La présentation est en train de télécharger. S'il vous plaît, attendez

La présentation est en train de télécharger. S'il vous plaît, attendez

Carl von CLAUSEWITZ, Théorie de la Guerre.

Présentations similaires


Présentation au sujet: "Carl von CLAUSEWITZ, Théorie de la Guerre."— Transcription de la présentation:

1 Carl von CLAUSEWITZ, Théorie de la Guerre.
Illustration : Portrait de Carl von CLAUSEWITZ par Karl Wilhelm WACH, vers 1830. Antoine ROUSSEL

2 Reproduction et utilisation interdites sans l’accord explicite de l’auteur ou du C.R.U.
Antoine Roussel : « Nature et théorie de la guerre dans l’œuvre de Carl von Clausewitz ». Conférence prononcée au lycée Chateaubriand de Rennes le mardi 18 novembre 2014. Mise en ligne le 30 novembre 2014. Antoine Roussel est membre du Centre de recherche des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC). © Antoine Roussel.

3 PLAN : INTRODUCTION Biographie intellectuelle ; Théorie de la Guerre ;
Théorie du Combat ; CONCLUSION

4 Entrée des souverains alliés à Paris, 31 mars 1814
INTRODUCTION : Entrée de Napoléon à Berlin, 27 octobre 1806 Entrée des souverains alliés à Paris, 31 mars 1814 Une œuvre incontournable dans la pensée militaire occidentale mais inachevée et difficile à interpréter : _ Nécessité de la replacer dans son contexte intellectuel. _ Fruit d’une expérience : double traumatisme de la défaite et du retour à la paix. Auteur incontournable de la pensée militaire occidentale, CLAUSEWITZ est notoirement difficile à interpréter et à maîtriser : souvent cité, peu lu, compris moins encore (Pierre NAVILLE). Cette difficulté tient surtout à l’incapacité d’ancrer la pensée de l’auteur dans un contexte intellectuel pertinent. Selon John LYNN, il ne s’agit pas d’entreprendre la lecture d’une œuvre exprimant une vérité éternelle mais plutôt de l’envisager comme un produit du mouvement culturel et intellectuel du romantisme allemand, qui lui-même ne peut être dissocié du paradigme intellectuel qu’il remet en question : le rationalisme des Lumières. La pensée clausewitzienne se présente donc comme le produit d’une époque et d’une expérience : _ Celle de la campagne de 1806, balayant en quelques semaine une armée prussienne qui avait érigé l’héritage frédéricien en dogme infaillible, CLAUSEWITZ s’affirme alors comme un héraut de l’« esprit d’Iéna », un réformateur dont la réflexion est uniquement tournée vers la reconquête du territoire national et de la souveraineté ; _ Celle de la victoire et du retour à la paix, où le réformateur devenu encombrant est relégué à des tâches secondaires et se tourne vers la théorie. Il faut se garder d’assimiler CLAUSEWITZ à un stratège de cabinet pratiquant la tactique sur carte, c’est une âme forgée dans l’action dont l’œuvre cherche justement à abolir la frontière entre théorie et pratique. Cependant, il laisse une œuvre inachevée dont il n’a publié qu’une très infime partie. celle-ci se présente comme les couches superposées d’une pensée en constante évolution donnant parfois l’impression de flagrante contradiction. Aussi la lecture d’une traduction imparfaite peut conduire à de graves erreurs d’interprétation. Illustrations : _ L’entrée de Napoléon à Berlin (27 octobre 1806) par Charles MEYNIER, 1810, Musée national du château de Versailles. _ Le passage des souverains alliés sur le boulevard Saint-Denis, le 10 avril 1814 par Jean ZIPPEL, Musée Carnavalet, Paris.

5 BIOGRAPHIE : Jeunesse et Formation :
1er juillet 1780 : Naissance de Carl Philipp Gottlieb von CLAUSEWITZ à Magdebourg, ville garnison de la Saxe prussienne. Magdebourg 1792 : fahnenjunker [porte-enseigne] à l’Infanterie Regiment Prinz Ferdinand Nr. 34 . : Campagnes des Vosges et du Rhin / Bataille de Valmy et siège de Mayence. Siège de Mayence : Garnison à Neuruppin dans le Brandebourg. Inf-Regt Nr. 34 Carl Philipp Gottfried (ou Gottlieb) von CLAUSEWITZ [Claußwitz], nait le 1er juillet 1780 à Magdeburg, ville garnison de la province prussienne de Saxe. Il appartient à une modeste famille originaire d’Oberschlesien en Silésie revendiquant une ascendance nobiliaire, que FRÉDÉRIC-GUILLAUME III reconnaîtra tardivement par un patent royal de Son grand-père Benoît Gottlieb était professeur de théologie à l’université de Halle et son père Friedrich Gabriel Clausewitz alors employé comme percepteur, détenait une commission de lieutenant durant la guerre de Sept ans avant d’être mis en congé à la fin des hostilités. Jusqu’à ses 12 ans, CLAUSEWITZ reçoit une éducation médiocre dans une Lateinschhule, puis grâce aux relations de son père il entre en 1792 comme fahnenjunker [cadet / porte-enseigne] à Potsdam au Infanterie-Regiment Prinz Ferdinand Nr. 34 [34e régiment d’infanterie du prince Ferdinand][2], tour comme ces deux frères aînés dont le futur lieutenant-général Wilhelm Benedikt von Clausewitz. Au sein de cette unité, il participe aux campagnes de la Première coalition ( ), nommé officier [leutnant / sous-lieutenant] à 13 ans en 1793, il reçoit son baptême du feu à Valmy et au siège de Mayence [Mainz]. Une campagne dans les Vosges du Nord et sur le Rhin qui marque durablement le jeune officier en jetant les bases de sa francophobie, mais l’amenant dés cette époque à remettre en question ses préjugés sur la nature de la guerre. Surprise face aux qualités des troupes françaises perçues comme « une horde de Huns ou de Vandales, une émeute en mouvement, une populace en expédition ». Après le traité de Bâle (27 octobre 1795) et la paix avec la France révolutionnaire, il rejoint sa garnison de Neuruppin dans le Brandebourg où il est promu oberleutnant [lieutenant]. [1] Certaines sources indiquent la date du 1er juin 1780, Clausewitz fut vieilli artificiellement pour satisfaire aux critères de recrutement dans le 34e régiment d’infanterie. [2] A la création du régiment le 28 juin 1740, le prince Auguste Ferdinand de Prusse, fils de Frédéric-Guillaume Ier et frère de Frédéric II, est nommé colonel de l’unité, celle-ci est habituellement cantonnée à Ruppin, le régiment sera dissous en 1806 à la mort du prince. Il existe alors deux modes de recrutement des officiers, une voie directe par l’admission dans une école de cadets et une voie semi-directe à l’ancienneté par l’incorporation dans un corps de troupes comme fahnenjunker. Après l’obtention de leur Abitur et le passage devant une commission siégeant à Berlin, l’aspirant officier était présenté par son père ou son tuteur à un chef de corps acceptant l’incorporation dans son unité, l’aspirant officier était affecté à un peloton comme simple soldat pour y apprendre les rudiments des exercices et le maniement des armes. Cette courte étape est cependant obligatoire et hautement symbolique, pour se distinguer de ces hommes, mériter de les commander il est nécessaire d’être capable d’exécuter les missions de n’importe quel soldat. Après avoir assuré quatre gardes il assure les fonctions d’unteroffizier sous l’observation des officiers du régiment qui décidaient par cooptation de son admission dans leur corps. Il est alors nommé fähnrich (enseigne), un grade intermédiaire conférant plus de charges que de privilèges, hormis une place en arrière de la ligne de bataille alors que le porte-enseigne est particulièrement exposé. Les enseignes servent généralement comme ordonnance auprès d’un officier ou d’un sergent, le passage au grade de lieutenant tient du miracle. Illustrations : _ Vue de Magdeburg et de la maison natale de Clausewitz. _ Table indicative de l’infanterie prussienne par Doepler, 1806. _ Siège de Mayence, aquarelle de Johann Friedrich Tielker d’après une peinture de J. G. Schütz, 1793.

