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Histoire de la France Contemporaine

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1 Histoire de la France Contemporaine
Troisième cours : L’Entre-deux-guerres ( )

2 Troisième cours : 1 – Évolution politique
2 – Économie : d’une crise à l’autre 3 – Société 4 – Culture

3 1 – Évolution politique 1.1 – Le poids de la guerre
En affectant les consciences, les morts et les destructions de la Grande Guerre vont peser longtemps sur l’évolution politique de la France. Au lendemain de la guerre, hormis un pacifisme résolu, la population française est la proie de désirs contradictoires : on voudrait retourner à la légèreté de la Belle époque mais on souhaite d’autre part que les sacrifices n’aient pas été vains. L'oubli n’est d’ailleurs pas possible, particulièrement dans les régions du nord et de l’est, qui portent les stigmates des combats.

4 Ailleurs, ce sont le million d’invalides, la centaine de milliers de « gueules cassées » qui rappellent les horreurs de la guerre. Des associations d’anciens combattants, un groupe qui compte 6 millions d’hommes, tentent de venir en aide à ceux qui ne parviennent pas à se réadapter. Clémenceau demeure en poste, les négociations de paix et les troubles sociaux le rendant encore utile. Prolongeant l’Union sacrée de la guerre, un Bloc national se constitue, mais sans les socialistes et le parti radical. Grâce à la crainte du bolchévisme et aux divisions de la gauche, les élections de novembre 1919 produisent la chambre la plus à droite depuis 1871, le Bloc national remportant 319 des 600 sièges. Cette chambre « Bleu horizon » va surprendre en préférant Paul Deschanel au « Père la victoire » lors de l’élection présidentielle de janvier 1920.

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6 Deschanel ne sera président que quelques mois, donnant sa démission en septembre pour « troubles mentaux ». Il est alors remplacé par Millerand. Malgré son orientation à droite, la Chambre, qui va siéger jusqu’en 1924 va donner son soutien à des gouvernements très centristes qui vont tenter de poursuivre la politique d’Union sacrée. Cela concerne la politique étrangère, mais aussi la politique financière et intérieure, alors que la main tendue envers les congrégations religieuses remet en question une partie de l’héritage du combisme et que la répression des mouvements sociaux s’amplifie. Le bolchévisme est vu comme le nouvel ennemi et les grèves qui secouent le pays en 1919 et 1920 sont réprimées sans ménagements, ce qui est d’autant plus facile pour le gouvernement que la majorité de la population, des organisations sociales et des partis politiques soutiennent cette ligne dure du gouvernement.

7 1.2 – Désunion et union de la gauche
Le coup d’État bolchévique fait sentir ses effets chez les socialistes, en crise au lendemain d’une guerre, qui a vu leur participation à l’Union sacrée jusqu’en 1917, ce qui est très mal vu perde nombreux militants. À côté des tendances réformistes qui se sont fait jour et qui répudient le syndicalisme révolutionnaire, les meneurs socialistes sont critiqués sur leur gauche par les tenants d’une ligne radicale s’inspirant de l’exemple bolchévique, mais aussi hongrois et bavarois. En janvier 1919, en remplacement la 2e internationale, Lénine fonde à Moscou une 3e Internationale, communiste à laquelle la SFIO se refuse d’adhérer dans un premier temps, mais suite à sa défaite électorale de 1919, elle entame des négociations avec les chefs de la nouvelle organisation.

8 Lénine place la barre si haute que lors du Congrès de 1920, à Tours, une minorité importante rejette la transformation de la SFIO en SFIC et décide de poursuivre son action au sein d’une SFIO amoindrie. Quelques mois plus tard, la CGT éclatera à son tour. Le futur PCF emporte avec lui 120 000 membres et le journal L’Humanité, mais les cadres et les autres journaux du parti restent au sein de la SFIO. Le profil des membres de la SFIC est très hétérogène et, les directives de Moscou vont entraîner une série de purges et de scissions, réduisant le nombre de ses membres et son influence politique. Un grand nombre de militants quitte tout au long des années 20 le SFIC pour retourner à la SFIO. De 120 000 en 1920, les communistes ne sont plus que 29 000 en L’affaiblissement des radicaux de gauche profite ainsi aux tendances réformistes.

9 Alors qu’elle ne comptait plus en 1920 que 35 000 membres, la SFIO voit ses effectifs croître, passant de 60 000 en 1924 à 137 000 en 1932. Mais la composition sociologique de ce parti qui s’embourgeoise pose des problèmes d’orientation : il reste attaché au marxisme et à un programme ouvrier, mais ses membres sont de plus en plus des représentants des classes moyennes, qui cherchent davantage à s’intégrer au système pour le faire changer. Il empiète ainsi sur les terres du parti radical. Car la gauche ne se résume pas aux socialistes et aux communistes, le principal parti de cette tendance dans les années 1920 demeurant le parti radical. Jusqu’en 1922, le parti se cherche, surtout à cause de son implication politique alors que, relativement faible en chambre, il participe à la plupart des gouvernements, suscitant les critiques des plus gauchisants de ses militants.

10 Édouard Herriot, devenu chef du parti en 1922, s’emploie à renouer avec la gauche, pour attirer des socialistes dans une coalition qui permettrait à la gauche de s’imposer aux élections à venir. Les radicaux se lancent à l’offensive contre le gouvernement Poincaré en 1923, ce qui leur permet en de proposer une alliance aux socialistes. Une plateforme commune en 5 points est élaborée, qui aboutit à la formation du Cartel des gauches, réunissant quatre partis (SFIO, Parti radical, parti radical–socialiste et parti républicain-socialiste). Le PCF, resté à l’écart, critique vertement cette coalition. Grâce à cette coalition, la gauche remporte les élections de mai 1924, mais ce n’est un pas un triomphe : si le Cartel remporte la majorité des sièges, la droite remporte la pluralité des suffrages et cette situation pèsera lourd sur la marge de manœuvre du Cartel.

