Les différences hommes/femmes dans le sport à la Journée Sport et Genre – 28 mai 2015 Les différences hommes/femmes dans le sport à la lumière des stéréotypes sociaux Aïna Chalabaev Maître de Conférences – HDR en STAPS Laboratoire Sport et Environnement Social (EA 3742) Université Joseph Fourier
Questionnement général Croyances culturelles Stéréotypes liés au sexe dans le sport niveau macroscopique Mécanismes psychologiques Mon intervention ne va pas porter sur la question de l’existence des stéréotypes ou normes de genre (évolution, façon dont ils sont générés). Je vais me focaliser sur l’influence que ces stéréotypes (niveau sociétal) peuvent avoir sur le comportement (niveau individuel). Je vais aborder cette question à travers le regard de la psychologie sociale, qui étudie les mécanismes psychologiques par lesquels ces croyances sociétales peuvent influencer l’individu. Individu Comportement (participation sportive, performance sportive) niveau microscopique
Introduction Remise en cause des inégalités hommes/femmes dans de nombreux domaines… Tâches ménagères: femmes: 4h/semaine hommes: 2h30/semaine (INSEE, 2013) Salaires: le salaire moyen des hommes est 31% plus élevé que celui des femmes (pour les temps complets) (INSEE, 2013) Orientation professionnelle: les filles sont plus nombreuses à accéder au baccalauréat mais moins nombreuses en classes préparatoires aux grandes écoles Avant d’évoquer ces travaux, je vais débuter ma présentation par le constat d’un paradoxe… D’un côté…
Introduction Remise en cause des inégalités hommes/femmes dans de nombreux domaines… …mais peu dans les activités physiques et sportives Pourtant, c’est un des domaines où les différences entre les sexes sont les + larges Performances des meilleurs Je ne vous apprends rien si je vous dis que… Cheuvront et al. (2005) Sports Med
Introduction Remise en cause des inégalités hommes/femmes dans de nombreux domaines… …mais peu dans les activités physiques et sportives Pourtant, c’est un des domaines où les différences entre les sexes sont les + larges Performances des meilleurs Différences de performance (%) entre les 10 meilleurs amateurs et les 10 meilleures amatrices sur le Hawaii Ironman (2006, 2007, 2008) Lepers & Maffiuletti (2010) Med Sci Sports Exerc
Introduction Remise en cause des inégalités hommes/femmes dans de nombreux domaines… …mais peu dans les activités physiques et sportives Pourtant, c’est un des domaines où les différences entre les sexes sont les + larges Population générale Vitesse Max. Aérobie Olds et al. (2006)
Introduction Remise en cause des inégalités hommes/femmes dans de nombreux domaines… …mais peu dans les activités physiques et sportives Pourtant, c’est un des domaines où les différences entre les sexes sont les + larges Explication possible de ce paradoxe: ces différences semblent naturelles Facteurs physiologiques: (e.g., Cheuvront et al., 2005; Sparling et al., 1998) - Masse musculaire - Composition corporelle - Capacité de transport de l’oxygène Mais également: Facteurs comportementaux: (e.g., Fredricks & Eccles, 2005) - Participation sportive
Tatem, Guerra, Atkinson, & Hay (2004) Nature Or, la quantité de pratique est un déterminant important de la performance… Certains… Mais toujours est-il qu’à l’heure actuelle, il existe toujours des différences importantes de pratique Tatem, Guerra, Atkinson, & Hay (2004) Nature
Introduction La pratique physique et sportive des femmes reste en moyenne inférieure à celle des hommes Il y a eu une évolution ces dernières décennies, mais… Maintenant, si on regarde la pratique sportive de manière générale… On observe ces différences dès le plus jeune âge: les petits garçons font davantage de jeux qui impliquent la motricité que les petites filles. En EPS également, qui est pourtant une discipline obligatoire, on observe que les garçons pratiquent davantage pendant le cours que les filles. Enquête Assureurs Prévention, IRMES/BVA (2013) Enquête pratique physique et sportive, CNDS (2010)
Introduction On a certes des différences dans le type de sport pratiqué: certains sports sont investis en majorité par les hommes (football, jogging (malgré les idées reçues)), d’autres sports par les femmes (gym d’entretien, randonnée). Mais de manière générale… Enquête pratique physique et sportive 2010, CNDS / direction des sports, INSEP, MEOS
