Centre International de Formation des Avocats Francophones Cotonou (BENIN) Août 2015 LE RÉGIME DES EXCEPTIONS ET FINS DE NON RECEVOIR EN PROCÉDURE CIVILE.

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Transcription de la présentation:

Centre International de Formation des Avocats Francophones Cotonou (BENIN) Août 2015 LE RÉGIME DES EXCEPTIONS ET FINS DE NON RECEVOIR EN PROCÉDURE CIVILE Présenté par Maître Cyrille Y. DJIKUI, Avocat, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Bénin. 1

Introduction Le procès civil est généralement l’affaire des parties : le demandeur d’un côté, le défendeur de l’autre. C’est le demandeur qui prend l’initiative de la procédure par l’exercice d’une action en Justice, laquelle action en justice se définie comme, « le droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. » 2

Introduction (suite) L’action en justice est donc conçue comme un pouvoir légal en vertu duquel une personne saisit une autorité juridictionnelle à l’effet de l’obliger à statuer sur le fond de la contestation. Cette définition met en exergue le demandeur. Le défendeur ne restera pas inactif. Il va tenter de résister à la demande de son adversaire par des moyens appelés moyens de défense. 3

Introduction (suite) Le succès des moyens de défense dépendra non seulement de leur pertinence mais également et surtout du respect de leur régime procédural. Le régime procédural étant le moment et l’ordre dans lequel les moyens de défense sont évoqués. Une bonne défense passe nécessairement par la maîtrise du régime des différentes catégories des moyens de défense. 4

Introduction (suite) Avant la réforme de 1935 du code de procédure civile, le défendeur ne disposait que de deux moyens de défense différents : - ou bien, il s’opposait directement à la prétention de son adversaire en faisant valoir une défense, - ou bien, il fait valoir un fait distinct de nature à paralyser la demande. 5

Introduction (suite) Le mot « exception » désignait alors tous les moyens de défense par lesquels, le défendeur résistait aux prétentions du demandeur sans s’attaquer directement au fond du droit. L’exception englobait toute une série de moyens de défense extrêmement variés dont certains constituaient de véritables défenses au fond (la prescription, l’autorité de chose jugée, etc…) 6

C’est donc à partir de 1935 que la législation française, dont nos législations sont tributaires, a distingué entre les exceptions au sens strict du terme c’est-à-dire les moyens dont l’objectif est de faire ajourner la discussion immédiate de la demande et les fins de non recevoir qui tendent à faire déclarer irrecevable la demande. 7 Introduction (suite)

Ainsi, les moyens de défense peuvent être classés en trois catégories : les exceptions de procédure; les fins de non recevoir; les défenses au fond, lesquelles seront définies comme l’antithèse de la demande en justice. 8

Introduction (suite et fin) Notre intervention sera essentiellement axée sur les deux (02) premiers moyens de défense que sont les exceptions de procédure et les fins de non recevoir. Après avoir relevé les moyens de défense qui constituent des exceptions et ceux qui constituent des fins de non recevoir, nous étudierons ensuite leur régime procédural. 9

I - LES NOTIONS D’EXCEPTIONS ET FINS DE NON RECEVOIR A/ LES EXCEPTIONS Fondement juridique : articles 164 à 203 Aux termes de l’article 164 du code de procédure civile béninois, « constitue une exception de procédure, tout moyen qui tend, soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. ». 10

Il faut noter que le code de procédure civile béninois à l’instar de la plupart des législations de l’espace francophone n’a pas modifié la définition classique des exceptions de procédure. ( art 73 du code de procédure civile français, art 7 du code de procédure civile du Togo, art 179 du code de procédure civile du Congo Brazzaville) 11

Le code de procédure civile de la Côte d’ivoire n’a pas défini la notion d’exception. L’article 164 du code des procédures du Bénin énumère six exceptions :  Les exceptions de caution encore appelées exception de cautio judicatum solvi.  Les exceptions d’incompétence.  L’exception de litispendance et de connexité.  Les exceptions dilatoires.  L’exception de nullité.  L’exception d’inconstitutionnalité. 12

