Politique de l’objectivité Camélia Assaoui, Laura Daniel, Guillaume Espié
La prise en compte de l’intervention humaine dans l’élaboration des connaissances nous fait-elle perdre l’idée d’objectivité ?
Définition de l’objectivité Ontologique : ce qui est propre à l’objet ou plus généralement ce qui constitue un objet Epistémique : la validité d’une connaissance ou d’une représentation se rapportant à l’objet. Ethique : s’exprime en terme de neutralité, impartialité, désintéressement. Prise de distance vis-à-vis de l’objet.
« The Image of Objectivity » Lorraine Daston Historienne des sciences Peter Galison Historien et Professeur de sciences physiques à Harvard
Les auteurs Steven Shapin et Simon Schaffer Historien et sociologue américain Science Studies Sociology of Scientific Knowledge Chaire Franklin L. Ford, Harvard University Historien, philosophe britannique Science Studies Théorie de l’acteur-réseau
« Le Pédofil de Boa Vista » Bruno Latour Sociologue, anthropologue et philosophe des sciences Théorie de l’acteur réseau
Introduction Les auteurs s’intéressent uniquement à l’objectivité mécanique But de l’objectivité mécanique: combattre la subjectivité scientifique, esthétique, des dogmes, des systèmes de pensées ou encore de l’anthropomorphisme Les atlas sont les vecteurs de l’objectivité L’objectivité mécanique s’attache à combattre la subjectivité du jugement scientifique et esthétique, des dogmes et systèmes de pensées ou encore de l’anthropomorphisme. Les armes pour mener à bien ce combat sont notamment l’auto-restriction. Il y a, par ailleurs, deux facettes à l’objectivité mécanique, deux sens. L’un est négatif : l’objectivité mécanique a pour but d’éliminer la présence médiatrice de l’observateur. L’autre est positif : l’objectivité mécanique requiert une minutie et une exactitude de tous les instants ainsi qu’une patience infinie, une persévérance à toute épreuve, des acuités sensorielles au-delà du normal et un insatiable appétit pour le travail. Ce qui unit ces deux aspects de l’objectivité mécanique est, en somme, une discipline quasi « héroïque ». L’essai de Daston et Galison se concentre sur la réalisation d’atlas encyclopédiques puisque ceux-ci sont les premiers transmetteurs de l’objectivité. 7
Premières approches « truth-to-nature » Approches truth-to-nature: éliminer les idiosyncrasies Illustrations visuelles Standardiser Relayer Assurer l’incorruptibilité le précepte de la « fidélité à la nature » (truth to nature) a connu un franc succès dans le milieu des créateurs d’atlas. Ce précepte engageait ces derniers à effectuer des jugements ontologiques et esthétiques que l’objectivité mécanique condamna plus tard. Le but des atlas étant d’éliminer les idiosyncrasies. En cela, le problème de la sélection desdits objets se posait naturellement puisque cette sélection était la prérogative des scientifiques et revêtait ainsi une forte potentialité de subjectivité. Dans ces atlas, les illustrations visuelles occupaient une place de choix. Généralement imposantes, méticuleusement dessinées ou gravées et produites à un coût substantiel, les illustrations avaient trois fonctions principales : standardiser des objets dans une forme visuelle, permettre de relayer le savoir et de créer une certaine forme de publicité pour la communauté scientifique et enfin, assurer l’incorruptibilité de leurs auteurs et/ou commanditaires. 8
Premières approches « truth-to-nature » La notion de fidélité à la nature recouvre donc plusieurs termes et plusieurs visions de l’objectivité. Les images dites « typiques » sont des archétypes de la catégorie d’objet considérés et caractérisent les atlas anatomiques du XVIIème siècle jusqu’au milieu du XIXème 9
Premières approches « truth-to-nature » Deux variantes qui ont également pour but de standardiser un phénomène : « idéales »: prétend rendre compte du « parfait » « caractéristiques »: présente le « typique dans un individu ». Annexe 2 : Illustrations de Bernhard Albinus sur le squelette humain (« idéal ») Annexe 3 : William Hunter, Anatomie de l’utérus humain enceinte 10
L’objectivité mécanique Utiliser des garde-fous mécaniques ou procéduraux Apparition de la photographie et enthousiasme pour l’« objectivité » que permet cet outil Enthousiasme partagé par Francis Galton L’interprétation, la sélectivité, la dimension artistique ou encore le jugement lui-même étaient autant de tentations subjectives qui nécessitaient des garde-fous mécaniques ou procéduraux. Avec l’apparition de la photographie, dans les dernières décennies du XIXème, on assiste à une sorte de fascination qui relègue les techniques comme la gravure aux oubliettes, car trop dépendante de l’appréciation du graveur. Francis Galton partage cet enthousiasme et voit dans cette technique la possibilité de simultanément éliminer le jugement et capturer, en une seule image, l’image d’un groupe. Ainsi, Galton propose, dans un portrait composite, un archétype du meurtrier ou du voleur dangereux en amalgamant des fractions de portraits de tels individus 11
L’objectivité mécanique Apparition des imageries rayons X les auteurs reportent leur crainte de subjectivité sur le public en transférant à ce dernier, la prérogative du jugement Bien qu’aucune méthode ne soit parfaite, la photographie semble être, à cette époque, la seule à ne pas être entachée de subjectivité Le leitmotiv : la justesse doit être sacrifiée au profit de l’objectivité Au début du XXème siècle, les atlas avec des images aux rayons X prolifèrent. Leur succès est néanmoins tempéré par les divergences clairement observées entre l’anatomie macroscopique et les images aux rayons X du corps humains. Certains éléments du corps n’étant pas visible au rayon X et vice versa. Doutant d’eux-mêmes et des procédés employés, les auteurs reportent leur crainte de subjectivité sur le public en transférant à ce dernier, la prérogative du jugement. Chaque spécimen, on l’espérait, était sensé évoqué une classe de modèles dans l’esprit du lecteur Bien qu’aucune méthode ne soit parfaite (la photographie ne retranscrivait pas par exemple les couleurs), celle-ci semble être la seule à ne pas être entachée de subjectivité comme peuvent l’être les dessins. Le leitmotiv : la justesse doit être sacrifiée au profit de l’objectivité 12