Introduction Remise en cause des inégalités hommes/femmes dans de nombreux domaines… …mais peu dans les activités physiques et sportives Pourtant, c’est un des domaines où les différences entre les sexes sont les + larges Explication possible de ce paradoxe: ces différences semblent naturelles Facteurs physiologiques (e.g., Cheuvront et al., 2005; Sparling et al., 1998) Facteurs comportementaux (e.g., Fredricks & Eccles, 2005) Facteurs psycho-sociaux: Stéréotypes (e.g., Fredricks & Eccles, 2005; Guillet, Sarrazin, Fontayne, & Brustad, 2006) Ne pas diaboliser les stéréotypes « Croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d’un groupe de personnes. » Leyens, Yzerbyt, & Schadron (1996)
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Le paradis est l’endroit où: les Français sont les cuisiniers les Italiens sont les amants les Anglais sont les policiers les Allemands sont les travailleurs et le tout est organisé par les Suisses. L’enfer est l’endroit où: les Anglais sont les cuisiniers les Suisses sont les amants les Allemands sont les policiers les Français sont les travailleurs et le tout est organisé par les Italiens. Cité dans Leyens, Yzerbyt, & Schadron (1996)
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Les stéréotypes sexués dans les activités physiques et sportives ne sont-ils que le reflet de la réalité? Et puis le 3e point de définition, c’est un point qui est sujet à polémique et controverse mais qui nous intéresse particulièrement pour notre propos: c’est l’idée que les stéréotypes ne sont pas forcément faux. Si on prend les stéréotypes de genre dans le domaine physique, c’est vrai que les croyances selon lesquelles les hommes ont plus de capacités physiques que les femmes sont des croyances qui correspondent à une certaine réalité. Ceci dit, même si ces stéréotypes peuvent être vrais concernant les différences moyennes entre hommes et femmes… …ils ne sont pas forcément vrais lorsqu’on les applique au niveau individuel. Pourquoi? Parce qu’il y a une variabilité autour de la moyenne, avec pour conséquence que les distributions des hommes et des femmes peuvent se chevaucher, peuvent se superposer.
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Vitesse Max. Aérobie Pour illustrer ce raisonnement, on va reprendre les résultats évoqués tout à l’heure sur les différences de VMA entre filles et garçons en fonction de l’âge. On l’a vu, les garçons ont en moyenne une VMA supérieure à celle des filles, et les écarts augmentent avec l’âge. Ce qui est intéressant dans ce graphique, c’est qu’il indique également la variabilité des garçons et des filles autour de leur moyenne, sachant que les barres d’erreur indiquent les écarts-types. Si je prolonge ces barres d’erreur de part et d’autre des moyennes pour voir la dispersion à +/- un écart-type… …on constate qu’il y a tjs un chevauchement entre les distributions des filles et des garçons… Olds et al. (2006) J Sport Sci
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Vitesse Max. Aérobie Garçons Filles C’est encore plus net si j’enlève les moyennes: on voit que qqsoit l’âge, les distributions se chevauchent, même lorsque les écarts moyens sont les plus élevés. Cela illustre l’idée que même si le stéréotype est vrai en moyenne, on ne peut pas l’appliquer au niveau individuel, puisque si on prend un garçon et une fille au hasard dans la population, il est tout à fait possible que la fille soit plus performante que le garçon. Olds et al. (2006) J Sport Sci
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Force de préhension Sprint females males females males Vitesse de lancer Distance de lancer T&F, dans leur méta-analyse des différences sexuées dans le domaine moteur, ont rapporté des tailles d’effet modérées à large, de 0.60 à 2 en termes de D de Cohen. Ceci dit, on constate que les distributions des hommes et des femmes se chevauchent largement sur le sprint et la préhension, et même pour les différences les plus larges, sur la vitesse et la distance de lancer. Cela signifie que même si les stéréotypes peuvent être vrais en moyenne, si on prend au hasard un garçon et une fille dans la population, il n’est pas certain que le stéréotype s’applique au niveau individuel. Il est donc possible que les stéréotypes ne fassent pas que refléter la réalité, et qu’ils puissent potentiellement l’influencer. females males females males Thomas & French (1985)
