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Histoire de la France Contemporaine Septième cours : VGE et Mitterrand (1974-1995)

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1 Histoire de la France Contemporaine Septième cours : VGE et Mitterrand (1974-1995)

2 Septième cours : 1 – Évolution politique 2 – Économie 3 – Politique étrangère 4 — Politique étrangère

3 1 – Évolution politique 1.1 – La présidence de Valéry Giscard d’Estaing La mort de Pompidou laisse la droite en proie aux divisions. C’est d’autant plus remarquable que la gauche parvient à faire taire les siennes, pour enfin parvenir à présenter un front commun. Dès 1972, Mitterrand avait réussi à unifier les factions socialistes au sein du PS qu’il dirige. L’année suivante, les principales formations de gauche (PS, PC et radicaux) parviennent à établir un programme commun sous une candidature commune, celle de Mitterrand. L’opposition entre la droite gaulliste de l’UDR de Chaban-Delmas et la droite libérale de VGE se solde par la victoire au premier tour de l’élection présidentielle de mai 1974 de Mitterrand.

4 Mais grâce au ralliement de l’UDR à la candidature de VGE, celui-ci parvient à vaincre la gauche unifiée, avec 50,8 % des suffrages. Cette victoire serrée va inciter VGE à jouer la carte du rassemblement et à gouverner au centre. Au premier point correspond la nomination de Chirac (UDR) au poste de premier ministre; au deuxième la politique keynésienne du gouvernement. La présidence de VGE rompt avec le gaullisme sur le plan des symboles. Rejetant le cérémonial, VGE descend « dans l’arène », pour discuter avec les Français, se montrant près des gens. Ses adversaires l’accusent de populisme, mais la population réagit bien. Il tente de profiter de l’hypercentralisation présidentielle de la 5 e République. Si Chirac devient un adversaire du président, c’est que VGE veut gouverner lui-même, considérant son premier ministre comme un simple exécutant de la politique qu’il définit.

5 Le maintien de la majorité en chambre nécessaire à la gouvernance et pour laquelle Chirac est fondamental conduit à une dyarchie entre les deux pôles de l’exécutif, surtout que les politiques mises en place par VGE heurtent les conceptions de l’UDR. Les élections régionales qui suivent témoignent de la poursuite de la montée de la gauche et obligent le président à courtiser ses adversaires. Économiquement, les choses sont difficiles et le président recourt à des mesures keynésiennes pour relancer l’économie. Ce libéralisme gauchisant s’illustre par une redistribution des richesses. Les ponctions fiscales auprès des entreprises sont augmentées et leurs marges de manœuvre en matière de licenciement sont réduites. la Sécurité sociale est étendue aux non-salariés (petits entrepreneurs en faillite) et on crée une « Allocation supplémentaire d’attente » qui garantit au chômeur 90 % de son salaire pendant un an.

6 D’autres mesures portent la marque de cette volonté de conciliation envers la gauche : mesures d’insertions sociale des handicapés, bonification du « minimum vieillesse » et prestations familiales. Des réformes sociales sont mises de l’avant : démocratisation de l’enseignement secondaire, implication des salariés dans la gestion des entreprises, imposition supplémentaire des gains en capital. Mais la chambre demeure à droite et même si ces mesures sont adoptées, elles le sont après de multiples amendements exigés qui affaiblit leur portée. VGE cherche aussi à moderniser le fonctionnement de l’État en s’inspirant de la tradition anglo-saxonne. L’éclatement du monopole l’État sur les ondes et surtout la réforme du Conseil constitutionnel (qui permet de détacher cette institution fondamentale des aléas électoraux) constituent de bons exemples.

7 D’autres réformes font pencher le gouvernement à gauche, comme la création d’un secrétariat d’État à la condition féminine ou encore le projet concernant la légalisation de l’avortement, qui passe en chambre grâce à l’appui des forces de gauche. Mais ce sont les réformes économiques qui vont entraîner la première crise de la présidence de VGE : le 25 août 1976, Chirac démissionne, affirmant ne pas disposer des moyens nécessaires pour assurer ses fonctions. La dyarchie causée pas l’ambition politique de son premier ministre incite VGE à se tourner vers un technicien inconnu de la population pour diriger le gouvernement et Raymond Barre, le « meilleur économiste de France » devient premier ministre. Sa mission sera de redresser la situation économique du pays avant les élections de 1978.

8 Ayant accepté de diriger le gouvernement, Barre réclame tous les outils pour contrôler la politique économique, ce qui implique l’effacement du président sur cette question et par voie de conséquence un changement dans l’orientation économique. Inversant la politique des premières années de l’ère giscardienne, Barre veut diminuer les charges sociales des entreprises, afin de leur permettre d’investir et d’améliorer le dynamisme de l’économie et sa capacité à faire face à la compétition internationale. Le « plan Barre » présenté en septembre 1976 est axé sur la stabilisation macro-économique par des mesures d’austérité ou de perception de revenus supplémentaires qui touchent toute la population, particulièrement la classe moyenne salariée. Conséquemment, la gauche s’agite et la volonté de Barre de se maintenir loin de la « politique politicienne » ne pourra pas s’éterniser.

