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5ème séance Vendredi 10 octobre 2014

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Présentation au sujet: "5ème séance Vendredi 10 octobre 2014"— Transcription de la présentation:

0 Université de Lausanne Labso - Institut des Sciences sociales
COURS DE LA CHAIRE JACQUES LECLERCQ 6 – 10 octobre 2014, 14h00-17h15 LANSO1391D – SOC Auditoire MONT 1 Prof. Nicky LE FEUVRE Université de Lausanne Labso - Institut des Sciences sociales

1 5ème séance Vendredi 10 octobre 2014
De la société salariale à la société de l’individualisme : Défis pour la sociologie du travail et du genre 5ème séance Vendredi 10 octobre 2014

2 PLAN DES COURS Penser le genre dans les sociétés de l’individualisme
Principes pour saisir la complexité des évolutions conjointes des régimes d’emploi, de protection sociale et de genre La Révolution inachevée: L’adaptation des Etats-Providence aux nouveaux rôles des femmes (Esping-Andersen) Exemples empiriques des effets paradoxaux potentiels de l’évolution conjointe des sociétés salariales et des régimes de genre: Tensions autour du « vieillissement actif » et des expériences au travail des seniors en emploi (Suisse)

3 Le meilleur des mondes… du travail
Gøsta Esping-Andersen (1947- ) Danois. Professeur Universidad Pompeu Fabra Barcelone (1990) The Three Worlds of Welfare Capitalism. Polity Press. (1999) Social Foundations of Postindustrial Economies. Oxford University Press (2009) Incomplete Revolution: Adapting Welfare States to Women's New Roles, Polity.

4 Un changement de paradigme en matière de « régime de genre »?
Esping-Andersen s’intéresse également aux effets de la « crise de la société salariale », notamment en termes d’augmentation des inégalité sociales; Comme Beck, il met l’accent sur les effets pervers potentiels d’une intégration de plus en plus systématique de tous les individus dans le modèle de la société salariale, précisément au moment où celui-ci montre des signes d’essoufflement. Logique « d’activation » de tout le monde…

5 Un changement de paradigme en matière de « régime de genre »?
Esping-Andersen insiste également sur les effets paradoxaux des revendications féministes des années Les femmes ne sont plus cantonnées dans des rôles sociaux spécifiques (hors emploi) Le principe de la continuité de l’activité féminine tout au long de la vie + de autonomie financière des femmes est désormais inscrit dans les politiques sociales Le modèle de la « citoyenneté laborieuse » est devenue la nouvelle norme (relativement) asexuée des sociétés européennes.

6 Un changement de paradigme en matière de « régime de genre »?
Ce (nouveau) soutien institutionnel au travail rémunéré des femmes ne traduit pas toujours des valeurs féministes et ne vise pas prioritairement l’égalité des sexes. Il traduit plutôt des préoccupations démographiques dans des sociétés européennes vieillissantes: les taux de fertilité élevés sont favorisés par la facilitation de l’activité féminine + par la réduction des écarts de salaire H/F.

7 Un changement de paradigme en matière de « régime de genre »?
La généralisation de la « citoyenneté laborieuse » (notamment par le biais des politiques européennes) a été motivée par un objectif de généralisation du miracle scandinave Taux d’activité élevé des femmes Taux de fertilité élevé (seuil de renouvellement des générations) Ecarts de salaire et de richesse faibles Taux de chômage plutôt faibles Compétitivité et capacités d’innovation Bons indicateurs de santé et de bien-être.

8 Un changement de paradigme en matière de « régime de genre »?
Le caractère « inachevé » de cette Révolution, intervient plutôt dans des sociétés européennes où le modèle (+ ou – modifié) du male breadwinner / female carer était (est) encore au cœur de la « culture de genre ». Mais, même dans les sociétés nordiques, les effets de la 2ème modernité (Beck) rendent l’accès à la « citoyenneté laborieuse » + ou – difficile pour différentes catégories sociales de femmes (et d’hommes, d’ailleurs).

9 Un changement de paradigme en matière de « régime de genre »?
D’après Esping-Andersen, l’adoption de cette nouvelle norme au début du 21ème siècle réduit les inégalités hommes - femmes, mais creusent les écarts entre femmes. Femmes diplômées / bien insérées dans l’emploi stable = les actrices de la révolution et les principales bénéficiaires de celle-ci; Femmes peu diplômées / contraintes aux emplois flexibles = les « laissées pour compte » des sociétés européennes actuelles, tiraillées entre des injonctions contradictoires.

10 Un changement de paradigme en matière de « régime de genre »?
Le risque de la généralisation de cette norme a priori égalitariste = une polarisation sociale et des inégalités croissantes (entre femmes) > Difficultés d’accès au marché du travail, bas salaires, instabilité conjugale, fertilité basse / monoparentalité, pauvreté + désaffiliation chez les femmes les moins diplômées. Carrières continues, autonomie financière, fertilité élevée, stabilité conjugale (relative), stabilité dans l’emploi, carrières ascendantes, articulation des temps chez les diplômées.

11 Caractéristiques de la « Révolution inachevée » d’Esping-Andersen?
Individualisation des parcours de vie = plus de « liberté » et de « choix », mais cela a un coût social variable selon les groupes sociaux. Une tendance forte à la polarisation sociale, en fonction des capacités d’adaptation à ce nouveau « contrat de genre » plus égalitariste Classes moyennes & supérieures = plutôt bien adpatées (haut niveau de qualification + double activité stable + fécondité maintenue par l’achat de services marchands et l’externalisation d’une partie des charges de care, sans conflit conjugal)

12 Caractéristiques de la « Révolution inachevée » d’Esping-Andersen?
Classes populaires = plutôt mal adpatées (inactivité et/ou chômage et/ou emplois précaires + fort taux de divorces + inégalité forte de répartition sexuée du travail de care + difficulté à accéder aux services marchands domestiques / de care) > Risques accrues de pauvreté (féminine & enfantine) dans les milieux populaires (et chez les femmes diplômées, mais divorcées et anciennement inactives), y compris parmi les femmes âgées ou retraitées. > La « révolution inachevée » = une menace potentielle pour la cohésion sociale.