6 BIOGRAPHIE : Jeunesse et Formation :
Machiavel Montesquieu Frédéric II Kant _ L’Art de la guerre, 1521. _ Considérations sur les causes de la grandeur de Romains et de leur décadence, 1734. _ Les Principes généraux de la guerre, 1748. _ Vers la paix perpétuelle, 1795. : Scolarité à l’Akademie für junge Offiziere der Infanterie und Kavallerie et affectation comme aide de camp du prince Auguste de Prusse. Remarqué par Scharnorst, il adhère à la Militär Gesellschaft [Société militaire] et rédige Strategie von Scharnhorst Prince Auguste Académie pour les jeunes officiers d’infanterie et de cavalerie Neuruppin, proche de Berlin et de Potsdam passe alors pour une des plus agréables garnisons de Prusse, de plus le contexte de démobilisation de l’armée laisse toute latitude aux officiers pour perfectionner leurs connaissances. Clausewitz assiste à des conférences sur la logique et l’éthique ; il lit MACHIAVEL, MONTESQUIEU, la littérature contemporaine sur la France révolutionnaire, découvre et médite l’œuvre de Frédéric II et plus particulièrement Les Principes généraux de la guerre ainsi que les écrits d’Emmanuel KANT. Ces penseurs exercent une influence majeure sur la pensée clausewitzienne [naissante], derrière leur apparente diversité, ils lui offrent les clefs pour comprendre le passage de la guerre des princes à la guerre des peuples ou de la guerre limitée à la guerre totale/absolue. Ils lui permettent d’appréhender les problèmes posés par l’irruption de la nation en armes dans le système de l’équilibre européen. MACHIAVEL comprend qu’un système international homogène [États adhérents aux mêmes valeurs], s’il a tendance à limiter la guerre ne saurait être assimiler à une forme de solidarité internationale, dans l’Art de la guerre, il ambitionne de doter l’art de la guerre de règles universelles en analysant la nature de la guerre à travers un approche anthropologique. De cette réflexion il conclu que la guerre obéit à une logique de puissance et que l’impérialisme est un état permanent, ainsi la guerre garantie la survie de l’Etat. L’armée idéale [sur le modèle de VEGECE] serait essentiellement constituée de fantassins (+ représentatifs de la société), adhérents au modèle politique et animés de la vertu de l’offensive. Le caractère provisoire de nombreuses œuvres de Clausewitz se traduit par un style aphoristique où les idées sont formulées sous la forme d’articles courts dans le style de MONTESQUIEU. Ces efforts portent leurs fruits et en octobre 1801 il est admis à l’Akademie für junge Offiziere der Infanterie und Kavallerie[1] [Académie des jeunes officiers d’infanterie et de cavalerie] de Berlin [Burgstraße 19]. Succédant à l’Académie des nobles et récemment réorganisée, elle est destinée à former les jeunes officiers au service d’état-major, elle alors placée sous la direction des colonels Levin GEUSAU et Gerhard von SCHARNORST. Ce dernier place le jeune CLAUSEWITZ sous sa protection et l’intègre à la Militär Gesellschaft[2] [Société Militaire] ; il rédige alors un premier manuscrit Strategie von 1804 qui demeurera inédit jusque dans les années 1930[3]. Après une brillante scolarité [il est reçu 1er de sa promotion à l’examen final de l’académie], CLAUSEWITZ est nommé aide de camp du prince FRÉDÉRIC GUILLAUME HENRI AUGUSTE de Prusse en 1804, sur la recommandation de SCHARNORST[4] ; ce neveu de Frédéric II lui donne accès à la famille royale, mais Clausewitz ne parviendra jamais réellement à gagner la confiance de Frédéric-Guillaume III. [1] Tout jeune officier ayant servi 7 à 8 ans dans un corps pouvait prétendre au concours d’entrée de l’Académie, après avoir obtenu l’autorisation et une lettre de recommandation de son chef de corps. Il obtenait alors un détachement provisoire d’un an, prolongé à trois ans suivant ses résultats [2] La Militär Gesellschaft [Société Militaire] est une association berlinoise dont le projet remontait à 1792, elle est créée par Gerhard von Scharnorst et les principaux responsables de l’éducation militaire le 2 juillet 1801 et ses statuts déposés le 24 janvier L’adhésion (payante) est strictement réservée aux militaires, comptant 7 membres à sa création, on dénombre 120 membres dés 1803 avec la création d’antennes, notamment à Potsdam animée par Christian von Massenbach et publie un bulletin. La société est essentiellement destinée à promouvoir les idées réformatrices de Scharnorst. Elle est dissoute en avril 1805 lors de la mobilisation de l’armée prussienne. [3] Strategie (1804–1809). Dieses Manuskript wurde erst in den 1930er Jahren entdeckt und ist erschienen in: Eberhard Kessel (Hrsg.): Carl von Clausewitz – Strategie aus dem Jahr 1804, mit Zusätzen von 1808 und 1809, Hamburg 1937. [4] Il n’existe pas à proprement parler de classement, les résultats de l’examen final sont tenus secrets en fonction de ceux-ci les officiers élèves sont recommandés pour un emploi conforme à leur aptitude. Illustrations : _ Portrait de Niccoló di Bernardo dei Machiavelli par Santi di Tito, XVIe siècle, Palazzo Vecchio, Florence. _ Portrait de Charles de Secondat, baron de Montesquieu (1728), d’après Jacques-Antoine Dassier, Musée national du château de Versailles. _ Portrait de Frédéric II de Prusse par Anton Graff, 1780, musée de Charlottenburg. _ Portrait d’Emmanuel Kant, anonyme, vers 1790. _ Portrait de Gerhard von Scharnhorst par Johann Friedrich Bury, _ Akademie für junge Offiziere der Infanterie und Kavallerie, Gravure anonyme, XIXe siècle. _ Portrait du prince Auguste de Prusse par Franz Krüger, 1817, Alte Nationalgalerie, Berlin.

7 BIOGRAPHIE : Jeunesse et Formation :
Frédéric-Guillaume de Schaumbourg-Lippe Fort Wilhelmstein lac de Steinhude Gerhard Johann David von SCHARNORST ( ). Officier hanovrien, issu d’une famille de propriétaires terrien, il fréquente l’académie militaire du comte de Schaumburg-Lippe établie dans le fort de l’Île de Wilhelmstein sur le lac de Steinhude et principalement destinée à former des artilleurs et des ingénieurs. Placé à la tête d’une principauté perpétuellement menacée d’annexion par les Hesse-Cassel et chargé de la défense du Portugal durant la guerre de Sept ans, ces deux expériences amènent ce dernier à formuler la théorie polémologique de guerre purement défensive qu’il regarde comme la seule praticable sur le plan moral. Au cœur de sa stratégie, on trouve le concept de « pays fortifié », combinant fortifications et armée permanente avec des milices paysannes. Il exerce ainsi une influence majeure sur le concept de « guerre nationale » mis en œuvre par Scharnorst et Gneiseau face à l’Empire français. Après sa participation aux campagnes de la Ire Coalition, ses projets réformateurs ne rencontrant que peu d’échos au Hanovre, il entre au service de la Prusse en 1801 et versé dans l’artillerie au grade de lieutenant-colonel avant de prendre la tête de l’Académie des jeunes officiers d’infanterie et de cavalerie. Anobli en 1804, promu colonel, il est affecté en 1806 à l’état-major du général Ernst von RÜCHEL, puis à celui du duc de BRUNSWICK. Blessé à Iéna, il est fait prisonnier avec BLÜCHER durant la retraite, bénéficiant d’un échange de prisonniers, il est chargé du commandement du train dans le corps du général L’ESTOCQ et combat à Eylau. Chargé après Tilsitt de la réorganisation de l’outil militaire prussien, il est évincé en juin 1810 à la demande de la France tout en conservant le titre de chef d’état-major. Lors de la retraite de l’armée française en Silésie, il organise la reprise des hostilités en 1813 et placé à la tête de l’armée de Silésie, blessé à Lützen, il meurt à Prague faute de soins adaptés. Illustrations : _ Portrait du comte Frédéric-Guillaum de Schaumbourg-Lippe par Joshua Reynolds, vers _ Fort Wilhelmstein, gravure par August Wilhelm Strack, 1787. Théorise une guerre purement défensive à la source du concept de « guerre nationale » mis en œuvre par Scharnhorst et Gneisenau . Sa stratégie est fondée sur le concept de « pays fortifié », combinant fortifications et armée permanente avec des milices paysannes. OCHWADT (Curd) (éd.), Wilhelm Graf zu Schaumburg-Lippe : Schriften und Briefe, 3 vol., Frankfurt am Main, Vittorio Klostermann,