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12 L’autre handicap vient de la complexité de l’alliance et de son manque de cohésion, car leur accord se limite aux 5 points. Rien n’illustre mieux cette réalité que le refus de la SFIO de s’associer au gouvernement. À l’exception de la politique étrangère, les partis s’opposent constamment, que ce soit sur la loi d’amnistie de 1925 ou sur la question de la laïcité. L’élection à la présidence de Gaston Doumergue, un radical très centriste, en 1924, consécutivement à la démission de Millerand, donne la mesure de la prédominance du centre dans le Cartel. Seules quelques mesures significatives peuvent être adoptées, comme le droit à la syndicalisation octroyé aux fonctionnaires La question budgétaire va entraîner l’échec du Cartel, la droite demeurant aux commandes du Sénat et des institutions de contrôle économique.

13 Incapable d’enrayer la croissance des déficits, le gouvernement Herriot tombe en Son successeur, Paul Painlevé, tente de se rapprocher du centre, trop aux yeux de la gauche, ce qui provoque sa chute en novembre 1925. Aristide Briand ne parvient non plus à rien, et après avoir fait une autre tentative avec Herriot, le président Doumergue, exaspéré, demande à Raymond Poincaré de former un gouvernement (juillet 1926), ce qui met fin à l’expérience du Cartel.

14 1.3 – La république en crise
Grâce à sa politique financière, Poincaré stabilise la situation en s’appuyant sur une coalition centriste, incluant le parti radical. Cette nouvelle mouture de l’Union nationale, va tenir jusqu’en 1928, suffisamment pour assainir les finances publiques. La France entame un processus d’adaptation à la situation de l’après-guerre : réduction de la durée du service militaire, démocratisation du système scolaire (l’enseignement secondaire public devient gratuit), système d’assurance sociale pour protéger les salariés, loi-cadre de construction de logement pour les familles à faibles revenus, etc. Cette embellie ne dure pas et les élections de 1928, qui voient la droite reprendre un peu de couleurs et le recul du parti radical pousse son chef, Daladier, à s’éloigner et à mettre fin à l’Union nationale.

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16 Poincaré donne sa démission le 27 juillet 1929, plongeant le pays dans une grave crise politique dont il ne sortira pas avant la guerre. Sans Poincaré, le gouvernement penche vers la droite et jusqu’en À la présidence, Gaston Doumergue laisse la place à Paul Doumer, assassiné en mai par Pavel Gourgulov et remplacé par Albert Lebrun, dernier président de la 3e République. Des gouvernements éphémères auront la tâche de diriger la France alors que les nuages s’amoncellent, même si d’abord la France semble épargnée. Quelques jours après l’effondrement boursier de 1929, Tardieu lance sa « politique de prospérité ». La gauche reprend l’initiative lors des élections de que Tardieu a présenté comme un plébiscite de sa politique. La gauche modérée, celle du parti radical d’Herriot, qui remporte la mise et à qui Lebrun confie le soin de former le gouvernement.

17 Ne voulant pas répéter les erreurs du Cartel des gauches, Herriot gouverne au centre, s’appuyant sur les milieux d’affaires et refusant de s’associer à la SFIO, ce qui va conduire à l’échec de ses politiques économiques (poursuite de la déflation) et en matière d’Affaires étrangères (ligne dure face à l’Allemagne). En décembre 1932, son gouvernement est défait. De décembre 1932 à février 1934, 5 gouvernements radicaux se montrent incapables de conserver la confiance de la chambre et de prendre les mesures nécessaires pour endiguer la crise. Les critiques fusent contre ce système incapable d’engendrer la stabilité gouvernementale. C’est la première fois depuis les années 1880 qu’une partie significative de la société française rejette le système. Non seulement prétend-on que les hommes politiques sont incompétents, on les croit aussi volontiers corrompus.

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19 Les scandales de corruption s’accumulent à partir de et l’opinion publique se montre particulièrement intolérante envers le phénomène en ces temps de crise. Crise aussi au sein des forces politiques traditionnelles : Les problèmes d’identité des socialistes et des radicaux se poursuivent, la schizophrénie des communistes ne s’estompe pas et la droite est la proie du doute. C’est la crise économique qui joue le rôle de catalyseur du malaise, car elle remet en question les dogmes libéraux, assisse idéologique des courants modérés, et favorise le déplacement de l’opinion vers la droite. C’est à cette crise que répond la création des ligues, qui ne sont pas une nouveauté, mais à qui le contexte de crise systémique et la montée des fascismes en Europe donnent un nouvel élan. La plus puissante de celles-ci, les Croix de feu du Colonel Larocque, formées d’anciens combattants, est davantage traditionaliste que fasciste.

20 Mais d’autres groupuscules (francisme, Solidarité française, Ligue des faisceaux) compense la faiblesse de leur nombre par un grand activisme les situant clairement dans la lignée de Mussolini et Hitler. Ces organisations mènent le bal lors des émeutes du 6 février 1934, qui vont entraîner la démission du gouvernement Daladier et se solder par 15 morts et près de 1500 blessés, émeutes présentées exagérément par la gauche comme la « Marche sur Rome » des fascistes français. Le président Lebrun confie à Doumergue la tâche de tenter une nouvelle union nationale, un gouvernement de « trêve » très centriste, en attendant de proposer des réformes profondes visant à réduire le pouvoir de la chambre et à accroître l’autonomie de l’exécutif. Il n’aura cependant pas le temps d’agir et serait défait en novembre 1934.

21 Francisme et Croix-de-Feu

22 Pierre Étienne Flandin et à nouveau Pierre Laval tenteront de maintenir l’agenda réformiste, mais la chute de ce dernier en janvier 1936 met fin à ces tentatives. Le gouvernement d’Albert Sarrault qui lui succède n’aura d’autres ambitions que de tenir le fort dans l’attente des élections.