9 D’autant que la rupture avec Chirac favorise une division de la droite, l’UDR disparaissant en 1976 pour donner naissance au RPR mené par Chirac. Lors des municipales de 1977, les scandales financiers et politiques s’ajoutent au marasme économique pour conduire à des surprises. La gauche fait des gains partout, mais plus grave, Chirac est élu premier maire de Paris depuis 1870, contre les giscardiens. C’est dans une situation difficile que se tiennent les législatives de 1978. Pour faire contrepoids à droite à au RPR, les forces giscardiennes fondent en vue des élections l’UDF, qui parvient à s’entendre sur un pacte électoral avec le RPR. Grâce aux divisions de la gauche (le PCF abandonne le programme commun en 1977), droite et gauche font jeu égal au premier tour (avec respectivement 46 % et 45 % des voix).

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11 Malgré le ralliement du PCF au PS et les conflits entre RPR et UDF, la droite l’emporte au second tour contre la gauche, avec un total de 278 sièges à la première, contre 200 à la seconde. VGE semble bien en selle. Cette victoire convainc le président à continuer la route avec Barre, lequel croit avoir les coudées franches pour imposer un autre tour de vis libéral, dans l’espoir d’améliorer la situation économique. Réductions des charges sociales et abandon des subventions aux entreprises en difficultés rompent avec l’interventionnisme, même si le gouvernement continue de s’impliquer dans les secteurs stratégiques. Ces mesures ont d’abord des effets bénéfiques sur le franc et la balance commerciale. C’est alors que survient le second choc pétrolier : l’inflation repart à la hausse, de même que le chômage, provoquant une agitation sociale continuelle et la montée du mécontentement.

12 La campagne électorale pour les présidentielles débute sous de bien mauvais auspices pour VGE, malgré la poursuite des chicanes de familles entre le PS et le PCF entre 1978 et 1981. RPR et UDF continuent aussi de s’étriper dans les coulisses, laissant des blessures qui n’auront pas le temps de cicatriser avant l’échéance électorale. Dix candidats se disputent les suffrages des électeurs au premier tour, le 26 avril 1981. Bien qu’il arrive en tête VGE obtient un résultat modeste (28 %), suivi de près par Mitterrand, les « frères ennemis » des deux hommes obtenant 18 % pour Chirac et 15 % pour Marchais. Les désistements vont jouer en faveur du candidat socialiste et sceller l’issu du second tour : la gauche se rallie à Mitterrand, mais le RPR hésite à appeler à un vote utile contre la gauche. Au soir du 10 mai, VGE est battu et François Mitterrand est élu président de la République.

13 1.2 – Le premier mandat Mitterrand Même si l’élection de mai 1981 apparait comme une défaite de VGE plutôt que comme une victoire de Mitterrand, l’arrivée pour la première fois à la présidence de la République d’un socialiste constitue un changement important. Même si l’orthodoxie socialiste du nouveau président est douteuse, la victoire provoque une explosion de joie dans les rangs de la gauche française. À cette euphorie correspond l’abattement de la droite et la panique des milieux financiers, qui oblige la suspension des transactions boursières le lendemain de l’élection… Même si ces réactions sont exagérées, le président entend bien marquer une rupture avec les politiques précédentes.

14 Mitterrand confie à Pierre Mauroy, « baron » socialiste et ancien maire de Lille, la direction du gouvernement. Ce premier gouvernement Mauroy durera moins de 24 heures : dès le 22 mai, le président ordonne la dissolution de la chambre et convoque des élections. Le premier tour donne une forte majorité au parti socialiste, mais la participation est faible (70%). Le résultat de 38 % du PS va de pair avec le déclin du PCF, qui n’obtient que 16 %, alors que les grands partis de la droite, RPR et UDF, obtiennent 21 % et 19 %. Le second tour concrétise le triomphe des socialistes qui, avec 285 députés, obtiennent la majorité absolue. Avec un président et une assemblée socialiste, la gauche dispose d’un contrôle presque total. Seul le Sénat demeure aux mains de la droite, la seule autre limitation du pouvoir de la gauche se trouvant au sein du Conseil constitutionnel.

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16 Il s’agit d’une arme à double tranchant, car si les socialistes ont ainsi les mains libres, ils devront seuls assumer les responsabilités de leurs échecs. Quand la situation va se détériorer, leurs appuis vont se réduire. En attendant, une atmosphère nouvelle plane en France. Mauroy forme un nouveau gouvernement et pour la première fois depuis longtemps, des communistes obtiennent des responsabilités ministérielles. Le changement concerne d’abord l’exercice du pouvoir, Mitterrand rompant avec la pratique de la 5e république et laisse une marge de manœuvre à Mauroy, se « contentant » de définir les orientations générales. Les ministres cessent de se comporter en hauts fonctionnaires, pour endosser des postures politiques. Cela entraîne des hiatus, déclarations contradictoires ou intempestives, mais le débat politique revêt alors une forme moins guindée et assurément plus démocratique.

17 La France va connaître jusqu’en 1984 une révolution étatique, par laquelle on va tenter de substituer les idéaux et les dogmes socialistes aux principes libéraux. La solution socialiste de la crise s’articule autour de d’idées touchant l’économie, la gestion et l’administration. Dans la première catégorie, il faut souligner la politique de nationalisation d’entreprises stratégiques, par laquelle le gouvernement renoue avec les politiques de l’après-guerre, selon lesquelles il lui revient de guider le développement économique du pays. D’où le retour à une politique de planification économique nettement plus dirigiste. En septembre 1981, le gouvernement nationalise cinq grands groupes industriels, deux entreprises financières et 36 banques d’affaires. Malgré l’opposition farouche de la droite, la loi devient effective en février 1982.