Cette énumération appelle deux observations :  La première est l’introduction dans le code de l’exception d’inconstitutionnalité.  La seconde est l’exclusion de l’exception de communication des pièces du rang des exceptions. 13

En fait, cela s’explique en ce que, plus qu’une exception, la communication des pièces est devenue une mesure d’instruction qui peut conduire le juge, dans le cadre de la gouvernance du procès, à enjoindre aux parties voire même aux tiers de communiquer ou de produire les pièces concernées par la cause, et ce sous astreinte. Le juge de ce fait, contribue à l’administration de la preuve. 14

Analyse Exception de cautio judicatum solvi ( article 166)  Le but Il s’agit d’une mesure pour protéger le national attrait en justice.  Conditions Le créancier de la caution est un national béninois, personne physique (code de nationalité) ou personne morale de droit privé ( soumission au droit béninois). Réquisition du défendeur : la caution doit être demandée par le défendeur national, le juge ne peut donc la prescrire d’office. 15

 Dispense : o Convention diplomatique ou instrument communautaire. o en matière de référé. o défendeur, demandeur étranger agissant en contestation d’une saisie attribution pratiquée contre lui. o demandeur étranger disposant d’immeubles situés au Bénin et que la valeur de ses immeubles suffisent à garantir les condamnations éventuelles. 16

 L’exception de cautio judicatum solvi est en voie de disparition dans la plupart des législations francophones ( Congo, Togo). A l’instar du Bénin, la Côte d’ivoire la pratique encore (art 4 du Code de procédure civile). 17

 Exception d’incompétence Le régime varie selon que l’incompétence est soulevée par les parties ou d’office par le juge. Incompétence soulevée par les parties Les parties peuvent soulevées toutes sortes d’incompétence: incompétence territoriale et incompétence d’attribution. Conditions de recevabilité (article 167) l’incompétence doit être motivée. la partie qui la soulève doit faire connaître devant quelle juridiction l’affaire devrait être portée. 18

 Règlement (art. 168 à 172) Lorsque le juge rejette le moyen tiré de son incompétence, cette décision suspend le cours de l’instance jusqu’à ce qu’il soit statué par la cour d’appel, au cas où il y aurait eu appel. Même en l’absence de l’exercice de cette voie de recours, le délai d’appel contre la décision suspend l’instance. Par suite, en se déclarant compétente à la suite d’une exception d’incompétence soulevée par l’une des parties, la juridiction compétente doit renvoyer la cause à une date qui permet de couvrir le délai d’appel contre la décision. 19

 Incompétence relevée d’office par le juge (art. 173 à 175) Le juge quant à lui, ne peut relever d’office l’incompétence qu’en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution. Devant la cour d’appel ou la chambre judiciaire de la cour suprême, cette incompétence d’office ne peut être soulevée que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative ou échappe à la compétence d’une juridiction nationale. 20

En affirmant à l’article 173 in fine que « elle ne peut l’être qu’en ce cas », le législateur a semblé faire interdiction au juge de soulever d’office l’exception d’incompétence dans les autres cas, entendre notamment en cas de violation des règles de compétence territoriale. 21

Cette interdiction formelle connait cependant quelques tempéraments à l’article 174 que l’on soit en matière gracieuse ou en matière contentieuse :  En matière gracieuse, le juge peut relever d’office l’incompétence territoriale. 22

 En matière contentieuse, il ne le peut que dans les litiges relatifs à l’état des personnes ou dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction. Lorsque le juge relève d’office son incompétence, il renvoie les parties à mieux se pourvoir. 23

 Les exceptions de litispendance et de connexité (art. 179 à 186)  Notions Il y a litispendance ou connexité lorsque deux juridictions également compétentes sont saisies. La litispendance suppose la saisine concomitante des juridictions également compétentes pour connaitre d’une même affaire. La connexité n’exige entre les affaires qu’un lien suffisant. 24

Règlement Si les juridictions sont de même degré, c’est la juridiction saisie en second qui se dessaisit au profit de celle saisie en premier. C’est donc devant la juridiction saisie en second que l’exception de litispendance et de connexité devra être soulevée avec succès. Si les juridictions sont de degrés différents, c’est la juridiction du degré inférieur qui se dessaisit au profit de la juridiction de degré supérieur quel que soit l’ordre de leur saisine. Contrairement à la litispendance, la connexité est proposée à toute hauteur de la procédure (article 182). 25