13 Quelques principes transversaux d’analyse (1)
Les « cultures » / « configurations » de genre institués dans différents pays européens au cours de la 2ème moitié du 20ème siècle sont relativement variables et évoluent dans le temps; De même, les effets de la mondialisation sur la régulation du marché du travail (et des activités de care) sont loin d’être univoques; Avant de regarder ce que la montée des valeurs de l’individualisme font – au travail et au genre – il est indispensable de caractériser la situation de départ avec précision;

14 Quelques principes transversaux d’analyse (2)
Il s’agit de mener des analyses relativement fines, mettent en relation au moins 4 dimensions des configurations sociales, dans une perspective historique (cf. Pfau-Effinger): Les modalités « normales » d’intégration sociale des individus: différenciation ou indifférenciation des parcours de vie sexués? Les formes familiales (y compris sur le plan intergénérationnel) reconnues juridiquement / promues fiscalement: prédominance de l’unité conjugale hétérosexuelle co-résidente ou pas?

15 Quelques principes transversaux d’analyse (3)
Le secteur d’activité chargé prioritairement de la prise en charge de la dépendance et du care (services sociaux, marché privé, familles) et les modes de financement envisagés (chèques services, congés pour salarié.e.s, allocations aux aidant.e.s, etc.)? Le « modèle » d’égalité des sexes privilégié dans les politiques de promotion des femmes (féminitude, virilitude, dépassement du genre, etc.) et les moyens consacrés à leur mise en oeuvre?

16 Hypothèses de travail (déclinables sur de multiples objets empiriques de recherche):
Les effets de la 2ème modernité sont loin d’être uniformes à tous les échelons de la hiérarchie socioprofessionnelle La sexuation de ces effets est potentiellement variable, selon le contexte sociétal et selon les ressources à disposition des individus De nouvelles formes d’inégalité se combinent avec une réduction de certaines inégalités anciennes (de sexe, de classe, d’âge, etc.). Les enjeux sexués des sociétés de l’individualisme: paradoxes et ambivalences.

17 Les « seniors » en emploi dans le contexte helvétique
Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail? Exemples empiriques contrastés Les « seniors » en emploi dans le contexte helvétique Le développement des emplois de service aux personnes âgées dépendantes en France, Norvège et Pologne. La féminisation des professions supérieures en France et en Grande-Bretagne Les hommes dans les métiers « féminins » en Europe Le genre dans les sociétés de l’individualisme Développés à partir de mes recherches personnelles

18 Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail?
Les « seniors » en emploi dans le contexte helvétique: Kuehni, M., Le Feuvre, N., Rosende, M., & Schoeni, C. (2014) « Gendered variations in the experience of ageing et work in Switzerland », Equality, Diversity, Inclusion : An International Journal, Special Issue, Critical Transitions: The (Re-)Production of Gender (In-)Equality in the Life Course (in press) Le Feuvre, N., Kuehni, M., Rosende, M., & Schoeni, C. (2014) « Le genre du ‘vieillissement actif’: Du principe de traitement équitable à la multiplication des injonctions contradictoires », Swiss Journal of Sociology 40(2), N° spécial « Institutional doing gender: How politics impact on gender (in-)equality » : Le Feuvre, N. (2011) « Les enjeux de santé au travail chez les seniors des deux sexes: Du pareil au même? », in S. Le Garrec (dir.). Le travail contre la santé, Paris, l’Harmattan, Coll. « Conception et dynamique des organisations » :

19 Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail?
Le développement des emplois de service aux personnes âgées dépendantes en France, Norvège et Pologne: Le Feuvre, N. & Roseneil, S. (2014) « Entaglements of economic and intimate ciitizenship : Individualization and gender (in)equality in a changing Europe », Social Politics: International Studies in Gender, State and Society, n° spécial « Feminism & Futurity », 21(2) : Le Feuvre, N., avec Ervik, R., Krajewska, A. & Metso, M. (2012) « Remaking Economic Citizenship in Multicultural Europe: Women’s Movement Claims and the ‘Commodification’ of Elderly Care », in B. Halsaa, S. Roseneil & S. Sümer (eds.) Remaking Citizenship in Multicultural Europe: Women’s Movements, Gender and Diversity, Londres, Palgrave:

20 Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail?
La féminisation des professions supérieures en France et en Grande-Bretagne: Le Feuvre, N. & Lapeyre, N. (2013) « L’analyse de l’articulation des temps de vie au sein de la profession médicale en France : révélateur ou miroir grossissant des spécificités sexuées? », Revue international Enfance, famille, génération, n° spécial « Articuler travail/famille : une entrée par les groupes professionnels », sous la direction de Bernard Fusulier et Diane-Gabriele Trembley, N° 18 : 72-93: Le Feuvre, N. (2010). « Feminising Professions in Britain and France: How Countries Differ », In R. Crompton, C. Lyonette and J. Scott (eds.) Gender Inequalities in the 21st Century: New Barriers and Continuing Constraints, London, Edward Elgar. Lapeyre, N. & Le Feuvre, N. (2004) « Concilier l’inconciliable ? Le rapport des femmes à la notion de ‘conciliation travail-famille’ dans les professions libérales en France », Nouvelles questions féministes, Vol 23 n°3, numéro thématique « Famille-Travail : Une perspective radicale » :

21 Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail?
La féminisation des professions supérieures en France et en Grande-Bretagne: Le Feuvre, N. (2009) « Exploring Women’s Academic Careers in Cross-National Perspective: Lessons for Equal Opportunity Policies », Equal Opportunities International, Vol 28 n°1: 9-23. Le Feuvre, N. & Latour, E. (2007) « Understanding Women’s Academic Careers in France », in R. Siemienska et A. Zimmer (eds.) Gendered Career Trajectories in Academia in Cross-National Perspective, Varsovie, Scholar: Le Feuvre, N. (2010) “Les carrières universitaires à l’épreuve du genre : éléments de conclusion”, in F. Fassa & S. Kradolfer (dir.) Le plafond de fer à l’université : Femmes et carrières, Genève, Seismo :

22 Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail?
La féminisation des professions supérieures en France et en Grande-Bretagne: Le Feuvre, N. (2007) « Les processus de féminisation au travail : entre différenciation, assimilation et dépassement du genre », Sociologies pratiques, Numéro thématique « Les femmes changent-elles le travail ? », n° 14 : Lapeyre, N. & Le Feuvre, N. (2005) « Féminisation du corps médical et dynamiques professionnelles dans le champ de la santé », Revue française des affaires sociales, Numéro thématique « Dynamiques professionnelles dans le champ de la santé », n° 1 : Crompton, R. & Le Feuvre, N. (2003) “Continuity and Change in the Gender Segregation of the Medical Profession in Britain and France”, International Journal of Sociology and Social Policy, Numéro spécial “Health Professions, Gender and Society”, Vol 23 n° 4-5:

23 Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail?
La féminisation des professions supérieures en France et en Grande-Bretagne: Le Feuvre, N. & Lapeyre, N. (2005) « Les 'scripts sexués' de carrière dans les professions juridiques en France », Knowledge, Work & Society / Travail, savoirs et sociétés, Numéro thématique « Professions and Gender », n° 3 : Crompton, R. & Le Feuvre, N. (2000) “Gender, Family and Employment in Comparative Perspective: The Realities and Representations of Equal Opportunities in Britain and France”, European Journal of Social Policy, Vol 10, n° 4: Le Feuvre, N. & Walters, P. (1993) « Egales en droit? La féminisation des professions juridiques en France et en Grande-Bretagne », Sociétés Contemporaines, n° 16, décembre:

24 Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail?
Les hommes dans les métiers « féminins » en Europe: Zinn, I. & Le Feuvre, N. (2013) « Ambivalent Gender Accountability: Male Florists in the Swiss Context », Recherches sociologiques et anthropologiques, Special issue “Transgressing Gender at Work: Men in ‘Feminine’ Jobs”, coordonné par M. Buscatto & B. Fusulier, 44(2): 21-45: Le Feuvre, N. (2008) « La pluralité des modèles de féminisation des professions supérieures en France et en Grande-Bretagne », in H. Hirata, M. Maruani et A. Costa (dir.) Marché du travail et genre : Comparaisons internationales, Paris, La Découverte : Le Feuvre, N. & Laufer, J. (2008) « Quand l’avancée en mixité est le fait des hommes : propos introductifs », in Yvonne Guichard-Claudic, Danièle Kergoat & Alain Vilbrod (dir.) L’inversion du genre : Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement, Rennes, Presses universitaires de Rennes :

25 Le genre dans les sociétés de l’individualisme:
Ce que la « Révolution inachevée » implique pour l’analyse sociologie du genre et du travail? Le genre dans les sociétés de l’individualisme: Le Feuvre, N. (2014) « Quelques défis pour l’appréhension sociologique des souffrances au travail sous l’angle du genre », in R. Bercot (dir.) La santé au travail au prisme du genre: épistémologie, enquêtes et perspectives internationales, Toulouse, Octares (sous presse). Le Feuvre, N. (2014) « Les défis de l’incertain sous l’angle du genre », in D. Vrancken (dir.) Penser l’incertain, Québec, Presses de l’Université Laval: Le Feuvre, N. (2013) « Femmes, genre et sciences : du sexisme moderne ? », in M. Maruani (dir.). Travail et genre dans le monde. L’état des savoirs, Paris, La Découverte : Le Feuvre, N. (2013) “Le travail des femmes : Entre exploitation et émancipation”, in B. Danuser & V. Gonik (dir.) Le travail : une re-vision, Zürich, Chronos Verlag :

26 Quelques principes transversaux d’analyse (5)
A partir de de ce travail de contextualisation, il devient possible d’analyser correctement: La traduction de ces tensions à l’échelle meso social (tous les métiers / professions / groupes professionnels sont-ils touchés de la même manière?) La traduction de ces tensions à l’échelle micro social (toutes les trajectoires biographiques sont-elles touchées de la même manière? La « fragilisation » concerne-t-elle certains groupes / individus plus que d’autres?).

27 Questions / commentaires?
Quelques exemples empiriques….

28 Culture / contrat de genre helvétique
Le droit de vote n’a été accordé aux citoyennes helvétiques qu’en 1971 (dernier pays d’Europe). Le principe d’égalité entre les sexes n’est inscrit dans la Constitution que depuis 1981. L’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur les aides à l’accueil extrafamilial en 2003 représente une véritable entaille dans ce modèle « traditionnel ». À l’occasion de la publication du rapport de l’OCDE Bébé et employeurs, comment réconcilier travail et vie de famille en 2004, le gouvernement suisse a confirmé pour la 1ère fois sa volonté de développer des conditions propices à la « conciliation travail – famille »…

29 Culture / contrat de genre helvétique
Des taux d’activité féminine relativement élevés et en hausse constante depuis 20 ans; Des taux de travail à temps partiel féminin parmi les plus élevés d’Europe; Un « effet maternité » extrêmement fort sur les taux et modalités d’activité des femmes; Une série de dispositifs politiques qui s’avèrent incitatifs à l’activité professionnelles des femmes à temps partiel court (surtout quand elles ont des enfants à charge).

30 Culture / contrat de genre helvétique
De plus, on constate que, parallèlement à l’augmentation des taux d’activité, le taux moyen d’occupation des femmes actives a baissé en Suisse entre 1991 et 2007 : De 51% de femmes actives à temps plein en 1991, on est passé à 43% en 2007, avec une stabilité des temps partiel à temps réduit (27% des actives à moins de 50% d’un temps plein) et une augmentation des temps partiels à durée intermédiaire (i.e. 50% - 60% d’un temps plein). (OFS, 2008, Vers l’égalité entre femmes et hommes : situation et évolution : p.12).

31 Taux d’activité à temps partiel des femmes, EU, 2011
Avec la présence d’enfants et l’âge du plus jeune.

32 Culture / contrat de genre helvétique
« La progression de la participation des mères à la vie active, assez nette dans la période considérée ( ), n’a entraîné qu’une baisse relativement faible du temps investi dans les activités domestiques, alors que ce dernier est resté assez stable dans les soins et l’assistance aux petits enfants et a même augmenté pour ce qui touche l’assistance pédagogique des enfants. En d’autres termes, cette progression a conduit à une hausse de la charge totale (pour les femmes) que représentent l’activité professionnelle et les tâches domestiques et familiales: cette charge se monte à 71 heures / semaine pour les mères vivant en couple et dont l’enfant le plus jeune a moins de 7 ans (contre 67 heures, en 1997) » (OFS, 2009a). «En Suisse, sur dix femmes qui vivent dans un ménage comptant des enfants de moins de 15 ans, environ huit assument seules la responsabilité du travail domestique.» (OFS, 2009a)

33 Politiques suisses en matière de promotion de l’égalité des sexes au travail
Le discours sur la nécessaire ‘conciliation’ travail – famille se décline essentiellement au féminin et la Suisse peut être désignée comme un pays où le modèle du modified male breadwinner domine encore largement (OFS, 2009); C’est par le biais d’emplois à temps partiel et de carrières discontinues que les femmes suisses ont massivement investi le marché du travail au cours des 25 dernières années; La répartition des activités non rémunérées de care reste fortement inégalitaire.