18 Sur le plan de l’administration, une réforme vise à rapprocher les citoyens des centres de décision en retirant aux préfets les pouvoirs régionaux pour les donner aux maires, élus. Autre levée de boucliers de l’opposition de droite. Le PS veut aller plus loin et refonder la société, d’où une foule de réformes touchant une foule de domaine : –santé : élection des directeurs de services; –système pénal : abolition de la peine de mort, suppression de la cour de Sureté de l’État et des quartiers de haute sécurité dans les pénitenciers); –droits du travail : élargissement de la participation des syndicats à la gestion de l’entreprise; – sécurité sociale : bonifications diverses; –logement : défense des locataires face aux propriétaires; –audiovisuel, etc.

19 Par la constitution d’un grand service de l’Éducation nationale, soumettant l’ensemble des institutions d’enseignement aux orientations définies par l’État, le gouvernement cherche à moderniser l’école et à démocratiser les institutions. Cette « réformite » suscite des résistances, mais son destin aurait pu être différent, n’eût été des conditions économiques difficiles. Le malaise de certains membres de l’équipe au pouvoir et les difficultés économiques permettent à l’opposition de relever la tête et, l’échec de la solution socialiste devient évident. En 1983, Mauroy doit remanier son gouvernement et décréter une « pause » dans les réformes. Les restructurations dans les entreprises d’État, qui entraînent des licenciements font en sorte d’ajouter aux mécontents les alliés traditionnels du PS, syndicats et salariés, et les grèves se multiplient.

20 La cote de popularité du président s’effondre et les élections européennes voient la défaite des forces de gauche et la percée du FN. Devant l’ampleur du désaveu, Mitterrand demande à son premier ministre de démissionner, marquant l’abandon du grand projet socialiste. Cet abandon marque un tournant dans l’histoire politique française : à l’exception du PCF, toutes les forces politiques admettent les « lois du marché ». Dix auparavant, la droite menait des politiques sociales, mais la permanence de la crise conduit à réduire l’interventionnisme étatique. L’ère de l’austérité budgétaire commence. Par la nomination de Fabius en remplacement de Mauroy, le président tente de se détacher de la politique de son collaborateur, afin de sauver sa présidence. Fabius est jeune (38 ans), il n’est pas marqué politiquement et n’existe que par le président.

21 L’histoire a donné à la période 1984-1986 le nom de social libéralisme : rejet de la politique de rupture, acceptation du credo libéral et adaptation des idéaux socialistes. Sur le plan économique, Fabius fait de la lutte à l’inflation et de l’équilibre budgétaire le fer de lance du redressement. Le gouvernement socialiste mène la politique de ses opposants de droite. C’est aussi le cas au plan social : rien n’illustre mieux le droitisation de la gauche que les Travaux d’utilité publique (les TUC), visant à résorber le chômage en employant des sans-emplois à des salaires inférieurs au SMIC. Ce « faux socialiste » qu’est Fabius plait aux Français et c’est à lui que le PS doit d’éviter l’écrasement lors des élections de 1986, alors que le parti présidentiel et ses alliés radicaux chutent à 33 % des suffrages et que ses adversaires de droite obtiennent 41 % des suffrages.

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23 Ce scrutin voit la poursuite de l’effondrement du PCF (10 % des voix pour 35 élus), qui fait désormais jeu égal avec l’extrême droite du FN (10 % et 35 élus), de même qu’un haut niveau relatif d’abstention et de bulletins nuls (plus de 25 %) Pour la première fois, le président aura en face de lui en chambre une majorité d’opposition, qui va le forcer à la cohabitation. Poursuivant le réalignement à droite, Mitterrand nomme le RPR Chirac pour diriger le gouvernement, illustrant son respect du processus démocratique et obligeant son principal adversaire à se commettre. Chirac propose la mise en place de politiques libérales pures et dures, inspiré du reaganisme et du thatchérisme : privatisation, dérèglementation et réductions de taxes et d’impôt sont à la base de son programme.

24 La réformite s’exerce dès lors en sens inverse : privatisation en 5 ans de 65 entreprises, libéralisation des prix, suppression du contrôle des changes. Cela touche aussi le domaine social : libéralisation des politiques de licenciement, suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, abrogation de dispositions défendant les locataires, etc. La montée de l’extrême droite pousse Chirac à aller chasser sur les terres du FN, la sécurité et l’immigration : contrôle des immigrants, allégement de la procédure d’expulsion, nouveau code de la nationalité, lois antiterroristes, construction de nouveaux pénitenciers, etc. Le dogmatisme de droite succède ainsi au dogmatisme de gauche. Bien sûr, la colère d’une partie importante de la population devant le bulldozer libéral alimente la résurrection de l’opposition.

25 Les relatifs succès économiques, qui doivent beaucoup à l’amélioration de la conjoncture mondiale et aux mesures prises par le gouvernement Fabius, ne permettent pas au gouvernement Chirac de maintenir ses appuis dans la population. Mitterrand peut alors se montrer sous le jour avantageux du défenseur des victimes des privatisations et des politiques libérales, utilisant toutes les prérogatives que lui laisse la constitution pour s’opposer aux mesures les plus impopulaires. Sa popularité ne cesse de croître, au point où à la veille des présidentielles de 1988, il peut s’enorgueillir de 60 % d’opinions favorables. Cette popularité, la situation de crise sociale permanente de 1987-1988 et la candidature de Barre pour l’UDF rendent les chances d’élection de Chirac très faibles.

26 Au premier tour, Chirac devance avec 20 % son adversaire de droite, mais il demeure très loin du résultat du président sortant (34 %), alors que le FN obtient 15 %. Les querelles au sein de la droite (autour des concessions devant être faites pour obtenir le ralliement du FN) et la peur suscitée par ce dernier, qui entraîne un ralliement massif de la gauche, permettent à Mitterrand d’être reconduit au pouvoir pour un 2 e mandat avec 54 % contre 46 % pour Chirac.