 Les exceptions dilatoires  Notion C’est un moyen de défense qui permet à l’une ou l’autre des parties de solliciter un délai pour accomplir certaines formalités légalement prévues par la loi. C’est la partie qui jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer, soit d’un bénéfice de discussion ou de division soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi, qui peut soulever cette exception. 26

Ainsi qu’on peut le constater, le dilatoire est dans la procédure. Il a un fondement légal. Cependant, il faut distinguer l’exception dilatoire des manœuvres dilatoires.  Règlement Lorsque l’exception est admise, le juge ordonne le sursis à statuer. 27

 Les exceptions de nullité  Notion : A la lecture du code, l’on retient que la nullité est : d’une part, la sanction de l’irrégularité commise dans la rédaction ou dans la notification d’un acte de procédure. d’autre part, la sanction de l’exercice irrégulier de l’action en justice. 28

 Distinction : Ainsi le nouveau code, contrairement à la législation applicable au Bénin jusqu’à son avènement qui distinguait tout simplement entre nullité relative et nullité absolue, va opérer une distinction entre nullité des actes pour vice de forme et nullité des actes pour irrégularité de fond. 29

Nullité pour vice de forme Il s’agit de la nullité des actes telle que cela avait été conçue par le code de procédure civile applicable jusque là avec une sous-distinction : nullité relative d’une part et nullité absolue, substantielle ou d’ordre public d’autre part. 30

Nullité pour irrégularité de fond Au sens de l’article 195 du Code des procédures, « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :  Le défaut de capacité d’ester en justice. 31

 Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;  Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice ; 32

Ainsi qu’il est aisé de le constater, cette nouvelle forme de nullité procède de l’éclatement des fins de non recevoir et de l’érection en nullité pour irrégularité de fond des fins de non recevoir telles que le défaut de capacité d’ester en justice et le défaut de pouvoir. 33

Désormais, le défaut de capacité d’ester en justice et le défaut de pouvoir cessent d’être des fins de non recevoir pour constituer des causes de nullité pour irrégularité de fond. Notons tout de même le flop de l’article 33. Il faut faire une lecture croisée de cet article avec les articles 195 et

 L’exception d’inconstitutionnalité. Le législateur a introduit dans le code l’exception d’inconstitutionnalité déjà prévue par la constitution. L’article 200 dispose : « Dans une affaire qui le concerne devant une juridiction, tout citoyen peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité de la loi appelée à s’appliquer à l’espèce. L’exception doit indiquer clairement le ou les articles de la loi incriminés avec à l’appui et par écrit l’exposé sommaire des moyens. ». 35

Il s’agit d’un moyen de défense par lequel tout justiciable qui estime qu’une loi appelée à s’appliquer à lui et qui ne serait pas conforme à la constitution, soulève devant la juridiction saisie, une exception qui est dite exception d’inconstitutionnalité. Dans ce cas, le juge prend sur le siège une décision de sursis à statuer et transmet sous huitaine la décision de sursis contenant les moyens à la Cour Constitutionnelle qui statue dans un délai d’un mois. Notons toutefois que dans les matières où l’exécution provisoire est de plein droit à titre de provision, le sursis à statuer pour cause d’exception d’inconstitutionnalité ne peut être prononcé. 36

Il importe de souligner que la partie qui soulève cette exception doit le faire par écrit en indiquant clairement le ou les articles de la loi incriminée. La partie auteur de l’exception peut être condamnée à une amende civile de à F sans préjudice de dommages-intérêts, si la cour constitutionnelle déclare que l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée manifestement dans un but dilatoire ou de manière abusive. 37

La remarque essentielle sur cette exception est que, ce n’est pas la juridiction saisie qui statue sur l’exception mais plutôt une autre juridiction en l’occurrence la Cour Constitutionnelle. Il s’agit là d’une dérogation au principe ‘‘le juge de l’action est juge de l’exception’’. C’est pourquoi cette exception est beaucoup plus analysée comme une question préjudicielle. 38