34 Heures consacrées à l’activité professionnelle et au travail domestique & familial, Suisse, 2004

35 Responsabilité principale pour le W domestique, Suisse, 1997 et 2010

36 Taux d’activité des hommes et des femmes en Suisse, selon la présence et l’âge des enfants, 1991 et 2007

37 Evolution des modèles d’activité professionnelle dans le couple, Suisse, 1992 - 2012

38 Les politiques publiques incitatives au travail à temps partiel féminin en Suisse
Sans qu’il ne soit possible d’affirmer que les décisions d’activité des femmes (ou des couples) dépendent entièrement d’un calcul purement rationnel ou financier, les résultats d’une enquête récente montrent très clairement à quel point la combinaison des dispositifs fiscaux et des politiques de tarification des crèches se combinent pour créer un effet incitatif puissant à l’activité à temps partiel à durée moyenne des femmes dans certaines configurations familiales, notamment en présence de deux enfants ou plus.

39 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall: Prof Dr. Monika Bütler & Martin Ruesch

40 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse
Méthodologie de l’enquête L'étude considère toujours que, dans un couple, l’un des partenaires travaille à temps complet, tandis que l’autre a un temps de travail qui varie. C’est la part disponible du revenu de cette « deuxième partenaire » qui est mesurée ici. Cette part est calculée, pour chaque configuration familiale envisagée (couples mariés, non mariés, familles monoparentales), sur le revenu obtenu par jour de travail supplémentaire par semaine.

41 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse
Cette approche permet de savoir exactement, selon le niveau de revenu, quel taux d'occupation est intéressant financièrement et à partir de quelle quotité de travail les charges deviennent plus importantes que le second revenu réalisé. C’est donc un raisonnement en termes de « coût marginal » de chaque jour supplémentaire de travail pour le « deuxième salaire » qui est adopté ici, en tenant compte de deux types de dépenses liés au travail: la fiscalité sur les revenus et les coûts de garde d’enfants (en crèche).

42 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse
Conjoints avec le même revenu potentiel Lorsque les revenus potentiels des conjoints sont identiques, la part disponible du revenu supplémentaire (revenu réalisé par la deuxième partenaire, par jour de travail) d'un ménage avec un enfant varie entre un minimum de 23% et un maximum de 77%. Ainsi, il semble que, pour toutes les catégories de revenus, il reste intéressant d’un point de vue financier que les femmes restent sur le marché du travail.

43 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse
Conjoints avec revenus potentiels différents  Dans le cas où les revenus des conjoints diffèrent (ce qui est souvent le cas), l'incitation à travailler dépend fortement du premier revenu du ménage (celui de l‘homme). Pour une femme dont le partenaire a un revenu potentiel de moins de 100'000 francs / an, travailler de 2 à 4 jours par semaine est rentable. La part disponible du revenu supplémentaire varie alors entre 28% et 80% pour une famille ayant un enfant et entre 15% et 80% avec deux enfants. En revanche, si le premier revenu du ménage dépasse ce niveau, le travail du ou de la deuxième partenaire n'est pas rentable et le ménage peut même subir une perte financière.

44 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall

45 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall

46 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall

47 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall

48 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall

49 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall

50 Une enquête sur le « coût » du travail féminin en Suisse, Université de St Gall

51 Principaux résultats de l’enquête
Ce rapport fait clairement apparaître un phénomène tout à fait surprenant : La « rentabilité » marginale de chaque journée de travail supplémentaire de la part d’une femme dépend non seulement de ses caractéristiques propres (niveau de qualification et donc niveau de rémunération potentiel sur le marché de l’emploi), mais également des revenues de son conjoint (et même, pour les femmes cheffes de familles monoparentales, de son ex-conjoint). Il y a là une source d’inégalités entre femmes.

52 Principaux résultats de l’enquête
A la lecture de ces résultats, on comprend les risques de polarisation qui pèse sur la population helvétique féminine: Celles qui privilégient la carrière professionnelle, en limitant le nombre d’enfants et en externalisant une partie du travail de care (à défaut de le partager avec un conjoint…); Celles qui continuent d’adopter une relation discontinue et partielle au marché du travail, au risque de connaître de graves difficultés en cas de divorce / séparation / veuvage.

53 Principaux résultats de l’enquête
Le soin qui est pris à mesurer les contraintes économiques qui pèsent sur les femmes (et les couples) en matière d’organisation de la charge totale de travail, ne doit pas masquer la dimension idéologique / « culturelle » des régimes de genre. Les principes qui président à tel ou tel modèle normatif de la division sexuelle du travail se manifestent dans les désirs, préférences et croyances des individus. Exemple de l’allant-de-soi du TTP féminin en CH

54 Institutionnalisation des normes de genre: planning des lessives

55 Les effets de cette « culture de genre » helvétique
Entre 2011 et 2014, le Fonds national de la recherche suisse (FNS) a financé un programme national de recherche (PNR), précisément sur les effets de cette « culture de genre » en matière de promotion de l’égalité des sexes; Parmi les 21 projets de recherche financés figure une recherche intitulée EGALISE (Egalité des seniors en emploi) que nous avons menée à Lausanne (voir les références bibliographiques en fin de section).

56

57 EGALISE: Egalité des seniors en emploi
Présentation du projet EGALISE Les enjeux du « vieillissement actif » à l’échelle sociétale L’influence du « régime de genre » helvétique Carrières féminines souvent discontinues et à temps partiel Réformes des systèmes de retraite: vers l’allongement de la vie active Question des solidarités intergénérationnelles et travail de care Les enjeux du « vieillissement actif » à l’échelle des entreprises Le rallongement de la vie active concerne surtout les femmes La seconde partie des carrières féminines = un angle mort des politiques d’égalité Les (rares) mesures de « gestion des âges » ont surtout visé l’accompagnement vers la (pré-)retraite et non pas les solutions de gestion interne des effets du vieillissement au travail Conclusion : Quelques pistes d’action 57

58 Dispositif de recherche (1)
Analyse secondaire de données statistiques sur l’évolution de l’activité professionnelle des seniors dans une perspective comparative internationale Analyse des politiques et incitations publiques en matière de « vieillissement actif » en Suisse Participation aux réseaux de nationaux & internationaux sur cette thématique de recherche Préparation du terrain d’enquête dans les 4 entreprises partenaires du secteur tertiaire (santé, distribution, transports) Recueil, classement et analyse secondaire de documents internes aux entreprises en matière de gestion des âges / égalité Élaboration d’une grille d’entretien standardisée pour la réalisation des entretiens