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Exemples de victoires de femmes dans des épreuves mixtes Zhang Shan (médaille d’or skeet, JO 1992) Florence Arthaud (victorieuse de la Route du Rhum, 1990) Et il y a quelques cas de victoires de femmes dans des épreuves mixtes qui l’illustrent… Corinne Favre (1ère au scratch de la Courmayeur-Champex-Chamonix, 2006)
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Contenu des stéréotypes et rôles de genre dans les APS En général: sport perçu comme un domaine masculin… Colley et al. (2005)
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Contenu des stéréotypes et rôles de genre dans les APS En général: sport perçu comme un domaine masculin… …mais cela dépend du type de sport
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Fontayne et al. (2002)
Les stéréotypes: un facteur explicatif? Fontayne et al. (2001)
L’influence des stéréotypes sur l’individu: Une influence « multiforme » Par l’intermédiaire des interactions réelles avec autrui (pour une revue voir Klein & Snyder, 2003) Prophétie auto-réalisatrice: l’individu stigmatisé peut confirmer les attentes d’autrui Par l’intermédiaire de « l’autrui généralisé »: l’intériorisation des stéréotypes dans le Soi « C’est sous la forme de l’autrui généralisé que le processus social influence le comportement des individus concernés, car c’est sous cette forme que la communauté pénètre en tant que facteur déterminant dans la mentalité de l’individu » (Mead, 1963, cité dans Martinot, 2002) Il existe pas mal d’études sur l’influence des stéréotypes, qui montrent que cette influence peut prendre différentes formes. Les stéréotypes peuvent influencer l’individu par l’intermédiaire des interactions réelles avec une ou des personnes qui ont des stéréotypes ou des préjugés (parents, enseignants, entraîneurs). On parle de PAR… A côté de ces comportements discriminatoires de la part d’autrui, les stéréotypes peuvent influencer l’individu concerné de façon beaucoup plus diffuse, par l’intermédiaire de ce que certains appellent l’autrui généralisé. Selon des auteurs comme Mead, c’est sous la forme de l’autrui généralisé que le processus social influence le comportement des individus concernés [...], car c’est sous cette forme que le processus social ou la communauté pénètre en tant que facteur déterminant dans la mentalité́ de l’individu Dans cette perspective, on considère que certains aspects du Soi proviennent des catégories sociales auxquelles nous estimons appartenir. La façon dont on perçoit nos traits de personnalité, notre compétence dans certains domaines, seraient ainsi conformes aux stéréotypes relatifs à nos groupes d’appartenance, et source par là-même de confirmation comportementale. Ceci dit, l’individu n’intériorise pas systématiquement et passivement les stéréotypes relatifs à ses groupes d’appartenance. Certains ont des perceptions positives d’eux-mêmes malgré les stéréotypes négatifs qui les visent. Sont-ils pour autant immunisés face aux stéréotypes? Pas forcément…nous allons voir, dans le cadre des travaux sur la MDS conduits depuis une 20aine d’années, que même des individus qui n’ont que partiellement intériorisés les stéréotypes négatifs à leur égard peuvent confirmer les stéréotypes dans leur comportement. Dans cette présentation, je me focaliserai uniquement sur l’influence diffuse des stéréotypes, qui ne passe pas par une interaction directe avec autrui. Certains aspects du Soi (traits, perceptions de compétence) sont liés à nos catégories sociales d’appartenance et sont donc sources par là-même de confirmation comportementale des stéréotypes Par l’intermédiaire de « l’autrui généralisé »: la menace du stéréotype
L’intériorisation des stéréotypes dans le Soi L’individu serait amené à penser que les stéréotypes sont vrais, pour les autres et aussi pour lui-même L’intériorisation des stéréotypes se ferait au cours de la socialisation L’intériorisation des stéréotypes ne serait pas systématique Le concept d’identité de genre (Bem, 1981) reflète le degré d’intériorisation des stéréotypes sexués dans le Soi L’intériorisation des stéréotypes dans le Soi de l’individu renvoie à l’idée que l’individu serait amené à penser que les stéréotypes sont vrais, pour les autres et aussi pour lui-même, c’est-à-dire qu’il va se percevoir en conformité avec les stéréotypes ambiants. Cette intériorisation des stéréotypes n’est pas systématique, et on distingue différents profils d’individus qui reflètent différents degrés d’intériorisation des stéréotypes sexués, à travers le concept d’identité de genre.
