L ’évolution des réformes pédagogiques et l ’adaptation des enseignants à ces réformes Philippe Meirieu Janvier 2003
Trois séries de remarques... 1) Quelles réformes ? Pour quels enjeux ? Sur quels principes ? 2) A quelles conditions ces réformes peuvent-elles réussir ? 3) Comment passer des conditions à remplir à la mise en œuvre effective ?
1) Quelles réformes ? Pour quels enjeux ? Sur quels principes ? Les enjeux : –Faire face à la demande sociale et politique de démocratisation de l ’accès aux savoirs. –Faire face à l ’accélération de la production des connaissances sans renoncer à la construction des savoirs fondamentaux. –Faire face à l ’hétérogénéité des élèves sans en rabattre sur les exigences intellectuelles.
Les principes pédagogiques : La personnalisation prend progressivement la place de l ’individualisation L ’accompagnement sous des formes diversifiées prend progressivement la place du seul « soutien » L ’articulation entre savoir et culture prend progressivement la place de l ’articulation entre savoirs et intérêts des élèves Les innovations institutionnelles successives se dégagent ainsi de la « vulgate de l’Éducation nouvelle ».
La personnalisation L ’accompagnementL ’articulation entre savoir et culture Reconnaissance des différences... - dans les rythmes d ’apprentissage, - dans les styles cognitifs, - dans les types de rapports aux savoirs, - dans les projets des élèves. Nécessité de prendre en compte… - le niveau et le besoin de chaque élève, - ses difficultés ou ses acquis et les propositions pédagogiques et institutionnelles qui peuvent lui être faites. Exigence de traiter la question de la motivation… - non plus à partir des seuls intérêts extrinsèques aux savoirs, - mais à partir de contenus culturels forts permettant de relier l ’intime et l ’universel.
Les nouveaux modes de fonctionnement de l ’institution scolaire : Une plus grande responsabilisation des équipes dans un projet national mieux affirmé. Une incitation au travail en commun dans un respect des personnes et une optimisation de leurs compétences. Le passage d ’une culture de l ’obéissance et du mimétisme à une culture de la décision et de la régulation. Les innovations institutionnelles successives se dégagent donc progressivement du modèle hiérarchique pour aller vers le modèle systémique.
La responsabilisation des équipes dans un projet national mieux affirmé L ’incitation au travail en commun Le passage à culture de la décision et de la régulation Affirmation de la nécessité : - du projet d ’école ou d ’établissement, - du contrat permettant de se donner des objectifs et des outils de régulation, - d ’un cahier des charges national. Affirmation de l ’importance : - de la liberté pédagogique du maître, - de la complémentarité des approches, - de l ’intelligence collective des situations. Affirmation de la fécondité: - de la posture réflexive dans laquelle se trouvent des praticiens dès lors qu ’ils ont à prendre des décisions communes, - de la richesse de l ’invention pédagogique en situation de régulation collective.
ObservationDiagnostic Identification des ressources et des contraintes Réflexion collective Invention, propositions et mises en œuvre
Des projets dont la dynamique est liée à l ’engagement dans l ’ambition qui les porte... Face aux difficultés… nous pouvons toujours renoncer à nos ambitions... Nous pouvons aussi chercher à inventer des solutions pour les surmonter.
2) A quelles conditions ces réformes peuvent-elles réussir ? La question des « conditions » est toujours paradoxale car, quand elle est poussée à bout, elle peut amener à surseoir à toute action… … tant que toutes les conditions de réussite ne sont pas assurées… Ce qui n ’est évidemment jamais garanti. La question des « conditions »
La question de la « réussite » Qu ’est ce qu ’une « innovation institutionnelle réussie » ? Une innovation généralisée ? Une innovation intégrée comme routine ? Une innovation devenue inutile ? Une innovation dévoyée, dépassée ?
Comment intégrer les innovations institutionnelles dans les « pratiques ordinaires » ? Il faut qu ’elles soient politiquement légitimes. Il faut qu ’elles soient pédagogiquement pertinentes. Il faut qu ’elles soient institutionnellement accompagnées.
La légitimité politique... C ’est d ’abord la « légitimité du politique ». C ’est ensuite la « légitimité parlementaire » (loi d ’orientation de 1989). C ’est, enfin, la « légitimité symbolique » : pour faire sienne la solution et contribuer à sa mise en œuvre, il faut s ’accepter partie prenante du problème.
La légitimité pédagogique... Elle n ’est pas intrinsèque et intemporelle, mais relève d ’un équilibre fragile entre plusieurs facteurs... Des questions scolaires assumées comme questions sociales Des appuis scientifiques identifiés comme pertinents Des représentations partagées dans le corps enseignant Des exigences disciplinaires
La légitimité institutionnelle... Elle est relative à la qualité de l ’accompagnement et exige : une bonne communication, un pilotage efficace, une implication de tous les échelons hiérarchiques, une formation initiale et continue ciblée et congruente, une évaluation et une valorisation des réussites, un maillage territorial permettant la mutualisation et le développement des initiatives.
3) Comment passer des conditions à remplir à la mise en œuvre effective ? L ’histoire nous montre que toutes les conditions peuvent sembler réunies sans qu ’une réforme s ’installe et diffuse. Pour qu ’une réforme se concrétise, il semble qu ’il faille ajouter quelques « ingrédients » particuliers...
La réforme doit être cohérente avec les représentations identitaires des enseignants... ... ou accompagner l ’évolution de ces représentations identitaires. La réforme doit être cohérente avec les attentes des élèves et des parents à l ’égard de l ’institution scolaire… … ou accompagner l ’évolution de ces attentes.
La réforme doit permettre l ’exercice quotidien du « métier réel »... ... comme combinaison de routines nécessaires, de réglages possibles et d ’inventions régulées. routines nécessaires réglages possibles inventions régulées pour assurer la stabilité nécessaire à l ’exercice du métier. pour permettre de trouver les équilibres entre des logiques contradictoires. pour faire du métier une occasion de gratification intellectuelle et narcissique. ++
La réforme doit être accompagnée de la formation à l ’attitude de « praticien réflexif »... Action : prise de décision Enjeux de l ’action Enjeux de l ’action : - au niveau des apprentissages, - au niveau du projet culturel, - au niveau des modèles sociaux, - au niveau éthique et politique. Décisions concrètes Modèles théoriques Aller-retour Ajustements progressifs
CONCLUSION Toute réforme pédagogique doit s ’adosser sur l ’explicitation du « projet d ’enseigner ».
« le projet d ’enseigner » TRANSMETTRE INSTITUER L ’ECOLE FAIRE ADVENIR L ’HUMANITE DANS L ’HOMME Projet culturel: Assurer le lien entre les générations Projet politique : Construire un espace public dévolu à la recherche de la vérité Projet philosophique : Rendre chacun capable de « penser par lui- même »