23 1.4  – Le Front populaire Après les élections de  1936, les socialistes auront pour la première fois la tâche de conduire le gouvernement, à la tête d’une autre tentative d’union de la gauche, sans doute la plus connue, celle du Front populaire. Même si il faut remonter de quelques années pour trouver les origines du Front populaire, les émeutes de ont achevé de convaincre les dirigeants des différentes formations de gauche d’unir leurs efforts pour contrer le « fascisme français ». L’origine du Front populaire doit être cherché à Moscou. En 1932, le Kominterm autorise les communistes français à inaugurer une nouvelle approche (qui sera reprise ailleurs et demeurera la base de la politique étrangère soviétique jusqu’en 1939), celle du « front uni » contre l’extrême droite.

24 Thorez remise le sectarisme du PC, mais les tentatives de rapprochement demeurent vaines jusqu’à l’été 1934, alors que socialistes et communistes signent un pacte pour contrer l’extrême droite. En automne 1934, Thorez lance le mot d’ordre de « rassemblement populaire », invitant la classe ouvrière à faire front avec la classe moyenne de gauche pour faire échec au fascisme. L’invitation aux Radicaux est lancée, invitation longtemps laissé sans réponse. Mais l’aile gauche du parti radical réussit à contraindre l’aile droite à abandonner l’alliance centriste pour saisir la main tendue par Thorez et Blum. Les discussions furent ardues, mais en janvier 1936, les trois partis accouchent d’une plateforme commune très modérée, centrée autour de trois thèmes (« reflation » pour lutter contre la crise, paix et lutte contre l’extrême droite), afin de présenter un front uni de la gauche pour les élections à venir.

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26 Après un premier tour, où chaque parti lutte pour son programme et qui voit les communistes doubler leurs suffrages, le second tour voit le triomphe du Front populaire, avec 369 sièges, contre 231 à la droite.  La SFIO, avec ses 146 sièges, devenu le premier parti de France, formera le gouvernement, avec à sa tête Léon Blum. Les communistes ne participent pas au gouvernement, mais le soutiennent en chambre, reprenant la tactique utilisée jusqu’alors par la SFIO. Sans l’apport communiste et avec les radicaux, deuxième parti en chambre avec 115 sièges, Blum forme un gouvernement de centre gauche qui, selon ses dires, ne sera pas une expérience socialiste, mais une expérience de gestion sociale du régime capitaliste. Il ne s’agit pas de remettre en question le système du pays, mais de l’ancrer fortement à gauche.

27 Les meneurs du Front Populaire (Blum et Thorez)

28 Le Front populaire parvient à mettre fin au mouvement de grève qui secoue le pays en imposant au patronat des mesures radicales : augmentations salariales de 12 % en moyenne, convention collective, liberté syndicale et participation ouvrière à la gestion des entreprises, deux semaines de congés payés, limitation de la semaine de travail à 40 heures et politique culturelle visant à permettre aux classes populaires un accès à la culture. L’été 1936 est une saison de rêve pour les classes populaires, alors que pour la première fois elles sont fortement représentées au gouvernement. Mais si l’amélioration des conditions de vie de ces classes est l’une des priorités, le gouvernement Blum s’attaque aussi à d’autres domaines, comme la démocratisation du fonctionnement de la Banque de France et la nationalisation des industries de guerre.

29 Toutes ces mesures irritent ceux qui d’habitude dirigent le pays : la droite, le patronat, les grands intérêts financiers et industriels. Et surtout la presse : dès l’été 1936, on assiste à un déferlement de critiques confinant à la haine et au mépris à l’endroit de ce gouvernement populaire, peuplé de cryptocommunistes et de Juifs… C’est sur ce terreau que croissent les mouvements d’extrême droite, comme la Cagoule de Deloncle. Après la dissolution des ligues, l’anticommunisme et l’antisémitisme sert de ciment à la formation de partis ouvertement fascistes, comme le Parti populaire français de l’ancien communiste Jacques Doriot. La guerre civile espagnole complique la situation pour le gouvernement Blum, car si sa sympathie l’incite à venir en aide aux républicains, il hésite à le faire pour des raisons relevant de la politique intérieure, décevant sur ce point sa base électorale.

30 Plus grave est l’échec de la politique économique suivie dès l’été 1936, alors que le patronnant freine du mieux qu’il le peut la politique gouvernementale. Se pose aussi la question du réalisme des mesures adoptées en période de grave crise économique, lesquelles conduisent à une fuite des capitaux, à la stagnation de la production et à une forte inflation. Blum doit recentrer son action et tenter de rassurer les milieux d’affaires. Au printemps 1937, il déclare une pause dans les réformes, ce qui revient à abandonner certains des grands projets sociaux de la SFIO, comme la création d’une caisse de retraite universelle, mécontentant sa base. Le retournement des classes moyennes va entrainer la chute. Inquiets de la situation économique, les petits patrons s’organisent et les radicaux quittent le gouvernement, contraignant Blum à remettre la démission de son gouvernement le 22 juin 1937.

31 Ce n’est pas encore la fin du Front populaire, car l’équilibre des forces demeure le même en chambre. Chautemps, radical, forme un gouvernement qui se maintiendra jusqu’en mars 1938, avant de laisser la place à une seconde tentative de Blum. Mais l’enthousiasme de l’été 1936 est bien mort dès 1937. Daladier, principal responsable de la constitution du Front populaire, mettra un terme à l’expérience en constituant un gouvernement d’Union nationale au centre, appuyé sur ses troupes radicales et isolant la SFIO. Le rêve d’un aménagement social du capitalisme est terminé. Prenant les choses en main, Daladier va présider aux destinées du gouvernement français jusqu’en mars (alors que Paul Reynaud lui succédera). Pendant cette période, si la situation interne continue d’être préoccupante, c’est le contexte international qui monopolise les forces du gouvernement.

32 2 – Économie : d’une crise à l’autre
2.1 – Le prix de la guerre La guerre a couté très cher à la France sur le plan humain et matériel, mais aussi sur le plan financier, ce qui va peser lourdement sur le développement économique dans l’immédiat après-guerre. La dette s’est grandement alourdie et la « dette flottante » de 50 milliards peut s’abattre à tout moment. Le renouvellement de ces emprunts dépend de la confiance des détenteurs dans les finances de l’État, et cette confiance est ébranlée par l’inflation, causée par la rareté des produits et par l’explosion de la masse monétaire en circulation, passée de 6 à 35 milliards de francs entre 1913 et 1918.

