APPRENTISSAGE SOCIAL Diplôme Universitaire THÉRAPIE COGNITIVE ET COMPORTEMENTALE DE LA DOULEUR CHRONIQUE Christian GUY-COICHARD 2004/2005 R. AMOUROUX 2003/2004 Validation F.BOUREAU
PLAN LE SOCIO-COGNITIVISME L’APPRENTISSAGE SOCIAL EFFICACITÉ PERSONNELLE CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE
LE SOCIO-COGNITIVISME LES FONDEMENTS : CRITIQUE DES ÉCOLES PSYCHODYNAMIQUES: Absence de preuves expérimentales pour placer la motivation à l’intérieur des individus CRITIQUE DU BEHAVIORISME Skinnerien: réduit le problème de la motivation à l’environnement, aux renforcements externes. Ecole ou courant qui fonde sa réflexion théorique et thérapeutique sur un dépassement des débats de l’époque entre tenants d’une recherche des motivations comportementales à l’intérieur de l’individu lui-même (les théories psychodynamiques), ou dans l’environnement extérieur (les théories skinnériennes): dans tous les cas, il s’agit d’une détermination réciproque de l’individu (ou de l’animal) et de son environnement; avec, en outre, le problème d’un niveau de preuve fondé le plus souvent sur des études animales.
LE SOCIO-COGNITIVISME « Dans la perspective socio-cognitiviste, les gens ne sont ni conduits, ni formés automatiquement et contrôlés par des stimuli externes. Au lieu de cela, le fonctionnement humain est expliqué dans les termes d’un modèle de triple réciprocité où le comportement, les facteurs cognitifs et personnels, ainsi que l’environnement interagissent de façon déterminantes les uns sur les autres » Bandura, Social foundations of thought and action: A social cognitive theory, Englewood Cliffs, Prentice- Hall, 1986. p. 18. C’est Albert BANDURA qui fut (et est toujours) une des figures fondatrices de ces théories à partir des années 60, à partir d’études expérimentales menées chez l’homme (théories sociales); il propose un schéma d’interactions dynamiques constantes à trois pôles: l’individu, l’environnement, le comportement externe.
LE SOCIO-COGNITIVISME . SUJET (cognitions, émotions) ENVIRONNEMENT COMPORTEMENT Comme le résume ce schéma; Ici, l’individu redevient bien un sujet actif interagissant en permanence avec les deux autres pôles. LE MODELE INTERACTIONNEL ou bidirectionnel
L’APPRENTISSAGE SOCIAL DÉFINITION : façonnement de nouvelles conduites par divers processus faisant appel à l’environnement social. L’apprentissage social peut donc être défini comme le façonnement de nouvelles conduites, de nouveaux comportements, par des processus faisant appel à l’environnement social dans lequel est plongé le sujet.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL Deux processus fondamentaux : L’apprentissage par observation L’apprentissage vicariant ou modelage Deux processus fondamentaux vont intervenir dans cette théorie : l’apprentissage par observation, et l’apprentissage par modelage, dit aussi vicariant.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’APPRENTISSAGE PAR OBSERVATION: À la suite de l’observation d’un comportement d’une autre personne, je modifie mon propre comportement d’une façon quelconque. L’apprentissage par observation est une modification d’un comportement consécutive à l’observation du comportement d’un autre; c’est une différence essentielle avec les théories de type S/R, puisque ici l’apprentissage peut avoir lieu pendant l’observation, et même en absence de comportement, et non plus seulement après l’exécution des réponses et le ressenti de leurs effets.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’APPRENTISSAGE PAR OBSERVATION: J’observe le comportement de quelqu’un Je modifie mon comportement Ici, en outre, le modèle est présent pendant l’observation, et cette présence est nécessaire à la modification du comportement du sujet. Le modèle est présent
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’APPRENTISSAGE VICARIANT OU MODELAGE: Il y a modelage lorsque après avoir observé un individu effectuer un comportement, dans des conditions similaires postérieures, je modifie mon comportement comme si j’avais effectué le comportement du modèle et que j’en avais expérimenté les conséquences Le degré suivant dans l’apprentissage social, est l’apprentissage vicariant, appelé aussi modelage. Ici, le sujet modifie un comportement après observation d’un modèle placé dans des conditions similaires, mais comme s’il avait expérimenté les conséquences du comportement du modèle
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’APPRENTISSAGE VICARIANT OU MODELAGE: Je me retrouve dans la même situation que A J’observe le comportement de A Je modifie mon comportement Ici, la présence du modèle n’est plus nécessaire pendant la modification du comportement Le modèle n’est pas nécessairement présent
