Sociologie des entreprises (3) Christian Thuderoz Centre des Humanités.

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
M. El Maouhal - "Théorie des organisations" - FLSH Ibn Zohr
Advertisements

L’analyse stratégique des organisations
La Sociologie des organisations
Enjeux de la production d’écrit : Exposer l’élève très tôt aux contraintes et règles de la langue écrite et celle de la communication différée. L’écrit.
L’ÉDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE EN CYCLE 1. LES GESTES PROFESSIONNELS  Solliciter, encourager, féliciter, s’engager soi-même dans l’action  Investir.
Le mouvement des relations humaines. Le mouvement des Relations Humaines est né des travaux qu'Elton Mayo ( ) a entrepris à l'usine Western Electric.
PRÉSENTATION DE L’OUTIL LA FONCTION DE GESTION EN MAISON MÉDICALE LE VENDREDI 29 JANVIER 2016 La fonction de gestion en maison médicale – IGB.
Développer les compétences socioculturelles / interculturelles en classe de FLE Université d’été de Varna « Innover en français » 1 Marie-Laure Wullen.
Chapitre 6 Intégration, conflit, changement social Question II La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social.
13. Diriger : finaliser, animer et contrôler 1. La décision dans la direction de l’organisation 1.1 En quoi la direction repose-t-elle sur la décision.
EVALUATION / CORRECTION CLASSE: Nom: DATE: Problématique: Lola coiffeuse hautement qualifiée, souhaite créer son entreprise et envisage de travailler avec.
PRÉSENTATION DE L’ÉPREUVE ÉCRITE EVALUATION AU BAC.
« Des axes directeurs pour une démarche de prévention maitrisée
Chapitre 1 Le service de l’approvisionnement
Clubs de haut niveau et collectivités Territoires, intérêts et enjeux
La conduite du changement
Définition Accompagnement
Ingénierie pédagogique
La Morale Par: Lizzy et Brittney.
Les décisions et le processus de décision
Chapitre 6 Intégration, conflit, changement social
Information et Système d’Information
Education à la philosophie et à la citoyenneté
L’ organization comme fonction de gestion
Cours d’économie 1ère année LEA
Apprentissage de l’autonomie et autonomie dans les apprentissages Le concept d’autonomie Document 4.
Maladie Chronique Conséquences sur la Qualité de vie
L’approche managériale
BFFA – M 4-5 Lausanne - David Savoy
FAVORISER LE DEPASSEMENT DE CONFLIT
Négociation commerciale et relation clients
– La communication : notions de base. – INTRODUCTION : QU’EST-CE QUE LA COMMUNICATION ? I/ LES DIFFÉRENTS TYPES DE COMMUNICATION II/ LES COMPOSANTES DE.
LA POLYGAMIE. PLAN DE TRAVAIL introduction Définition Les causes Les consequences l’islam et la polygamie La polygamie au Maroc Conclusion.
Thèmes du chapitre 9: La gestion des individus et des groupes
Le système d’information dans l’organisation
la structure de l’entreprise: Définition : La structure organisationnelle d’une entreprise définie le mode d’organisation entre les différentes unités.
Véronique Deltombe - Catherine Gazon
Bienvenue à l’école Primaire Privée MERE TERESA
Vuibert Systèmes d’information et management des organisations 6 e édition R. Reix – B. Fallery – M. Kalika – F. Rowe Chapitre 1 : La notion de système.
– La communication notions de base. – INTRODUCTION : QU’EST-CE QUE LA COMMUNICATION ? I/ LES DIFFÉRENTS TYPES DE COMMUNICATION II/ LES COMPOSANTES DE.
Les structures d’organisation. I-Les différentes structures d’entreprises La structure d’une entreprise donne la répartition des tâches, des responsabilités.
Gestion des Ressources Humaines Approfondie Année universitaire :
Chapitre2: SGBD et Datawarehouse. On pourrait se demander pourquoi ne pas utiliser un SGBD pour réaliser cette structure d'informatique décisionnelle.
INTRODUCTION AU DIALOGUE SOCIAL
L’intervention peut se définir comme l’ensemble des actes professionnels visant à construire des compétences d’enseignement et d’entrainement dans les.
Kit de formation multimedia
Les Gratte-ciel.
Parole d’élève et éducation à la démocratie participative
Master Ingénierie de la Santé Comportement Organisationnel dans les Structures de Santé THEME: Les étapes de l’hygiène dans l’histoire Réalisé par: KANGAMBEGA.
LE TRAVAIL EN ÉQUIPE. INTRODUCTION Depuis quelques décennies, il est souvent question de formation, de qualité et productivité. Le contexte dans lequel.
Gestion sociale et conditions de travail. Plan o Définition de la gestion sociale o Les objectifs de la gestion sociale o Définition des conditions de.
L’analyse stratégique des organisations Préparé par: Med amine Arfeoui Nidhal Akermi Imen Malek Professeur : M. Adnene MALEK Année Universitaire :2010/2011.
Démarches d'investigation en physique appliquée
Sociologie de l’action sociale - sociologie du fait social
INTRODUCTION  DANS TOUS LES DOMAINES INDUSTRIELS ET DANS DIVERS CAS D’UTILISATION DE MACHINES PAR L’ÊTRE HUMAIN, ET AVEC LE TEMPS, UN DÉSÉQUILIBRE DANS.
Séminaire national BEP "Services administratifs", Maguy Perea ENSEIGNER LA COMMUNICATION 1° Principes déontologiques, 2° Trois outils pédagogiques. 1.
QUELQUES ELEMENTS DE CONTEXTE
Les fonctions exécutives
LE LEADERSHIP. L’idée que nous nous faisons de ce que sont la direction d’une entreprise et le personnage qui l’exerce a considérablement évolué À PARTIR.
1 Théorie générale des systèmes Présenté Par Monsieur Nzukam Nguiffo Guillaume Ingénieur statisticien.
Atelier : Transversalité
II. Quels sont les facteurs d’influence sur la cohésion des groupes ?
LA GESTION DES CONFLITS
TraAM 2019 : utilisation des objets connectés en EPS
GROUPE DA-TA FLAQ’S TECHNOLOGIES INC. - 1 La gestion du Changement & Accompagnement dans les projets IT K. Khelil _Projet IT.
La méthode d’analyse des accidents - incidents par la méthode de l’arbre des causes FORMATEUR: DALLI BEUGRE CADRE RESPONSABLE SYSTÈME QSE Pôle exploitation.
Chapitre 1: l’organisation de l’action collective  De l’action individuelle à l’action collective: contraintes groupe  De l’action collective à l’organisation.
Conception d’une grille d’évaluation
Transcription de la présentation:

Sociologie des entreprises (3) Christian Thuderoz Centre des Humanités

Plan général 1. L’ANALYSE STRATEGIQUE 2. TROIS NOTIONS MAJEURES… 2.1. QU’EST-CE QUE L ’AUTORITÉ ? 2.2. LE POUVOIR ? 3. LA ZONE D’INCERTITUDE ? 4. LES SYSTEMES D’ACTION CONCRETS ?

Raisonnements tirés de Michel CROZIER et Ehrard FRIEDBERG, L’acteur et le système, L’organisation = « une action collective organisée »… (= un ensemble de stratégies rationnelles d’acteurs sociaux) 2. La coopération n’y va pas de soi… (« L’enfer, c’est toujours les autres ! »). D’où des conflits incessants, donc des négociations incessantes! 3. Le fonctionnement d’une organisation : la rencontre de multiples régulations (régulation de contrôle + régulation autonome = régulation conjointe)…

L’analyse stratégique (suite) 4. Les individus ne veulent jamais être des moyens au service de buts qui leurs sont étrangers… 5. Ils sont stratèges et intelligents ; ils savent ce qu’ils font et pourquoi ils le font… 6. Leurs comportements sont toujours imprévisibles et ils jouent stratégiquement de cette incertitude (« zone d’incertitude ») pour préserver leur autonomie… 7. Ils recherchent cette autonomie pour éviter toute dépendance envers autrui…

L’analyse stratégique (suite) 8. Il y a toujours une marge de liberté pour l’acteur social, même dans des situations de très forte contrainte… 9. Les mobiles de leurs actions sont pluriels et variables (autorité, respect, dignité, honneur, autonomie, prestige, confort, carrière, biens économiques, etc.). Il y a donc pluralité des logiques d’action et des rationalités… 10. Il importe donc, pour l’analyste, de « comprendre les bonnes raisons d’agir » des individus…

L’analyse stratégique (suite) 11. Les objectifs qu’ils poursuivent sont plus ou moins congruents avec ceux de l’organisation (antagoniques, bien souvent !)… 12. Les stratégies des uns doivent tenir compte des stratégies des autres ; les individus sont donc tous dans des relations d’interdépendance. L’analyste doit donc étudier le système concret de ces relations… 13. Les interactions entre individus sont des relations d’échange négocié, faites de contre- parties et d’un incessant marchandage…

Trois notions majeures en ASO… … pour expliquer / comprendre le fonctionnement des organisations : Pouvoir et autorité Zone d’incertitude (ou d’autonomie) Systèmes d’action concrets

1. Définition (désormais classique) de l’autorité par Chester Barnard… « Le caractère d’un ordre formel en vertu duquel un membre de l’organisation accepte de diriger son action, en autant que l’organisation est concernée » (Chester Barnard, The Functions of the Executive, 1938) Il n ’y a donc d’autorité que consentie, qu’acceptée !