33 Grâce au maintien de la parité artificiellement décrétée par les alliés durant la guerre, la population ne se rend pas compte de la dégradation monétaire, mais le réveil sera brutal lorsque cette politique sera abandonnée. Le gouvernement décide de distinguer dans son budget les dépenses habituelles de celles occasionnées par la guerre, ces dernières devant être assumées par le paiement des réparations par l’Allemagne. Et puisque « l’Allemagne paiera », le gouvernement dépense énormément : en 1929, grâce à ces dépenses extraordinaires et à de nouveaux Bonds du trésor, la reconstruction sera achevée et l’économie connaîtra une très bonne moitié de décennie. Mais l’Allemagne paiera mal, et quand en 1919 la politique de maintien artificiel des taux de change est abandonnée par les États-Unis et le Royaume-Uni, le franc s’effondre et perd plus de 60 % de sa valeur en un an et demi.

34 Cela provoque une série de 3 crises des changes qui, entre 1920 et 1926 vont rythmer l’économie française et avoir d’importantes répercussions politiques à l’intérieur et extérieur (l’occupation de la Rhénanie). Il faudra attendre 1926 et le rappel de Poincaré pour que la situation se stabilise. Coupes dans les dépenses et accroissement de l’impôt permettent de dégager des surplus, redonnant confiance aux emprunteurs et permettant de racheter la moitié de la dette flottante. Grâce à cette politique, Poincaré en 1928 peut amputer la valeur du franc de 80 % de sa valeur, « privatisant » la dette publique, mais stabilisant le franc, qui redevient une monnaie de réserve. Malgré le coup ainsi porté aux économies de la population, cette politique va permettre à la France de poursuivre pendant encore quelques années sa croissance.

35 2.2 – La prospérité des années 20
Pendant que l’État se débat dans ses difficultés budgétaires, l’économie française se porte plutôt bien, de sorte que la Grande Guerre se présente sous la forme d’une parenthèse qui, une fois refermée, laisse place à la poursuite de la croissance de la Belle Époque. Les années sont mauvaises pour cause de reconversion de l’économie, de surproduction, de disparition des commandes d’État, du retour des mobilisés et d’une forte inflation. Tout cela entraine des troubles sociaux qui se reflètent sur la scène politique. Dès 1922, l’influence de ces facteurs a été résorbée, et la croissance peut reprendre, de sorte qu’au cours de la décennie, le revenu national croît de 5 % par année en moyenne et il en est de même de la croissance du PNB.

36 Cette performance s’explique par l’effet d’entrainement de la croissance américaine, mais aussi par le laxisme du gouvernement qui stimule grandement l’économie, par la faiblesse du franc jusqu’en 1926, qui favorise les exportations ,et par la poursuite de la transition vers une consommation de masse de la population. Surtout, la politique d’investissement (17 % du PIB annuel en moyenne) des entreprises permet la modernisation d’une part de l’appareil de production industrielle. La mécanisation se répand et avec elle, le taylorisme et le fordisme, même si cela concerne uniquement les très grandes entreprises. « L’accumulation primitive du capital » se réalise au sein des locomotives de l’économie et donne lieu à un mouvement de concentration des capitaux et à la création d’entreprises plus importantes et même, phénomène nouveau pour la France, à l’acquisition d’entreprises industrielles à l’étranger.

37 Le degré de concentration en France demeure plus faible que dans le monde anglo-saxon, mais la modernisation ne se limite pas au secteur industriel et touche le secteur de la distribution. Les locomotives industrielles demeurent les mêmes : dans le secteur industriel de base, sidérurgie, chimie. Le secteur électrique poursuit sa croissance, grâce aux programmes d’électrification (qui fait passer le taux des communes branchées de 17 % en 1919 à 83 % en 1932) et à la mécanisation des entreprises. Le fer de lance de l’industrie, c’est l’automobile : avec près de 300 000 véhicules produits en 1930, la France est le 2e producteur mondial. Derrière les grands constructeurs, une multitude d’entreprises se développe pour produire des pièces. De même, l’accroissement du parc automobile à près de 1,5 million de véhicules stimule le secteur des hydrocarbures.

38 Malgré ces changements, l’économie française demeure fidèle à elle-même et au modèle républicain, dominé par les petites entreprises et les petits producteurs. En 1931, près de 45 % des entreprises industrielles françaises comptent moins de 20 employés et il y existe encore 1,7 million d’artisans qui travaillent seuls ou en compagnonnage, chiffres auxquels il faut ajouter près de 500 millions de travailleurs à domicile. Dans la distribution et le commerce, 65 % des travailleurs œuvrent au sein d’entreprises comptant moins de 5 employés et seulement 10 % dans des entreprises en comptant plus de 10. Le secteur agricole continue de fournir 30 % de la richesse nationale et d’occuper 33 % de la main d’œuvre. Les exploitations demeurent petites et 3 % à peine d’entre-elles comptent plus de 50 hectares, minimum nécessaire pour passer à une agriculture intensive et extensive.

39 Les exploitations de tailles moyennes (de 10 à 50 hectares), qui constituent 25 % des exploitations participent elle aussi dans une moindre mesure à cette modernisation, mais le modèle dominant demeure la petite ferme familiale, basée sur l’agriculture de subsistance et la polyculture. La productivité agricole végète : sur un indice de 100 en 1913, la productivité agricole atteint 106 en 1925, avant de baisser à 96 en 1929… En tenant compte de l’ensemble des secteurs, l’écrasante majorité de la population française travaille dans de petites ou très petites entreprises et même s’il y a évolution, lente, vers une plus grande concentration, le modèle français se distingue de celui du Royaume-Uni ou des États-Unis, manifestation de cet idéal issu de la Révolution française d’une société composée de petits propriétaires, thésaurisateurs et raisonnables.