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’APPRENTISSAGE VICARIANT OU MODELAGE: Dans la conception behavioriste, l’apprentissage ne peut se faire qu’en accomplissant une action et en faisant l’expérience de ses conséquences. Bandura ne rejette pas cette évidence mais note que l’apprentissage c’est aussi observer le comportement de modèles et surtout le résultat du comportement de ces modèles. Par ailleurs, le sujet n’a plus besoin d’être toujours plongé dans l’expérience des conséquences d’une action, pour les percevoir. Ce processus d’apprentissage fait appel à un traitement cognitif spécifique au sujet humain, qui fait l’originalité de ces théories
L’APPRENTISSAGE SOCIAL Quatre processus de base : 1. Attention Sujet 2. Mémoire 3. Reproduction motrice Réalisation du comportement 4. Motivation Renforcements Quatre processus de base sont en effet nécessaires pour permettre l’acquisition des informations données par le modèle, et leur utilisation dans la modification du comportement, éventuellement en absence du modèle : l’attention , la mémoire, la reproduction motrice, et la motivation du sujet
L’APPRENTISSAGE SOCIAL 1. ATTENTION: Observation , sélection Facteurs de modulation : Statut social du modèle Complexité des actions Stratégies antérieures acquises Enjeux de la situation L’attention permet d’effectuer la sélection parmi les informations transmises par le modèle; elle est modulée par diverses variables, parmi lesquelles il faut retenir le statut social du modèle (ou plutôt les statuts respectifs du modèle et du sujet), les capacités cognitives du sujet et les stratégies déjà acquises, et les enjeux de la situation pour le sujet.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL 2. LA MÉMOIRE : codage symbolique, répétition symbolique, répétition motrice mentale Différent de l’animal 3.LA REPRODUCTION MOTRICE 4. LA MOTIVATION Les processus mnésiques sont pratiquement spécifiques à l’être humain; ils permettent un codage symboliques des observations, puis une organisation cognitive permettant une répétition symbolique, puis une répétition motrice mentale, qui permettra enfin la reproduction motrice; Divers processus de motivation modulent ou trient les réponses acquises par l’observation, à tous les stades de l’apprentissage.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’apprentissage vicariant ou modelage Il y a l’idée de l’intériorisation du modèle. C’est-à-dire la capacité symbolique de pouvoir convoquer ce modèle interne, appris précédemment, lors de l’effectuation d’une tâche nouvelle. Dans ce modèle d’apprentissage, il y a donc , par divers processus cognitifs encore une fois spécifiques à l’humain, l’idée d’intériorisation, de conservation du modèle, une capacité symbolique de pourvoir convoquer ce modèle interne lors d’une situation similaire.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL Bandura distingue trois types de renforcement: Le renforcement externe ou attente de renforcement Le renforcement vicariant L’auto-renforcement Dans les théories de Bandura, le renforcement n’est qu’un des facteurs modulant l’observation; contrairement au renforcement des modèles opérants, il n’est pas ici structurellement nécessaire à l’apprentissage; Bandura distingue trois types de renforcement : le renforcement externe, le renforcement vicariant, et l’autorenforcement.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’ATTENTE DE RENFORCEMENT OU RENFORCEMENT EXTERNE: Les conséquences positives ou négatives des réponses influencent le comportement par l’intermédiaire des attentes relatives aux effets de comportements similaires dans des actions futures: variables cognitives associées à la conséquence L’anticipation joue chez l’homme un rôle important, reléguant souvent au second plan le renforcement lui-même, qui sera différé voire absent. Les attentes, en particulier l’information préalable donnée au sujet, modulent directement le comportement, créant un renforcement anticipé plus important que le renforcement-conséquence classique.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL LE RENFORCEMENT VICARIANT Les individus profitent des erreurs et des réussites des autres aussi bien que des leurs. Le sujet observe un sujet puni ou récompensé pour un comportement qu’il va ensuite soit éviter d’émettre soit imiter Ce type de renforcement, utilisant là aussi des processus cognitifs, est lié à la notion qu’a le sujet de punition ou de récompense, et à l’observation qu’il fait d’un modèle puni ou récompensé pour un comportement; le renforcement vicariant conduira ensuite le sujet à éviter ou imiter le comportement en fonction de la valeur de la punition ou de la récompense.
