L’employabilité et le métier d’enseignant-chercheur: une révolution? Prof. Gérard CLIQUET Président de la CIDEGEF Centre de Recherche en Économie et Management CREM, UMR CNRS 6211 IGR-IAE, Université de Rennes 1, FRANCE Encore une fois, désolé de ne pas pouvoir être parmi vous! Conférence Saint-Louis Avril 2015
Introduction Trois impératifs semblent s’imposer aujourd’hui en matière d’enseignement supérieur: Offrir à tous ceux qui en ont la capacité la possibilité d’accéder à l’enseignement supérieur Faire en sorte que l’étudiant finissant puisse s’insérer au mieux dans la société Relever ce double défi au moindre coût En d’autres termes, il convient d’être désormais efficient du point de vue: Professionnel Sociétal La « révolution de l’efficience » signifie ici que l’éducation ne pourra échapper à la nécessité d’améliorer sa productivité encore trop faible compte tenu des budgets!
Le contexte la nécessaire révolution de l’efficience! sociologique: Les comportements des étudiants changent vite Idem pour les enseignants-chercheurs (apparition de « mercenaires » de la recherche en gestion) technologique: La diffusion des ordinateurs et des smartphones Le développement des MOOC (Massive Open Online Courses) ou CLOM (Cours en ligne ouverts et massifs) … budgétaire: La croissance ralentit Les budgets sont de plus en plus contraints la nécessaire révolution de l’efficience! Les étudiants sont de plus en plus « consommateurs ». Certains chercheurs en gestion avec de grosses publications se transforment en « mercenaires » en changeant souvent d’institutions pour faire monter les prix. Tout le monde n’est pas d’accord pour traduire l’idée de MOOC en français car c’est une idée désormais « globale »
L’étudiant employable (1) Quelles sont les attentes des employeurs concernant l’employabilité? Si on en croit Müller et Djuatio (2011): De la création de valeur Des avantages distinctifs pour l’entreprise De la compétitivité Des performances De la productivité Des résultats financiers rapides De la flexibilité Des recherches ont montré les liens qui existent entre employabilité, justice et engagement, mais ceci est l’affaire des employeurs une fois l’employé(e) recruté(e) Quid du rôle des universités et des enseignants-chercheurs dans la formation à l’employabilité? Müller J., Djuatio E. (2011) Les relations entre la justice organisationnelle, l’employabilité, la satisfaction et l’engagement organisationnel des salariés, Revue de Gestion des Ressources Humaines, 82, 46-65.
Les conseils de Robert Papin (HEC) Papin a publié récemment un ouvrage avec pour objectif: Former des responsables créatifs voire des leaders Il propose de bousculer programmes et pédagogie: Dans l’enseignement secondaire et supérieur Enseigner l’économie « basique » centrée sur l’entreprise Réduire les horaires de formation théorique et conceptuelle Place à la mise en responsabilité et aux initiatives « missions de terrain » ou formation par projet avec des groupes d’élèves ne se choisissant pas Papin R. (2014) Former de vrais leaders, c’est encore possible!, Dunod, Paris,
L’étudiant employable (2) L’employabilité des étudiants se mesure Qualités liées à l’employabilité des étudiants: Les connaissances Le savoir-faire L’autonomie La responsabilité … en taux d’insertion en qualité de l’insertion Pédagogie inversée* (« flipped classroom ») Stages Mises en situation (études de cas) Implication dans l’université (assez peu développée en Europe) * pédagogie inversée = l’étudiant prépare le cours avant d’y assister Je pars du postulat que l’étudiant employable doit avoir le sens des responsabilités d’où une pédagogie qu’il doit s’approprier, des mises en situation (stages et cas) et une implication forte dans la vie de la cmmunauté universitaire: tout ceci est bien sûr à discuter
L’enseignant-chercheur et l’employabilité Les outils L’E-C a deux cibles Les futurs « employés » des organisations extérieures à l’université (employabilité externe) Les futurs enseignants-chercheurs des universités (employabilité interne) Préparer la « préparation » au cours (celle des étudiants) Suivi des stages Concevoir les cas Participation aux parcours « recherche » des masters Séminaires de recherche Suivi des thèses Cela fait beaucoup pour une seule personne!!! L’étudiant « employable » ne doit rien subir (le cours, le stage, le cas,…) il doit tout préparer et l’E-C doit aider l’étudiant dans ses préparations, d’où la nécessité de redéfinir les « services » des E-C
Les métiers d’enseignant-chercheur? En fait deux métiers: Le formateur pour les activités professionnelles forme les futurs cadres Le formateur à la recherche forme les futurs enseignants-chercheurs Le formateur professionnel doit, dans sa relation avec l’étudiant: Chercher à connaître l’étudiant et son projet (fait aux USA par des tuteurs) Transmettre à la fois les connaissances livresques et celles acquises sur le terrain Proposer des démarches de projets individuels et collectifs Lui apprendre à écrire des rapports et des notes Évaluer son travail à chaque étape en lui expliquant l’évaluation Le formateur à la recherche doit, dans sa relation avec le doctorant: Chercher à connaître l’étudiant qui peut devenir doctorant L’intéresser puis l’attirer vers la recherche Lui présenter les domaines que le formateur maîtrise en tant que chercheur confirmé Lui expliquer la démarche méthodologique Lui apprendre à écrire des articles scientifiques Le suivre dans sa recherche En rouge souligné: ce que l’E-C devrait abandonner peu à peu Changer la pédagogie en l’adaptant aux objectifs de l’employabilité, mieux suivre les stages quitte à les arrêter s’ils ne fonctionnent pas, ne pas abuser des études de cas où finalement l’étudiant n’est responsable de rien et ne prend pas de véritables risques! Enfin, tous les étudiants sont-ils semblables face à l’éducation?