8 BIOGRAPHIE : Défaite et Captivité :
1805 : Publication de « Bemerkungenüber die reine unde angewandte Strategie des Herrn von Bülow ode Kritik der darin enthaltenen Ansichten » dans la Neue Bellona. : Combat à Auerstaedt, fait prisonnier à Prenzlau. Durant sa captivité en France, il fait la connaissance de plusieurs membres du « groupe de Coppet » et rédige les Historischen Briefen über die großen Kriegsereignisse im October 1806. SCHLEGEL MÜLLER Bataille d’Auerstaedt En novembre 1805, Clausewitz est promu hauptmann [capitaine], dans l’année la revue militaire Neue Bellona publie dans ses pages ce qui est considéré comme sa première publication : « Bemerkungenüber die reine unde angewandte Strategie des Herrn von Bülow ode Kritik der darin enthaltenen Ansichten », un article anonyme critiquant les théories d’Adam Dietrich von BÜLOW. Comme la plupart des officiers de sa génération, confiant dans l’héritage frédéricien, il attend avec impatience l’entrée en guerre contre la France et le 29 septembre 1806 il écrit à sa future femme que seule la guerre lui permettra d’atteindre le bonheur. En octobre 1806, Clausewitz participe à la campagne contre l’Empire français. De nombreux contemporains, biographes ou commentateurs de son œuvre ont souvent remis en question l’aptitude au commandement de Clausewitz ; cependant il se signale par la prise du village de Poppel lors de la journée d’Auerstaedt (14 octobre 1806), inutile au vu du dénouement de la bataille, mais qui demeure le seul fait d’armes à l’actif des Prussiens. Durant la retraite, il est aux côtés du prince Auguste commandant l’arrière-garde de la colonne du prince de HOHENLOE, séparé du gros du corps d’armée par l’attaque de la division Beaumont du corps de cavalerie de Murat à Prenzlow [Prenzlau] le 28 octobre, le prince est contraint de capituler. Ce dernier est conduit à Berlin et présenté à NAPOLÉON, CLAUSEWITZ l’accompagne durant ses deux ans de captivité en France. Une détention lui permettant d’observer la société née de la Révolution et de comprendre la dynamiques d’où elle tire sa supériorité militaire. D’abord internés à Nancy (18 janvier à fin février 1807) puis à Soissons (1er mars 1807), le prince et son aide de camp bénéficient cependant d’un régime de faveur, lors de ses séjours parisiens, Clausewitz rencontre notamment Auguste von SCHLEGEL[1], avec lequel il se lie d’amitié et Germaine de STAËL qui les recevra à Coppet à l’été Cette captivité renforce sa francophobie alors qu’il apprécie particulièrement son séjour helvétique, l’Histoire de la Suisse de Johannes von MÜLLER (interdit en Prusse) devient une de ses lectures favorites. Clausewitz réfléchit sur les conditions de l’échec prussien, envisage un plan de campane dans la mesure où l’Autriche reprendrait les hostilités contre la France. Dans ses Historischen Briefen über die großen Kriegsereignisse im October 1806[2] [Lettres historiques sur les grands événements de la guerre d’octobre 1806] publiées dans la revue Minerva en janvier-février et avril 1807, il mène une réflexion où il assimile les Prussiens aux Grecs de l’Antiquité et les Français aux Romains, la supériorité de ces derniers réside dans la léthargie et le fatalisme des autres nations. En , Clausewitz compose un ouvrage basé sur ces articles : Nachrichten über Preußen in seiner größten Katastrophe[3] [Observations ou Notes sur la Prusse dans sa grande catastrophe][4], mais le contexte (retour à la paix et défaite française) ne se prête plus à la virulence du ton de l’auteur, l’ouvrage censuré ne sera publié que dans les années 1880. Chez CLAUSEWITZ c’est l’étude du principe révolutionnaire qui prime et non de la nouvelle stratégie mise en œuvre par Napoléon, qui n’est que le serviteur génial de ce nouveau principe et vaincu lorsqu’il se heurta au même principe. Lorsqu’il évoque la Révolution, CLAUSEWITZ l’assimile à un impérialisme fondé sur la supériorité démographique et économique. L’équilibre militaire ne pourra se rétablir qu’après le rétablissement de l’équilibre des politiques intérieures, par le biais de l’éducation et de la consitution. Lorsqu’un « principe nouveau » apparaît dans une puissance, il l’emporte sur les formes politiques et la stratégie obéissant au « jeu des intérêts limités » et s’impose partout, à ces moments révolutionnaires de l’histoire, la guerre elle-même devient révolutionnaire et l’existence même des Etats sera en jeu. Seule la reconnaissance de ce nouveau principe permettra de ce défendre contre la politique agressive qui l’accompagne. Clausewitz n’adhère pas à la thèse de l’équilibre européen, il avance que les intérêts des Etats forment de nœuds au sein desquels « la tendance de l’un équilibre celle de l’autre », il se forme ainsi une texture, un Tout et à chaque modification la résistance de cette texture doit être partiellement vaincue. Les rapports entre Etats servent d’avantage à maintenir ou rétablir ce Tout qu’à y produire des changements, toute modification ne pourra donc être que partielle, justifiée par un déséquilibre existant et ne touchant qu’un nombre réduit d’Etats qui verront leur conservation assurée par les intérêts généraux de tous les Etats. [1] August Wilhelm von SCHLEGEL ( ), philosophe, traducteur, critique, orientaliste hanovrien, un de principaux théoriciens du mouvement romantique [2] Historische Briefe über die großen Kriegsereignisse im Oktober 1806 (1807/08), in Auszügen abgedruckt in: Gerhard Förster (Hrsg.): Carl von Clausewitz – Ausgewählte militärische Schriften, Berlin 1981, S. 46–75. [3] Nachrichten über Preußen in seiner größten Katastrophe (1823/24), in Auszügen abgedruckt in: Gerhard Förster (Hrsg.): Carl von Clausewitz – Ausgewählte militärische Schriften, Berlin 1981, S. 76–124. [4] Notes sur la Prusse dans sa grande catastrophe, traduction de A. Niessel, Paris, Champ libre, 1976. Illustrations : _ Officiers prussiens aiguisant leur sabre sur les marches de la résidence de l’ambassadeur de France à Berlin. _ Portrait d’August Wilhelm von Schlegel, anonyme vers 1800. _ Bataille d’Aurstedt par Gaspard Gobaud, 1879. _ Portrait de Johannes von Müller par Anton Wilhelm Tischbein, Notes sur la Prusse dans sa grande catastrophe, traduction de A. Niessel, Paris, Champ libre, 1976.

9 BIOGRAPHIE : Clausewitz et l’« esprit d’Iéna » :
Commission de réorganisation militaire : Suit l’enseignement de KIESEWETTER. Devient Membre de la Militärorganisationskommission et constitue la Landwehr. : Affecté à la Preußische Kriegsakademie, chargé de l’instruction militaire du Prince royal de Prusse. Il épouse Maria von Brühl et adhère à la Deutsche Tischgesellschaft. FICHTE RANKE Alors que le prince AUGUSTE se charge spécifiquement de l’artillerie et du génie, CLAUSEWITZ est promu major en octobre 1810 et affecté au cours de tactique la Preußische Kriegsakademie [Académie militaire du Royaume de Prusse] où il succède à son condisciple et ami Carl Ludwig Heinrich von TIEDEMANN, également favorisé par Scharnhorst. Il y est spécifiquement chargé de l’éducation militaire du prince héritier de Prusse alors âgé de 16 ans, et futur roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse pour lequel il composera Les principes fondamentaux de la conduite de la guerre pour servir de complément à mon cours auprès de Son Altesse Royale le Prince héritier[1] avant son départ pour la Russie en 1812. Le 17 décembre 1810, il épouse Maria Sophia Gräfin von BRÜHL ( ), qui après la mort de son mari se chargera entre 1832 et 1837 de préfacer et publier son œuvre dont l’esquisse de Vom Kriege[2], nécessitant de l’aveu de Clausewitz une refonte complète. En outre ses relations avec l’élite intellectuelle et littéraire berlinoise permettent à Clausewitz de faire la connaissance d’Achim von ARNIM et de Wilhelm HUMBOLDT qui lui propose de se joindre au Symposium germano-chrétien. Il s’agit d’un groupe de discussion se réunissant toutes les deux semaines et comptant parmi ses membres l’élite des romantiques berlinois : Johann Gottlieb FICHTE, un des fondateurs de l’idéalisme allemand qui partage la fascination de Clausewitz pour la Révolution française jusqu’à avoir envisagé de se mettre à son service. … Contemporain de la naissance et de l’apogée du romantisme allemand, CLAUSEWITZ s’il n’était lui-même philosophe affichait un goût prononcé pour leur œuvre. Paradigme intellectuel remis en cause par le romantisme : le rationalisme des Lumières. Dans son ensemble, le mouvement des Lumières cherchait à établir les fondements intellectuels d’un système politique sans sanction divine, d’une religion sans mystère et d’une moralité sans dogme. La science y est perçue comme la clé du bonheur, elle doit devenir une force capable d’exploiter la nature et mettre le monde matériel au service de l’homme. Mais des romantiques comme Coleridge, Chateaubriand, Herder, Heine, Schelling et Hegel critiquent les Lumières (réaction au néo-classicisme, au mécanisme et au rationalisme de la pensée des Lumières) pour avoir consacré le mécanisme comme modèle explicatif des phénomènes de la matière, de la vie et de l’esprit. Les philosophes et scientifiques du romantisme allemand, Georg HEGEL, Wolfgang GOETHE, Friedrich et August SCHLEGAL ou l’historien Leopold von RANKE sont déterminés à considérer la nature et la société de façon holistique et rejettent la méthodologie analytique caractéristiques des Lumières … il faut connaître les limites du raisonnement analytique pour aborder un phénomène aussi complexe que la guerre. [1] Principes fondamentaux de stratégie militaire, rédigé en 1812 et destiné à la formation militaire du Prince de Prusse, traduction de Grégoire Chamayou, Paris, Mille et une nuits, 2006. [2] Vom Kriege, Hinterlassenes Werk des Generals Carl von Clausewitz, Bd. 1–3, bei Ferdinand Dümmler, Berlin 1832–1834 (hrsg. von Marie von Clausewitz). Illustrations : _ Militärorganisationskommission à Königsberg le 25 juillet 1807 (Boyen, Frédécic-Guillaume III,Gneisenau, Scharnhorst, Grolmann, Stein), par Carl Röchling, 1896. _ Portrait de Johann Gottlieb Fichte par Heinrich Anton Dähling,1808. _ Portrait de Léopold von Ranke par Adolf Jebens, 1875. _ Portrait du prince Frédéric Guillaume de Prusse [Frédéric Guillaume IV], miniature par Isabey, Principes fondamentaux de stratégie militaire, rédigé en 1812 et destiné à la formation militaire du Prince de Prusse, traduction de Grégoire Chamayou, Paris, Mille et une nuits, 2006

