Master 1 soins palliatifs – UE 4 éthique Paris, le 13 décembre 2016 Décider: entre rationalité et spiritualité Pr Jacquemin Dominique Centre d’éthique médicale (EA7446) Faculté de Médecine et de Maïeutique Université Catholique de Lille HELESI-TECO-RIRESP Université Catholique de Louvain
on parle d’un lieu… Professeur au Centre d’éthique médicale de l’Université Catholique de Lille (EA7446 et faculté de médecine et de Maïeutique). Ethique clinique, recherche, enseignement. Professeur à l’Université Catholique de Louvain (éthique de la vie et théologie morale). Président de la commission éthique du Réseau Santé Louvain.
Ethique clinique
Une approche par l’éthique clinique Accompagner des équipes de professionnels par le récit. Une expérience inscrite dans un surplus de souffrance au regard de l’inaccomplissement d’une visée du bien. Vers une compréhension, a posteriori, de la décision en perspective de l’action.
Une méthodologie d’éthique clinique Partir de récits cliniques relativement simples. D’un point de vue rationnel: qu’est-ce qui pose question? En fonction de quoi? Selon quelles valeurs? Qu’est-ce qui a été décidé dans l’intérêt ou non du malade? Pourquoi? Attention: Pas solutionner une situation. Pas un jugement des personnes. D’abord un processus pédagogique d’apprentissage.
Des visées poursuivies D’abord relire une expérience et mieux en appréhender les enjeux, les logiques à l’œuvre. Induire progressivement une pédagogie d’apprentissage au questionnement éthique (3 ans). Permettre aux professionnels d’expérimenter leur créativité éthique. Un espace de recherche pour le CEM: émergence d’une certaine « mutation » de l’éthique?
Une mutation de l’éthique? A titre d’exemple: En France, la loi Claeys Leonetti. En Belgique, la législation relative à l’euthanasie.
En France, la loi Claeys-Leonetti La mise en place de processus de décision collégiale, Pour répondre à une demande particulière, Intérêt de la concertation et de la prise en compte de l’équipe soignante. Avec le risque que la mise en œuvre du processus en tant que tel devienne le « lieu » de l’éthique. La rencontre de critères normatifs et rationnels comme enjeu du processus même.
En Belgique, la législation relative à l’euthanasie Des conditions imposées pour « valider » un processus de décision. Un ensemble de critères émis. Une « qualification » éthique du patient: autonome, informé, consentent. Comme si tout pouvait se réduire à un processus adéquat et à la rencontre de principes éthiques.
Une conception sous-jacente de l’éthique? L’éthique: un processus et des critères, principes? Cette adéquation suffit-elle pour honorer la subjectivité des soignants et des patients? Autonomie, information, consentement: qu’en est-il pour le sujet souffrant? Une croyance en une opérationnalité excessive de l’éthique pensée comme seul exercice rationnel? Au nom de la « globalité », inscrire l’éthique dans un « en-deçà »?
La spiritualité comme « en-deçà »
Vie spirituelle comme mouvement du sujet Corps Vie psychique Ethique Religieux / transcendant
Vie spirituelle comme mouvement du sujet Un mouvement que je porte et qui me porte L’incertitude, l’approche de la mort, certains décalages de « visée du bien »: des moments qui remettent particulièrement en mouvement les trois ou quatre dimensions.
Tenir ensemble les 3-4 éléments. Une influence réciproque. Corps Vie psychique Religieux / transcendant Ethique Tenir ensemble les 3-4 éléments. Une influence réciproque. Chacun est une voie d’accès à la totalité du mouvement.
Quelques enjeux de fond Chaque pôle représente, à égalité, une voie d’accès à la totalité du mouvement. Le patient et le soignant s’inscrivent dans leur propre mouvement d’existence: il importe de ne pas les parcelliser. Tous concourent, selon leur mandat propre, à la prise en charge de ce mouvement, sans excès de responsabilité. Quelle prise au sérieux, par la réflexion éthique, de ce qui structure une existence singulière?
La souffrance morale du professionnel…
Confronté à la souffrance: le sujet soignant, agissant et questionnant Au regard d’une définition de l’éthique: « La visée du bien pour soi et pour autrui dans des institutions justes » (P. Ricoeur) Des décalages, des disjonctions sources de souffrance: - la rencontre de l’autre souffrant - l’incapacité d’action juste - souffrance liée à l’imaginaire professionnel - incapacité, par manque de moyens, de percevoir ce qui est juste - lorsque l’identité et l’intégrité sont mises à mal
Temporalité et évolutivité des sujets On n’a pas tous la même histoire professionnelle, les mêmes « blessures ». Le rapport à la vie morale est une histoire en construction. Respecter la temporalité morale de tous les acteurs. Ne jamais enfermer dans le présent…
Bien et visée du bien… Visée du bien Et bien effectué Quelle place pour le chemin? Quelle représentation du « bien »?
Pertinence de l’éthique pour rencontrer la souffrance du professionnel Deux questions: Comment l’éthique clinique rejoint-elle le professionnel dans son mouvement d’existence? Comment permet-elle au professionnel de promouvoir son autonomie comme acteur critique au cœur de la médecine?
Pertinence de l’éthique pour rencontrer la souffrance du professionnel La réflexion suscite l’éthicité des soignants et peut être pensée comme chemin d’intériorité: - l’importance du débat - le rapport à l’identité-intégrité morale - l’importance de la temporalité pour le devenir du sujet moral
Mais quelles paroles peuvent être ouvertes en équipe? Qu’est-ce qui peut en être dit et à qui? Lorsqu’on parle de souffrance, la sienne et celle du patient, de quelle souffrance? Dans la discussion d’équipe, sur quels niveaux du sujet portent nos échanges? Que ce soit pour la situation discutée ou pour la décision, quelle qu’elle soit, quel niveau se trouve privilégié et pourquoi?
Quelles ouvertures possibles? Des subjectivités à l’œuvre De « la décision » aux micros décisions Une extension du questionnement
Des subjectivités à l’oeuvre Subjectivité des acteurs et construction argumentative de l’action, rapport à l’action. Une meilleure identification du décalage relatif à la visée du bien (les 3 ou 4 pôles). Intérêt pour penser les notions d’identité et d’intégrité morale. Une meilleure compréhension implicite entre les professionnels. Pouvoir nommer le lieu d’inscription de différences toujours possibles.
De « la décision » aux micros décisions La décision éthique ne se construit pas toujours en un seul temps identifié, mais dans un processus temporel d’attention aux dimensions subjectives (micros décisions). L’éthique comme attention, dans la longueur du temps, aux subjectivités à l’œuvre. Une prise en charge éthique du patient ne peut se réduire à la dimension argumentative d’une décision. Une éthique vécue comme rétroaction réfléchie d’une intersubjectivité.
Une extension du questionnement Passer de l’éthique à la bioéthique comme plus large contextualisation. La prise au sérieux du mouvement du sujet comme critique de toute tentative de modélisation. Une plus large ouverture à la temporalité vécue et décisionnelle. Vers une approche capacitante du patient?
En conclusion « Le spirituel », sans l’absolutiser, peut permettre une meilleure compréhension de « la » souffrance et inscrire la réflexion éthique dans un horizon plus large. Au-delà des grilles décisionnelles, procédures et seuls principes rationnels. Le réel ne peut se réduire aux normativités. Une éthique qui laisse place à la complexité des sujets et des pratiques cliniques. Une réflexion éthique comme médiation du temps et du réel, ouvrant réellement à la réalité du sujet.