Un exemple: master, chaire d’entreprise et recherche En 2012, création à l’IGR-IAE de l’Université de Rennes 1: D’un master en apprentissage: management des réseaux de points de vente D’un master en anglais: network management D’une chaire d’entreprise alimentée par les chaînes franchisées et en coopérative De journées de recherche auxquelles participent les entreprises
L’université et l’employabilité Quel rôle pour une université en phase avec le réel? L’Université: statut d’administration statut d’organisation autonome avec ses stratégies donc ses objectifs et ses moyens Objectifs et moyens: Développer les stages = développer les relations avec les organisations extérieures Définir avec précision les missions des E-C pour un temps donné (ces missions pouvant varier suivant les E-C et avec le temps) Certains y retrouveront les idées de liberté et de responsabilité de la loi française LRU, mais peut-on encore envisager un système universitaire entièrement dirigé par un Etat centralisé à une époque d’ouverture des frontières, donc de globalisation, en même temps qu’à une époque de nécessaire adaptation locale des décisions?
Et les MOOC (CLOM) sont là! MOOC = Massive Open Online Courses ou (CLOM = Cours en Ligne Ouverts et Massifs) 3 temps: Temps 1: Mise en ligne des cours des meilleurs professeurs des meilleures universités (MIT, Standford, Harvard, …) Temps 2: Organisation de cursus complets et validation sur Internet (à prix encore très élevé) Temps 3: Création d’universités en ligne: privées Coursera: 3,8 millions d’étudiants dans 196 pays avec 380 cours issus de 80 universités edX: 50 cours et 28 institutions d’excellence Udacity + Khan Academy (L’Education Réinventée, Lattès, 04/09) avec ses 6 millions d’étudiants dans le monde! L’évolution très rapide des MOOC vers la création d’universités « numériques » concurrentes des universités classiques pose un vrai problème d’existence!
Comment fonctionnent les MOOC (CLOM)? Etudiants: Inscription gratuite aux cours Inscription payante aux examens: US$ 30 à 50 Cours organisés en modules + production devant les caméras (par les meilleurs professeurs) Les étudiants apprennent les connaissances avant la classe virtuelle = lieu de tutorat et d’échange professeur-étudiant L’E-C a un nombre d’étudiants sous sa responsabilité le service d’enseignement ne sera sans doute plus fonction d’un nombre d’heures mais d’un nombre d’étudiants (ayant réussi? employabilité) y compris dans les universités traditionnelles Les MOOC actuellement aux USA? Modèle économique non rentable La plupart des inscrits sont déjà diplômés formation continue MOOC + (« flipped classroom »): un modèle pour le Sénégal? L’évolution du service des E-C tentée déjà dans certaines universités spécialisées au Royaume-Uni est sûrement un point clé pour les années qui viennent
Evolution du métier d’enseignant-chercheur La connaissance est désormais à portée de clavier ou d’écran: Quid des cours magistraux? Encore nécessaires au début d’un « cours » ou dans certaines disciplines, et les MOOC? Ne faut-il pas mieux développer: La pédagogie inversée: « flipped classroom » avec débat au sein du cours et travaux de groupe L’action à travers des projets individuels et collectifs La collaboration avec les organisations La formation à l’entrepreneuriat: créer son propre emploi L’apprentissage de la recherche pour l’innovation: pourquoi la production de la connaissance serait-elle réservée à certains? Quid des stages? … qui parfois se terminent mal! Quid des études de cas (= jouer au poker avec des pions)? Tous les étudiants doivent-ils «subir» les mêmes méthodes?
10 questions posées par J-F. Fiorina Les MOOCs, révolution ou feu de paille ? « Gamification » : peut-on vraiment apprendre sans effort ? Visio formation, e-learning, mobile learning : la formation en présentiel est-elle dépassée ? Apprenons autonome : le formateur sert-il encore à quelque chose ? Les nouveaux outils peuvent-ils vraiment mesurer le ROI des formations ? Faut-il nécessairement innover en matière de formation et d’enseignement ? Formations en ligne : comment maintenir la motivation à l’heure du zapping permanent ? À l’heure des MOOCs et de ces nouvelles techniques, est-il encore nécessaire de payer sa formation ? Comment les entreprises reconnaissent-elles cours et modules réalisés différemment ? Comment garantir la qualité des contenus, au vu de l’explosion du nombre d’organismes de formation qui propose du M-learning, E-learning, MOOCs… ?
Conclusion Le métier d’enseignant-chercheur évolue sous la pression des « missions » que la société veut leur confier: La réussite des étudiants employabilité La visibilité des travaux de recherche visibilité du pays (!) Le lien avec les organisations crédibilité Les moyens ne pourront pas continuer de croître, et les NTIC (+ MOOC) seront sans doute les clés de la croissance de la productivité dans les métiers de l’éducation Mais personne ne sait dans quelles conditions devront être remplies ces « missions »!!! Les systèmes universitaires actuels (France ou USA) ne sont-ils pas en situation de crise (pour des raisons opposées…)? Quelle révolution pour quel(s) but(s)? Améliorer l’enseignement et la recherche, accroître l’insertion, … réduire les dépenses! Ce problème des gains de productivité est tellement important que les grands lycées américains se mettent aussi aux MOOC (c’est le cas de l’institution où travaille mon gendre: Phillips Academy à Andover)
Nous sommes ici pour débattre Alors, débattons Nous sommes ici pour débattre Alors, débattons! Et merci de votre attention