59 Dispositif de recherche (2)
Réalisation d’entretiens avec les DRH et responsables de service dans les 4 entreprises Réalisation d’entretiens biographiques avec les salarié·e·s seniors, au sein des 4 entreprises Valorisation scientifique des résultats de recherche (colloques, publications, etc.) Choix de travailler avec des méthodes qualitatives, tout en mobilisant des statistiques et sources documentaires secondaires Population: 80 entretiens semi-directifs (H/F seniors, 50 ans et +) 4 types d’emploi: vente, soins, administration, logistique Environ 1/3 de cadres

60 ANALYSES DOCUMENTAIRES (1)
Les entreprises suisses ont historiquement géré le vieillissement au travail par le biais des départs précoces (ex. préretraites), surtout pour les hommes cadres En dépit du rapprochement des comportements d’activité chez les seniors des deux sexes, la répartition sexuée du travail domestique et du care ne devient pas plus égalitaire au-delà de 50 ans Le taux d’activité des seniors est particulièrement élevé en Suisse (68% en 2010) L’augmentation de ce taux est particulièrement nette chez les femmes âgées de 55 à 59 ans. Leur taux d’emploi passe de 55% en 1991 à 72% en 2010 Le vieillissement sera marqué dans le secteur tertiaire, où les emplois féminins sont concentrés

61 ANALYSES DOCUMENTAIRES (2)
Le « régime de genre » dominant en Suisse se caractérise par des parcours d’activité discontinus et/ou à temps partiel chez les femmes (versus continus + à temps plein chez les hommes) Cette différenciation des trajectoires d’activité induisent des inégalités majeures en matière de rentes de retraite (1er, 2ème et 3ème piliers) L’instabilité conjugale croissante, la précarité de l’emploi, l’élévation du niveau d’études des femmes et les réformes des systèmes de retraite érodent les fondements du « régime de genre » helvétique L’absence de pratiques concertées de « gestion des âges » au sein des entreprises suisses risquent de percuter les pressions en faveur du maintien en activité des seniors des 2 sexes

62 Evolution du taux d’emploi des 55-64 ans, 2000 – 2009 (%)
Année ALL BEL ESP FIN FRA ITA SUE UK CH 2000 37,4 25,0 36,8 41,2 29,4 27,3 64,3 50,4 63,3 2009 56,2 35,3 44,1 55,5 38,9 35,7 70,0 57,5 68,4

63 Taux d’activité selon le sexe et l’âge, Suisse, 1991 et 2011

64 Âge moyen de sortie du marché du W, 2009

65 Part des actifs occupés de 55 à 64 ans, par secteur économique, 2000 et  OFS, DEMOS, n° 2, mai 2012 : 4

66 Rapprochement des âges de retraite

67 Part des personnes âgées de 55 ans et + dans la population active ( ) et scénarios d’évolution ( ) Source : OFS, DEMOS, n° 2, mai 2012 : 2

68 Statut d’activité des personnes actives occupées selon les classes d’âge, Source : OFS, DEMOS n°2, 2012, p. 3

69 Part de l'emploi à temps partiel selon l'âge et le sexe en 2010 (en %)

70 Prestations du système de prévoyance vieillesse touchées par les rentières (64 à 69 ans) et les rentiers (65 à 70 ans), Source : OFS, DEMOS, n° 2, mai 2012 : 8

71 LES AMBIVALENCES DES MESURES DU « VIEILLISSEMENT ACTIF »
EN GUISE DE CONCLUSION LES AMBIVALENCES DES MESURES DU « VIEILLISSEMENT ACTIF »

72 LES AMBIVALENCES Les politiques de promotion du « vieillissement actif » s’inscrivent dans une logique de promotion de l’égalité des sexes par l’indifférenciation des parcours de vie des hommes et des femmes: Cela produit des effets discriminatoires, dans la mesure où les parcours antérieurs des individus placent les hommes et les femmes devant des contraints et avec des ressources très inégales dans la 2ème partie de carrière. Dans leur grande majorité (sauf souci de manque de personnel qualifié) les entreprises n’adoptent aucune mesure d’encouragement au maintien en activité de leur personnel féminin (surtout peu qualifié): Les seules mesures de « gestion des âges » visent les hommes cadres, principalement pour leur permettre de partir plus tôt à la retraite Les autres salarié·e·s âgé·e·s sont appréhendé·e·s en termes de déficiences et d’obsolescence des connaissances / savoir-faire

73 LES AMBIVALENCES Les femmes aux parcours antérieurs discontinus et/ou à temps partiel se divisent en deux groups distincts: Celles qui vont calquer leur calendrier de fin de carrière sur celui de leur conjoint > départs précoces, surtout quand celui-ci peut espérer une rente confortable (2ème & 3ème piliers) Celles qui vont devoir se maintenir le plus longtemps possible en emploi, augmenter leur quotité de travail > Problèmes d’usure physique et mentale au travail + surcharge de care La plupart des entreprises analysées n’ont pas de politiques de gestion des âges. Par contre, il y a de nombreux biais dans leurs politiques d’égalité: Les mesures de soutien aux carrières féminines focalisent exclusivement sur les jeunes femmes diplômées et sur la période de l’arrivée des enfants Les mesures de « conciliation » sont inadaptées aux besoin des femmes seniors de la « génération sandwich » Les entreprises consacrent peu de moyens à la formation des seniors et encore moins à l’aménagement de leurs postes de travail

74 Typologie des expériences du vieillissement au travail en Suisse (Kuehni et al, sous presse)
Niveau de satisfaction exprimée à l’égard de la vie actuelle (y compris ‘conciliation’ et santé) Elevé Bas Degré de choix perçu en matière de maintien en activité et calendrier de retraite Fort Confiance Amertume Faible Détermination  Détresse

75 POUR PLUS D’EGALITE CHEZ LES SENIORS
Informer les femmes des enjeux du vieillissement actif dans un contexte de transformation du « régime de genre » helvétique Sensibiliser les entreprises (et les partenaires sociaux) aux enjeux sexués du vieillissement au travail Faire entrer la 2ème partie de carrière dans les politiques de promotion de l’égalité Faire comprendre que la réduction du temps de travail ne constitue pas (plus) un outil pertinent de gestion des transitions à la retraite Insister sur l’importance de la formation continue des seniors, de l’aménagement des postes de travail et de la polyvalence sérielle pour réaliser une gestion des âges, dans le respect de l’égalité des sexes