10 BIOGRAPHIE : La victoire et le retour à la paix :
: Rejoint l’armée russe durant la campagne de 1812, combat à Witbesk, Smolensk, la Moskowa. Signataire de la convention de Tauroggen. Officier de liaison puis chef d’état-major de la légion germano-russe durant la campagne de 1813. : Réintégré dans l’armée prussienne, combat à Ligny et Wavre durant la campagne de Belgique sous THIELMANN puis affecté sous GNEISENAU à Coblence. _ Der Feldzug von 1813 bis zum Waffenstillsland. _ Der Feldzug von 1812 in Russland. _ Der Feldzug von 1815 in Frankreich. _ Vom Kriege (1re esquisse). _ Strategische Beleuchtung mehrerer Feldzüge … Bataille de Ligny En mai 1812, CLAUSEWITZ refusant toute collaboration militaire avec les Français, rejoint les rangs de l’armée impériale russe, 300 officiers prussiens émigrent alors vers l’Espagne ou la Russie. Avant son départ il remet à Gneisenau une adresse patriotique, qui demeure inédite jusque dans années 1930 et publiées sous le titre de Bekenntnisschrift von 1812[1] [Confession de 1812]. Nommé lieutenant-colonel et adjudant du général PHULL[2] ; il participe aux batailles de Witbesk, Smolensk et de La Moskova [Borodino] sans toutefois occuper de poste de commandement pour lequel on le juge inapte en raison de sa grande timidité, impression sans doute imputable à sa méconnaissance du russe. Durant la campagne, il est envoyé à travers les lignes françaises et parvient à « retourner » le generalmajor Ludwig YORCK, futur graf von Wartenburg, alors commandant le corps auxiliaire prussien (21 000 hommes) intégré au Xe corps d’armée de MACDONALD. YORCK a-t-il reçu des consignes du roi ? Quoiqu’il en soit, CLAUSEWITZ apparaît comme signataire avec le général DIÉBITCH et le comte de DOHNA pour la Russie de la convention de neutralité de Tauroggen (30 décembre 1812). Le rôle de Clausewitz dans cette négociation renforce les préventions de la cour à son égard. Durant la campagne de Saxe, il sert comme officier de liaison russe auprès de l’état-major de Gebhard Leberecht von BLÜCHER puis en tant que chef d’état-major de la légion germano-russe et participe à la bataille de Leipzig où conduisant plusieurs charges de cavalerie il est blessé. Le 11 avril 1814, il réintègre l’armée prussienne avec le grade d’oberst [colonel] et participe à la campagne de Belgique (mars 1815) comme chef d’état-major du IIIe corps d’armée prussien du THIELMANN engagé au cours des batailles de Ligny et de Wavre. Clausewitz commence à consigner ses analyses sur les campagnes de la coalition, Der Feldzug von 1813 bis zum Waffenstillsland [La Campagne de 1813] est rédigé en 1813, suivi en 1814 de Der Feldzug von 1812 in Russland [La Campagne de 1812 en Russie], manuscrit qu’il achèvera après Sa veuve publiera ces deux manuscrits en 1835 dans un recueil contenant également ses travaux sur la Campagne de France rédigé entre 1816 et 1818[3]. Le retour à la paix rend les réformateurs indésirables, et tels Clausewitz (suspecté de libéralisme) ceux-ci sont fréquemment relégués à des tâches administratives et postes sans influence ; en 1816, il est affecté à Coblence à l’état-major de la VIIIe Armée de GNEISENAU. L’inaction mine Clausewitz, il rédige à cette époque la première version de Vom Kriege, ses Strategische Beleuchtung mehrerer Feldzüge[4] [Essais sur la stratégie …] qu’il achève en 1820 et assemble des éléments pour une biographie de SCHARNHORST qui sera publiée dans le [Journal historique et politique] de Léopold von RANKE[5]. [1] Bekenntnisschrift von 1812 (1812), abgedruckt in: Gerhard Förster (Hrsg.): Carl von Clausewitz – Ausgewählte militärische Schriften, Berlin 1981, S. 140–215. [2] Karl Ludwig von Phull [ou von Pfuel] ( ), officier général prussien. Débute sa carrière en 1777, intégré à l’état-major prussien dont il prend la tête en 1804 avant d’être promu generalmajor en Durant la bataille d’Iéna, il fait fonction d’aide de camp de Frédéric-Guillaume III. [3] Der Feldzug von 1812 in Russland, der Feldzug von 1813 bis zum Waffenstillstand und der Feldzug von 1814 in Frankreich, Hinterlassenes Werk des Generals Carl von Clausewitz, Bd. 7, bei Ferdinand Dümmler, Berlin 1835 (hrsg. von Marie von Clausewitz). Der Feldzug von 1812, fait l’objet d’une traduction à part en 2005 : La Campagne de 1812 en Russie, traduction de M. Bégouën, Bruxelles, Complexe, Der Feldzug von 1813 … et Der Feldzug von 1814 … sont traduits en français 1900, puis ce dernier manuscrit a fait l’objet d’une nouvelle traduction en 1972 : La Campagne de 1813 et la campagne de 1814, Librairie militaire Chapelot, Paris, 1900 ; Campagne de 1814, traduction de G. L. Duval de Fraville, Paris, Champ libre, 1972. [4] Strategische Beleuchtung mehrerer Feldzüge von Gustav Adolph, Turenne, Luxemburg und andere historische Materialien zur Strategie, Hinterlassenes Werk des Generals Carl von Clausewitz, Bd. 9, bei Ferdinand Dümmler, Berlin 1837 (hrsg. von Marie von Clausewitz). Strategische Beleuchtung mehrerer Feldzüge von Sobiesky, Münich, Friedrich dem Großen und dem Herzog Carl Wilhelm Ferdinand von Braunschweig und andere historische Materialien zur Strategie, Hinterlassenes Werk des Generals Carl von Clausewitz, Bd. 10, bei Ferdinand Dümmler, Berlin 1837 (hrsg. von Marie von Clausewitz). [5] « Über das Leben und den Charakter von Scharnhorst. Aus dem Rachlaffe des General Clausewitz », Historisch-politische Zeitschrift, 1re Année, Hambourg, Perthes, 1832, pp Illustrations : _ Les généraux York et Diebitsch concluant la convention de Tauroggen le 30 décembre 1812, gravure colorée vers 1880. _ Bataille de Ligny,

11 BIOGRAPHIE : La dernière campagne et l’œuvre inachevée :
: Promu major-général et affecté à la direction de la Kriegsakademie puis nommé inspecteur du 2e district d’artillerie de Breslau. Révision de l’esquisse de Vom Kriege. 16 novembre 1831 : Meurt du choléra à Breslau après avoir supervisé la mise en place d’un cordon sanitaire à la frontière de Silésie. GNEISENAU En mai 1818 ; il est promu au grade de generalmajor et nommer à la direction de la Kriegsakademie, second directeur de l’institution après Carl Andreas von BOGUSLAMSKI, il occupera le poste jusqu’en août 1830 sans d’ailleurs obtenir la permission d’enseigner. Douze ans qu’il consacrera à l’élaboration de sa théorie de la guerre et la rédaction de son œuvre maîtresse Vom Kriege. Il révise les six premiers livres de Vom Kriege et rédige la première version des livres VII et VIII entre 1819 et 1827 où il rédige Der Feldzug von 1815 in Frankreich[1] [La Campagne de 1815 en France][2] puis entreprend une révision générale de Vom Kriege. En 1830, le prince AUGUSTE lui obtient le poste d’inspecteur du 2e district d’artillerie de Breslau [Wroclaw] en Silésie. En mars 1831, CLAUSEWITZ est nommé chef d’état-major du maréchal GNEISENAU, commandant le corps d’armée d’observation déployé à la frontière orientale de la Silésie suite au déclenchement de l’insurrection polonaise (novembre 1830-octobre 1831). Cette révolte sera essentiellement réprimée par l’armée russe, dans le même temps la deuxième pandémie de choléra asiatique apparu aux Indes ravage l’Europe ( ). En 1831, le mal atteint les frontières de la Prusse, Gneisenau meurt le 23 août 1831, Clausewitz qui assure l’intérim est chargé de mettre en place un cordon sanitaire. Apparemment en bonne santé il regagne son commandement de Breslau et meurt du choléra (cause encore controversée) le 16 novembre 1831. [1] Der Feldzug von 1815 in Frankreich, Hinterlassenes Werk des Generals Carl von Clausewitz, Bd. 8, bei Ferdinand Dümmler, Berlin 1835 (hrsg. von Marie von Clausewitz). [2] Campagne de 1815 en France, traduction de A. Niessel, Paris, Champ libre, 1973. Illustrations : _ Portrait de August Neidhardt von Gneisenau par Franz Krüger, vers 1825.