L’intériorisation des stéréotypes dans le Soi L’IG reflète le degré auquel l’individu adopte les traits et comportements attendus chez les hommes et chez les femmes. Comme on peut le voir sur ces vêtements pour enfants qu’on trouve dans le commerce, on attend d’un garçon qu’il soit…
L’intériorisation des stéréotypes dans le Soi Identité de genre et pratique sportive Fredricks & Eccles, 2005; Guillet, Sarrazin, Fontayne, & Brustad, 2006; Koivula, 1999; Slater & Tiggemann, 2011 Les travaux sur l’influence des stéréotypes sur la participation s’appuient sur l’hypothèse que les stéréotypes seraient intériorisés dans certains aspects du Soi de l’individu. La façon dont on perçoit ses traits de personnalité, sa compétence, son vieillissement, seraient ainsi conformes aux stéréotypes relatifs à nos groupes d’appartenance, et source par là-même de confirmation comportementale. Adapté de Guillet, Sarrazin, & Fontayne (2000) Eur Rev Appl Psychol
L’influence des stéréotypes sur l’individu: Une influence « multiforme » Par l’intermédiaire des interactions réelles avec autrui (pour une revue voir Klein & Snyder, 2003) Prophétie auto-réalisatrice: l’individu stigmatisé peut confirmer les attentes d’autrui Par l’intermédiaire de « l’autrui généralisé »: l’intériorisation des stéréotypes dans le Soi Par l’intermédiaire de « l’autrui généralisé »: la menace du stéréotype Nous allons voir d’autres mécanismes qui n’impliquent pas nécessairement d’intériorisation des stéréotypes dans le Soi au cours de la socialisation. Autrement dit, ces travaux montrent qu’il n’est pas nécessaire de croire que les stéréotypes sont vrais pour en être affectés. Le simple fait de connaître l’existence de ces stéréotypes peut suffire.
La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) « La menace du stéréotype est une menace situationnelle qui apparaît lorsque l’individu pense qu’il peut être jugé ou traité négativement sur la base d’un stéréotype négatif envers son groupe » Goff, Steele, & Davies (2008, p.92) Ce mécanisme d’influence a été dénommé la menace du stéréotype, qui est la traduction littérale de l’anglais ST, et qui fait référence à… Phénomène mis à jour dans les années 90 par Claude Steele, de l’Univ Stanford. Ce chercheur a constaté que… Claude Steele
La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Ce phénomène a commencé à être étudié au milieu des années 90 avec la parution de l’article empirique…et de l’article théorique… Et il a connu un vif succès puisqu’on dénombre à l’heure actuelle plusieurs centaines d’articles sur ce phénomène. Ces études ont confirmé que les stéréotypes peuvent effectivement peser négativement sur la perf à différents types de tâches, notamment cognitives (maths, RP, verbales, mémorisation) et que ce phénomène peut concerner différentes catégories sociales (origine ethnique, sexe, classe sociale, âge) Steele & Aronson (1995) J Pers Soc Psychol Steele (1997) Am Psychol
La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Steele and Aronson (1995) J Pers Soc Psychol Participants afro-américains et européen-américains Test verbal présenté comme: . une tâche sans rapport avec les capacités verbales (condition non diagnostique) . une mesure des capacités verbales (condition diagnostique) stéréotypes négatifs sur l’intelligence des Afro-Américains Comment ce phénomène est-il mis en évidence? Nous allons voir le paradigme expérimental utilisé par Steele et Aronson. Dans cette étude, les chercheurs ont demandé à… L’hypothèse des chercheurs était que…
La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Steele and Aronson (1995) J Pers Soc Psychol Effet de la présentation de la tâche sur la performance des participants afro-américains (Etudes 1 et 2) Les résultats ont confirmé… Ensuite, les chercheurs ont voulu savoir si ce sont bien des stéréotypes qui sont activés dans la condition diagnostique
