Dr Anne Sirvent Hématologie Clinique LEUCEMIES AIGUES Dr Anne Sirvent Hématologie Clinique
Une consultation dans votre cabinet Une femme de 45 ans, fleuriste, vient vous voir car elle se plaint depuis un mois d’une asthénie très importante associée à une dyspnée d’effort. D’autre part, ses amis lui ont signalé qu’ils la trouvaient très pâle
Examen clinique Apyrexie Absence de saignement extériorisé ou de signe hémorragique Pâleur cutanéo-muqueuse Souffle systolique fonctionnel Absence d’hépatosplénomégalie ou d’adénopathie
Que suspectez-vous ? Quel examen complémentaire demandez-vous ? Anémie Numération formule sanguine : GB 303 x 109/l neutrophiles 1% éosinophiles 0% basophiles 0% monocytes 0% lymphocytes 2% métamyélocytes 0% myélocytes 0% promyélocytes 0% blastes 97% Hématies 3,6 x 1012/l hématocrite 18l/l Hémoglobine 4,2 mmol/l Plaquettes 110 x 109/l Interprétation du résultat
LA : définition = Prolifération clonale de précurseurs hématopoïétiques peu différenciés incapables d’achever leur maturation (par opposition aux leucémies chroniques) Caractère évolutif rapide = urgence diagnostique et thérapeutique
Epidémiologie 20ème cause de décès par cancer Fréquence des LA : 3/100000/an Augmentation de la fréquence avec l’âge problème du traitement 2 types : LAM 80% des LA de l’adulte et LAL
Epidémiologie Généralement idiopathique mais peut exister des facteurs génétiques : trisomie 21, syndromes de cassures chromosomiques (maladie de Fanconi, ataxie-telangiectasie), certaines cytopénies constitutionnelles rôle de certains facteurs environnementaux : radiations ionisantes, exposition à certains toxiques (benzène, hydrocarbures, tabac…), chimiothérapie, champs magnétiques. Peut être secondaire à états préleucémiques : TA de LMC, syndrome myélodysplasique, aplasie médullaire
Signes cliniques très variables Signes d’insuffisance médullaire pâleur, asthénie, dyspnée, souffle systolique (anémie) fièvre, angine ulcéro-nécrotique (neutropénie) syndrome hémorragique cutanéo-muqueux (purpura pétéchial, ecchymoses, gingivorragies, épistaxis), plus rarement hémorragies viscérales ou cérébro-méningée (thrombopénie +/- CIVD)
Signes cliniques Syndrome tumoral adénopathies périphériques ou profondes (médiastinales, abdominales), splénomégalie, hépatomégalie hypertrophie gingivale atteinte cutanée (nodules) anesthésie de la houppe du menton, atteinte méningée douleur osseuse ou articulaire de rythme inflammatoire (enfant)
Hémogramme Atteinte une ou plusieurs lignées Anémie arégénérative Hyperleucocytose ou leucopénie Thrombopénie Présence de blastes circulants (pas obligatoire)
Classification OMS des LAM ≥ 20% de blastes dans moelle ou sang 4 sous-groupes de LAM: LAM avec anomalies cytogénétiques spécifiques LAM avec des signes de dysplasie multilignée LAM ou SMD secondaires post-thérapeutiques Autres LAM
Classification OMS des LAL Leucémie aigue lymphoblastique de précurseurs B Sous-groupes cytogénétiques t(9;22) : BCR/ABL t(v;11q23) : MLL t(1;19) : E2A/PBX1 t(12;21) : ETV/CBFα Leucémie aigue lymphoblastique de précurseurs T Leucémie de Burkitt
Classification immunologique des LAL
Facteurs pronostique des LAM: place de la génétique Âge Nombre de GB LAM de novo ou secondaire Caryotype Réponse au traitement
Importance pronostique du caryotype LAM t(8 ;21) : LAM2, bon pronostic inv 16 : LAM4 Eo, bon pronostic t(15 ;17) : LAM3, bon pronostic, gène de fusion PML-RARα an région 11q23 : réarrangement gène MLL : mauvais pronostic, par ex t(4 ;11)