L’APPRENTISSAGE SOCIAL L’AUTO-RENFORCEMENT : Les individus se donnent des standards de performances, s’auto-évaluent, et s’auto-récompensent. L’auto-renforcement est lié à l’anticipation des récompenses, qui déclenche les processus d’attention en vue d’imiter le modèle. L’auto-renforcement, lui, utilise le jugement d’un sujet sur son propre comportement en fonction de ses propres standards de performance; l’auto-renforcement est lié à l’anticipation des récompenses, qui facilite les processus d’attention engageant l’apprentissage.
L’EFFICACITE PERSONNELLE DÉFINITION : « L’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter un comportement visant à produire un résultat souhaité» Bandura, Auto-efficacité, De Boeck, 2002. p. 12. Un dernier concept original de la théorie de l’apprentissage social est la notion d’efficacité personnelle; il s’agit de la croyance qu’a tout individu dans sa capacité à produire un comportement visant à un résultat souhaité;
L’EFFICACITE PERSONNELLE Les individus sont peu incités à agir s’ils ne croient pas que leurs actes peuvent produire les effets qu’ils souhaitent La croyance d’efficacité est donc un fondement majeur du comportement Les individus guident leur existence en se basant sur la croyance en leur efficacité personnelle. Il s’agit d’une variable majeure des comportements; l’individu agit pour produire un effet, mais son incitation à agir est fonction de la croyance qu’il a que cette action peut produire l’effet souhaité. Cette représentation de leur efficacité personnelle guide la majeure partie des actions et des comportements des individus.
L’EFFICACITE PERSONNELLE LA CROYANCE DES INDIVIDUS EN LEUR EFFICACITÉ INFLUENCE : Leur comportement La quantité d’énergie qu’ils investissent dans l’effort Leur niveau de persévérance devant les difficultés et les échecs Leur résilience face à l’adversité Le caractère facilitant ou handicapant de leur mode de pensée Le niveau de stress consécutif aux contraintes environnementales Leur degré de réussite La croyance des individus en leur efficacité a plusieurs conséquences; elle influence à la fois leur comportement, et la quantité d’énergie qu’ils vont investir dans l’effort, en particulier de changement; mais la notion d’efficacité personnelle influe aussi sur le niveau de persévérance face à un échec, en particulier sur la résilience, et sur le niveau de stress ressenti.
L’EFFICACITE PERSONNELLE Comportement opiniâtre, combatif face à la difficulté FORTE On pourrait résumer, mais de manière un peu simpliste, l’effet de la croyance en l’efficacité personnelle par ce schéma: une efficacité personnelle forte va induire un comportement combatif ou offensif face à la difficulté, une efficacité personnelle faible va induire une attitude de retrait, d’évitement, d’abandon. Attitude de retrait ou d’abandon FAIBLE
L’EFFICACITE PERSONNELLE INFLUENCES : L’accomplissement de tâche objective La persuasion verbale L’expérience vicariante L’état physiologique EFFICACITÉ PERSONNELLE Qu’est ce qui influence l’efficacité personnelle de l’individu? L’accomplissement effectif de la tâche, le degré de persuasion du thérapeute, l’expérience par observation vicariante (modelage), et certains paramètres physiologiques, bien sûr.