76 Publications issues du projet EGALISE
KUEHNI, Morgane, Nicky LE FEUVRE, Magdalena Rosende & Céline Schoeni (2014) « Gendered variations in the experience of ageing et work in Switzerland », Equality, Diversity, Inclusion : An International Journal, Special Issue, Critical Transitions: The (Re-)Production of Gender (In-)Equality in the Life Course (sous presse) LE FEUVRE, Nicky, Morgane KUEHNI, Magdalena Rosende & Céline Schoeni (2014) « Le genre du ‘vieillissement actif’: Du principe de traitement équitable à la multiplication des injonctions contradictoires », Swiss Journal of Sociology 40(2), Special issue « Institutional doing gender: How politics impact on gender (in-)equality » : KUEHNI, Morgane, Magdalena Rosende & Céline Schoeni « Maintien en emploi et inégalités de sexe : quelques repères à partir du cas suisse », Lien social et Politiques, n°69, 2013, pp KUEHNI Morgane, Magdalena Rosende, « Inégalités de santé chez les seniors : l’apport du genre », Revue économique et sociale n°2, 2013, pp LE FEUVRE, Nicky, Morgane Kuehni, Magdalena Rosende & Céline Schoeni, « Gestion des âges et égalité : des enjeux clés souvent négligés », HR Today, juin 2013, pp LE FEUVRE, Nicky, «Les enjeux de santé au travail chez les seniors des deux sexes : du pareil au même?», in Sophie LE GARREC (dir.), Le travail contre la santé? Les enjeux de santé au travail des seniors, Paris, L’Harmattan, 2012, pp ROSENDE, Magdalena & Céline Schoeni «Deuxième partie de carrière, régime de retraite et inégalités de sexe». Revue française des affaires sociales, 3, 2012, pp

77 Pour conclure: penser le genre dans les sociétés de l’individualisme
Il n’existe aucun consensus quant à la manière d’analyser les enjeux sexués des sociétés de l’individualisme. Il me semble que le clivage au sein des études genre suit globalement les lignes de démarcation identifiées par Corcuff (2010): Une posture critique, qui dénonce les méfaits particuliers de l’individualisme pour les femmes; Une posture compréhensive, qui célèbre l’affaiblissement des injonctions à la dépendance féminine et l’avènement des « individus individualisés » (de sexe féminin). Aucune de ces postures ne me paraît vraiment satisfaisante.

78 La posture critique de l’individualisme
Paradoxalement, largement représentée parmi les sociologues féministes du genre. Où est le paradoxe ? Les chercheures qui inscrivent leurs travaux de recherche dans une perspective transformatrice des sociétés sont les plus rétives à reconnaître: Que des changements en matière de genre aient eu lieu (voire même, qu’ils soient de l’ordre du structurellement possible) Que de tels changements répondent aux revendications d’émancipation des femmes. > penser le genre à partir du principe du « plus ça change, plus c’est la même chose » (Le Feuvre, 1999 ; Lorber, 2000).

79 La posture critique de l’individualisme
Cette posture du s’accompagne souvent des accents de la « déclinologie » dénoncée par Alain Ehrenberg (2010). Ainsi, l’époque fordiste, caractérisée par: la marginalisation structurelle des femmes sur le marché du travail ; « l’invention » de la figure de l’épouse / mère / ménagère ; la limitation législative des choix en matière de sexualité et de reproduction) Est même parfois érigé en « paradis perdu » pour les femmes !

80 La posture compréhensive de l’individualisme
Du côté du pôle compréhensif, les travaux qui placent l’évolution du genre au cœur même du processus d’individualisation (Beck et Beck-Gernstein, 2002 ; Giddens, 1992). Ici, le raisonnement est a priori inverse: La réalité du changement est affirmée avec conviction ; avec l’avènement de la deuxième modernité, les fondements des sociétés contemporaines sont bouleversés. De plus, les changements qui touchent en premier lieu les femmes sont annonciateurs et/ou emblématiques des transformations structurelles à l’œuvre.

81 La posture compréhensive de l’individualisme
Ces auteur·e·s semblent penser que: « si même les femmes accèdent au statut ‘d’individus individualisés ‘, il faut croire qu’il s’agit-là d’un changement structurel de taille ! ». Et pourtant, autant chez les auteur.e.s que je viens de citer que chez leurs homologues francophones (F. de Singly, J.-Cl. Kaufmann): les postures théoriques à l’égard du genre sont souvent ambivalentes les conclusions quant à ce que les sociétés de l’individualisme « font » du / au genre restent souvent imprécises

82 La posture compréhensive de l’individualisme
Ainsi: La posture critique affirme que le processus d’individualisation ne modifie fondamentalement rien au genre, voire même qu’il modifie les choses au détriment des femmes; La posture compréhensive nous dit que l’individualisation repose sur une « démocratisation des relations hommes – femmes » (Giddens, 1992), dans le sens d’une plus grande autonomie des femmes et de leur émancipation des entraves normatives de la « première modernité » (cf. Fraser, 2010).

83 La posture compréhensive de l’individualisme
Toutefois, les deux perspectives se rejoignent dans l’idée que les effets du processus d’individualisation se manifestent différemment chez les hommes et chez les femmes… Sous les conditions de la deuxième modernité, il semblerait logique de penser, soit que les devenirs sociaux des individus cessent d’être déterminés par leurs appartenances sexuées instituées (a priori, la conclusion logique des approches compréhensives), soit que le genre continue de peser sur les devenirs sociaux des individus sexués, dans le sens d’une limitation structurelle à la capacité de « construction de soi » des femmes (a priori, la conclusion logique des approches critiques).

84 Les effets des sociétés de l’individualisme sur les femmes / le genre
Pour sortir de l’impasse, voici le raisonnement d’Esping-Amdersen (2009) mérite d’être poussé plus loin: Au cours du 20ème siècle, les sociétés démocratiques ont toutes été confrontées à une contradiction majeure ; celle des inégalités de sexe et, plus précisément, du rôle des institutions dans la cristallisation de ces inégalités-là, notamment par le biais des politiques sociales adoptées durant la période des « Trente glorieuses ». Le MLF + nouveaux enjeux socio-démocratiques ont progressivement débouché sur un changement de paradigme.

85 Les effets des sociétés de l’individualisme sur les femmes / le genre
Sous l’influence de la philosophie politique de « l’investissement social » (Esping-Andersen et Palier, 2008 ; Jenson, 2010), cette « révolution » est basé sur: L’adoption du principe de l’autonomie responsable pour tous les individus, indépendamment du sexe / de la sexualité. Ainsi, du côté du welfare, la norme fordiste aurait cédé la place à un nouveau principe normatif et contraignant, certes, mais largement asexué, celui de « l’adulte travailleur » (Fraser, 1994). Au cours de ce processus, les injonctions institutionnelles et normatives adressées aux femmes (et, indirectement, aux hommes) auraient évolué de manière spectaculaire.