12 La Théorie de la Guerre doit être une méthode et non une doctrine.
_ De la Guerre, traduction du major Nevens, 3 vol., Paris, J. Corréar, _ Théorie de la grande guerre, traduction par le Lieutenant-colonel de Vatry, 3 vol. Paris, L. Baudoin, 1886. Édition complétée et révisée par Jean-Pierre Baudet, Paris, Champ Libre, 1989. _ De la Guerre, traduction intégrale par Denise Naville. Préface de Camille Rougeon. Introduction de Pierre Naville, Paris, Les éditions de minuit, 1955. _ De la Guerre, traduction de Nicolas Waquet, Éditions Rivage poche, 2006. « Toute méthode qui fournirait des plans de guerre et de campagnes fixes et comme sortant tout prêts d’une machine devrait être rejetée sans condition. » JOMINI Fait significatif, Clausewitz est en règle générale étudié dans des pays ayant subi (ou craignant) une défaite. Jusqu’à la première guerre mondiale son influence en France, comme en Allemagne semble très partielle. Vom Kriege publié par sa veuve en 1832 ne bénéficie que d’un modeste lectorat durant les quarante années suivantes, l’œuvre est traduite en français en 1849 et en anglais en 1874 ; il faut néanmoins attendre 1955 pour disposer d’une traduction « convenable » de son œuvre[1] et se multiplient depuis les années Helmuth von MOLTKE le citait fréquemment comme l’une des principales influences intellectuelles et théoriques à avoir façonné sa pensée stratégique, mais ce n’est réellement qu’après 1945 que l’auteur s’affirme comme le confesseur de la pensée militaire d’outre-Rhin, d’abord en France, puis en Angleterre et aux Etats-Unis, mais dans une moindre mesure puisque leurs armées n’avaient pas connu l’expérience de la défaite. = Retour à l’étude de Clausewitz lorsqu’une approche mécaniste des règles ou des principes de l’art de la guerre apparaît insuffisante et que l’on éprouve la nécessité de cerner, comprendre la nature, l’essence même de la guerre. Clausewitz diffère de la majorité des théoriciens dans la mesure où sa réflexion ne se place pas d’emblée « à l’intérieur de la guerre » pour en déduire des recettes, règles ou principes ; pour Clausewitz, il s’agit du contraire d’une méthode : toute règle fixe est dépassée par l’évolution historique, l’esprit de système, la volonté d’établir des règles prétendument infaillibles bride le stratège et le conduit à la défaite. Le dessein fondamental de Clausewitz est de penser la guerre dans sa totalité et à partir de son principe, son objectif est de libérer la pensée stratégique des entraves des « théories » et de mettre fin à l’absurde différence entre théorie et pratique. Toute méthode qui fournirait des plans de guerre et de campagne fixes et comme sortant tout prêts d’une machine devrait être rejetée sans condition (De la Guerre, II, 5). Le principal rival contemporain de Clausewitz, Jomini, formule ainsi une théorie s’inspirant de l’empirisme et du positivisme visant à établir des lois de la guerre et de la stratégie qui pourraient s’appliquer de façon universelle avec une incidence limitée du contexte historique ou géopolitique. Pour Clausewitz le problème revient à trouver un fondement intellectuel à partir duquel le stratège pourra s’orienter, pour former ses propres décisions, en s’appuyant non sur des lois rigides mais sur une vue embrassant la totalité des phénomènes : La théorie doit être une réflexion, non une doctrine (De la Guerre, II, 2). = La théorie comprend c’est une enquête analytique, elle éduque l’esprit du chef de guerre pour l’amener à considérer la nature des moyens et des fins, elle guide sa spontanéité car la guerre n’est pas un mécanisme, mais une organisation vivante, compréhensible dans sa structure, mais non fixée dans le détails. La méthode de Clausewitz ne procède ni de l’empirisme, ni du rationalisme ; il s’agit d’une pensée conciliant la nature changeante de la réalité historique avec les exigences de l’esprit, désirant pénétrer cette réalité et la transformer par abstraction en schéma de pur calcul. = Une conception du rôle de la théorie qui en fait une véritable philosophie de la guerre et non un simple manuel. L’essentiel de l’œuvre de Clausewitz est dédiée à la formulation d’une œuvre stratégique au sens strict : son propos est de penser la guerre et une fois celle-ci située, c’est l’action militaire qui l’intéresse exclusivement. Il n’évoque le domaine politique que contraint, lorsqu’il constate que la guerre ne peut être comprise en elle-même et par elle-même, et l’action militaire (au niveau le plus élevé) elle-même ne peut se comprendre sans référence à la politique. Les théoriciens du XVIIIe siècle reconnaissent déjà qu’un objectif politique doit justifier la guerre ; cependant ils ont tenté d’établir une frontière entre politique, stratégie militaire et conduite de la guerre au commencement des opérations. Au contraire, Clausewitz affirme que loin de cesser ou de se modifier par la guerre le commerce politique …persiste dans son essence même et détermine, d’un bout à l’autre des opérations, les lignes générales suivant lesquelles les événements de la guerre. Si la guerre possède sa propre « grammaire », la politique lui fournie sa « logique » et il est vain de penser s’affranchir de la tutelle politique une fois la guerre en cours. Pour Clausewitz, elle exerce l’influence la plus décisive sur l’élaboration des plans de campagne, et souvent même sur le dispositif des batailles. La fin de la guerre se situe en dehors du domaine de l’action guerrière, dans le domaine politique, mais au lieu de se laisser déterminer par les nécessités de la guerre, en détermine la nature, les projets, l’exécution. La guerre est un acte politique et l’instrument de celle-ci, la guerre est le moyen et le moyen ne peut jamais être pensé sans la fin. A partir du moment où la guerre cesse d’être un instrument, ou pire si la politique est subordonnée aux nécessités de la guerre, elle détruirait jusqu’au concept de politique et conduirait à la défaite. CLAUSEWITZ refuse cependant de se prononcer sur les buts que l’homme d’Etat doit assigner à l’homme de guerre, mais dans une configuration idéale il faudrait que l’homme d’Etat fût également homme de guerre … [1] CLAUSEWITZ (Carl von), De la Guerre, Traduction intégrale par Denise Naville. Préface de Camille Rougeon. Introduction de Pierre Naville, Paris, Les éditions de miniuit, 1955. Illustration : _ Portrait du baron Antoine-Henri Jomini par George Dawe, vers , Palais d’Hiver de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. La Théorie de la Guerre doit être une méthode et non une doctrine. La pensée clausewitzienne vise à concilier la nature changeante de la réalité historique avec les exigences de l’esprit tendant à transformer cette réalité en schéma de pur calcul.

13 L’instinct naturel aveugle La libre activité de l’âme
Théorie de la Guerre : Historicisme et Dialectique / Totalité et Polarité La guerre est un caméléon, mais elle obéit à des tendances ou phénomènes se présentant sous la forme d’une trinité : L’instinct naturel aveugle Le peuple / La Nation Esprit populaire La libre activité de l’âme Le général en chef Vertus guerrières L’acte de raison Le gouvernement Dons du chef suprême Théorie de la Guerre Pour Clausewitz, la guerre est un caméléon, si sa nature est modifiée à la marge dans chaque cas particulier, elle obéit cependant aux tendances qui lui sont propres. Selon lui ces tendances ou phénomènes se présente sous la forme d’une trinité : _ L’instinct naturel aveugle qui renvoie à sa violence originelle et aux sentiments de haine et d’hostilité qui l’animent, il s’agit du domaine du peuple, de la Nation, la guerre ne se comprend que par référence à la situation des peuples non seulement à l’intérieur de leur État mais dans leurs rapports mutuels, le degrés de sa violence résultera donc des tensions intra-nationales et internationales ; or ces dernières sont le résultat de tensions révolutionnaires à l’intérieur des différentes communautés ; _ La libre activité de l’âme constitue le domaine du général en chef qui dans le jeu des probabilités et du hasard aura la tâche de transformer les passions du peuple en talents et vertus guerrières ; _ L’acte de raison, domaine du gouvernement qui devra fixer un but politique. La théorie de la guerre se maintient à l’état flottant entre ces trois centres d’attraction. Cette trinité est également l’expression des trois facteurs moraux qui constituent la supériorité d’une armée : dons du chef suprême, vertu guerrière de l’armée, esprit populaire de cette armée. Pour l’Etat deux facteurs de calcul entrent en ligne de compte : l’esprit du peuple et la qualité de l’armée, il est donc primordial pour un Etat sain que le gouvernement ne soit pas coupé de la nation. Cependant ce calcul reste extrêmement limité, CLAUSEWITZ note que les passions populaires peuvent prévaloir sur la raison politique. Influence de la philosophie de l’historicisme et du mode de pensée dialectique sur la pensée clausewitzienne : Totalité et Polarité. En résumé : la totalité n’existe que dans les oppositions qu’elle contient, et les polarités ne se comprennent que dans l’organisation vivante de la totalité. Au XVIIIe siècle prévaut la vision d’une histoire évoluant progressivement depuis l’Antiquité pour atteindre la perfection des Lumières, chaque période antérieure constituait une étape imparfaite menant à cet état final idéologique. L’histoire pouvait être ainsi utilisé pour découvrir des phénomènes réguliers et établir des lois historiques. RANKE conteste cette vision, il met en évidence que chaque domaine social et politique est le résultat d’un développement historique spécifique et doivent être étudié dans le contexte qui leur est propre. Il considère la société comme un organisme, un tout invisible, où la politique, la religion, la moralité et le système juridique sont liés de façon inextricable. CLAUSEWITZ applique cette vision à la guerre, où la partie et le tout doivent toujours être considérés ensemble, il s’agit d’une activité organique et non mécanique ; lui permettant ainsi de formuler le principe de non proportionnalité : les effets des causes se prolongent jusqu’à la fin de l’acte de guerre, l’action des moyens jusqu’au but final recherché et dans les deux cas peuvent modifier le résultat. CLAUSEWITZ renonce donc à indiquer les principes généraux qui ont présidé à la conduite de la guerre aux différentes époques (il se méfie des époques reculées pour lesquelles on ne dispose pas de données fiables) mais au contraire à montrer que, soumise à chaque époque à des conditions différentes, la guerre a pris chaque fois une forme et un caractère particuliers et que par conséquent à chaque époque correspond une théorie de guerre spécifique […]. On ne peut donc juger les événements militaires d’une époque et apprécier la valeur de ses généraux qu’en ayant à chaque fois égard aux principaux rapports et au caractère de cette époque. = La guerre est une totalité, au sein d’une totalité plus vaste, celle de la vie nationale, de la vie internationale, de l’histoire. Le mode de pensée dialectique est orienté vers la réalité, il s’agit de maintenir les opposés sous tension et non par une fuite métaphysique de les submerger dans une unité imaginée : si deux idées forment des contrastes logiques et dans la mesure où l’imperfection de notre esprit ne nous permet pas de les embrasser toutes deux du même coup … par le seul fait du contraste, la totalité de l’une dans la totalité de l’autre, l’étude de la première répand du moins déjà assez de lumière sur la seconde pour nous permettre d’en saisir de nombreuses parties. Note : Clausewitz n’avait pas connaissance de la pensée hégélienne. = Dualisme omniprésent dans la pensée clausewitzienne pour définir les formes particulières de guerre, de stratégie etc.