B- LES FINS DE NON RECEVOIR Fondement juridique : articles 33, 165 al. 2 et 204 à 208 (122 et suivants du code de procédure civile français, art 29 et suivants du code de procédure civile togolais, art 196 et suivants du code de procédure congolais, art 124 du code de procédure civile ivoirien). Définition: L’article 204 du code des procédures du Bénin indique « Constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de droit d’agir, défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ». 39

Le même article précise in fine que cette énumération n’est pas limitative. On notera par exemple que l’absence d’ouverture d’une voie de recours est une fin de non recevoir. (art. 207 al. 2) Une double distinction est faite d’une part entre les fins de non recevoir d’ordre public et celles qui ne le sont pas et d’autre part entre les fins de non recevoir qui ne constituent pas de véritables défenses au fond et celles qui constituent de véritables défenses au fond. (article 165 al.2) 40

II - Régime des exceptions et fins de non recevoir A- Régime des exceptions L’article 165 dispose que : « Les exceptions, dès lors qu’elles ne sont pas d’ordre public ne sont recevables que si elles sont présentées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. » Ainsi, les exceptions qui ne sont pas d’ordre public doivent être soulevées in limine litis c’est-à-dire avant toute défense au fond ou fin de non recevoir quelle que soit la nature de cette fin de non recevoir. 41

Les nullités pour irrégularité de fond peuvent être proposées en tout état de cause sauf condamnation à dommages-intérêts de ceux qui se seraient abstenus dans une intention dilatoire. Elles doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse. Elles doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public: Le juge peut relever d’office la nullité pour défaut de capacité d’ester en justice. (art. 198) 42

B - Régime des fins de non recevoir ( art 165 al.2 et 205 du code des procédures) Aux termes de l’article 165 al 1 et 2 «Les exceptions, dès lors qu’elles ne sont pas d’ordre public ne sont recevables que si elles sont présentées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Il en est de même des fins de non recevoir lorsque celles – ci ne constituent pas, par elles – mêmes, de véritables défenses au fond » 43

L’article 165 al 2 distingue entre les fins de non recevoir qui constituent de véritables défenses au fond et les fins de non recevoir qui ne constituent pas de véritables défenses au fond. Cette même disposition soumet les fins de non recevoir qui ne sont pas de véritables défenses au fond au même régime procédural que les exceptions qui ne sont pas d’ordre public. 44

Elles doivent être soulevés in limine litis. L’article 205 quant à lui, soumet les fins de non recevoir constituant de véritables défenses au fond au même régime procédural que les nullités pour irrégularité de fond. Ils peuvent être proposés en tout état de cause sauf dommages intérêts contre celui qui se serait abstenu dans un but dilatoire. 45

Les fins de non recevoir sont accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse. Lorsque les fins de non recevoir ont un caractère d’ordre public, elles doivent être relevées d’office par le juge. C’est notamment le cas, lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours, du défaut d’intérêt ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours. 46

Ordre de présentation des exceptions et des fins de non recevoir : Au regard de leur régime, l’ordre de présentation des exceptions et fins de non recevoir s’articule comme suit : In limine litis 1 - La cautio judicatum solvi. 2 - Les exceptions qui ne sont pas d’ordre public. 3 - Les fins de non recevoir qui ne sont pas de véritables défenses au fond. 47

En tout état de cause 1 – Les exceptions d’ordre public. 2 - Les fins de non recevoir qui constituent de véritables défense au fond. 3 – Les défenses au fond. 48

Régularisation des exceptions et des fins de non recevoir La nullité des actes pour irrégularité de fond est susceptible d’être régularisée. Deux conditions pour la régularisation : La nullité doit être susceptible d’être couverte ; Que la cause de l’irrégularité disparaisse au moment où le juge statue. 49

La situation donnant lieu à une fin de non recevoir est susceptible d’être régularisée aux mêmes conditions. S’agissant de la nullité pour vice de forme, la théorie dite des équipollents permet de sauver l’acte en cause : l’acte est régularisé par des mentions qui y sont contenues et qui permettent de corriger ou de rectifier les mentions entachées ou erronées. 50

MERCI DE VOTRE ATTENTION 51