Approche cognitive des apprentissages scolaires et non scolaires La métacognition Sandra Nogry Equipe Compréhension, Raisonnement et Acquisition de connaissances Laboratoire Paragraphe Sandra.nogry@iufm.u-cergy.fr
Introduction Objet de ce cours : peut-on apprendre à apprendre, et si oui comment ? "Si je te donne un poisson, tu n'en mangeras qu'un. Si je t'apprends à pêcher, tu en mangeras longtemps" (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 3)
Une question toujours d’actualité Une compétence recherchée… connaître ses processus d'apprentissage, ses propres points forts et faiblesses savoir s'auto-évaluer etc. Des différences relatées sur ces différents points entre les enfants qui accusent un retard mental et les autres (Brown; Campione et Brown); Entre experts et les novices (travaux de Chi) Entre apprenants efficaces et ceux qui éprouvent des difficultés d'apprentissage (Gagné) Entre bons compreneurs et mauvais compreneurs (travaux de Hoakill)
Objectif de ce cours Proposer un bilan des travaux en psychologie sur cette question Quels diagnostics, quelles actions possibles ?
Plan Définition(s) de la métacognition Métamémoire Métacompréhension Approche développementale Diagnostic Actions possibles ? Métacompréhension La compréhension Métacompréhension : comparaison entre bons et mauvais compreneurs
métacognition « connais toi toi-même » Méta: préfixe signifiant plus loin, au-delà de
Définition 1 D’après le Vocabulaire de sciences cognitives, 1998, « la métacognition (ou cognition de la cognition) regroupe les savoirs et les activités cognitives qui prennent pour objet la cognition et contribuent à la régulation et au contrôle de son fonctionnement ».
Définition 2 Selon Gombert, la métacognition est un domaine qui regroupe Les connaissances introspectives et conscientes qu’un individu en particulier a de ses propres états mentaux et processus cognitifs Les capacités que cet individu a de délibéremment contrôler et planifier ses propres processus cognitifs en vue de la réalisation d’un but ou d’un objectif donné
Définition La métacognition englobe 2 phénomènes de natures différentes connaissance de ses propres processus mentaux Régulation que l’on opére sur ces processus « mécanismes de régulation ou de contrôle du fonctionnement cognitif »
Connaissances métacognitives Des variations importantes suivant les auteurs Connaissances relatives Aux stratégies pertinentes pour atteindre le but visé. Stratégie : comportement intentionnel orienté vers un but Ces connaissances cognitives peuvent être associées à une expérience métacognitive
Expérience métacognitive « Quelqu’un a une expérience métacognitive, s’il a la sensation que quelque chose est difficile à percevoir, à comprendre, à mémoriser ou à résoudre ; s’il a la sensation qu’il est tout près d’atteindre son but cognitif ou, au contraire, qu’il en est encore loin ; ou s’il a la sensation que la tâche devient plus facile ou plus difficile qu’elle l’était quelques instants plus tôt » Flavell, 1987
Auto-régulation « capacités de contrôle que possède l’individu sur ses propres processus attentionnels, perceptifs et cognitifs » (Flavell, 1981). Différentes composantes La prise de conscience d’un processus cognitif (Noel, 1994, Zimmerman, 2000) Planification Contrôle d’un processus cognitif Régulation
Auto-régulation réflexions accompagnant l’activité cognitive ainsi que d’une suite de décisions ayant pour but soit de poursuivre l’activité, soit de la modifier trois opérations de régulation : l'anticipation le contrôle l'ajustement
Approche historique Prise de conscience de son propre fonctionnement étudiée par Piaget Réussir et comprendre, 1974 La prise de conscience, 1974 Habiletés réflexives : des origines sociales ? Vygotsky, Pensée et Langage
La prise de conscience (Piaget et coll, 1974) L’action constitue une connaissance autonome, dont la conceptualisation ne s’effectue que par prises de conscience ultérieures ; et que celles-ci procèdent selon une loi de succession conduisant de la périphérie au centre, c’est-à-dire partant des zones d’accommodation à l’objet pour aboutir aux coordinations internes des actions (…/…) la prise de conscience part en chaque cas des résultats extérieurs de l’action pour ne s’engager qu’ensuite dans l’analyse des moyens employés et enfin dans la direction des coordinations générales (réciprocité, transitivité, etc. ), c’est-à-dire des mécanismes centraux mais d’abord inconscients de l’action. Piaget, Réussir et comprendre, p. 231-232
La prise de conscience (Piaget et coll, 1974) Passage du plan de l’action à celui de la représentation L’attention est d’abord focalisée sur les résultats de l’action Prises de connaissances sur l’objet Puis sur les moyens déployés pour produire ce résultat Avant de se porter sur les mécanismes centraux Développement de capacités à anticiper le résultat de l’action
Prise de conscience et développement Selon Piaget, au stade pré-opératoire, il y a indifférenciation entre le but et les moyens, Les enfants portent alors leur attention sur le résultat des actions et non sur l’action elle-même Ceci conduit à une « réussite en actes » (Vergnaud, 1996) Des compétences efficaces mais implicites ce qui ne permet pas La dichotomie entre actions et résultat de l’action Donc la prise de conscience
Habiletés réflexives : des origines sociales ? Vygostky : Développement des habiletés réfléxives par intériorisation du langage Rôle des médiations sociales dans l’intériorisation progressive de la régulation, assurée initialement par d’autres que lui
Quelles relations entre ses différentes composantes ?
