La séquence didactique, un nouveau mode d’organisation des apprentissages en/du français en milieu minoritaire Olivier Dezutter, Lizanne Lafontaine et Lynn Thomas Université de Sherbrooke et Université du Québec en Outaouais Colloque REEFMM Vancouver, le 31 mai 2008 Recherche financée par le CRSH (programme des langues officielles) et le ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick
Plan 2. Le principe de la séquence didactique 3. Analyse de données 1. Quelques éléments de contexte 2. Le principe de la séquence didactique 3. Analyse de données - 3.1. Les orientations et contenus des séquences - 3.2. Les constats des enseignants à propos du travail par séquences Conclusion
1. Quelques éléments de contexte Des défis à relever pour l’enseignement du français dans les écoles secondaires francophones du Nouveau-Brunswick Un défi cognitif : - améliorer les performances orales et écrites en français et assurer des apprentissages « durables » Un défi psychologique : - motiver les élèves à apprendre le français, surmonter leur insécurité Un défi socio-culturel : faire vivre les liens avec la communauté francophone locale et globale (R. Daigle, 1996; « enculturation à double sens ». Landry, 2000) Un défi pédagogique et didactique : - l'intégration des apprentissages formels à propos de la langue et des formes textuelles orales ou écrites au sein de situations d'apprentissage qui - motivent les élèves; - leur permettent de construire ces apprentissages en contexte de communication - contribuent au développement de leur construction identitaire. Dans un contexte extrêmement hétérogène et où les ressources spécifiques sont rares (FCE,2004)
1. Quelques éléments de contexte Une recherche-action-formation en lien avec l’implantation du nouveau programme de français Inscrite dans le paradigme de la recherche-développement (Richey et Nelson, 1996; Loiselle, 2001; Savoie-Zajc, 2001.) 2 objectifs : a) mettre en place un dispositif de formation impliquant des enseignants dans la conception et l’expérimentation de séquences didactiques b) étudier l’impact de ce dispositif sur l’appropriation du nouveau programme par les enseignants Projet complet mis en œuvre en 2006-2007 avec un groupe de 8 enseignantes de 9e année venant des districts différents et un agent pédagogique ; dispositif reconduit en 2007-2008 avec 10 enseignants de 10e année et deux agents pédagogiques
2. Le principe de la séquence didactique Une définition La séquence didactique peut être définie comme un ensemble organisé d'activités d'enseignement et d'apprentissage, centré sur une tâche précise de production orale ou écrite et amenant les élèves à s'approprier un "objet" déterminé[1]. [1] Voir Dolz, J., Noverraz, M., et Schneuwly, B. (dir.). (2001). S’exprimer en français. Séquences didactiques pour l’oral et l’écrit. Bruxelles-Genève, Corome, De Boeck.
2. Le principe de la séquence didactique Des projets au cœur du cours de français Toute séquence didactique amène les élèves à réaliser une production orale ou écrite qui s’inscrit dans un projet de communication réel ou simulé impliquant le groupe-classe et souvent aussi d’autres partenaires du milieu scolaire ou extrascolaire.
2. Le principe de la séquence didactique Des « objets » au cœur du cours de français Les « objets » sont des réalisations concrètes et matérielles d’intentions de communication ; des formes de messages oraux et écrits connues de tous, qui sont organisées selon des structures et des normes de présentation spécifiques, ce qui nous permet de les reconnaître aisément Exemples : la lettre d’opinion, l’entrevue
2. Le principe de la séquence didactique Les 5 éléments d’une séquence Une mise en situation Une production initiale Un ensemble d’ateliers touchant aux caractéristiques communicatives et linguistiques de l’objet ciblé Une production finale Une démarche d’évaluation intégrée à l’apprentissage (évaluation diagnostique, formative) et finale (évaluation sommative)
2. Le principe de la séquence didactique Autres particularités de la séquence Une approche didactique qui sollicite l’autonomie et le jugement professionnel des enseignants Une approche didactique qui privilégie la mise en action des élèves dans des contextes signifiants Une approche didactique intégrée qui réconcilie l’approche communicative et la centration sur les aspects formels de la langue (Daigle, 1996) Une approche didactique qui prend en compte les nécessités de la différenciation pédagogique (Dolz et Schneuwly, 2001)
3. Analyse de données Type de données recueillies Année 2006-2007 2 entrevues avec chacune des enseignantes, au début de l’étude et à la fin + un Forum de discussion au sujet de conseils à donner aux collègues (dernière séance de formation) - Analyse de contenu des verbatims de tous ces enregistrements avec le logiciel NVivo 8 séquences produites (9e année) et exemples de productions d’élèves Captation vidéo de fragments de l’expérimentation des séquences didactiques en classe Année 2007-2008 10 séquences produites – 10e année (en voie d’achèvement) Formulaires de rétroaction remplis par les participants
3.1. Les orientations et contenus des séquences Des apprentissages en contextes de communication diversifiés
3.1. Les orientations et contenus des séquences Des cibles précises d’apprentissage en lien avec les différents objets traités tant à l’oral qu’à l’écrit et touchant à la fois à des aspects de langue et à des aspects d’organisation des textes oraux et écrits ex: dans une séquence sur l’entrevue, - un atelier sur les marqueurs de relation qui marquent l’enchaînement entre les questions et la progression; - un atelier sur la formulation de questions de types variés; - un atelier sur le lexique spécialisé.