27 1.3 – La fin de l’ère mitterrandienne Désireux de consolider sa position, Mitterrand ordonne la dissolution de la chambre et la tenue d’élection pour le mois de juin. L’enthousiasme populaire de 1981 ne joue pas, et si la droite perd la majorité (271 sièges), la gauche modérée (279 sièges) ne parvient pas à la conquérir. Le chef socialiste Michel Rocard doit alors composer avec l’appui des communistes (27 députés) ou des centristes (13 députés) pour se maintenir au pouvoir. L’avantage de cette situation pour Rocard est l’apaisement du contexte politique, qui tranche avec les manies réformistes du premier mandat et la volonté consensuelle remplace la recherche de la rupture.

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29 Si le « devoir de grisaille » dont parle Rocard n’emballe pas les électeurs, son style de gouvernance sérieux, posé et réfléchi, tranche avec le volontarisme des gouvernements précédents, même s’il ne permet pas de calmer l’agitation : aux mouvements sociaux, qui demeurent importants, s’ajoute la crise des banlieues. La méthode Rocard consiste à privilégier les traitements en profondeur, peu spectaculaires et demandant du temps, aux solutions à courte vue. En 1988, il fait voter l’établissement d’un revenu minimal d’insertion (RMI) qu’il fait financer par le rétablissement de l’impôt sur les grandes fortunes. Conscient de la nécessité d’assurer la pérennité de la Sécurité sociale, il braque les syndicats en instituant une Contribution sociale généralisée qui touche toute la population. Sa réforme du système de l’éducation vise aussi la pérennisation des acquis des années 1980.

30 Cette politique centriste entraîne des repositionnements politiques : la gauche se déchire, la droite erre, confondue par les actions d’un gouvernement qui lui emprunte en partie son programme, cherchant à se démarquer en empruntant à l’extrême droite ses thèmes. Jusqu’en 1990, la popularité de Rocard demeure élevée, mais les difficultés économiques vont lui porter ombrage. Les tensions entre Matignon et l’Élysée connaissent une recrudescence et en mai 1991, Rocard est congédié. L’ère Mitterrand ayant été celle des premières, la succession de Rocard ne fait pas exception, Édith Cresson devenant la première femme à occuper le poste de chef de gouvernement de l’histoire française. Malheureusement pour elle, la conjoncture politique et économique du pays est alors très difficile, ce qui ne permet pas de susciter ce courant de sympathie sur lequel comptait le président.

31 Outre la situation économique qui se détériore, le PS qui traverse une série de crises, remettant en question l’intégrité de ses dirigeants et leurs compétences, le tout sur fond de perte de repères d’un parti de gauche gouvernant désormais au centre. Nommée dans une situation difficile, Cresson, avec sa méthode de direction, jugée brutale et unilatérale, s'aliène la classe politique et l’opinion qui, à peine 10 mois après sa nomination, inflige une défaite au PS lors des élections régionales, obligeant le président à la renvoyer en avril 1992. Pierre Bérégovoy lui succède, mais l’état de grâce dont il bénéficie ne dure pas longtemps. Alors que les Français se disent tout au long de 1992 très majoritairement favorables au traité de Maastricht, le référendum du 20 septembre voit le projet pratiquement rejeté (51 % au « oui »), celui-ci étant étroitement associé au PS.

32 Les élections de mars 1993 constituent une dégelée pour le PS, et pour la gauche en général, le PC végétant désormais à 9 % (24 députés). Le PS tombe sous les 20 %, et ne parvient à faire élire que 67 députés. En face, la droite est toute puissante, avec 19 % pour le RPR (242 députés) et 18 % pour l’UDF (207 députés). Malgré un résultat de plus de 12 %, le FN n’a aucun élu, pas plus que les verts (8 %). La fin de l’ère Mitterrand se jouera donc sur une nouvelle cohabitation et Balladur, un proche de Chirac, devient premier ministre. Cette seconde cohabitation sera différente de la première, l’enjeu d’une réélection ne se posant pas pour le président. Les deux têtes de l’exécutif éviteront de croiser le fer dans l’attente de la présidentielle de 1995. Plus encore, le gouvernement centriste de Balladur entretient d’excellentes relations avec le président.

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34 C’est sans doute à cela que l’on doit la très grande popularité d’un gouvernement qui reprend les réformes libérales : réforme de la Banque de France et reprise des privatisations Mais pas plus que ses prédécesseurs de gauche Balladur parvient à venir à bout de la crise, qui entraîne, au début de 1994, une multiplication des « plans sociaux » chez Air France, la SNCF, la RATP. Mais la principale menace à Balladur lui vient de son mentor, Chirac, qui s’emploie à rogner les positions de son ancien protégé, de crainte d’être doublé par lui L’ambiance en France en 1995 est véritablement celle de la fin d’un règne à laquelle les scandales de corruption, à droite et à gauche contribuent grandement, alourdissant une suspicion et un désintérêt grandissant des Français par rapport à la politique.

35 2 – Économie 2.1 – Genèse et nature d’une « crise » Même si le ralentissement est visible depuis le début de la décennie 1970, 1973 et 1974 voient une brusque détérioration de la situation. La population fait porter la responsabilité sur le gouvernement, mais il apparait rapidement que celui-ci n’y peut rien. L’un des effets du Plan Marshall a été la mise en place d’une grande interaction entre les économies du monde occidental, ce qui s’est avéré bénéfique au cours de la période 1945-1970, la croissance économique des uns stimulant celle des autres.