14 Théorie de la Guerre : Duopole Stratégie / Tactique et Dualisme Offensive / Défensive Théorie de la Guerre Guerre Absolue Limitée Guerres particulières Guerre Réelle Offensive (but positif) / Défensive (but négatif) Stratégie d’Annihilation Stratégie Bipolaire L’universalité de la théorie de la guerre se traduit par une multiplicité de guerres particulières : l’essence de la guerre demeure inchangée alors que se formes extérieures et ses dimensions matiérelles seront soumises à des changement continuels. La nature double de la guerre l’oriente sur deux formes principales en fonction des objectifs, ce que l’on veut obtenir par elle, la fin et ce l’on veut obtenir dans elle, le but : _ La guerre absolue ou totale visant à terrasser l’adversaire politiquement ou en le réduisant seulement à l’impuissance, pour le contraindre à conclure la paix à n’importe quelles conditions ; Pour CLAUSEWITZ, c’est encore la Révolution en tant que phénomène politique qui permet l’émergence de la guerre absolue. _ La guerre limitée où l’on se contente de quelques conquêtes à la périphérie de son propre territoire, que ce soit dans le but de les conserver, ou pour s’en servir comme monnaie d’échange en négociant ultérieurement la paix. La guerre absolue est un idéal, une abstraction qui gouverne la réalité : « du terrible glaive de la guerre, la politique fait une épée légère, parfois un simple fleuret ». La guerre réelle n’est jamais la guerre absolue (aucun Etat ne met consciemment en jeu en son existence), son intensité est déterminée par l’importance de l’enjeu, sa compréhension par le chef d’Etat et le chef de guerre. De cette dualité résulte le paradigme clausewitzien de la stratégie soit deux types de stratégie : la stratégie de l’annihilation et la stratégie bipolaire. _ Dans la guerre absolue, les actions se pénètrent et se poursuivent sans entracte, … la multiplicité des actions réciproques entre les deux adversaires et la succession des combats, le point culminant que la victoire ne peut dépasser et au-delà duquel commence le domaine des pertes et des défaites, toutes les particularités, en un mot, qui constituent le caractère de cette forme de guerre font qu’on n’y peut rien considérer qu’un résultat, le résultat final. Dans la stratégie d’annihilation, tout est subordonné au résultat final et jusque là rien n’est décidé, rien n’est gagné, rien n’est perdu. _ Dans la guerre limitée, la stratégie bipolaire (d’usure) se caractérise par des résultats isolés dont chacun à sa valeur individuelle et n’exerce aucune influence sur les résultats qui le précède ou qui le suivent … l’issu de la guerre dépend donc du nombre des résultats obtenus dont chacun est porté à l’actif du gagnant sur la marque du jeu. Puis CLAUSEWITZ aborde la relation entre un duopole connexe : la stratégie et la tactique. L’ « art militaire » se divise entre tactique et stratégie, La tactique est la théorie de l’emploi des forces au combat alors que la stratégie est celle de l’emploi des combats en vue de la décision finale[1]. Clausewitz assimile le combat au domaine de l’engagement, son but est la destruction ou la défaite de l’ennemi. A l’inverse, il n’y a pas de victoire en stratégie, le succès stratégique prépare la victoire, le succès tactique, plus il est grand, moins la victoire au cours de l’engagement sera douteuse. La stratégie est une abstraction, un comportement virtuel, il s’agit du pont mental et intellectuel reliant la politique et la grammaire de la guerre, l’art opérationnel et la tactique. Peu de chefs ont les capacités de briller dans ce rôle car les difficultés de la stratégie ne se manifeste que dans les sous-systèmes de la guerre et des conflits. Le stratège est un joueur et un artiste confronté à l’omniprésence de l’incertitude et aux frictions (tout ce qui échappe à des régularités déterministes), son « génie » (au-dessus des règles de tout positivisme) doit lui permettre de découvrir l’unité sous-jacente cachée dans la foule des phénomènes apparemment isolés et en conflit. La pensée clausewitzienne est également structurée par le dualisme offensive / défensive, influencé par SCHARNHORST, il pose la défensive comme la forme la plus puissante mais animée par un but négatif alors que l’offensive est la forme la plus faible mais animée d’un but positif. Il convient donc d’adopter la défensive lorsqu’on est le plus faible mais également de l’abandonner pour l’offensive lorsque le rapport de forces s’inverse, du moins lorsqu’on devient assez fort pour viser un but positif. De ce dualisme CLAUSEWITZ déduit le concept de point culminant qu’il évoque déjà dans sa définition de la stratégie d’annihilation. Ainsi il n’existe qu’un nombre réduit d’attaques stratégiques conduisant directement à la paix, la majorité conduit au point culminant de l’offensive : au point extrême où les forces suffisent encore pour se maintenir sur la défensive en attendant la paix. Au-delà de ce point commence le revirement, le choc en retour, dont la violence est en général de beaucoup supérieure à celle du choc lui-même. Les guerres agressives qui s’achèvent par un succès furent entreprises en vue d’un objectif limité alors grandes guerres offensives se terminèrent par la défaite de leur instigateur. Il ne faut pas en déduire que les Etats doivent se limiter à une stricte politique défensive et passive au contraire CLAUSEWITZ encourage les guerres préventives s’il s’agit d’une entreprise à objectif limité. = Une saine politique est défensive dans son essence ; toute agression illimitée dans ses fins déchainera une violence généralisée. Dernier rapport dialectique, celui entre les forces morales et physiques, révélateur de l’anti dogmatisme de l’auteur. Clausewitz soutient que les théoriciens et praticiens bien que conscients du rôle des forces morales ont cherché dans leurs travaux sous couverts de règles scientifiques à minorer l’incidence négative potentielle du facteur psychologique. Pour reprendre son analogie, les forces physiques constitueraient la hampe de bois de la lance alors que les forces morales constitueraient la lame acérée, le fin métal, l’arme véritable. CLAUSEWTIZ reprochent aux autres théoriciens de chercher à établir des grandeurs déterminées alors que tout est indéterminé à la guerre. Ils ne concentrent leur attention que sur des grandeurs matérielles, tandis que l’acte de guerre est incessamment soumis à des forces morales et produit incessamment des effets moraux … la guerre est l’effet réciproque constant de deux activités opposées. [1] Les niveaux de la stratégie sont aujourd’hui définis comme la stratégie globale, la stratégie militaire, la stratégie des moyens, l’art opératif et la tactique. Tactique : Victoire par la destruction ou la défaite de l’adversaire