86 Les effets des sociétés de l’individualisme sur les femmes / le genre
Esping-Andersen salue cette « révolution » comme la condition d’une évolution progressive des femmes vers le statut désirable « d’individus individualisés ». Il tire néanmoins la sonnette d’alarme quant aux nouvelles inégalités entre femmes, qui découleraient de son caractère « inachevé ». Il pense que le processus d’individualisation constitue une voie privilégiée d’émancipation pour les femmes, mais affirme que seulement certaines d’entre elles sont actuellement en mesure d’en tirer les bénéfices….

87 Les effets des sociétés de l’individualisme sur les femmes / le genre
Ainsi, sous les injonctions normatives à l’autonomie et à l’auto-détermination, les femmes qui sont en mesure de mobiliser des ressources (économiques, culturelles, conjugales, etc.) connaissent une « émancipation » sans précédent, alors que celles qui subissent de plein fouet les effets de la flexibilisation du marché du travail et de la fragilisation des liens conjugaux « subissent » cette autonomie exigée d’elles. En effet: « Pouvoir s’accomplir comme un individu libre et responsable, ou même plus modestement pouvoir se conduire comme un acteur social indépendant, est tributaire de conditions qui ne sont pas données d’emblée et qui ne sont pas données à tous. » (Castel, 2010 : 294).

88 Les effets des sociétés de l’individualisme sur les femmes / le genre
Pour ma part, je dirais que ces nouvelles injonctions institutionnelles s’approchent du modèle idéal du « dépassement du genre » évoqué précédemment. Selon ce modèle, l’appartenance sexuée des individus est censée devenir insignifiante et inconséquente dans le déroulement de leurs parcours de vie. Les devenirs sociaux des femmes seraient, ainsi, plus imprévisibles, incertains et instables, certes, mais précisément au même titre que ceux de leurs homologues masculins, puisque les individus seraient indifféremment soumis aux conditions socio-économiques – éminemment « risquées » - de la deuxième modernité.

89 3. Les effets des sociétés de l’individualisme sur les femmes / le genre
Ici, il n’y a plus de principe de différenciation et il n’y a plus de principe de hiérarchisation en fonction des appartenances de sexe. Par contre, il y a bien l’émergence d’une nouvelle orthodoxie de l’interchangeabilité des individus sexués comme principe d’organisation sociale Cela paraît parfaitement compatible avec le « Nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski et Chiapello, 1999).

90 3. Les effets des sociétés de l’individualisme sur les femmes / le genre
Un tel changement de modèle renvoie bien au registre des valeurs sociales, des normes et des injonctions institutionnelles qui en découlent. Il ne signifie nullement que les pratiques sociales des individus soient effectivement devenues semblables, mais simplement que les attentes sociales à leur égard vont dans ce sens (cf. Ehrenberg, 2010). Pour conclure: quelques réflexions à propos de ce que ce nouveau modèle normatif implique pour l’analyse sociologique du genre.

91 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
Les revendications féministes ont historiquement porté sur le droit des femmes de disposer d’elles-mêmes, soit de bénéficier de l’auto-détermination, jusqu’alors consentie aux seuls hommes. La critique féministe de l’exclusion des femmes des positions professionnelles leur permettant de vivre de manière autonome constitue un fondement épistémologique des études genre (Collectif, 1984). Il me paraît légitime d’affirmer que cette critique a pris la forme d’un « travail de rapprochement », tel que décrit par Boltanski et Corcuff (2010):

92 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
« (…), ce qu’on appelle le travail de libération se met en branle lorsque les acteurs (…), en viennent à comparer leurs situations respectives et à se demander, par exemple, pourquoi, lorsque chacun ne fait que suivre les règles (ou tenter de le faire puisque c’est impossible), pourquoi ce sont toujours les mêmes qui satisfont à toutes ou à la plupart des épreuves (…) et, inversement, (pourquoi) ce sont toujours les mêmes qui, face à toutes les épreuves, ou presque, se révèlent médiocres (…) Et c’est dans le cours de ce travail de rapprochement, associé à la mise en place de nouveaux principes d’équivalence, que se constituent des collectifs d’individus à partir desquels la critique peut se redéployer » (Boltanski et Corcuff, 2010 : ).

93 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
« (…), ce qu’on appelle le travail de libération se met en branle lorsque les acteurs (…), en viennent à comparer leurs situations respectives et à se demander, par exemple, pourquoi, lorsque chacun ne fait que suivre les règles (ou tenter de le faire puisque c’est impossible), pourquoi ce sont toujours les mêmes qui satisfont à toutes ou à la plupart des épreuves (…) et, inversement, (pourquoi) ce sont toujours les mêmes qui, face à toutes les épreuves, ou presque, se révèlent médiocres (…) Et c’est dans le cours de ce travail de rapprochement, associé à la mise en place de nouveaux principes d’équivalence, que se constituent des collectifs d’individus à partir desquels la critique peut se redéployer » (Boltanski et Corcuff, 2010 : ).

94 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
La régulation institutionnelle du genre détermine, donc, le contexte au sein duquel les individus font du genre, la nature des inégalités de sexe qui y prévalent, mais également le cadre au sein duquel le féminisme a pu déployer sa critique du déni d’individualité et du manque d’autonomie des femmes. Mais, pour pouvoir dire que le sort fait aux femmes est injuste et pour pouvoir se mobiliser collectivement pour faire reconnaître cette injustice et pour œuvrer à son élimination, encore faut-il que les discours institutionnels quant aux devenirs sociaux probables et souhaitables des femmes (et des hommes) soient relativement stables et prévisibles (Le Feuvre, 2014).

95 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
Or, les analyses des sociétés de l’individualisme laissent deviner un changement assez radical de cadre institutionnel. Au lieu d’affirmer et, par là même, de cristalliser « la » différence des sexes et la hiérarchie qui en découle comme le « ce qu’il en est de ce qui est », les institutions (européennes en tête) en viennent progressivement à dire tout le contraire (parfois, même, en revendiquant le fait d’avoir été « éclairées » par la critique féministe) : « Les femmes n’ont plus aucune spécificité, ni aucune infériorité ; elles sont des « individus individualisés » comme les autres et, puisque le principe d’égalité des sexes est reconnu, elles peuvent / doivent désormais s’assumer en tant que telles ».