Tâche de complétion de fragments de mots La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Steele and Aronson (1995) J Pers Soc Psychol Tâche de complétion de fragments de mots _ _ C E L A _ _ _ _ A C K _ _ O R C L _ S _ B R _ _ _ _ _ _ _ _ T E M I _ _ _ _ _ _ W E L _ _ _ _ C O _ _ _ Les auteurs ont également cherché à savoir si c’était bien l’activation cognitive de stéréotypes qui était en jeu, et pour cela, ils ont demandé aux participants de compléter des fragments de mots; pour chacun des mots, il y avait plusieurs réponses possibles, et parmi les réponses possibles, il y en avait toujours une en rapport avec les stéréotypes sur les AA
Tâche de complétion de fragments de mots La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Steele and Aronson (1995) J Pers Soc Psychol Tâche de complétion de fragments de mots R A C E L A Z Y B L A C K P O O R C L A S S B R O T H E R W H I T E M I N O R I T Y W E L F A R E C O L O R Et les auteurs ont donc cherché à savoir si dans la condition diagnostique, les participants AA répondraient davantage de mots en rapport avec le stéréotype
La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Steele and Aronson (1995) J Pers Soc Psychol Effet de la présentation de la tâche sur l’activation cognitive de stéréotypes (Etude 3) Et c’est ce que les résultats ont montré, ce qui tendrait à confirmer que le fait de présenter…
La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Steele and Aronson (1995) J Pers Soc Psychol « Les individus sont avant tout des êtres humains dans une situation; pour les comprendre, il faut d’abord s’interroger sur la situation qui les entoure » Sartre (1946/1965, p.60) cité dans Steele (1997) Ce qui est frappant dans ces résultats, c’est qu’il a suffi de changer la façon dont la tâche était présentée pour affecter la performance du groupe stéréotypé. C’est peut-être une des raisons du succès de ce modèle théorique, car l’idée sous-jacente est qu’en modifiant le contexte d’évaluation, on pourrait peut-être avoir une chance de rendre les stéréotypes inopérants (donc implications pratiques intéressantes). Dans ce sens, Steele considère que… Les recherches ont mises à jour plusieurs indices situationnels susceptibles d’activer des stéréotypes…
Le phénomène de menace du stéréotype peut-il être un facteur explicatif des différences de performance physique entre hommes et femmes? Facteurs physiologiques Facteurs psychosociaux menace du stéréotype
Menace du stéréotype et performance des filles en football Chalabaev, Sarrazin, Stone, & Cury (2008) J Sport Exerc Psychol Performance initiale Je vais présenter une étude menée ici à Grenoble, au Laboratoire SENS, dans laquelle nous avons testé cette hypothèse dans le cadre du football, activité à forte connotation masculine en France. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur le paradigme expérimental classiquement utilisé pour tester ce type d’effet. Nous avons demandé à des jeunes femmes pratiquant le football en compétition de réaliser un slalom chronométré le plus rapidement possible. Les participantes ont effectué la tâche une première fois pour avoir une mesure de leur niveau initial…
Induction de stéréotypes Menace du stéréotype et performance des filles en football Condition Capacités physiques: « Ce test mesure les capacités physiques » Condition Capacités techniques en football: « Ce test mesure les capacités techniques en football » Condition Contrôle: Pas d’information Performance initiale Induction de stéréotypes (Stone et al., 1999) Puis les stéréotypes étaient induits en manipulant la présentation du test… …l’hypothèse étant que…