15 Analyse de la « guerre réelle » : Morphologie de l’étude :
Théorie du Combat Analyse de la « guerre réelle » : _ Théorie du Combat. Traduction de Thomas Lindemann, Paris, Economica, 1998. _ Théorie du Combat, précédée de l'Enseignement militaire au prince de Prusse. Traduction de Jean-Baptiste Neuens , Paris, Astrée, 2013. Une analyse reposant sur l’acteur du combat : principe intangible fondant toute réflexion sur la guerre. Morphologie de l’étude : Théorie du combat est un texte essentiel de CLAUSEWITZ dans la mesure où il complète et explique nombre de ses publications ultérieures. Le manuscrit original est un plan détaillé intitulé « Fragment de plan pour la tactique ou la théorie du combat », sur de nombreux points il annonce les Principes de la guerre formalisés ultérieurement par FOCH. La genèse de ce texte est assez obscure vraisemblablement rédigé après 1812 et avant À l’origine il devait constituer le volet tactique d’un triptyque formé par Vom Kriege, le traité de la grande guerre et un traité de la petite guerre, inspiré du cours donné à la Kriegsakademie Le manuscrit est résumé et traduit en français dés 1835 par un officier polonais au service de la France : Louis de Szafraniec Bystrzonowski, à la demande de Charles duc d’Orléans. Ce texte traite d’une « Théorie de la victoire » et des moyens pour y parvenir, du rapport entre offensive et défensive, de l’élaboration d’un plan de combat sous la forme de plus de 604 idées listées et plus ou moins développés en quelques lignes. Un texte au caractère unique qui réduit jusqu’à l’épure la méthode clausewitzienne, il enchaîne les propositions et développe un raisonnement logique et abstrait se gardant de toute conception mécanique du combat sans un quelconque recours à des situations historiques où à sa propre expérience. Il s’agit bien d’analyser une guerre réelle en tenant compte des forces morales, des facteurs qui échappent à toutes les régularités déterministes. Comment caractériser la bataille ? Le choc définitif de deux armées qui se disputent de grandes questions de politique et de stratégies. La bataille représente la décision militaire à l’état pur. John KEEGAN a suggéré une définition idéale de la bataille « quelque chose qui intervient entre deux armées menant à la destruction morale puis physique de l'une ou l'autre d'entre elles ». Son essence réside donc dans l’affrontement de deux masses humaines formées de combattants. L’homme, acteur du combat est le principe intangible qui fonde toute réflexion sur la tactique. Quelque soit l’époque, le système d’arme, le combattant est toujours là, il expérimente le doute, la peur, le courage, et divers sentiments face à l’ennemi. Cette expérience crée des besoins que le chef, le théoricien doit comprendre et satisfaire pour optimiser son outils de guerre et le conduire à la victoire. Le combattant ressent le besoin d’être couvert et appuyer sur ses flancs, ses arrières, mais également de savoir qui il va combattre, donc d’être éclairer. La compréhension de ces besoins dessine progressivement l’articulation des forces en un système cohérent : avant-garde, front, flancs, réserve. Par le choc, le feu et la manœuvre, le soldat doit détruire son adversaire et créer la rupture dans le combat de l’ennemi. La bataille se livre donc en une multitude combats individuels où s’expriment les forces morales de combattant à combattant. Mais c’est la force morale du chef qui lie les combats individuels pour les faire concourir à un but unique. Une définition idéale de la bataille paraît donc difficile à établir. Mais le terme de combat admet un nombre étendu de variables. C’est un duel, un duel entre combattants, un duel entre deux chefs. Morphologie de l’étude : L’étude de CLAUSEWITZ est divisée en 8 chapitres, les 7 premiers (N°1-219) abordent des notions fondamentales, les types de combat alors que le 8e (N°220a-604) se distingue par sa vocation « pratique » en abordant l’emploi et la conduite des forces (ordre de bataille, ). Après avoir abordé la nature du combat, le rôle des forces morales et les combats individuels dans les 2 premiers chapitres pour démontrer les limites d’une approche purement mécanique, l’auteur propose trois étapes dans l’analyse d’un combat : L’objectif du chef, la finalité du combat, c’est-à-dire la victoire et ses causes (3e et 4e chapitres). Puis les moyens de la victoire, soient le combat (types, finalité et stade) et le plan du combat (5e, 6e et 7e chapitres). Enfin la direction, phase où le combat s’affranchit du plan (dernier chapitre). _ L’objectif, la finalité du combat : la victoire ; _ Les moyens de la victoire : le combat et le plan du combat ; _ La direction : phase où le combat s’affranchit du plan.

16 Théorie du Combat La victoire :
La victoire sur l’ennemi constitue la finalité du combat. Celle-ci est souvent associée à une notion de temps comme si l’on pouvait l’isoler et la définir comme un moment précis. Il faut envisager le concept de victoire comme une dynamique, un enchaînement et non un événement. Ainsi l’impact de la victoire est relatif à la durée de l’effort fourni pour l’atteindre. Plus le combat sera bref et économe en hommes et en matériel, plus la victoire a de chances d’avoir un impact positif et inversement. Comment identifier la victoire de niveau tactique ? La victoire tactique est de nature diverse, obtenue dans le cadre de la bataille, elle est soumise à différents degrés, sensibles selon sa portée. Cette victoire est identifiable par la capitulation ou la retraite de l’ennemi : le chef victorieux reste « maître du terrain ». Un chef ne capitule que si toute possibilité de retraite lui est interdite. Dans le cas contraire, il peut rompre le combat pour deux types de causes. Dans un premier temps les causes liées au combat : il se retire s’il a subi des pertes trop importantes ou s’il prévoit des pertes inconciliables avec son objectif ou encore si une part importante de ses troupes se débande et perturbe son dispositif. Des causes extérieures peuvent également intervenir : de nouveaux ordres ou des informations ne justifiant plus l’objectif du combat. La portée de la victoire dépend en premier lieu de la quantité et de la qualité des troupes contre laquelle elle a été remportée. Ensuite l’importance d’une victoire est évaluée selon sa finalité immédiate, c’est-à-dire le gain qu’elle représente : la destruction des forces de l’ennemi, la prise d’une position importante pour la suite des opérations, etc. La portée de la victoire tactique est évaluée en fonction de sa contribution à la victoire de niveau opératif ou stratégique. Il s’agit ici de la dynamique de la victoire, au niveau tactique elle revient donc à priver l’adversaire d’options et à acquérir ou conserver l’initiative. La victoire tactique doit conduire l’adversaire à renoncer au combat suivant. La victoire est une dynamique, elle revient à priver l’adversaire d’options, à acquérir ou conserver l’initiative, à conduire l’adversaire à renoncer au combat suivant.

17 La combat et le plan du combat :
Théorie du Combat : La combat et le plan du combat : Combat = Détruire l’adversaire Acte Destructeur / Acte Décisif / Acte d’Exploitation Combat par le feu par le Choc Finalité et Moyen Offensive (but positif) / Défensive (but négatif) Le moyen de la victoire englobe deux concepts intimement liés, le combat et le plan du combat. On distingue traditionnellement deux formes de combat, le choc et le feu. Tous deux concourent au même objectif : détruire l’ennemi. Le combat tactique suppose qu’une fois la « destruction » opérée, il subsistera toujours des forces ennemies aptes au combat résiduel. Cette destruction peut s’opérer à différents niveaux, elle peut être d’ordre physique ou moral, Clausewitz accorde d’ailleurs la primauté à la destruction du « courage de l’ennemi ». Au sens pur, l’unité ennemie est annihilée ou rendue inapte à toutes formes de combat sans envisager de la reconstituer. Ainsi la destruction tactique rend l’unité incapable d’opérer à son niveau de manœuvre. La destruction systémique diffère en ce qu’elle vise la capacité à opérer de manière coordonnée. Le combat par le feu ou le choc ne peuvent obtenir isolément la destruction de l’ennemi. Le principe d’un combat à feu est de forcer l’ennemi à la retraite par une concentration des feux et s’éviter un combat au corps à corps pour lequel on ne se sens pas équipé. Dans le cas d’un combat au corps à corps, l’action est si violente que la capacité de destruction d’une unité est affaiblie et limitée. On observe ainsi que pour les deux types de combat la destruction de l’ennemi est à la fois la finalité et le moyen. La finalité est donc obtenue par une combinaison des moyens. Le combat à feu vise la destruction tactique de l’ennemi puis le choc achève la destruction totale de ses forces. Tout combat se traduit également par deux comportements, l’offensive et la défensive. Défenseur ou attaquant ont en commun la volonté de vaincre à la différence que l’attaquant veut le combat et le défenseur l’accepte. Le défenseur se résigne au combat lorsqu’il perçoit que l’équilibre de l’initiative est menacé par l’attaquant. La défensive est saturée, il n’y a plus d’avantage à la faire durer. Ainsi, les attitudes offensives ou défensives n’influencent pas seulement le déroulement du combat mais conduisent à son déclenchement. Bien que tout combattant ait une préférence instinctive pour la défensive, le chef qui détient l’initiative adopte l’offensive. L’offensive peut être qualifiée de comportement positif puisqu’elle suppose un gain, la conquête ou le contrôle d’un objectif ; par opposition, la défensive est alors un comportement négatif puisqu’elle est adoptée par celui qui détient l’objectif convoité par l’assaillant. Seule la finalité de la défensive est négative, ses moyens puisqu’ils supposent de détruire l’ennemi sont positifs. Ainsi la défensive bénéficie de trois avantages sur l’offensive : elle peut être efficace malgré un rapport de force défavorable, la défensive est continue dans le temps alors que l’offensive marque des temps d’arrêt et enfin le défenseur bénéficie d’un ascendant moral sur l’assaillant. Le combat peut se décomposer en trois actes : l’acte destructeur, l’acte décisif et l’acte d’exploitation. L’objectif de l’acte destructeur est d’amener l’ennemi dans la configuration recherchée pour déclencher l’acte décisif. Donc d’obtenir un rapport de force favorable : par une destruction physique de l’ennemi, et/ou par son épuisement physique, matériel ou moral. Plus les effectifs engagés au cours de cette phase seront importants, plus les destructions obtenues seront conséquentes et plus cette phase devra se prolonger dans le temps pour obtenir le rapport de force recherché. Le combat par le feu dominant cette phase, le chef doit viser l’économie des forces en vue de l’acte décisif. L’acte destructeur est livré au moyen de combats partiels qui suivent eux-mêmes le schéma du combat général ; leurs objectifs sont limités comme la prise d’une position objective ou la mise hors-jeu de l’artillerie adverse. Certains de ces combats partiels doivent créer les conditions nécessaires à l’acte décisif. Si le chef doit viser à l’économie des forces sur l’ensemble de l’acte destructeur, il doit en revanche assurer à ses subordonnés chargés de ces combats partiels déterminants une relative supériorité numérique. L’acte de décision collectif repose ainsi sur quelques actes isolés relevant de grandes unités. Cet acte correspond à l’action qui annule définitivement l’équilibre entre les deux forces : il enlève à l’un des chefs tout espoir de rétablissement et le conduit à la retraite ou à la destruction de ses forces. L’acte décisif ne peut provenir que d’une attitude positive : attaque ou engagement des réserves, mais multiforme, il peut s’agir d’un combat partiel poussé à son avantage, d’une attaque généralisée sur le front ennemi ou au contraire concentrée sur un point du dispositif, il peut mêler combat à feu et combat au corps à corps ; bien que généralement cet acte soit dominer par le corps à corps. Le déclenchement de l’acte décisif relevant de la notion d’opportunité. Pendant l’acte destructeur, le chef doit viser l’économie des forces ; au déclenchement de l’acte décisif, il doit s’assurer la supériorité numérique. Si jusque là l’équilibre a été préservé, la décision peut être obtenue par l’attaquant ou le défenseur. Si l’équilibre a été rompu en faveur de l’attaquant, il déclenchera l’acte décisif. Si l’équilibre a été rompu en faveur du défenseur, l’attaquant déclenchera tout de même l’acte décisif. Dans les cas ou le défenseur subit l’acte décisif, il passera en défense active pour tenter de reprendre l’ascendant ou prépare sa retraite : les avantages de la défense (position, ordre, surprise) s’épuisant successivement durant l’acte destructeur.