L’EFFICACITE PERSONNELLE L’EFFICACITÉ PERSONNELLE N’EST PAS : Un trait de personnalité :L’EP varie au cours du temps L’estime de soi : Les aptitudes personnelles ne sont pas la valeur personnelle Le locus de contrôle : Les croyances relatives à l’efficacité de résultat sont différentes de celles liées au lieu de causalité Pour éviter les malentendus, il faut préciser un peu que la notion d’efficacité personnelle ne correspond pas, d’abord, à un trait de personnalité, en premier lieu parce qu’elle est modifiable dans le temps et sous certaines conditions, en particulier par l’apprentissage. Ce n’est pas non plus superposable à la notion d’estime de soi, qui induit un jugement de valeur absolue, alors que l’efficacité personnelle est un jugement personnel sur ses propres capacités à réaliser un objectif. Enfin, l’efficacité personnelle n’est pas non plus le « locus de contrôle » décrit par certains théoriciens de l’apprentissage, représentation d’un contrôle externe (induisant une passivité) ou interne (permettant de se prendre en charge) de leur comportement.
L’EFFICACITE PERSONNELLE et LA DOULEUR « Selon l’efficacité perçue, le coping vis à vis de la douleur sera variable. Les gens qui croient pouvoir atténuer la douleur font appel à toutes les compétences apprises et vont maintenir leurs efforts pour réduire leur inconfort. Par contre, ceux qui s’estiment inefficaces abandonnent très vite, s’ils ne constatent pas un rapide soulagement » Bandura, Auto-efficacité, De Boeck, 2002. p. 404. Concrètement, pour ce qui nous concerne nous: Les capacités d’adaptation des comportements (le coping) sont donc directement dépendantes de l’efficacité personnelle perçue par le sujet: comme l’écrit Bandura, les gens qui croient pouvoir atténuer la douleur font appel à toutes les compétences apprises et vont maintenir leurs efforts pour réduire leur inconfort. Par contre, ceux qui s’estiment inefficaces abandonnent très vite, s’ils ne constatent pas un rapide soulagement
L’EFFICACITE PERSONNELLE ET LA DOULEUR après apprentissage avec un feedback factice qui informe le sujet que sa tolérance à la douleur est élevée (ou basse), celui ci va modifier ses croyances en son efficacité à gérer la douleur et pouvoir affecter réellement sa tolérance à la douleur. (Litt 1988)
L’EFFICACITE PERSONNELLE et LA DOULEUR Un fort sentiment d’efficacité induit par un faux feedback selon lequel la personne sait bien se relaxer et pourrait ainsi contrôler la douleur peut être prédictif de la réduction de céphalées (Holroyd et al. 1984)
L’EFFICACITE PERSONNELLE L’EFFICACITE PERSONNELLE EST ELLE MESURABLE ? Anderson 1995: 20 items, 3 sous échelles (gérer la douleur, gérer des symptômes, fonctionner physiquement) Buckelew 1996 : association degré élevé d’EP / résultat des programmes plurimodaux dans la fibromyalgie
APPRENTISSAGE ET DOULEUR UTILISATION DE L’APPRENTISSAGE SOCIAL ET DE L’EFFICACITE PERSONNELLE DANS LA DOULEUR : Techniques de contrôle Présentations de modèles Persuasion de la capacité à atteindre les objectifs Feedback par évaluation des capacités à gérer C’est finalement à ces théories de l’apprentissage social et de l’efficacité personnelle que sont redevables les techniques couramment utilisées dans les programmes de traitement de la douleur chronique :
CONCLUSION La théorie de l’apprentissage social telle que la décrit Bandura intègre les apports du behaviorisme, de la psychologie cognitive et de la psychologie sociale. Ses apports permettent de moduler l’idée de l’influence unique des renforcements externes au profit de celles du renforcement vicariant et de la notion d’efficacité personnelle.
CONCLUSION En ce sens, elles introduisent un certain degré de liberté dans l’apprentissage Les applications de ces théories et de l’utilisation de modèles sont évidemment nombreuses : éducation de l’enfant, mais aussi médias de communication et publicité… et TCC, y compris dans la douleur chronique.
BIBLIOGRAPHIE Albert BANDURA, l’apprentissage social, Bruxelles, P. Mardaga, 1976 . Albert BANDURA, Social Learning Theory, Prentice Hall, Englewood Cliffs, New Jersey 1977 . Albert BANDURA, Social foundations of thought and action: A social cognitive theory, Englewood Cliffs, Prentice- Hall, 1986. Albert BANDURA, Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle, Paris, De Boeck, 2003. Jean COTTRAUX, Les thérapies comportementales et cognitives, Paris, Masson, 3° édition, 2003.