Enseigner dans l’école d’aujourd’hui : quelles situations d’apprentissage pour mobiliser les élèves, transmettre les savoirs et former des citoyens ? Philippe.

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Transcription de la présentation:

Enseigner dans l’école d’aujourd’hui : quelles situations d’apprentissage pour mobiliser les élèves, transmettre les savoirs et former des citoyens ? Philippe MEIRIEU Polynésie – Août 2014

Introduction Eduquer, c’est transmettre et émanciper, accompagner chacune et chacun pour qu’ « il se fasse œuvre de lui-même » et s’inscrive dans un collectif… Eduquer relève de trois instances complémentaires : la famille (à travers la filiation), l’école (à travers l’enseignement de programmes systématiques dans des collectifs aléatoire), les « tiers lieux » (à travers l’engagement volontaire dans des groupes de pairs affinitaires).

Trois instances éducatives complémentaires Famille communauté Groupe de pairs association Ecole institution

Formation à la citoyenneté Motivation Pédagogie différenciée L’éducation scolaire relève d’une histoire (Comenius, Guizot, Ferry), renvoie à une « forme scolaire » contestée par l’Education nouvelle » et se développe aujourd’hui à travers des « notions » qu’il faut interroger… Quelques unes des notions en circulation sur lesquelles il nous faut travailler… Méthodes actives Apprendre à apprendre Respect de l’enfant Projet Intérêts de l’élève Compétences Formation à la citoyenneté Motivation Pédagogie différenciée Enfant-sujet Évaluation formative

Plan : principes et méthodes pour enseigner aujourd’hui Mobiliser l’élève sur les savoirs Le rendre actif dans ses apprentissages Différencier la pédagogie Faire acquérir des compétences Former à la liberté Oui… mais comment ?

« Mobiliser », oui… mais comment ? 1) S’APPUYER SUR L’INTERÊT DE L’ELEVE… MAIS NE SURTOUT PAS S’INTERDIRE DE LE MOBILISER SUR DES INTERÊTS NOUVEAUX ! Les ambiguïtés de la notion d’ « intérêt » : « ce qui l’intéresse » ou « ce qui est dans son intérêt » ? Le renversement possible de la question de la « motivation » : « il ne réussit pas parce qu’il n’est pas motivé » ou bien « Il n’est pas motivé parce qu’il n’a pas réussi… » ? La nécessité de passer de la « motivation » (déjà existante) à la « mobilisation » (à faire émerger)… Célestin Freinet : « Comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? » « Mobiliser », oui… mais comment ?

« Mobiliser », oui… mais comment ? Attendre (A.S. Neill et Summerhill) et faire confiance (Rogers) Détourner le désir (Fourier) Créer le besoin (Claparède et la pédagogie fonctionnelle) Construire la continuité entre le sujet et la culture (Dewey)

Articuler les œuvres de cultures, la genèse des savoirs et l’implication du sujet dans ses apprentissages Œuvres de culture Implica-tion du sujet Genèse des savoirs

« Faire agir », oui… mais comment ? 2) PRATIQUER DES « METHODES ACTIVES »… MAIS INTELLECTUELLEMENT ACTIVES ! « Il n’y a qu’une méthode et c’est la méthode active…», Henri Marion, 1884 : faire agir l’élève, aussi bien dans les temps d’exploration que de formalisation. « Faire agir », oui… mais comment ? Danger de dérive « productive » : division du travail, exclusion des moins compétents et marginalisation de l’apprentissage… Impliquer les élèves dans des projets collectifs valorisés socialement ?