40 2.3 – La crise des années 1930 Nombreux sont les spécialistes qui attribuent à ce modèle la cause du décalage en France par rapport aux autres économies occidentales dans le cadre de la crise, alors que la France sera frappée plus tard, mais sortira aussi de cette crise après les autres. Alors que ses voisins se débattent déjà, 1930 est une année record en termes de production de charbon, de fer, de bauxite. Le commerce extérieur atteint des sommets, le budget est excédentaire et les chômeurs sont moins de 10 000. Ces résultats confortent les Français dans leur certitude quant à la supériorité de leur modèle, et nombreux sont ceux qui ne cachent pas leur satisfaction devant cette apparente revanche de l’économie française face aux pratiques commerciales des Anglo- saxons.

41 Décideurs et opinion publique ne voient pas les faiblesses de l’économie française : productivité faible, baisse des exportations (les prix baissent et la stabilisation du franc entraîne un renchérissement des produits français), une baisse du tourisme et dépendance aux réparations allemandes. Si la France semble épargnée en 1930, c’est grâce au caractère archaïque d’une économie basée sur un marché intérieur très protégé. Les seules entreprises touchées dès 1930 sont celles qui ont commencé leur modernisation et dépendent des exportations. Le choc viendra : en septembre 1931, le Royaume-Uni dévalue la livre, ce qui entraîne la dévaluation de plusieurs autres monnaies, mettant en évidence le mal économique français : surévaluation des prix, maintenus élevés par la politique monétaire. Cela provoque l’effondrement des exportations et la perte de compétitivité de la production locale.

42 La situation est aggravée par le refus du gouvernement de dévaluer, de peur de revoir un effondrement de la devise nationale comme dans la décennie précédente. La domination des petites entreprises devient un handicap, incapables qu’elles sont d’investir pour améliorer la productivité, ce qui pourrait relancer le marché intérieur et favoriser les exportations. Le choc est sévère dans le secteur agricole où prédominent les petites exploitations faiblement automatisées, ce qui se reflète dans la faible productivité : 18 quintaux de blé par hectare en France, contre 27 en Belgique et 30 aux Pays-Bas. Comble de malheur, les premières années de la décennie voient d’excellentes récoltes, qui maintiennent les prix bas. De sorte que la France produit peu et obtient peu de la vente de ses produits.

43 La situation industrielle est plus variée
La situation industrielle est plus variée. Les secteurs peu modernisés entrent en crise plus tard, mais celle-ci durera plus longtemps, alors que les entreprises plus modernes, comme Michelin, seront frappées plus tôt, mais sortiront plus rapidement du marasme. C’est le cas aussi des services publics, comme les chemins de fer, l’électricité, l’eau, etc. La baisse de l’activité économique aura pour conséquence de réduire les revenus du gouvernement, alors même que le gouvernement se lance dans sa « politique de la prospérité » provoquant une crise budgétaire inquiétante. La classe politique éprouve de grandes difficultés à gérer la crise, car elle n’en comprend pas les causes et elle est convaincue que l’économie est victime de la conjoncture : son attachement à l’équilibre budgétaire et à la stabilité de sa monnaie lui permet de se croire la victime vertueuse de l’aventurisme anglo-saxon.

44 Ainsi, si la France n’est pas responsable, il ne sert à rien de tenter de la guérir, puisqu’elle n’est pas malade et simplement victime de la contagion. Jusqu’en 1935, le gouvernement se contentent de tenter d’atténuer les effets de la crise. Plusieurs méthodes seront employées au cours de la période  Dans un premier temps, on tentera de protéger les revenus de la population en luttant contre la concurrence, dans un contexte de surévaluation de la monnaie nationale. En relevant les droits de douane, puis en imposant des pénalités pour les produits provenant des États qui ont dévalué leur monnaie et enfin en imposant un contingentement des importations d’une multitude de produits, le gouvernement parvient à mettre partiellement les producteurs français à l’abri de la concurrence, mais sans parvenir à freiner la chute des revenus.

45 Devant l’inefficacité des mesures protectionnistes, on se tourne vers le malthusianisme économique : soutenir les prix en diminuant la production. Or, comme dit précédemment, les années 1932 et 1933 voient des récoltes record et conséquemment, les prix s’effondrent. Dans le domaine industriel et commercial, le gouvernement interdit la création de nouvelles entreprises, ce qui favorise la cartellisation de nombreux secteurs. Afin de soutenir la population et relancer l’économie, le gouvernement multiplie les investissements, déstabilisant la situation budgétaire, comme lors du vote en 1931 d’un crédit de 5 milliards pour l’instruction publique, les travaux publics, l’agriculture. Aucun effort n’est fait pour favoriser la modernisation de l’économie A partir de 1933, les gouvernements s’emploient à diminuer la masse monétaire, en réduisant les dépenses ce qui conduit à une réduction de l’activité.

46 Loin de favoriser la reprise, ces différentes mesures plongent le pays dans un marasme encore plus grand, alors que ses compétiteurs internationaux commencent à reprendre une certaine vigueur à partir de 1935. Seule la dévaluation du franc, solution rejetée par tous jusqu’en 1936 et décidée par le gouvernement Blum parviendra à relancer l’économie française, dont les indicateurs commenceront à croître à nouveau en 1938, demeurant cependant modestes à la veille de la guerre. La crise a ainsi achevé le déclassement de la France, jadis puissance économique et ce n’est qu’après la guerre que l’économie française renouera durablement avec une forte croissance, insuffisante cependant pour faire regagner au pays sa place dans l’univers économique.

47 3 – Société 3.1 – Mutations sociales
La guerre a entrainé un déficit humain de l’ordre de 3 millions de personnes (morts aux combats, civils, déficit de naissance), chiffre auquel il faut ajouter les centaines de milliers d’invalides, que le mini-baby-boom de l’immédiat après-guerre est très loin de combler. Les différentes classes sociales ont été variablement touchées : la petite bourgeoisie déplore de lourdes pertes, mais c’est la paysannerie qui a subi la saignée la plus importante : sur 5,4 d’hommes en 1914, 700 000 furent tués et 500 000 mutilés. Il faudra remplacer cette main-d’œuvre, alors que la population active passe de 55 % en 1920 à 49 % en 1936.