18 Le temps : durée , fréquence, séquence.
Théorie du Combat : Le temps : durée , fréquence, séquence. Potentiel Temps Courbe théorique Courbe réelle Friction Point culminant Force morale Potentiel Temps Fréquence Attrition Le combat doit bénéficier d’un ensemble de conditions favorables. Ces conditions se rapportent à l’espace, au temps et à l’ennemi. La recherche de ces conditions composent la phase de raisonnement tactique du chef et lui permet de saisir l’initiative. Tout combat s’inscrit dans le temps, c’est le domaine de l’attaque. Celui-ci se divise en quatre dimensions : la durée, la fréquence, la séquence et l’opportunité. La notion de durée renvoie à celle de seuil : toute action entreprise nécessite un temps minimum pour être accomplie. La durée-type d’action d’une unité s’étale d’un seuil minimum à un seuil maximum, elle y développe un potentiel théorique. Ce potentiel est réduit par la friction, si bien qu’une unité emploie rarement au-delà de 50% de son potentiel. Si l’action est finalisée en deçà du seuil minimum ou au delà, elle n’obtient pas l’effet escompté. Parvenue au seuil maximum, l’unité a consommé son potentiel, elle doit récupérer et être réorganisée avant d’être réengagée. La fréquence correspond au nombre d’actions réalisées en un temps donné. La fréquence des actions soumet une unité à l’attrition : au fil de celles-ci elle voit son potentiel théorique diminuer jusqu’à l’annihilation complète de l’unité si elle n’est pas reconstituée. Dans un système homogène (unité à une seule arme), le chef peut produire au sein de la fréquence un effort majeur en engageant la totalité de ses forces ou un effort soutenu en engageant ses sous-unités successivement. Dans un système hétérogène (unité interarmes), la fréquence se complexifie par les durée-types différentes des sous-unités. La séquence permet d’ajuster ces fréquences, elle permet le phasage des actions ; les déclencher au moment opportun de la séquence pour obtenir la puissance escomptée. La maîtrise de la séquence concoure donc à maîtriser l’initiative. Dans chaque séquence une unité peut atteindre la notion de point culminant. L’unité « culmine », elle engage la totalité de ses forces (réserves comprises), cet instant devient potentiellement décisif. Dans un combat deux séquences s’affrontent, leurs points culminants sont rarement synchrones, la durée les séparant correspond au moment ou le rapport de force s’inverse : le point culminant relatif. La notion d’opportunité découle donc de la séquence. Revenons aux phases : dans la première phase du combat l’initiative est indécise, elle n’appartient à personne. Le chef doit confronter sa séquence à celle de l’ennemi. Le décalage entre les séquences lui permet de déterminer quels moments lui sont plus favorables qu’à l’ennemi, et constituent des opportunités. Ce moment doit être saisi en offensive et couvert en défensive. Saisir l’initiative correspond donc à exploiter une opportunité. En revanche, calquer sa séquence sur celle de l’ennemi n’abouti qu’à une annulation réciproque des efforts. L’analyse de l’ennemi est indispensable à toute réflexion tactique. Elle doit déboucher sur des hypothèses permettant de bâtir sa manœuvre et de décrire l’ennemi à l’intention des subordonnés. L’analyse débute par l’identification de l’ennemi, cette notion renvoie à celle de fréquence. Le chef doit déterminer s’il combat une partie ou la totalité de l’effectif ennemi et pendant combien de temps. Cette question doit se poser à chaque niveau ou zone de responsabilité : ne pas combattre l’ennemi dans sa tranche physique ou temporelle revient à se tromper de combat. De l’identification de l’ennemi, le chef doit déduire ses intentions. Il détermine quelle partie du dispositif ennemi est chargée de l’effort. Si celle-ci est déjà engagée ? Si elle est autonome ou si elle bénéficie d’un soutien et si c’est le cas dans quelle mesure ? Dans tous les cas, il faut clairement différencier l’intention de l’action : l’intention générale peut être défensive alors que l’action d’un subordonné est offensive. Par sûreté il faut toujours envisager deux modes d’action ennemis possibles. Le chef doit rejeter tout mode d’action qui ne s’oppose pas à sa propre mission et ensuite les réduire à deux variantes. Suite à cette phase analytique, le chef entreprend l’évaluation des moyens de la victoire : il définit son plan. Le plan du combat unifie les combats individuels et ceux des différents échelons, il constitue une trame en définissant les orientations, les jalons pour atteindre l’objectif du combat, la poursuite de cet objectif confère son unité au plan. Relèvent donc du plan, les décisions prisent à l’avance, à l’ouverture et pendant le combat. Les premières constituent le plan au sens étroit ; les secondes sont des directions prises en fonction du plan initial selon la pression de l’action. Pour passer de la situation à la décision, le chef structure son plan autour de l’acte décisif du combat ; le chef doit déterminer parmi les possibilités sur quelle fraction de l’ennemi il portera. Voir caractéristique de l’initiative : unicité / transitivité / mortalité. En résumé, l’acte décisif vise une fraction de l’ennemi déterminante pour son plan en un lieu et à un moment donné. Ce qui amène une interruption de la séquence de combat de l’ennemi et donc une perte totale de son potentiel de combat, il est le point focal, le pivot de la manœuvre. Entre le début du combat, l’acte décisif et l’objectif du combat, il subsiste deux vides que la manœuvre doit combler. La manœuvre est définie par le moyen ou l’ensemble des moyens mis en œuvre pour atteindre un but, par extension elle désigne les évolutions prescrites à des fins tactiques. La manœuvre n’est pas un combat, même si elle se sert du combat et sert le combat. Il faut ainsi différencier la victoire par le combat de la victoire par la manœuvre ; par le combat, elle vise à la destruction des forces de l’ennemi alors que la victoire par la manœuvre vise à limiter ces pertes. L’objectif de ce type de victoire n’est plus tactique mais stratégique. Ainsi les lois du combat ne s’applique pas à la manœuvre et réciproquement, ce qui n’interdit pas pour autant les combinaisons entre les deux. Le domaine de la manœuvre c’est l’articulation et le maniement des forces. L’articulation d’une force joue un rôle fondamental dans son efficacité tactique.

19 Conclusion Chaque guerre est un phénomène complexe et non linéaire, la recherche de solutions exactes et analytiques ne cadre pas avec la réalité des problèmes soulevés par les conflits. Si les enseignements de CLAUSEWITZ livrent clairement de grandes leçons sans égards à leur contexte intellectuel, la seule démarche fructueuse pour approfondir sa pensée, consiste précisément à situer l’auteur dans le contexte intellectuel approprié et ne pas le réduire au stratège de l’anéantissement et de la guerre absolue alors qu’il apparaît désormais comme un théoricien de la dissuasion et de la guerre limitée.

20 BIBLIOGRAPHIE / SITOGRAPHIE :
_ ROQUES (Paul), Le général de Clausewitz ; sa vie et sa théorie de la guerre d’après des documents inédits, Paris, Berger-Levrault, 1912 [2nde éd., Paris, Astrée, 2013]. _ ARON (Raymond), Penser la guerre, Clausewitz, Paris, Gallimard, 2 vol., 1976. _ DURIEUX (Benoît), Relire de la guerre de Clausewitz, Paris, Economica, 2005. _ BARDIÈS (Laure) MOTTE (Martin) (dir.), De la guerre ? Clausewitz et la pensée stratégique contemporaine, Paris, Economica, 2008 [actes du colloque organisé par le Centre de recherche des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, oct. 2007]. _ DURIEUX (Benoît), Clausewitz en France : Deux siècles de réflexion sur la guerre, Paris, Economica, 2008.

21 BIBLIOGRAPHIE / SITOGRAPHIE :
_ WEIL (Eric), « Guerre et politique selon Clausewitz », Revue française de science politique, 5e année, n°2, 1955, pp _ ABRAHAM (L.), « La philosophie militaire chez Clausewitz », Critère, n° 38, 1984, pp _ BEYERCHEN (Alan D.), « Clausewitz : non linéarité et imprévisibilité de la Guerre », Théorie, Littérature, Enseignement, n°12, 1994, pp _ DESPORTES (Vincent), « L’impertinence pertinence de Clausewitz », Cahiers du CESAT, N° 12, juin 2008, pp _ MOTTE (Martin), « Carl von Clausewitz ( ) », Cahiers du CESAT, N° 28, juin 2012, pp _ BENTLEY (Bill), « Clausewitz et la fleur bleue du romantisme : comprendre de la guerre  », Revue Militaire canadienne, vol. 13, n°4, 2013.

22 Questions ?


Télécharger ppt "Carl von CLAUSEWITZ, Théorie de la Guerre."

Présentations similaires


Annonces Google