36 Mais quand l’économie des uns se grippe, celle des autres le fait aussi. Sur le plan politique, cela rend la situation difficile, car les décisions prises à Paris n’ont qu’une influence limitée sur la situation en France. Le gouvernement peut atténuer les symptômes, mais il n’est pas en mesure de soigner la maladie. Les gouvernements ont d’abord cru à une crise épisodique, mais aujourd’hui, nombreux sont les économistes qui parlent d’une dépression dans laquelle des périodes de faible croissance alterneraient avec d’autres de décroissance. Il s’agirait non d’une crise, mais d’une mutation des économies occidentales, reposant sur des causes à longue incidence, comme les changements démographiques induisant des modifications macroéconomiques (déficits budgétaires chroniques, concentration des capitaux) et microéconomiques (contraction du niveau de vie, baisse de l’épargne, etc.)

37 Le choc pétrolier de 1973 met en évidence une crise qui court déjà et que la France ne voit pas. Dès la seconde moitié des années 1960, les États- Unis montrent des signes de fatigue : le rythme de croissance du PIB ralentit, l’inflation accélère, le déficit budgétaire grossit. Le recours du gouvernement américain à la planche à billets revient à « exporter son déficit », car depuis 1944 et les accords de Bretton Woods, le billet vert adossé à l’or est devenu l’étalon du commercial mondial. La Banque de France convertit ses stocks de dollars en or et s’ensuit une série de crises monétaires forçant la dévaluation de certaines monnaies (livre sterling et mark, puis dollar américain). Les indicateurs économiques continuent de se détériorer, les États-Unis entrent en récession en 1971 et la croissance devient poussive en Europe.

38 Si la plupart des gouvernements choisissent de « réduire la voilure », la France se lance dans une politique d’investissement social et dans les infrastructures, afin de stimuler la croissance, creusant le déficit budgétaire. La situation macroéconomique de la France est difficile à la veille de la guerre du Kippour et la violente secousse mondiale que celle-ci provoque frappera la France durement. Afin de contraindre Israël à évacuer les territoires occupés, l’OPEP lance une offensive économique contre l’État hébreu et l’Occident qui le soutient : une hausse de 70 % du baril de brut est décrétée, de même qu’une réduction mensuelle de la production de 5 % par mois, jusqu’à ce qu’Israël évacue les territoires occupés. C’est le premier choc pétrolier, qui frappe de plein fouet une économie française déstabilisée.

39 2.2 – Évolution de la crise française, 1974-1995 D’octobre à décembre 1973, le prix du baril de brut passe de 3 $ à 19.35 $, provoquant un phénomène économique inédit, la stagflation : forte inflation et contraction de l’économie. La facture pétrolière de la France s’envole (plus de 3 % du PNB en 1974), obligeant le pays à réduire ses importations énergétiques, provoquant une baisse de la production industrielle. L’inflation dépasse les 10 % en 1974 et la consommation diminue. La dépendance aux hydrocarbures importés, (75 % de la consommation énergétique française), rend le pays fragile. Autre problème, l’indexation des salaires à l’inflation, qui accroit les coûts de production dans le secteur privé, mais aussi le déficit budgétaire.

40 Tous cela entraine une contraction de la production et en 1975, 70 % des capacités de production du pays sont inutilisées, plaçant les entreprises difficultés. Les petites et moyennes entreprises sont contraintes à la faillite, les grandes doivent recourir à des licenciements, qui accroissent le taux de chômage, ce qui réduit la consommation. Le chômage avait commencé à croître au milieu des années 1960, mais il s’envole alors, pour doubler en quelques années et atteindre le demi-million de sans- emploi en 1975. Le gouvernement croit qu’il s’agit d’une crise structurelle et en effet, à partir de 1976, les choses s’améliorent grâce, croit-on, aux effets des mesures de stimulation prises par le gouvernement Chirac. La période 1976-1979 voit un retour de la croissance, mais, plus faible que lors des périodes d’expansion précédentes.

41 Mais le taux de chômage ne faiblit pas, ce qui s’explique par les investissements pour améliorer la productivité, par le biais d’une automatisation plus poussée, réduisant les besoins en main-d’œuvre, alors que la population active continue de croître. Nombreux sont ceux qui croient que la lourdeur de l’État est responsable de la situation et favorise son dégraissage. Les thèses de Hayek et de Friedmann s’imposent au Royaume-Uni et aux États-Unis. La France n’échappe pas à cette lecture, alors que Raymond Barre dirige le gouvernement. À cela s’ajoute la politique monétaire de Reagan (hausse des taux, drainant épargne et investissements vers les États-Unis) et le second choc pétrolier, par lequel prix du brut passe de 13 $ en 1978 à 40 $ en 1980, marquant la fin de l’énergie bon marché, facteur fondamental de l’expansion économique de l’après- guerre.

42 L’inflation repart et la croissance s’effondre en même temps que la production de certains secteurs industriels, comme la sidérurgie et le textile. Le chômage explose pour toucher 2 millions de personnes en 1981, soit 8,9 % de la population. Il ne cessera par la suite de croître, pour dépasser le seuil psychologique de 10 % dès 1985 et toucher 3 millions de personnes en 1993. La hausse des coûts de production entraîne la délocalisation des entreprises et la désindustrialisation. On pointe du doigt la rigidité française, poussant alors le gouvernement socialiste à pratiquer une forte déréglementation libérale… Grâce à cette politique ou au retour de la croissance aux États-Unis, des signes de reprise économique se manifestent en 1984, mais la croissance demeure faible, à environ 2 %, et l’économie se montre incapable d’absorber les chômeurs.