48 L’immigration connait un accroissement significatif, passant de 1,4 million en 1911 à 3 millions en (8 % de la population totale du pays). Aux Italiens, Belges et Espagnols s’ajoute une immigration massive de Polonais (2e groupe en importance en 1931), alors que Russes et Hongrois, moins nombreux, se joignent aussi à la France, de même que des Arméniens et des Kabyles. Si l’intégration des ressortissants Italiens, Espagnols et Belges se fait sans difficulté, il en est autrement des populations slaves et kabyles, dont le mode de vie se distingue de celui de la population locale. La guerre n’a pas apporté de changements importants dans la structure sociale, ni en ce qui concerne les secteurs d’occupation de la population. On note un certain déplacement du secteur primaire vers les deux autres, sans plus.

49 Le modèle du petit propriétaire continue de dominer, alors que près de 50 % de la population active sont chefs d’entreprises, exploitants agricoles ou artisans. Les campagnes ont subi des mutations importantes : aux morts de la guerre s’ajoutent les déplacés et ceux qui ne reviendront pas dans les zones rurales. Les revenus de la paysannerie ont augmenté durant la guerre, permettant une amélioration de la situation de nombreuses familles, qui ont pu économiser et agrandir leurs terres. Le niveau de vie augmente, alors que l’alimentation se diversifie et malgré l’augmentation des prix industriels, le confort de la ville s’installe peu à peu dans les campagnes, même si l’habitat demeure plutôt primitif. Le prix à payer pour ces améliorations, c’est le recul de la culture paysanne, le brassage de populations et l’arrivée dans les campagnes d’immigrants changent les rapports de sociabilité et la religion recule.

50 Quand arrivera la crise et les difficultés économiques, le malaise paysans se transformera en mouvement de protestation, mal canalisé par les forces politiques traditionnelles, ce qui donnera naissance à des organisations paramilitaires et parfois cryptofascistes comme les Comités de défense paysans. Dans les villes, la consolidation de la classe ouvrière se poursuit et elle compte au tournant des années près de 13 millions de personnes, familles comprises. Cette classe n’est pas homogène : ouvriers qualifiés, manœuvre et entre les deux, de nouveaux venus, les ouvriers spécialisés dont le nombre s’accroit avec la généralisation des méthodes scientifiques d’organisation du travail et dont le travail abrutissant est peu rémunéré. C’est parmi ceux-ci, où les immigrants sont nombreux, que les communistes recrutent leurs troupes les plus nombreuses.

51 Les conditions matérielles s’améliorent et les dépenses liées à l’alimentation dans le budget diminuent, alors que le régime alimentaire s’améliore. Nombreux sont les ouvriers qui peuvent acquérir des produits de consommation de masse (bicyclette, poste de radio), fréquenter les « salles obscures » et s’acheter chaque jour un ou deux quotidiens. Mais on est loin d’une classe moyenne ouvrière, car l’essentiel des profits de la croissance échappe au prolétariat : entre 1913 et 1929, les profits des entreprises croissent de 50 %, alors que les salaires des ouvriers augmentent d’à peine 20 %. Les conditions d’habitation sont très difficiles, même si les situations varient beaucoup. Les grandes entreprises des centres régionaux (ex: Michelin) favorisent le développement d’un cadre plus humain, mais la situation dans les grands centres industriels est pénible, alors que les banlieues ouvrières pullulent.

52 À Paris, les HBM (habitations bon marché) offrent à des ouvriers, souvent immigrés ou déplacés, un cadre de vie gris et triste. La classe ouvrière cherche à s’organiser, d’autant que les années 1920 voient peu de nouvelles lois sociales, comme la journée de huit heures, adoptée en 1919. CGTU et CGT ont le vent en poupe, ces deux organisations regroupant à la fin des années 1920 plus d’un million d’adhérents qui, il est vrai, n’appartiennent pas tous au monde ouvrier. D’autres organisations moins importantes existent aussi, comme la CFTC (Confédération française des travailleurs catholiques) La classe moyenne et la bourgeoisie constituent les classes les plus dynamiques, mais les grandes fortunes sont pour l’essentiel les mêmes qu’avant guerre. Quelques nouveaux riches ont profité des commandes de l’État, mais la manne a surtout profité aux fortunes déjà établies.

53 Puissantes, ces familles sont très peu nombreuses et le dynamisme de ce groupe hétérogène provient surtout de la moyenne et petite bourgeoisie, qui compte près de 10 millions de membres. Les différences de richesse y sont très importantes, mais ces gens ont en commun, sinon un style de vie, au moins une aspiration à un style de vie bourgeois. La guerre et les difficultés économiques de l’après- guerre ont érodé le patrimoine d’une partie de cette petite bourgeoisie et les petits rentiers connaissent des difficultés économiques. C’est ce qui explique le ralliement d’une partie des classes moyennes au discours de la gauche pendant les années 1930. Ce mode de vie bourgeois, très vague parce que très varié, se distingue par exemple au plan de l’habitation : maisons de ville ou appartements, grands ou petits, mais dans un secteur résidentiel et dotés de commodités modernes et de plusieurs pièces.

54 C’est un bastion du conservatisme social, comme le rôle dévolu aux femmes tend à le démontrer. Alors que les milieux paysans et ouvriers ne peuvent se permettre de laisser des bras à la maison, la femme bourgeoise est généralement confinée à son espace domestique, ses tâches variant en fonction de la richesse de son époux, les « gens de maison » des maisons les plus aisées s’occupant des tâches domestiques, laissant à la « dame bourgeoise » du temps pour « tenir son rang ». Comme avant la guerre, l’instruction supérieure demeure un quasi-monopole de la bourgeoisie, alors que les lycées, voie nécessaire pour l’entrée à l’université, demeurent trop dispendieux pour les classes populaires, et même si les bourses gouvernementales permettent à ceux-ci un certain accès, cela ne concerne que moins de 15 % des inscrits.