L’objectivité mécanique La dimension morale de l’objectivité mécanique Le polygraphe portable d’ E-J Marey L’objectivité mécanique est par ailleurs fortement teintée de « morale ». Avec son polygraphe portable (voir annexe), le physiologiste français Etienne-Jules Marais voit dans son instrument d’imagerie la possibilité de réaliser non seulement un travail scientifique idéal mais surtout un idéal du langage pictural universel. Ces appareils inscripteurs offrent la possibilité de traduire tous les changements d’activité dans une forme arrêtée mais surtout partageant un langage commun avec la nature, en faisant des observateurs uniques. 13
La moralisation Objectivité mécanique: fidélité à la nature mais allégeance à la moralité de l’auto-restriction Analogie entre sciences et religion Bien que l’objectivité mécanique soit au service de la fidélité à la nature, son allégeance naturelle est à la moralité de l’auto-restriction. Les machines, au service de cet objectivité, ont permis à leur utilisateur : de créer des milliers d’objets identiques nécessaires à la mission de standardisation d’un atlas ; d’incarner l’idéal positif de l’observateur (patient, infatigable, toujours alerte, exhaustif dans sa quête de représentation, etc.) ; et enfin, de créer des images libérées de toute contamination par interprétation. Il est permis de relativiser ce dernier point, rétrospectivement, puisque cette promesse ne fut jamais réalisée. Ni la camera obscura, ni plus tard la photographie ne purent éliminer toute trace de subjectivité dans la réalisation d’atlas. Cependant, les revendications incessantes des scientifiques au sujet de l’objectivité de leurs travaux témoignent de l’intensité de leur quête de l’image parfaite, « pure ». 14
Conclusion D’autres formes d’objectivité ont connu leur heure de gloire Il y aura toujours des nouvelles image de l’objectivité D’autres formes d’objectivité que la mécanique ont connu leur heure de gloire. Récemment, l’attention s’est très largement portée sur l’objectivité aperspective, qui se propose d’identifier ce qui est objectif en s’affranchissant de toute perspective. Il s’agit en quelque sorte d’une « vue de nulle part ». S’il est tentant de faire se télescoper toutes les formes d’objectivité pour parvenir à un assemblage qui se confondrait avec l’objectivité aperspective, il est judicieux de résister à cette tentation car les standards de chaque mode d’objectivité sont en réalité incompatibles. Il serait vain de vouloir incorporer la photographie, essence et emblème de l’objectivité mécanique, dans le monde de l’objectivité métaphysique, pour lequel cette technique n’a aucune valeur. Cette même photographie qui, nous l’avons vu avec les rayons X notamment, est en outre, la représentation d’une perspective. Cela nous conduit à dire que l’objectivité est diverse et changeante, capable de nouvelles significations et de nouveaux symboles. Il y aura toujours des nouvelles images de l’objectivité. 15
« Voir et croire : la production expérimentale des faits pneumatiques » Robert Boyle Scientifique irlandais Acteur du mouvement probabiliste et faillibiliste Du XVIIe siècle S’il est impossible d’obtenir un consensus général et obligatoire via les explications scientifiques, comment Boyle vise-t-il à l’obtenir par le fait expérimental ?
Figure 1. Boyle et la philosophie expérimentale Consensus Connaissance Faits Reflets de la nature Nature Evidence, réalité
I. La construction expérimentale du fait pneumatique Technologies et fondement expérimental du fait Matérielle Littéraire Sociale Le recours au témoignage Collectif, social, moral Le témoignage virtuel
I. La construction expérimentale du fait pneumatique L’encadrement des récits d’expérience Moralité Modestie Respect De la querelle à la conversation Nécessité et utilité des disputes Pratique théâtrale de la persuasion
II. La pompe à air dans la genèse du fait Technologie matérielle Inconvénients d’utilisation Intégrité physique de la machina Boyleana De la dialectique à l’expérimentation Expérience du « vide-dans-le-vide » Expérience des deux corps lisses
La pompe à air de Boyle et Hooke
Pour conclure : Technologies, objectivation et consensus
Le « Pedofil de Boa Vista » montage photo-philosophique
Boa Vista, capitale de l’Etat de Roraima en Amazonie
Une double mission Objectif des scientifiques : observer la transition forêt-savane dans la région de Boa Vista -> la forêt avance ou recule-t-elle ? Objectif de Latour : suivre en philosophe la mission -> répondre à la question comment comprendre le monde
Un point de philosophie des sciences Etudie les fondements et les implications de la science, en énonçant et en vérifiant des hypothèses sur la nature. Deux thèses qui fâchent : Réalisme kantien : primauté du réel Idéalisme platonicien : prééminence des Idées = RUPTURE
Contre la coupure radicale
La référence « Comment passer de l’ignorance à la certitude ? » Transposition entre le monde directement observé et la transcription formelle sur papier Un repère, une marque qui lie le discours à la réalité Permet l’objectivité
Le montage photo-philosophique Rigueur étape par étape Un platonisme pratique Mise à l’épreuve de la référence
La transsubstantiation Permet au discours de remplacer une chose sans la dénaturer. Connaissance est permise par un mouvement des référents Conserver une permanence par le principe de l’alignement.
Enchaînement d’éléments
Les phénomènes : du milieu vers l’infini, et tout le long de la chaîne