Etudes réalisées plus récemment en psychologie cognitive Métamémoire Métacompréhension Métacognition et résolution de problèmes
Métamémoire Connaissances sur le fonctionnement de sa propre mémoire Connaissances qu’ont les individus de la difficulté relative de différentes tâches De leurs propres forces et faiblesses Connaissances/ consciences des stratégies disponibles pour dépasser ses faiblesses
Pas de métacognition sans cognition Pas de métacognition sans cognition ! Développement de la mémoire sémantique Les enfants disposent d’une mémoire de reconnaissance efficace mais leur mémoire de rappel est plus limitée Mayers et Perlmutter, 1978 : 18 objets à mémoriser, 36 objets présentés ensuite 80% de reconnaissance à 2 ans, 90 % de reconnaissance à 4 ans Rappel : 20% à 2 ans, 40% à 4 ans
Développement des stratégies mnémoniques différentes stratégies de mémorisation possibles chez l’enfant comme chez l’adulte Répétition des mots (Gathercole et al., 1994 ; Kail, 1990 ; McGilly et Siegler198) L’autorépétition apparaît à 24% à l’école maternelle, à 63% en première année d’élémentaire, à 78% en 2eme année d’élémentaire En maternelle, stratégie peu efficace : répétition d’un item à la fois Chien chien, vache, vache, etc. À partir de 7 ans en moyenne, révision de plusieurs mots ensemble Augmentation de la rapidité de répétition avec l’âge
Développement des stratégies (2) Regroupements, catégorisation En maternelle Regroupements faits de manière fortuite, par association Regroupement selon des schémas, des associations rencontrées dans le quotiden (ex : pain-beurre) Stratégie de catégorisation ne sont véritablement utilisée qu’à partir du CE1 (en moyenne, variations interindividuelles) Elle ne semble effective qu’à partir du CM2 (schneider, 1986)
L’apparition de regroupements volontaires est tardive Stratégies de mémorisation et performances de mémoire (Schneider et Sodian, 1997) Étude longitudinale 200 enfants suivis à 4, 6, 8, 10 et 12 ans Une relation entre le développement de l’utilisation de la stratégie de regroupement et l’amélioration des performances en mémorielle Stratégies utilisées peu efficaces jusqu’à 6 ans, deviennent réellement efficaces vers 10 ans L’apparition de regroupements volontaires est tardive
Développement de stratégies (3) Formation d’images mentales Dès l’âge de 6 ans, les enfants sont capables de faire un usage efficace de cette stratégie… si elle est sollicitée par l’expérimentateur Ex : présentation de paires d’objets, demander aux enfants d’imaginer les 2 objets jouer ensemble
Comment étudier la métamémoire ? Questionnaires questions qui permettent d’appréhender quels types de connaissances sur la mémoire Connaissances sur les caractéristiques personnelles de l’individu Connaissances sur les différentes tâches de mémorisation Techniques d’expression verbale s’appuyant sur une courte histoire Ex : Un prince qui doit, pour délivrer sa princesse, mémoriser un ensemble d’action à réaliser après un long voyage Sur l’utilisation d’objets et de personnages servant de supports à une histoire racontée
Les enfants de 3-4 ans savent déjà Comment l’enfant conçoit-il le fonctionnement de la mémoire? Quelle connaissance des différentes tâches mnésiques ? Les enfants de 3-4 ans savent déjà qu’une courte série d’images est plus facile à rappeler qu’une longue série (Flavell et al. 1993) Des variables liées à l’individu (humeur, fatigue) peuvent affecter la qualité de l’apprentissage
Comment l’enfant conçoit-il le fonctionnement de la mémoire Comment l’enfant conçoit-il le fonctionnement de la mémoire? Quelle connaissance des différentes tâches mnésiques ? À 6 ans les enfants savent que les items familiers sont plus faciles à retenir que les items nouveaux Ils ne savent pas encore que La reconnaissance est plus facile que le rappel libre Que des items susceptibles d’être répartis en catégories se mémorisent plus facilement que des mots sans rapport les uns avec les autres le point crucial d’un texte est plus facile à retenir que des mots précis N’ont pas conscience de la nécessité d’un effort pour apprendre À 7 ans, les enfants ne sont pas en mesure de préciser si une stratégie est plus efficace qu’une autre, ils y parviennent entre 9 et 11 ans (Justice, 1985, cité par Fayol et Gaonach’)
Connaissances liées au fonctionnement personnel « combien de mots es-tu capable de retenir après les avoir lu une fois ?»