Quatre conditions à réunir (selon Chester Barnard) : 1. La personne est capable de comprendre l’ordre qui lui est donné… 2. Au moment de prendre sa décision d’agir conformément à cet ordre, la personne estime qu’il n’est pas incompatible avec le but poursuivi par l’organisation…

Conditions à réunir (suite) : 3. Au moment de prendre sa décision d’agir conformément à cet ordre, la personne estime qu’il n’est pas incompatible avec son intérêt personnel… 4. Enfin, cette personne est capable mentalement et physiquement d’agir en accord avec sa décision d’exécuter cet ordre…

Observations complémentaires… Il existe une « zone d ’indifférence » chez les individus, dans laquelle n’importe quelle modalité de l’ordre jugé acceptable est accepté Le confort de la délégation à autrui de la responsabilité de prendre la décision (demande de protection) Chacun ressent le besoin de cohérence et de cohésion organisationnelle dans certaines situations (cf. le soldat US en Irak…)

Différents types d'autorité (cf. schéma de la relation contremaître / ouvrier chez Philippe D'Iribarne) : autorité servile autorité aristocratique autorité cléricale

TROIS TYPES-PURS DE LÉGITIMITÉ DE L’AUTORITE (MAX WEBER) : Légitimité traditionnelle Légitimité charismatique Légitimité rationnelle-légale (Rappel : rationalité en valeur / rationalité en moyens….)

2. Qu'est-ce que le pouvoir ? La capacité de A d'obtenir de B qu'il fasse ce que A lui demande... = définition simple, robuste et pratique… ( n’ayons donc pas peut du mot et de ce type d’analyse…)

Le pouvoir est donc : une relation (entre A et B) une relation d'échange (B peut accepter d'agir en échange de...) une relation de négociation (B agit confor- mément à la demande de A, mais le fait à sa manière...) mais aussi une relation : –déséquilibrée (A a peut être les moyens d'obliger B...) –de réciprocité (dans d'autres situations, B peut obtenir de A qu'il fasse ce que B lui demande...)

Le fondement de la relation de pouvoir : Celui sur qui il est exercé s'efforce souvent de « faire payer » à l'autre le fait qu'il accepte d'agir conformément à ce qui lui a été demandé… B s'efforce de conserver une incertitude sur son action, de façon à augmenter le coût du pouvoir de A Et A, sachant cela, s'efforce à son tour de conserver une incertitude sur sa propre action, de façon à diminuer le coût de l’exercice de son pouvoir sur B Le pouvoir d'un individu A sur un individu B est donc fonction de l'importance de la zone d'incertitude qu'il est capable de contrôler…

Mais… Mais il faut - condition nécessaire ! - que cette zone d'incertitude soit pertinente dans sa relation avec B (sinon B s'en fout ! - et n'exécute pas l'ordre...). autrement dit : Pa = f (ZIa), si ZIa  champ socialB Mais : interdépendance des membres de l'organisation ! C'est l'organisation qui définit les zones d'incertitude et qui régule les relations de pouvoir… Tout n’est pas possible…

Les sources du pouvoir ? une capacité d'expertise, un savoir, une spécialisation fonctionnelle (donc une légitimité pour faire accepter ses ordres et décisions !) être à l'intersection de différentes ZI (le « marginal- sécant », appartenant à plusieurs systèmes) maîtrise des relations avec son environnement être en capacité de bloquer des informations stratégiques ou le cours de l'action d'autres individus (« pouvoir de l'aiguilleur » ; « pouvoir de la secrétaire ») la capacité de jouer sur les règles organisa- tionnelles, ou de profiter des « trous » dans ces règles...

Pourquoi obéit-on ? Par contrainte par intérêt par adhésion à un projet

3. Contrôle d’une Zone d’Incertitude= autonomie, liberté d’action ZI liée à une attribution formelle de rôles sociaux ou professionnels (le chef, l’expert) ZI associée à un espace de non prescription (règles « à trous », flou organisationnel…) ZI liée à la gestion d’imprévus (tout ne peut être prévu, d’où une autonomie possible…) ZI en permanence fluctuantes, reconstruites, regagnées sur « le contrôle »…

4. Concept 3 de l’ASO : « Les systèmes d’action concrets » Si l ’on observe les relations réelles, liées aux zones d’incertitude et aux relations réelles de pouvoir : alors on découvre une structure parallèle à l’organigramme (les « SAC ») ! SAC = L’ensemble des acteurs en relation de négociation, d’échange, de discussion, de prise de décision, d’opposition, etc., quel que soit (ou au-delà) de l’organigramme formel…