43 De sorte que cette faible croissance profite surtout à un secteur financier déréglementé et automatisé (ce qui conduira à l’effondrement boursier d’octobre 1987). Ce timide renouveau repose aussi sur le contre-choc pétrolier, qui voit les prix du brut chuter pour de multiples raisons, ce qui permet de faire tomber le baril à 10 $ en 1986. Puis survint le 3 e choc pétrolier, provoqué par le conflit irakien. Aux facteurs rationnels s’ajoutent des facteurs irrationnels, rendant les investisseurs frileux, ce qui entraîne une chute des investissements et de la croissance. Dès 1993, la France retourne en récession. L’irrationalité de la nouvelle économie, basée sur un secteur financier mondialisé, se manifeste d’une façon éclatante au début des années 1990 : alors que les indices boursiers s’envolent, de même que la valeur des actions, la production industrielle s’effondre et le chômage atteint des records.

44 Cette situation, qui favorise la concentration des capitaux entre les mains d’une minorité et l’affaiblissement constant du pouvoir d’achat et du niveau de la majorité est à l’origine de cette « fracture sociale » que déplore le candidat Chirac en 1995, mais le gouvernement français n’y peut pas grand-chose Ne reste aux dirigeants politiques des vieux États industriels que le choix entre la peste et le choléra : ou bien la désindustrialisation, les délocalisations et le chômage, ou bien l’abandon de toute intervention étatique et la paupérisation et la précarisation de la population active…

45 3 – Politique étrangère 3.1 – Le mandat giscardien Comme VGE fit campagne sur le thème d’une rupture avec le gaullisme, on aurait pu s’attendre à des changements en ce qui concerne la politique étrangère. Or, si le ton change, la méthode et les orientations demeurent pour l’essentiel les mêmes. Dans le cadre constitutionnel, la politique étrangère est le domaine privilégié du président et VGE va continuer sur la voie tracé par De Gaulle, conservant ses prérogatives et ne concédant au Quai d’Orsay qu’un rôle d’exécutant de ses directives et de celle de ses proches conseillers, dont tous issus du corps diplomatique.

46 Quant aux orientations, et malgré l’américanophile de VGE, l’indépendance et la souveraineté nationale demeurent au cœur de sa politique étrangère. Le rêve d’une voie française mitoyenne entre Moscou et Washington, orientation clairement gaulliste, continue de motiver la politique étrangère de la France sous VGE. Mais comme en politique intérieure, VGE cherche à rompre avec une certaine approche de la politique, en « l’américanisant » dans ses formes et en répudiant le caractère guindé et austère de la diplomatie gaullienne. Les déclarations à l’emporte-pièce de la période pompidolienne font place à une volonté consensuelle et un désir de prendre en compte les aspirations des alliés, mais aussi des adversaires. Cette modification, qui n’est pas que de pure forme, devrait mieux permettre, selon VGE, à la France d’occuper cette voie mitoyenne dont rêvait de Gaulle.

47 Mais le président devra s’adapter à une conjoncture peu favorable à la neutralité dont il rêve : du premier choc pétrolier au « coup de Kaboul », le septennat de VGE fut tendu, le climat de détente des années soixante laissant la place à un retour de la Guerre froide. En ce qui concerne la défense du territoire, VGE maintient le cap et le retour de la France au sein du commandement unifié de l’OTAN n’aura pas lieu, la majorité de la population et des élites tenant à ce que la France soit seule maîtresse de ses questions. Il en est de même du contrôle de l’arme nucléaire, en qui VGE voit la garantie de cette indépendance et les propositions américaines visant à intégrer la « bombinette » française au sein des forces stratégiques de l’OTAN essuieront les mêmes refus polis, mais fermes, que ceux que l’on entendait la décennie précédente.

48 Cela n’empêche pas Washington de continuer à faire pression de diverses manières, d’autant que le choc pétrolier de 1974 rend la France particulièrement fragile. Par exemple, alors que le pays s’engage dans une politique de développement de l’énergie nucléaire, Washington instaure en 1975 en embargo sur l’exportation d’uranium en direction de l’Europe. Il sera de courte durée, mais constituera un douloureux rappel à Paris de son statut international… Il en sera de même, avec le plan « Calcul » ou le Concorde, que les démêlés juridiques avec la ville de New York empêcheront de devenir une alternative à la domination de Boeing. Initiateur en 1975 à Rambouillet de ce qui deviendra le G7, VGE cherche à attirer de son côté ses partenaires européens pour contrer les pesanteurs de l’alliance américaine, sans grandement y parvenir, la RFA continuant de privilégier sa relation avec Washington.

49 VGE cherche donc à contrebalancer l’influence de Washington avec celle de Moscou. Au-delà de ce pragmatisme, les efforts de VGE s’inscrivent dans la conviction que seule la mort des idéologies sera en mesure de mettre fin aux risques d’un conflit militaire et que la France est bien placée pour jouer les intermédiaires. Il est d’autant plus enclin à le faire qu’il ne croît pas à une menace soviétique sur l’Europe. D’où sa méfiance à l’endroit de tout projet militaire européen qui pourrait susciter les craintes de l’URSS et la rendre agressive. De sorte que VGE poursuit la politique des rencontres bilatérales avec Brejnev, les deux hommes ayant l’occasion d’échanger dans ce cadre à 5 reprises au cours du septennat, deux fois à Paris, deux fois à Moscou et une fois en Pologne, cette dernière étant critiquée, se déroulant après l’invasion de l’Afghanistan et en pleine crise des « Euromissiles ».