55 3.2 – La crise économique et le niveau de vie.
La crise des années 1930 a entrainé une diminution des revenus distribués de l’ordre de 30 % (de 250 milliards de francs en 1929 à 170 en 1935), mais compte tenu de la déflation des prix d’environ 20 %, le recul du pouvoir d’achat au cours de la période est d'environ 10 %, ce qui est douloureux, mais pas catastrophique. La crise n’a pas été démocratique dans ses impacts, certains groupes absorbant une part plus importante (agriculteurs et petits entrepreneurs), alors que les propriétaires immobiliers et les retraités voient une amélioration relative de leur situation financière. Si la situation est si grave, c’est que les deux catégories les plus touchées constituent la majorité de la population française. L’effondrement des revenus de la paysannerie est causée par la déflation, contrôlée et incontrôlée, des prix des matières premières agricoles.

56 Pour les petits entrepreneurs, la statistique la plus éloquente concerne le nombre de dépôts de bilan, qui passe de 750 par mois en moyenne en 1930 à près de 1 300 en 1935. Les ouvriers semblent moins touchés (-6% du pouvoir d’achat) mais cette statistique recouvre une grande diversité de situation et masque le sous-emploi et le chômage, difficiles à quantifier, les données ne tenant pas compte du chômage partiel. Le chiffre officiel d’un demi-million de chômeurs en 1936 est considéré inférieur à la réalité, les évaluations évoquant généralement le million. Les ouvriers des secteurs modernisés sont frappés dès 1930, mais à partir de 1932, les choses se stabilisent, avant de s’améliorer. À l’inverse, les ouvriers des petites entreprises subissent le contrecoup des faillites en série à partir de ce moment et leur situation demeure précaire jusqu’à la veille de la guerre.

57 4 – Culture 4.1 — Les années folles
Le concept des « années folles » recouvre une réalité, celle de la volonté de s’étourdir, d’oublier la guerre et de tourner le dos aux expériences pénibles. L’augmentation générale du niveau de vie de la population lui permet de s’adonner aux divertissements. Les grands courants artistiques et les extravagances demeurent le lot de la minorité, souvent aisée, toujours éduquée, mais l’effet d’entrainement sur l’ensemble de la population est réel. La base du renouveau culturel se situe dans la poussée urbaine, alors que la population des villes et de leurs périphéries augmente de près de 2 millions pendant la décennie.

58 Dans la banlieue parisienne, la population croit de près de 40 % de 1921 à 1931, s’établissant à plus de 2,5 millions d’habitants. La culture paysanne recule et même si ce sont les élites qui mènent le bal, le bassin de population urbaine permet un développement culturel remarquable. En ce qui concerne cette culture d’élite, la période voit plusieurs courants révolutionnaires, inspirés par l’air du temps, par l’atmosphère de « temps nouveau » qui s’empare de l’Europe, s’imposer aux classiques. Car la guerre a aussi emporté certaines plumes d’avant-guerre, libérant de l’espace pour les nouveaux venus. Ceux-ci ne sont pas dans leur grande majorité des inconnus avant la guerre : Gide, Proust et Valéry atteignent dans les années 1920 la maturité. Mais la décennie est aussi celle de l’aventure surréaliste, qui puise dans le rejet des « valeurs bourgeoises » qui ont conduit à celle-ci.

59 Le rejet de celles-ci – libéralisme, humanisme, rationalisme et nationalisme – n’attend pas les derniers coups de feu et dès 1916 Tristan Dzara « fonde » le dadaïsme, dont Paris devient après la guerre la capitale. Au début des années 1920, un groupe de jeunes gens proche de Dzara se détourne de lui, désirant reconstruire une culture fondée sur l’individu et motivée par l’exploration personnelle du créateur, « en dehors de la raison et de la morale » : ce sont Paul Éluard, Louis Aragon, Pierre Desnos et bien sûr, André Breton, qui publie en 1924 son manifeste du surréalisme. Le mouvement ne concerne pas que les lettres, mais la peinture (Salvador Dali, Max Ernst), la sculpture (Hanz Arp, Germaine Richier) et le cinéma (Luis Buñuel, René Clair et Jean Cocteau). Si ces artistes sont happés dans un premier temps par la lueur à l’est, le tournant autoritaire que prend le régime bolchévique les éloignera de la SFIC.

60 Si le mouvement surréaliste, comme celui des avant- gardes avant lui est transnational, Paris demeure le centre de la recherche artistique : Montparnasse est le lieu de résidence de nombreux créateurs « chassés » de l’est (Soutine et Chagall) ou de l’ouest (Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway). Le caractère particulier de la décennie lui vient des mutations culturelles qui concernent les masses populaires et qui atteignent dans les années 1920 un niveau de développement nouveau, alors que les villes croissent, que le niveau de vie s’améliore et que les innovations techniques d’avant-guerre se généralisent. Même si c’est la décennie suivante qui verra une véritable explosion de ce phénomène de la culture de masse, les signes avant-coureurs de celle-ci se multiplient : presses populaires, de droite, comme de gauche, diffusion d’événements sportifs et poursuite du développement de l’industrie cinématographique.

61 4.2 — Les années 30 Le ton de la culture des années 1930 se distingue de celui de la décennie précédente, alors que la société cherchait à s’étourdir, à oublier le carnage. Car si le souvenir de celui-ci s’éloigne, l’avenir est lourd de menaces au tournant de la décennie : la crise économique et l’arrivée au pouvoir de forces politiques revanchistes dans les États voisins laissent présager des temps tourmentés. Si on ne peut limiter à cette « culture de la catastrophe à venir » le bouillonnement des années 1930, il colore une part significative de la production intellectuelle et culturelle de la période, qu’il s’agisse de chercher une façon de l’éviter ou de sortir de la crise, ou à l’inverse, d’accepter l’inévitable. D’un côté comme de l’autre, une atmosphère de « fin de règne » domine l’univers culturel de la France à cette époque.