« Faire agir », oui… mais comment ? La véritable « action », celle qui permet l’apprentissage, relève du « conflit socio-cognitif » : SUJET RECUSATION ADOPTION IMMEDIATE ADOPTION ALTERNEE APPORT INTERACTION Passage de l’interpersonnel à l’intrapersonnel Données nouvelles qui déstabilisent le système Système de représentations existant Nouveau système de représentations

Donner du sens, mettre en projet par un TACHE Une méthode pour « mettre en musique » le conflit socio-cognitif : la situation problème Le primat de la production et la construction des dispositifs et institutions de formation La tension finalisation / formalisation Identifier les acquis et leurs statuts, modéliser, transférer : des OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE Donner du sens, mettre en projet par un TACHE

La situation problème TACHE MBILISATRICE SUJET OBSTACLE CONTRAINTES DIFFICILE MAIS SURMONTABLE (dans la zone proximale de développement) INTEGRATION TRANSFERT CONTRAINTES RESSOURCES OBJECTIF D’ACQUISITION

3) INDIVIDUALISER… MAIS SANS ENFERMER, GHETTOISER OU EXCLURE! L’individualisation, plus ancienne que l’enseignement collectif ! La revendication de l’Education nouvelle et de Claparède : « l’école sur mesure » (1921) Les injonctions contemporaines à l’individualisation et la demande « consumériste »… « Individualiser », oui… mais comment ?

Individualiser, oui… mais comment ? Les deux courants de l’individualisation : - modèle centrifuge : détection, dérivation, exclusion… danger d’enfermement dans le donné (diagnostic/pronostic)… ignorance du rapport entre la connaissance et l’action dans l’activité pédagogique. 1) Le diagnostic a priori : identification des besoins des individus, tant en termes d’objectifs que de méthode, remédiations individuelles

Individualiser, oui… mais comment ? Les deux courants de l’individualisation : - Modèle intégratif (« école inclusive »)… ouverture du sujet vers d’autres objets et d’autres méthodes… articulation de temps de différenciation successive et de temps de différenciation simultanée… pédagogie du contrat. 2) La différenciation régulée : Propositions pédagogiques diversifiées, régulations en fonction des acquis, dévolution progressive de la régulation au sujet

4) FAIRE ACQUERIR DES COMPETENCES… MAIS SANS REDUIRE L’APPRENTISSAGE A LEUR JUXTAPOSITION Travailler sur les « compétences » à acquérir permet de sortir d’une vision innéiste des savoir et savoir-faire… Penser en termes de « compétences » permet de sortir de la seule logique de la « performance »… Acquérir des « compétences », c’est intégrer la question du transfert au sein de la démarche d’apprentissage.

Mais l’idéologie des compétences est porteuse de plusieurs dérives… Elle fragmente les apprentissages et risque de les réduire au couple « objectif / évaluation «  indéfiniment multiplié… Elle technicise les apprentissages et peut faire perdre de vue leurs enjeux culturels… Aucun apprentissage authentique ne peut se réduire à une somme de compétences, comme aucun métier n’est réductible à la somme des compétences nécessaires pour l’exercer… Utiliser les compétences, oui… mais comment ?

Utiliser les compétences, oui… mais comment ? Enseigner « par compétences » Enseigner « avec » les compétences - Réduire les objectifs de l’enseignement aux référentiels de compétences. - Partir d’abord des finalités et les traduire en objectifs ; s’interroger sur ceux qui relèvent de l’approche par « compétences ». - Construire ses progressions comme un enchaînement de compétences. - Construire ses séquences d’apprentissage à partir de leurs enjeux (objectifs-noyaux) et identifier les œuvres, les connaissances et les compétences qu’elles permettent d’acquérir. - N’évaluer que les compétences acquises sur un mode binaire. - Evaluer la manière dont les œuvres et les connaissances ont été perçues dans leur dimension culturelle et la capacité de transférer les compétences. - Ramener les savoirs scolaires à leur seule employabilité interne et externe. - Assumer le caractère « gratuit » de certains apprentissages et placer le plaisir d’apprendre et la joie de comprendre au cœur de sa démarche.