50 Dans ses relations avec le reste du monde, la France poursuit la politique gaulliste d’ouverture, Paris ne pouvant renoncer à son rôle séculaire de « missionnaire de la civilisation », surtout que son exclusion du Grand jeu de la guerre froide provoque le besoin d’un dérivatif à ses ambitions internationales. Grâce à la liquidation en douceur de l’empire, la France a conservé des relations qui lui permettent de se donner le rôle d’un intermédiaire entre le monde développé et celui en développement, tout en tentant de s’assurer le contrôle des ressources naturelles. Les chocs pétroliers le conforteront dans cette démarche visant à réduire les points de friction entre les nations riches, mais déclinantes du nord et les nations pauvres du sud, en proie à une explosion démographique. C’est à ces objectifs qu’est consacrée la Conférence Nord-sud de décembre 1975 à Paris, qui n’aboutira cependant à rien de bien concret.

51 C’est pourquoi VGE va abandonner les grands- messes multilatérales pour se consacrer à l’amélioration des rapports de la France avec le Tiers- monde sur des bases bilatérales, élargissant le cercle des États concernés par ces discussions au-delà des anciennes colonies de l’empire. Cette politique aura son revers militaire, obligeant la France à s’impliquer sur le continent noir, comme à Djibouti en 1976, au Sahara occidental en 1977, au Tchad en 1978 ou au Zaïre, où elle soutiendra Mobutu, jugé nécessaire à la stabilité politique de la zone. Ici comme en Centrafrique, où elle soutient longtemps Bokassa, la France n’hésite pas à sacrifier l’idéal des droits de l’homme à ses intérêts économiques. Au Proche-Orient, VGE tente ici aussi de s’imposer comme un facteur de stabilisation, mais sa dépendance aux hydrocarbures rend la France plus sensible aux intérêts des États arabes.

52 Les relations de la France avec l’OLP et sa participation à la FINUL pour veiller au retrait des forces israéliennes du Liban constituent deux bons exemples de cette tendance interprétée à Tel-Aviv comme une marque d’hostilité. Mais il est un domaine dans lequel la politique étrangère de VGE va dans un autre sens que celle de De Gaulle : les relations intereuropéennes. Alors que ses prédécesseurs se montraient hostiles au principe de la supranationalité, VGE se montre favorable à l’accroissement de la légitimité (par la tenue d’élections au suffrage universel au parlement européen) et des pouvoirs des instances européennes, dont il est un partisan convaincu depuis le début. Il poursuivra cette ligne politique contre l’opposition des gaullistes et des communistes, et surtout l’indifférence de la population française.

53 Les premières élections en 1979 verront la victoire des tenants de la supranationalité. Les parlementaires européens se montreront reconnaissants envers la France pour son rôle en portant à la présidence du parlement de Strasbourg Simone Veil. En matière monétaire, VGE fut aussi très actif, s’alliant avec Schmidt pour soutenir une union monétaire entre les membres de la CEE, ce qui aboutit en 1978 à la création de l’ECU. L’élaboration d’une politique étrangère commune à l’union, qui se manifeste alors autour de la question palestinienne, doit aussi beaucoup au rôle actif de VGE. À la base de ces actions, il y a la consolidation de l’axe Paris-Berlin, qui doit beaucoup aux excellents rapports qu’entretiennent VGE et Schmidt, partageant tous deux le désir de voir l’Europe s’affranchir de sa trop grande dépendance à Washington.

54 3.2 – Les mandats mitterrandiens Tournant à gauche sur le plan intérieur, Mitterrand prétend aussi changer de position internationale. Mais si les Affaires étrangères ne sont pas le seul domaine dans lequel il se trouve en opposition avec ses propos, ici les contradictions atteignent un niveau remarquable. Car les présidents passent, mais les intérêts supérieurs de la nation restent. Sans exclure l’opportunisme de Mitterrand, l’impulsion donnée par De Gaulle à une politique d’équilibre entre les blocs, appuyée sur certains instruments de puissance (siège permanent au Conseil de sécurité, triade nucléaire, entre autres) fut tellement puissante qu’il est difficile d’en déroger. C’est que cette politique fut déterminée par le réalisme, la défense des intérêts français, mais en tenant compte des limites de ses capacités et du contexte mondial.

55 Comme la situation de la France au début des années 1980 ne se distingue guère de ce qu’elle était deux décennies plus tôt, l’idéologie socialiste proclamée par Mitterrand devra se plier aux impératifs de la réalité. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun changement par rapport aux deux décennies précédentes. Mais passé un bref moment après l’élection, ils vont plutôt dans le sens opposé à ce que l’on pouvait s’attendre d’un socialiste. Parmi les choses qui ne changent pas, on doit noter le désir de la France de maintenir l'autonomie de son parapluie nucléaire, en même temps qu'une distance respectueuse avec l’OTAN. Mais cette ambition d’autonomie a un coût assez élevé, car le maintien d’une force nucléaire autonome implique des efforts financiers importants pour la mise à niveau de l’arsenal.

56 En complète contradiction avec lui-même, Mitterrand s’engage dans une extension des essais nucléaires, au risque de tendre les relations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande et de s’aliéner sa base politique. L’attentant du Rainbow warrior en 1985 donne la mesure de ce à quoi est prêt le président pour maintenir la puissance nucléaire de son pays. Il en est de même des ventes d’armes à l’étranger. En 1981, Mitterrand avait accepté de visiter le salon du Bourget à la condition que les chasseurs français ne soient pas armés; deux ans plus tard, la France devient l’un des principaux fournisseurs d’armes du régime de Pretoria. Que s’est-il passé entre les deux? Rien de particulier, sinon la prise de conscience du fait que la France est le 3 e marchand d’armes au monde et que les revenus de ces ventes sont nécessaires à l’État.