Importance pronostique du caryotype LAL t(9 ;22) : gène de fusion bcr-abl, idem LMC, mauvais pronostic t(8 ;14) : LAL de Burkitt t(12 ;21) : meilleur pronostic t(4 ;11) : mauvais pronostic hyperdiploïdes : bon pronostic
Importance de la biologie moléculaire Permet de détecter des anomalies non détectées par la cytogénétique conventionnelle Même valeur pronostique
Traitement de la LAM Repose sur la chimiothérapie (anthracycline + cytosine arabinoside) Comprend : Une phase d’induction qui permet d’obtenir la RC Une phase de consolidation (chimiothérapie vs autogreffe vs allogreffe de cellules souches hématopoïétiques)
Résultats DFS de 30 à 60%... Dépendent : Facteurs pronostiques initiaux Réponse au traitement Type de consolidation
LAM3 : t(15;17)(q21;q11)
Un traitement ciblé: ac tout-trans rétinoique Avant ATRA: chimiothérapie seule RC 76%, EFS 26% à 4ans, DFS 42% APL91: ATRA puis chimiothérapie RC 96%, EFS 62% à 4ans, DFS 70%
Traitement de la LAL Induction Etude de la corticosensibilité Utilisation des drogues suivantes: anthracycline, endoxan, vincristine, asparaginase +/- aracytine +PL Consolidation : méthotrexate HD, aracytine HD, endoxan + PL Intensification tardive : reprend souvent les drogues de l’induction +PL Irradiation SNC Traitement d’entretien : mercaptopurine, méthotrexate, vincristine, prednisone +PL
Définition de groupes de risque Compte tenu des facteurs pronostiques, stratifi-cation du traitement (GMALL): Risque standard : absence de facteurs de mauvais pronostic (48% des patients) Haut risque: présence de un ou plusieurs facteurs de mauvais pronostic (33% des patients) Très haut risque: Ph/BCR-ABL + (19% des patients)
LAL : facteurs pronostiques Caractéristiques cliniques Âge> 50 ans, > 60 ans GB > 30 000/mm3 si LAL lignée B Atteinte initiale SNC Caractéristiques immunologiques préB (CD10-) T précoce (CD1a-, sCD3-) T mature (CD1a-, sCD3+) Cytogénétique/an moléculaires t(9;22)/BCR-ABL, t(4;11)/ALL1-AF4, t(1;19)/E2A-PBX1,haploïdie ou near haploïdie Réponse au traitement RC tardive > 3-4 semaines Corticosensibilité MDR
Définition de groupes de risque Obtention RC : 77 à 88% Survie à 5 ans des patients en RC Risque standard: 55% aucune indication d’allogreffe en RC1 Risque élevé: 36% place de l’allogreffe en RC1 Très haut risque: 20% place pour des traitements expérimentaux
Identification de groupes de risque selon MDR Etudes chez l’enfant Mesure de la MRD à la fin de l’induction et avant consolidation (protocole BFM) Trois groupes: Bas risque avec MRD négative: taux rechute à 5 ans 2% Haut risque avec MRD positive intermédiaire (103) ou élevée ( ≥ 102): taux de rechute à 5 ans 84% Risque intermédiaire : taux de rechute à 5 ans 24%
Notre patiente Hospitalisée en unité protégée (flux laminaire, surpression, stérilité, décontamination digestive) Voie veineuse centrale Transfusion de GR et plaquettes Antibiotiques si fièvre Alimentation parentérale si nécessaire Antalgiques si nécessaire
Pendant la chimiothérapie Hyperhydratation alcaline pour prévenir le syndrome de lyse tumorale (J1:275x109/l, J2 : 15x109/l, J3 : 1,4x109/l Urate oxydase Prévention des nausées
En conclusion Maladie grave Guérison possible, surtout chez le sujet jeune, au prix d’un traitement lourd et long (6 à 12 mois dans les LAM, 24 à 30 mois dans les LAL) Rechute = première cause d’échec du traitement