Utiliser les compétences, oui… mais comment ? Un enjeu majeur : lutter contre « l’utilitarisme scolaire » par une « pédagogie de l’étonnement » en enseignant tout savoir comme culture en mettant en place une pédagogie du chef d’œuvre Pour une véritable démocratisation de l’accès aux savoirs et à la culture tout au long de la vie…

Former à la liberté, oui… mais comment ? 5) FORMER A LA RESPONSABILITE ET A LA CITOYENNETE, MAIS SANS SUPPOSER QUE L’ELEVE EST DEJA CE QU’ON VOUDRAIT QU’IL SOIT Le « respect de l’enfant », son droit à la « liberté d’expression », la volonté de le « traiter en être responsable » ne peut signifier « l’abstention éducative »… Les objectifs de l’éducation ne peuvent en être les préalables… La « liberté », base de la responsabilité et de la citoyenneté, est une potentialité que l’éducation doit actualiser. Former à la liberté, oui… mais comment ?

Former à la liberté, oui… mais comment ? Face à un acte du sujet, l’éducateur est tenté d’osciller entre deux postures : La posture du libre-arbitre de la philosophie classique La posture déterministe des « sciences humaines »

L’enfant ou l’adolescent, entre « fautif » ou « coupable » Sa situation et les circonstances dans lesquelles il vit sont considérées comme des causes (ou, au moins, déterminantes) Sa situation et les circonstances dans lesquelles il vit sont considérées comme abolies (ou, au moins, non déterminantes) Identifié comme victime, il est nié dans sa liberté Identifié comme coupable, il est nié dans sa spécificité Le sujet est un « sujet abstrait », quand il devrait être interpelé sur sa capacité à assumer son histoire et à se « faire œuvre de lui-même ». Le sujet est un « sujet dissous », quand il devrait être interpelé pour pouvoir se mobiliser.

la question de « l’imputation »… Pour sortir de l’oscillation entre l’injonction du « sujet de droit » et l’apitoiement sur le « sujet de fait », il faut travailler… la question de « l’imputation »… Explorer l’espace possible entre le « destin » et le « libre arbitre »… Passer de la « prophétie auto-réalisatrice » au clinamen… Traquer les interstices décisionnels dans les mécaniques du déterminisme Ne pas s’enfermer dans sa « différence », mais oser sa « différance »…

Un sujet est placé en position de désarticuler et réarticuler son histoire avec son projet, pour qu’il se reconnaisse et se dépasse, assume ce qu’il est et décide de ce qu’il veut devenir. Expliquer ce qu’on a fait… Envisager ce que d’autres auraient fait… Imaginer ce qu’on aurait pu faire soi-même… Construire des scénarios alternatifs… Dégager les enjeux à court, moyen et long terme… Repérer les moments décisionnels possibles… Envisager les occasions de mobilisation… Préciser les conditions d’exercice de la volonté… Fixer un engagement contractuel… Prendre date pour vérifier la parole tenue…

« Pratiquer l’écoute tripolaire » « Si je n’écoute que le moi accidenté, je me fais complice du besoin d’apitoiement. Si je n’écoute que la formation réactionnelle dérangeante, je m’instaure, sans plus, punisseur de celui qui trouble l’ordre public. Si je pense naïvement qu’il me suffit de valoriser le moi pour que la partie accidentée disparaisse, je risque beaucoup de déceptions. » (Jacques Lévine, Prévenir les souffrances d’école) Une triple nécessité : entendre le moi accidenté et le reconnaître comme tel, faire respecter les règles qui rendent possible le vivre ensemble, valoriser le moi et chercher en lui des points d’appui pour son dépassement.

L’exigence au cœur de l’imputation « Je fais alliance avec toi quand tu tentes de te dépasser. » La sanction (positive et négative) est, tout à la fois, le témoignage de mon exigence et l’appel à ta liberté La sanction négative est un moyen que je t’offre pour retrouver ta place dans le collectif (c’est la faute qui exclut et la sanction qui intègre) La sanction positive est reconnaissance de ton effort et de ton accomplissement.

en incarnant la joie d’apprendre et de comprendre… Conclusion… Enseigner… c’est exercer son « autorité » d’adulte qui assume, à la fois, la transmission et le renouvellement du monde… en incarnant la joie d’apprendre et de comprendre… en donnant à espérer un avenir possible pour les enfants d’aujourd’hui.