Menace du stéréotype et performance des filles en football Buts d’évitement e.g., « Mon but est d’éviter de faire moins bien que les autres sur ce test » Buts d’approche e.g., « Mon but est de faire mieux que la plupart des participants sur ce test » Performance initiale Induction de stéréotypes (Stone et al., 1999) Mesure des buts (QAE-EPS; Schiano-Lomoriello et al., 2005) Perf 2
Menace du stéréotype et performance des filles en football Résultats: performance * Perf 1 – Perf 2 (sec.) capacités techniques contrôle physiques * Les résultats ont tout d’abord montré un effet significatif de la présentation de la tâche sur la différence de performance entre les 2 temps de mesure ANOVA: F(2, 48) = 4.93, p = .01 Echantillon: 51 footballeuses (M=20.3 ans, SD=5.9)
Menace du stéréotype et performance des filles en football Résultats: buts * * But évitement – But approche Ils ont montré également un effet significatif de la présentation de la tâche sur les buts d’accomplissement, puisque les P ont davantage adopté un BPE par rapport à un BPA… Ces résultats confirment que le fait de présenter la tâche comme mesurant une compétence stéréotypée peut conduire les individus à adopter une motivation à éviter l’échec. Ceci dit, dans cette étude nous n’avons pas observé de relation entre les BPE et la performance. ANOVA: F(2, 48) = 3.48, p = .04 Echantillon: 51 footballeuses (M=20.3 ans, SD=5.9)
Menace du stéréotype et production de force L’induction de stéréotypes affecte-t-elle la production de force? Dans cette étude, nous nous sommes appuyés sur ces derniers résultats pour examiner si la menace du stéréotype peut également affecter la production de force.
Induction du stéréotype Menace du stéréotype et production de force Chalabaev, Brisswalter, Radel, Coombes, Easthope & Clément-Guillotin (2013) J Sport Exerc Psychol Tâche de force (T1) Induction du stéréotype Tâche de force (T2) Tâche de force: Contraction isométrique maximale du quadriceps (3 x 5") Mesures Force maximale (MVC) Taux de développement de la force 0-100ms (RFD)
Taux de développement de la force Menace du stéréotype et production de force Taux de développement de la force
Induction du stéréotype Menace du stéréotype et production de force Tâche de force (T1) Induction du stéréotype Tâche de force (T2) Manipulation du stéréotype: Condition « Menace »: « Les femmes ont de mauvaises performances sur ce test par rapport aux hommes »
Induction du stéréotype Menace du stéréotype et production de force Tâche de force (T1) Induction du stéréotype Tâche de force (T2) Manipulation du stéréotype: Condition « Menace »: « Les femmes ont de mauvaises performances sur ce test par rapport aux hommes » Condition « Contrôle »: « Il n’y a pas de différences de performance entre femmes et hommes sur ce test »
Menace du stéréotype et production de force Résultats: taux de développement de la force (Nm/s) * ANCOVA (covariants: performance initiale (T1) et valeur physique perçue): Effets principaux non significatifs (Fs < 1) Effet d’interaction significatif, F(2,34) = 6.51, p = .01, η2p = .16 Echantillon: 20 hommes et 20 femmes
Menace du stéréotype et production de force Résultats: force maximale (Nm) * ANCOVA (covariants: performance initiale (T1) et valeur physique perçue): Effets principaux non significatifs (Fs < 1) Effet d’interaction significatif, F(2,34) = 9.78, p = .004, η2p = .22 Echantillon: 20 hommes et 20 femmes
Les stéréotypes peuvent peser sur la performance physique et sportive… …même chez des femmes qui n’ont pas intériorisé les stéréotypes dans le Soi… …au travers de mécanismes in situ, « ici et maintenant »
Quel est l’effet des stéréotypes sur la performance des hommes? stereotype lift Facteurs physiologiques Facteurs psychosociaux menace du stéréotype
