallières évoque une décision de 1957 où l’on a estimé que le fait de qualifier une personne de « communiste », en pleine guerre froide, pouvait être diffamatoire. VALLIÈRES Nicole, La Presse et la diffamation, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur, 1985, p. 20 Morin c. Ryan, (1957) B.R. 196, 297, cité dans VALLIÈRES Nicole, La Presse et la diffamation, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur, 1985, p. 36-37

Normes de bonne pratique professionnelle C’est l’élément normatif de la faute Le « type idéal » Quels étaient les usages du métier en pareilles circonstances? Fabien c. Dimanche Matin [1979] C.S. 928

Rapports entre les préceptes déontologiques …et t l’analyse du caractère fautif de la personne qui s’exprime

Selon les types d’informations transmises Relation de faits matériels obligation de diligence raisonnable dans la recherche Le rappel de propos Prononcés par d’autres Les commentaires

Relation de faits matériels déterminés dans leur lieu et dans le temps dont l’informateur affirme l’existence au titre de sa connaissance personnelle Obligation de mener des vérifications suivant les règles du métier Bertrand c. Proulx [2002]RJQ 1741 (C.S.) Johnson c. Arcand [2002] RJQ 2802 (C.S.)

Le rappel de propos s’ils s’avèrent non fondés… prononcé par d’autres s’ils s’avèrent non fondés… l’auteur a-t-il l’obligation d’en établir l’exactitude? Selon Radio Sept-Iles, il aurait l’obligation de démontrer: qu’il a pris les précautions raisonnables qu’il n’avait pas de motif de douter des propos rapportés

Les commentaires grande latitude mais avec trois balises énoncés à titre personnel grande latitude mais avec trois balises existence d’un intérêt public intention honnête conclusion raisonnablement soutenable

Le contexte concret C’est l’élément circonstanciel de la faute Mouvement Raellien canadien c. SRC et Toutant [1988] RJQ 1662 Tient compte de la situation spécifique dans laquelle se trouvait le locuteur Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 RCS 663 S.R.C. c. Radio Sept-Iles (1994) R.J.Q. 1811 (C.A.)

Tendance très favorable au droit à la réputation Même si les propos ont été diffusés dans le cadre d’une controverse publique: Le locuteur à le fardeau d’établir la vérité de ses dires et ses commentaires Paquet c. Rousseau [1996]RRA 1156 Certaines décisions rendues par les tribunaux québécois au cours des dernières années témoignent d'une tendance à ignorer l’existence de la liberté d’expression ou n’y accorder qu’une portée dérisoire. On applique le droit à la réputation de façon abusive car il conduit invariablement à privilégier les intérêts de ceux qui se plaignent d'atteinte à leur réputation à l'encontre de ceux qui, bien souvent, ont voulu, sans malice, prendre la parole afin de faire valoir un point de vue sur une question d'intérêt public. Ce qui paraît manifestement constituer une perception des défendeurs, forcément colorée par leurs opinions politiques est censuré par le tribunal parce que le propos n'est pas vrai. Ce qu'on leur reproche, c'est d'avoir voulu créer un impact négatif afin de favoriser leur point de vue politique et de discréditer celui des adversaires. Le fait que nos moeurs politiques foisonnent de situations où les protagonistes s'accusent d'avoir voulu favoriser leurs amis ne pèse pas lourd dans la décision: le fardeau imposé à ceux qui critiquent les élus serait rien de moins que de se tenir prêt à prouver la véracité de leurs dires, voire des perceptions que leur inspire les agissements des élus!

Prise en compte de la sensibilité de la personne visée? Arthur c. Gravel, [1991] R.J.Q. 2123, juge Baudouin (dissident)

dans SSJBM c. Hervieux-Payette, la juge Thibault : « (…) les tribunaux ne sont pas arbitres en matière de courtoisie, de politesse et de bon goût. En conséquence, il n’est pas souhaitable que les juges appliquent le standard de leurs propres goûts pour bâillonner les commentateurs puisque ce serait là marquer la fin de la critique dans notre société. » [2002] RJQ 1669, p. 1675.

Tendance à opérer une distinction entre les propos qui n'ont pour but que de nuire et ceux qui relèvent de l'exercice légitime de la liberté d'expression Fortin c. Syndicat national des employés de l'Hôtel Dieu de Montréal (CSN), [1988] R.J.Q., 526

Le lien de causalité Les inconvénients subis par la victime doivent résulter de la faute de l’auteur du dommage

Les dommages Matériels Moraux Exemplaires pertes réellement subies peine, humiliation, souffrances Exemplaires lorsque l’atteinte est intentionnelle ont un aspect punitif

Loi sur la presse Application limitée aux publications répondant aux exigences de la Loi sur les journaux et autres publications Ne change pas les principes de responsabilité Offre des remèdes alternatifs Codifie certains «privilèges»

Schéma procédural- Loi sur la presse Préavis d’action - art 3 Possibilité pour le journal de se rétracter alors, seuls les dommages réels sont possibles Droit de réponse Si rétractation+réponse= éteint le droit de poursuite

Quelques questions … les usages professionnels quels usages? le simple citoyen est assujetti à quel standard? comment déterminer les normes de bonne conduite en fonction du contexte? les décisions du Conseil de presse devraient- elles servir à déterminer les « bonnes pratiques » à partir des quelles on évalue le caractère fautif?