57 L’interventionnisme dans le continent sud-américain, manifeste dans les quelques mois suivant l’élection de Mitterrand va lui aussi s’estomper pour laisser place à une attitude plus respectueuse de l’allié américain. Si le Nicaragua sandiniste a ainsi pu compter sur l’appui diplomatique de Paris en 1982, dès l’année suivante, la France se retire de la scène diplomatique pour laisser Washington gérer la situation à sa manière. Il en sera de même en Grenade en 1983. Ailleurs, la situation est semblable, car après avoir condamné la politique giscardienne d’entente avec les tyrans, Mitterrand comprend le pragmatisme dont avaient fait preuve ses prédécesseurs et poursuit une politique basée sur les intérêts nationaux, plutôt que sur des impératifs idéologiques. Issu de la gauche et conduisant un pays qui compte jusqu’en 1984 des ministres communistes, Mitterrand semble donné des gages aux Américains.

58 D’où ce paradoxe : le président le plus socialiste de la 5 e République est celui qui entretient les relations les plus distantes avec l’URSS. Au cours de ses deux premières années à titre de président, Mitterrand rencontre à six reprises son homologue américain, mais il attend 1984 pour discuter avec son vis-à-vis soviétique… Le réchauffement des relations franco-soviétiques à partir de 1984 tend à démontrer que l’attitude prudente de Mitterrand tenait à un désir de donner des garanties à Washington. Dès le départ des communistes, les relations avec Moscou s’améliorent. Mais cela dépend aussi de l’évolution de la situation internationale, alors qu’en 1984, Reagan lance le projet de Guerre des Étoiles et que quelques mois plus tard, Gorbatchev prend la tête du PCUS et entame sa politique de main tendue envers l’occident.

59 Au Proche-Orient, la politique de rééquilibrage est beaucoup plus périlleuse et difficile. Malgré les gages de « bonne volonté » qu’il donne à Israël, le passif des années précédentes continue de peser, de même que les engagements de la France auprès d’autres États du Proche-Orient. Le deuxième terme présidentiel de Mitterrand sera très difficile, car en disparaissant, l’URSS fait perdre à la France l’intérêt qu’elle a depuis De Gaulle tenté de présenter sur la scène internationale. Le jeu de bascule auquel le pays se livrait depuis les années 1960 se trouve interrompu, laissant la politique étrangère française désemparée et sans guide. Même avant l’implosion de l’URSS, le rapprochement américano-soviétique avait retiré à l’Élysée ses principales cartes, la France n’étant plus utile pour rapprocher les deux États qui se rapprochaient d’eux- mêmes.

60 C’est pourquoi, alors que le pays s’était toujours montré hostile aux aventures américaines, des forces françaises participeront à l’opération Desert Storm en 1991, suscitant une crise politique grave. La France se met en quête d’une nouvelle mission internationale, incapable de se résigner à n’être qu’une puissance parmi d’autres. Les participations françaises à diverses opérations militaires (guerres yougoslaves ou Rwanda) témoignent de cette volonté d’occuper un espace international, cette fois en se faisant le défenseur, dans le cadre du « devoir d’ingérence », des principes humanitaires. D’où l’incohérence : alors que la France critique la politique impérialiste américaine en se faisant le porte-parole de la résistance à l’hégémonie de Washington, elle emboîte de plus en plus le pas à son puissant allié, en l’accompagnant dans ses aventures militaires.

61 En ce qui concerne la construction européenne, les mandats Mitterrand sont aussi riches en contradictions. Membre du parti socialiste, très européaniste, Mitterrand est tiède devant le projet européen. Mais les réalités imposeront leur agenda, car il n’est guère possible pour la France d’avancer ses « solutions socialistes » à la crise sans tenir compte des réalités européennes. Contraint de trancher entre sa politique sociale ou la conformité avec les critères économiques de l’Europe, Mitterrand choisira la seconde option. La France a joué un rôle important dans l’élargissement aux États de la péninsule ibérique de la CEE, l’arrivée au pouvoir de socialistes à Madrid et à Lisbonne ayant favorisé l’apaisement des tensions. Acceptées en 1985, l’Espagne et le Portugal vont favoriser un rééquilibrage de la CEE au profit des États du sud qui, espère Paris, va réduire la prépondérance allemande et accroitre son rôle.

62 Ce ne sera pas le cas et l’Allemagne va continuer, à déterminer dans une large part l'évolution des institutions de l’Union. Néanmoins, en 1988, un Conseil franco-allemand de la Défense et un autre Conseil économique et financier confortent l’axe Paris-Berlin. Sur le plan institutionnel, Mitterrand joue un rôle important en 1984, alors que la France préside le Conseil de l’Europe, dans les négociations qui aboutissent à la révision du traité de Rome et à la signature, en 1986, du document qui donnera naissance en janvier 1993 à l’Union européenne. En 1991, l’Assemblée nationale approuve la ratification du traité de 1985 sur la mobilité des personnes, qui donne naissance à l’espace Schengen. L’année suivante, les 12 signent le traité de convergence économique conclu à Maastricht. Le texte fut soumis par référendum aux Français, qui l’approuvèrent à une mince majorité de 51 %.


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