Connaissances liées au fonctionnement personnel : Surestimation des performances (étude princeps Yussen et Levy, 1974)
Auto-régulation de l’activité de mémorisation Plusieurs méthodes Présentation d’une tâche, de plusieurs stratégies Analyse de l’activité des enfants L’enfant contrôle-t-il la qualité de la mémorisation ? « Jugement de savoir » Expression d’un degré de certitude ou de confiance du sujet sur la qualité de sa réponse
La capacité a réguler son activité en s’appuyant sur la connaissance des difficultés relatives de la tâche apparaît tardivement Dufresne et Kobasigawa (1989) : Enfants de 6, 8, 10 et 12 ans Tâche : apprendre des paires de mots VI : difficulté des paires Ex : chien – chat, pied-chaussure, pain-beurre / habit-maison Résultats : les enfants de 6 et 8 ans savent différencier les 2 types de paires mais passent le même temps à étudier les paires faciles / difficiles Les enfants de 10-12 distribuent leur attention en fonction de la difficulté relative des paires Les connaissances sur la difficulté de la tâche ne suffisent donc pas à assurer la mise en œuvre de stratégies visant à améliorer les performances
Résumé des principaux résultats Les jeunes enfants n’ont pas conscience du peu de matériel dont ils peuvent se souvenir n’ont pas conscience des efforts nécessaires pour mémoriser une information Ils ne mettent pas spontanément en œuvre des stratégies mnémoniques et ont de faibles performances mnésiques Raisons Ils ne se rendent pas toujours compte que les stratègies peuvent leur rendre service Leurs stratégies peuvent s’avérer inefficaces Ils ignorent les stratégies possibles Ils peuvent éprouver des difficultés à les mettre en œuvre (surcharge cognitive)
Principaux résultats Début de l’école élémentaire : déficit de production : de mise en œuvre spontanée des stratégies Possible de les inciter à les utiliser Raisons : Ignorances des associations pertinentes entre objectif à atteindre et stratégie à mobiliser Matériel trop peu familier Coût élevé de la mise en oeuvre
Principaux résultats Les enfants plus âgés (Kail, 1990) (après 6 ans) choisissent leurs stratégies avec plus d’attention, Les utilisent avec plus de constance Fin de l’école élémentaire : mise en œuvre pertinente et efficace des stratégies possibles Développement rapide entre 6 et 11 ans
Connaissances métacognitives et performances Avoir des connaissances sur le fonctionnement de la mémoire ne suffit pas à avoir de bonnes performances Un enfant de 9 ans sait qu’une stratégie d’organisation facilite la mémorisation, mais ce savoir ne garantit pas qu’il fasse usage de cette stratégie Les corrélations sont plus fortes lorsque la métamémoire est évaluée en terme de contrôle par l’enfant de ses propres connaissances (Weed et al. 1990)
Tous les enfants ne maîtrisent pas également les différentes stratégies de mémorisation. Peut-on faire apprendre des stratégies à des enfants qui ne les maîtrisent pas spontanément ?
Quelles actions possibles ? Il ne suffit pas d’indiquer la stratégie à suivre pour qu’elle soit ensuite utilisée spontanément Nécessaire d’apporter des informations relatives à l’efficacité de la stratégie (Kennedy et Miller)
Peut-on apprendre des stratégies? Quelles actions possibles ?
Peut-on apprendre des stratégies? Quelles actions possibles ? Suivant ce schéma, possible d’améliorer ses performances En apprenant des connaissances métacognitives sur les stratégies Et par une prise de conscience de ce qui a été fait afin d’ajuster ses croyances et ses connaissances Différents programmes ont suivi ces principes
Enseignement de connaissances sur les stratégies (Lodico et al.) Enfants âgés de 7 ans en moyenne Tâche d’apprentissage 2 tâches : Rappel libre/association de pairs Rappel de l’importance à accorder à leur performance de façon à déterminer la meilleure façon de répondre 2 stratégies proposée (Efficace / non efficace) Après chaque tâche, comparaison des performances en fonction de la stratégie utilisée
Enseignement de connaissances sur les stratégies (Lodico et al.) Test : Nouvel essai de chaque tâche en indiquant qu’il peut choisir sa stratégie Résultats Les participants ayant suivi l’apprentissage ont recours plus souvent à la bonne stratégie Savent mieux justifier leur choix