Activation d’un stéréotype négatif envers les femmes Stereotype lift: l’effet bénéfique des stéréotypes chez les hommes Effet de stereotype lift (Walton & Cohen, 2003) Comparaison sociale valorisante pour les hommes Activation d’un stéréotype négatif envers les femmes Auto-efficacité Motivation Performance
Stereotype lift: l’effet bénéfique des stéréotypes chez les hommes Chalabaev, Stone, Sarrazin, & Croizet (2008) Basic Appl Soc Psych Stéréotypes femmes vs. Stéréotypes hommes Condition Stéréotype négatif femmes: « Les femmes ont de moins bonnes performances que les hommes sur cette tâche » Condition Contrôle: Pas d’information sur les différences hommes-femmes
Stereotype lift: l’effet bénéfique des stéréotypes chez les hommes Performance * Temps (sec) ANOVA Effet d’interaction significatif, F(2,57) = 3.43, p = .04, η2 = .11
Stereotype lift: l’effet bénéfique des stéréotypes chez les hommes Confiance en soi * ANOVA Effet d’interaction significatif, F(2,57) = 3.66, p = .03, η2 = .11
Stereotype lift: l’effet bénéfique des stéréotypes chez les hommes Fréquence cardiaque * Réactivité cardiaque ANCOVA Effet d’interaction significatif, F(2,56) = 3.66, p = .03, η2 = .10
Conclusion Stéréotypes et différences de performance physique hommes - femmes Facteurs physiologiques Facteurs environnementaux
Conclusion Comment limiter l’influence situationnelle des stéréotypes? Identification à un modèle qui réussit (e.g., McIntyre et al., 2002, 2011) Interpréter le stress ressenti positivement (e.g., Schmader et al., 2009) Adopter une conception malléable de la compétence (e.g., Aronson et al., 2002)
Merci pour votre attention aina.chalabaev@ujf-grenoble.fr
Taux de développement de la force (Nm/sec) Menace du stéréotype et inhibition motrice Chalabaev, Brisswalter, Radel, Coombes, Easthope & Clément-Guillotin (2013) J Sport Exerc Psychol ANOVA sur perf à T2 Taux de développement de la force (Nm/sec) Force max (Nm) Effet principal sexe: F(1,36) = 5.32, p = .03 Effet principal sexe: F(1,36) = 14.70, p < .001
La théorie de la menace du stéréotype (Stereotype threat theory; Steele, 1997) Quelle est la nature de la menace? Schmader, Johns, & Forbes (2008) « Habillage » de la tâche Différences entre groupes Groupe Domaine de perf. (-) (+) (+) Plus précisément, quelle est la nature de cette menace ? Selon Toni Schmader et al. (2008) : . Le sentiment de menace émerge de l’activation de trois concepts : le groupe de l’individu, le domaine de performance, et le concept de soi. Les relations entre ces concepts sont activées simultanément… …par la présence de certains stimuli : - la façon dont la tâche est habillée ou le fait de dire explicitement qu’il existe des différences entre groupes active le lien entre le groupe et le domaine de performance - le fait d’être en minorité, par exemple, être une femme entourée d’hommes, ou devoir indiquer son groupe d’appartenance avant de réaliser un test active le lien entre soi et son groupe - et enfin, la volonté de bien faire (on en reparlera tout à l’heure) active le lien entre soi et le domaine de performance . L’individu va ressentir une menace lorsqu’il y a un déséquilibre entre ces relations, déséquilibre qui s’exprime de la façon suivante : je suis comme (je m’identifie à) mon groupe, je pense être compétent, mais mon groupe n’a pas la compétence. Ce déséquilibre génère de l’incertitude quant à sa propre performance : d’un côté je pense être compétent mais d’un autre côté mon groupe d’appartenance ne l’est pas, à partir de là, quelle sera ma performance ? . Et c’est cette incertitude qui va perturber l’individu et le conduire à réaliser une contre-performance, confirmant finalement le stéréotype. Statut « solo » Indiquer son groupe d’appartenance Soi Volonté de bien faire