96 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
Le principe « d’égalité » est affirmée, au point d’être transformé en « valeur centrale » des sociétés occidentales laïcisées et de devenir LE signe palpable de leur supériorité à l’égard de toute autre société qui ne respecterait pas de la même manière les droits à l’autodétermination de « ses » femmes. Or, si l’on suit le raisonnement de Boltanski et Corcuff, de tels revirements participent à la « fragmentation » des collectifs critiques (et des champs académiques), en sapant les bases de l’accord sur ce contre quoi il convenait de se battre :

97 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
« Dans ces situations, la fragmentation n’est plus obtenue en s’opposant au changement, pour maintenir coûte que coûte une orthodoxie (ex. celle de la « domination masculine »), mais, au contraire, par l’intermédiaire du changement. « L’instrument du changement permet de défaire la réalité dans laquelle les collectifs critiques étaient parvenus à s’inscrire, en modification des (…) règles jusque-là en vigueur, de façon à faire disparaître les prises et les repères que ces mouvements avaient utilisés pour se constituer » (Boltanski et Corcuff, 2010 : 345). Cela décrit asse bien la situation actuelle des études genre.

98 Quand les fondements de la critique féministe se dérobent…
Avec la diffusion de plus en plus institutionnalisée des valeurs de l’individualisme et avec la généralisation des injonctions à l’autonomie de tout le monde, hommes comme femmes, le champ des études genre est au risque de « perdre les points saillants qui lui avaient permis de prendre certaines prises sur la réalité » (Boltanski et Corcuff, 2010 : 345). Il se s’agit pas de savoir si les sociétés contemporaines ont réellement institutionnalisé le principe de l’autonomie responsable des, mais plutôt de savoir si la sociologie des rapports sociaux de sexe peut survivre à un tel effritement des fondements de son approche critique.

99 Conclusion… Renouveler la pensée du genre dans les sociétés de l’individualisme
S’armer d’outils conceptuels capables de rendre compte des conséquences de la généralisation du modèle normatif de l’autonomie responsable nécessite d’admettre, au moins sous forme hypothétique, deux modalités potentielles de la variabilité sociohistorique du genre: 1. Admettre que la force prédictive des appartenances sexuées est susceptible de varier dans le temps et dans l’espace. Le genre ne peut (plus) être appréhendé comme un invariant universel, à de simples déclinaisons locales (Le Feuvre, 2014).

100 Conclusion… Renouveler la pensée du genre dans les sociétés de l’individualisme
2. Admettre que le genre (ce qui rend les devenirs sociaux des femmes et des hommes différents et de valeur sociale inégale, et ceci de manière prévisible, certain et stable), tout comme l’autonomisation des individus à l’égard du genre (ce qui rend les devenirs sociaux des femmes et des hommes plus incertains et imprévisibles, mais aussi moins différenciés et hiérarchisés), ne s’impose pas nécessairement de manière uniforme au sein d’un même contexte sociohistorique (Le Feuvre, 2014). Il ne s’agit pas de dire alors que le genre (« toujours et déjà là ») se combine différemment avec d’autres systèmes de domination pour produire des expériences singulières, certes, mais toujours « genrées » selon les mêmes principes (Le Feuvre, 2014).

101 Conclusion… Renouveler la pensée du genre dans les sociétés de l’individualisme
La valorisation de l’autonomie des femmes et de l’égalité des sexes qui émerge dans les sociétés de l’individualisme est foncièrement ambivalente. Elle ne se traduit nullement sous la forme de parcours sociaux balisés, stables et prévisibles chez l’ensemble des femmes, précisément parce que cette certitude-là dépendait, dans les conditions de la première modernité, de la force prédictive ou de « l’emprise » du genre (Le Feuvre, 2014). En tant que sociologues féministes, nous devrions être sensibles aux conditions objectives dans lesquelles les femmes sont aujourd’hui enjointes à « s’affranchir » de ces fondements normatifs du genre.

102 Conclusion… Renouveler la pensée du genre dans les sociétés de l’individualisme
Il me paraît néanmoins très important de ne pas évacuer trop rapidement de nos analyses le potentiel émancipatoire des incertitudes qui caractérisent les sociétés de l’individualisme. Si nous nous entêtons à ne chercher (désespérément ?) que les signes palpables d’une recomposition à l’identique et à l’infini des principes fondateurs du genre, ne lui reconnaissant de variabilité que dans sa combinaison « intersectionnelle » avec d’autres types de rapports sociaux, nous risquons de passer à côté du changement radical que les sociétés de l’individualisme opèrent à l’égard du genre (Le Feuvre, 2014).

103 Conclusion… Renouveler la pensée du genre dans les sociétés de l’individualisme
Merci de votre attention…. … et bonne continuation!

104 Références bibliographiques
Beck, U., and Beck-Gernsheim, E. (2002). Individualization. Institutionalized Individualism and its Social and Political Consequences, London: Sage. Boltanski, L., et Chiapello, E. (1999). Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris : Gallimard. Boltanski, L., et Corcuff, P. (2010). « Un individualisme sans la liberté? Vers une approche pragmatique de la domination », in P. Corcuff, C. Le Bart, et F. de Singly, (dirs.), L'individu aujourd'hui. Débats sociologiques et contrepoints philosophiques. Rennes: PUR: Castel, R. (2010). « Individu par excès, individu par défaut », in P. Corcuff, C. Le Bart, and F. de Singly, (dirs.), L'individu aujourd'hui. Débats sociologiques et contrepoints philosophiques. Rennes: PUR: Ehrenberg, A. (2010) La Société du malaise, Paris: Odile Jacob. Fraser, N. (2010). « Marchandisation, protection sociale et émancipation : Les ambivalences du féminisme dans la crise du capitalisme », Revue de l’OFCE, n°114 : Fraser, N. (1994). « After the Family Wage: Gender Equity and the Welfare state », Political Theory, 22(4) : Giddens, A. (1992). The Transformation of Intimacy : Sexuality, Love & Eroticism in Modern Societies, London: Polity. Jenson, J. (2010). « Diffusing Ideas for After Neoliberalism : The Social Investment Perspective in Europe and Latin America », Global Social Policy, 10: Le Feuvre, N. (2014) « Les défis de l’incertain sous l’angle du genre », in D. Vrancken (dir.) Penser l’incertain, Québec: Presses de l’Université Laval: Le Feuvre, N. (1999) “Gender, Occupational Feminization and Reflexivity: A Cross-National Perspective”, In R. Crompton (ed.) Restructuring Gender Relations and Employment: The Decline of the Male Breadwinner, Oxford, Oxford University Press: Lorber, J. (2000). « Using gender to undo gender : A feminist degendering mouvement », Feminist Theory, 1(1): 79–95.


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