3.2. Les constats des enseignants - La séquence didactique exerce un réel pouvoir « d’attraction » auprès d’une très grande majorité d’élèves. Cela peut tenir : au projet à l’objet aux modalités de travail aux ressources sollicitées - L’approche privilégiée amène à repenser le rôle des élèves et de l’enseignant « Comme enseignant, on a réalisé que l’élève a un rôle à jouer dans son apprentissage, et on le fait jouer beaucoup plus qu’on le faisait d’habitude ». (Sylvie) Pour les élèves qui ont besoin d’avoir « tout cuit dans le bec », ce sera une adaptation pour eux puisque les séquences les amènent à réfléchir sur le travail fait et les actions à prendre pour corriger les lacunes rencontrées (Carla)
3.2. Les constats des enseignants La motivation des élèves, leur contrôle sur la tâche et leur engagement sont accrus Les élèves avaient hâte:« Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui? » (Alyssa) Les élèves sont plus actifs, ils décident plus, ils ont plus de choix qu’avant. (Anais) Le travail est plus significatif pour eux. Ils se sentent plus concernés et exercent un plus grand contrôle de leur apprentissage (Denis) L’engagement des élèves plus faibles et à besoins particuliers est beaucoup plus manifeste Les élèves qui sont plus faibles peuvent participer au travail, ils se sentent donc comme faisant partie intégrante de la classe. C’est un côté très positif pour eux puisqu’ils se sentent valorisés (Gabrielle) Certains élèves « forts » ont plus de mal à entrer dans une démarche plus inductive et plus collective L’encadrement plus large est un défi pour les élèves « forts » qui sont habitués à recevoir une structure précise (voire une « recette toute faite » pour la production des objets (Amélie) (...) ils son souvent individualistes et travailler en groupe les dérange, ils n’ont pas le même genre de directive et cela ne fait pas toujours leur affaire (Gabrielle)
3.2. Les constats des enseignants La séquence permet une observation plus fine des compétences et des progrès des élèves par eux-mêmes et par l’enseignant L’élève apprend au départ de ses propres expériences. Il voit les acquis qu’il a au départ et il construit à partir de cela. Ils peuvent voir leur progrès (Gabrielle) Cela leur permet de découvrir par eux-mêmes comment faire une production, donc les apprentissages restent gravés plus longtemps que lorsqu’on enseigne de façon magistrale (Denis) Il est plus facile de cibler les forces et les défis des élèves. Cela permet de ne pas travailler inutilement et de concentrer nos efforts aux bons endroits (Denis) Quelques exemples de progrès précis : Les élèves ont utilisé des verbes beaucoup plus précis dans l’écriture de leur lettre d’opinion. Ils se sont questionnés concernant les verbes qu’ils devaient utiliser. Leur production finale en a été enrichie (Denis) J’ai observé un meilleur usage des marqueurs de relations, à l’oral comme à l’écrit, suite à l’atelier portant sur ceux-ci dans le cadre de la séquence sur l’exposé argumenté (Amélie)
Conclusion L’approche par séquence didactique a emporté l’adhésion de l’ensemble des enseignants ayant participé à notre dispositif de formation. Les enseignants impliqués ont effectivement développé leur autonomie et leur compétence professionnelle Après expérimentation dans leurs classes, les enseignants témoignent de changements majeurs observés dans les attitudes des élèves et dans certaines de leurs performances L’approche par séquence semble particulièrement bien adaptée aux besoins de l’enseignement du français en milieu minoritaire car elle s’inscrit pleinement dans la perspective d’une pédagogie actualisante et communautarisante (Landry, 2000) L’approche par séquence suppose une préparation et un accompagnement spécifique des élèves et des enseignants par rapport à un processus qui rompt en partie avec leur habitus scolaire.
Conclusion Pour mesurer pleinement les effets de l’approche par séquence, il resterait à mener une étude complémentaire de type longitudinal auprès de groupes d’élèves de différents « niveaux » (variable cognitive) et de différents districts (variable socio-géographique) sur un double plan : L’incidence d’une telle approche sur leurs propres perceptions L’incidence d’une telle approche sur leurs attitudes et performances