Contrepoint - regard du « Sud » : Référentiel néolibéral et formes de la critique éducative : un regard à partir du cas chilien Rocío Ferrada Hurtado Doctorante UCL Colloque « ´L’École bientôt hors-jeu ? » - 6 novembre 2014

Quelques conséquences de la mise en œuvre d’un modèle néolibéral sur les acteurs de l’éducation 1.L’implémentation du néolibéralisme dans la société chilienne. 2.Les acteurs éducatifs dans ce contexte

1. L’implémentation du néolibéralisme dans la société chilienne. On évoque souvent le Chili comme une sorte de cas « pur » ou comme un « laboratoire » pour la mise en œuvre du modèle néolibéral. À partir de 1980 (en pleine dictature donc), l’État devient promoteur du Marché et l’espace public le lieu où des décisions privées peuvent se déployer.

La mise en œuvre de ce modèle néolibéral dans le système éducatif « Dévolution » de l’éducation aux familles (but explicite: réduire les dépenses publiques d’éducation, mais aussi améliorer la couverture scolaire) L’éducation se transforme en « une activité à but lucratif » « Financement partagé», qui est un système de financement où une contribution financière des parents vient compléter la subvention publique par élève. Possibilité des propriétaires d’établissements scolaires de sélectionner leurs étudiants, leur public.

Ce nouvel ordre scolaire à possibilités… une couverture scolaire étendue (voire complète) des améliorations nettes aux épreuves internationales une migration de l’inscription du secteur public au secteur privé-subventionné un des systèmes éducatifs les plus ségrégués au monde

Source: Informe de políticas públicas N°3: Hacia un sistema escolar más inclusivo: cómo reducir la segregación escolar en Chile.

L’inégalité structurelle du système éducatif chilien est le produit d’un schéma qui a cherché délibérément à distribuer les “biens éducatifs” comme un bien marchand, en fonction de la capacité financière des familles (OCDE 2004).

2. Les acteurs éducatifs dans ce contexte Les acteurs se positionnent grosso modo de deux manières différentes: i.Ceux qui soulèvent une critique plus ou moins radicale du système éducatif Cette position est incarnée par le mouvement étudiant, qui demande la fin de: l’éducation marchandisée (à but lucratif), le paiement mixte et privé la sélection scolaire

Le mouvement étudiant signale… « Le refus des projets de loi isolés, des mesures en demi-teinte qui ne viseraient pas à éliminer la logique de marché de l’éducation ; le refus de toute réforme qui prétende seulement réguler le marché éducatif, et pas transformer en profondeur l’éducation, pour en faire un droit » (Presse, mai 2014)

ii. Ceux qui veulent le maintien de l’institution scolaire telle qu’elle est Ils considèrent comme indispensable de permettre le « choix » des familles, leur liberté d’opter pour l’école obtenant de meilleurs résultats Ils acceptent le bénéfice financier comme la « juste rémunération » d’un travail de qualité (mesuré par les résultats d’apprentissages).

Cette position est incarnée, entre autre, par la Fédération de Parents défendant les Institutions éducatives privées ou mixtes (FIDE-CONFEPA) « … Ce qui compte pour nous, c’est que l’éducation soit de qualité. Si l’éducation est de qualité, nous ne voyons pas en quoi le fait de payer pour elle serait un problème, pour autant que les chefs de famille optent librement pour un projet éducatif donné » (Presse, octobre 2014)

D’ailleurs, ces acteurs légitiment aussi l’école comme un instrument d’écrémage social « Je n’aime pas cette réforme, parce que tous les enfants vont être mélangés » (CONFEPA) «…sans sélection un bon élève d’une « mauvaise école publique» va pouvoir étudier avec d’autres bons élèves, c’est faire que ces bons élèves n’auront au final aucune chance de sortir du lot, à cause d’un processus de nivellement par le bas du niveau scolaire qui va se produire dans les écoles» (Politique opposé à la réforme)

Pour finir… Le modèle éducatif qui promeut une conception individualiste de l’éducation et qui la réduit à des fins instrumentales et de distinction sociale (l’obtention de résultats académiques adéquats aux attentes du marché et l’écrémage social) est une idéologie qui a fortement pénétré la culture chilienne. Loin d’être critique, le regard de plusieurs acteurs est conforme à l’ordre éducatif marchandisé, qui tend à invisibiliser et à délégitimer les autres finalités fondatrices de l’école, relatives au caractère fondamentalement politique de son projet.