62 L’implication du monde intellectuel est particulièrement intense, car elle concerne à peu près tout ce que le pays compte de créateurs et de penseurs. Qu’il s’agisse de combattre le système établi en proposant de nouveaux modèles (socialisme, fascisme) ou de défendre celui-ci contre l’assaut des nouvelles idées, les intellectuels n’ont jamais été aussi engagés. Quelques exemples : au lendemain du 6 février, des intellectuels fondent un Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. De l’autre côté du spectre, l’invasion de l’Éthiopie par Mussolini et les sanctions prises par la SDN poussent des admirateurs du régime fasciste à publier une Défense de l’Occident, qui provoque en réaction un contre-manifeste des intellectuels de gauche.

63 L’événement le plus intéressant dans cette perspective, c’est la guerre civile espagnole et le « combat de civilisation » qui dresse les uns contre les autres les représentants de la classe intellectuelle, avec d’un côté les Gaxotte, Maulnier et Brasillach, de l’autre les Picasso, Dali et Malraux. Le marxisme et l’antimarxisme structurent la majeure partie des débats intellectuels, « la grande lueur à l’est » suscitant des ralliements parfois enthousiasmés, comme celui d’André Malraux, parfois dépité, comme celui de Romain Rolland. Les premiers s’engagent dans l’action politique directe (Paul Éluard) et rejoignent les organisations communistes, les autres se contentant de soutenir de projet communiste, en bons « compagnons de route ». La fascination exercée par l’extrême droite n’est pas moins puissante, ici aussi avec des degrés d’adhésion très variables et fluctuants.

64 Malraux, Éluard et Rolland

65 Pour ces intellectuels, le diagnostic posé par les marxistes est exact mais leurs solutions sont fausses. Rejetant le matérialisme, ces intellectuels voient le salut de la civilisation occidentale dans un nécessaire retour aux sources et dans une renaissance violente. Ici aussi, il y existe des ralliements enthousiasmés, (Brasillach), ou des soutiens de dépit, comme celui d’un Drieu La Rochelle. C’est dans cette seconde catégorie qu’on peut placer aussi la vague sympathie dégoutée et cynique de Louis-Ferdinand Céline. Et il y a les inclassables, qui partagent le constat de crise, mais refusent de voir dans les modèles sociopolitiques proposés chez les voisins une solution au mal-être français. C’est le cas d’Emmanuel Mounier et de la revue Esprit, un temps intéressés par le modèle mussolinien, mais pour qui la violence du régime fasciste est inacceptable.

66 Céline, Drieu la Rochelle et Brasillach

67 Il ne reste plus guère de place pour ceux qui partagent l’analyse que fera Churchill du modèle occidental et qui le considère préférable aux délires de l’extrême droite et de l’extrême gauche et à leur recherche d’un homme nouveau. Le philosophe Alain (Émile-Auguste Chartier), proche du parti radical, ou encore l’écrivain François Mauriac, font partie de ce groupe réduit. Mai les débats intellectuels ne concernent qu’une petite partie de la société française, la masse de la population manifestant un penchant pour l’un ou l’autre de ces courants, mais préférant s’adonner à des formes plus légères de manifestations culturelles. Malgré cette évidence, la politisation des masses est très importante au cours des années 1930, portée par l’accessibilité à l’enseignement secondaire, même s’il demeure le fief de la bourgeoisie, les classes intermédiaires (fonctionnaires, enseignants, etc.) parvenant plus souvent qu'auparavant à envoyer leurs fils (parfois leurs filles) dans ces établissements.

68 Entre 1930 et 1938, le nombre d’étudiants dans les collèges et les lycées des deux sexes passe de 105 000 à 195 000, mais l’accès à l’université demeure le privilège des classes très aisées. Une manifestation intéressante de ces deux phénomènes concomitants (politisation des masses et alphabétisation) réside dans l’explosion médiatique. Les journaux du pays publient quotidiennement 10 millions d’exemplaires, chiffre auquel il convient d’ajouter le tirage de la presse hebdomadaire et mensuelle. Tous les courants politiques sont représentés, mais la presse de droite et d’extrême droite est beaucoup plus puissante, ce qui concourt à une « droitisation » de la société. Le rôle peu reluisant joué par la presse de droite dans l’échec du Front populaire le démontre clairement. C’est aussi à cette tendance que concourt la diffusion radiophonique. Le nombre de récepteurs passe de 500 000 unités en 1930 à plus de 5,5 millions en 1939.

69 Dans un premier temps strictement étatisées, les dérogations se multiplient et les grandes entreprises de presse occupent peu à peu les ondes radiophoniques, même si les « bulletins de nouvelles » demeurent une prérogative de l’État. Mais tout n’est pas politique et le champ du divertissement connait de grands développements. À côté des feuilletons radiophoniques et des émissions musicales, la diffusion des événements sportifs attire un vaste auditoire : Tour de France, Jeux olympiques, mais aussi sur une base plus journalière, matchs de boxe et surtout de football. Impossible de ne pas évoquer les « salles obscures » dans ce panorama de la culture populaire, le cinéma s’imposant de plus en plus comme le fondement de la culture de masse. À la veille de la guerre, le cinéma représente plus de 75 % des revenus d’une industrie du spectacle en pleine croissance.

70 Mais si la puissance du cinéma s’accroit, le spectacle traditionnel continue d’attirer sa clientèle habituelle : si Tino Rossi et le Fou chantant ont davantage de compétition, ils ont aussi leurs fidèles. Le cinéma gagne ses lettres de noblesse au cours de la période, alors qu’il se diversifie et propose aussi un cinéma d’auteurs, peu couru par les masses, mais dont plusieurs œuvres feront dates, dont La règle du jeu de Jean Renoir. Bien sûr, la grande majorité des films (170 longs métrages par année, projetés dans 4 500 salles et attirant annuellement 250 millions de spectateurs) appartient à la catégorie du divertissement populaire.


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