Sociologie des entreprises (3) Christian Thuderoz Centre des Humanités
Plan général 1. L’ANALYSE STRATEGIQUE 2. TROIS NOTIONS MAJEURES… 2.1. QU’EST-CE QUE L ’AUTORITÉ ? 2.2. LE POUVOIR ? 3. LA ZONE D’INCERTITUDE ? 4. LES SYSTEMES D’ACTION CONCRETS ?
Raisonnements tirés de Michel CROZIER et Ehrard FRIEDBERG, L’acteur et le système, L’organisation = « une action collective organisée »… (= un ensemble de stratégies rationnelles d’acteurs sociaux) 2. La coopération n’y va pas de soi… (« L’enfer, c’est toujours les autres ! »). D’où des conflits incessants, donc des négociations incessantes! 3. Le fonctionnement d’une organisation : la rencontre de multiples régulations (régulation de contrôle + régulation autonome = régulation conjointe)…
L’analyse stratégique (suite) 4. Les individus ne veulent jamais être des moyens au service de buts qui leurs sont étrangers… 5. Ils sont stratèges et intelligents ; ils savent ce qu’ils font et pourquoi ils le font… 6. Leurs comportements sont toujours imprévisibles et ils jouent stratégiquement de cette incertitude (« zone d’incertitude ») pour préserver leur autonomie… 7. Ils recherchent cette autonomie pour éviter toute dépendance envers autrui…
L’analyse stratégique (suite) 8. Il y a toujours une marge de liberté pour l’acteur social, même dans des situations de très forte contrainte… 9. Les mobiles de leurs actions sont pluriels et variables (autorité, respect, dignité, honneur, autonomie, prestige, confort, carrière, biens économiques, etc.). Il y a donc pluralité des logiques d’action et des rationalités… 10. Il importe donc, pour l’analyste, de « comprendre les bonnes raisons d’agir » des individus…
L’analyse stratégique (suite) 11. Les objectifs qu’ils poursuivent sont plus ou moins congruents avec ceux de l’organisation (antagoniques, bien souvent !)… 12. Les stratégies des uns doivent tenir compte des stratégies des autres ; les individus sont donc tous dans des relations d’interdépendance. L’analyste doit donc étudier le système concret de ces relations… 13. Les interactions entre individus sont des relations d’échange négocié, faites de contre- parties et d’un incessant marchandage…
Trois notions majeures en ASO… … pour expliquer / comprendre le fonctionnement des organisations : Pouvoir et autorité Zone d’incertitude (ou d’autonomie) Systèmes d’action concrets
1. Définition (désormais classique) de l’autorité par Chester Barnard… « Le caractère d’un ordre formel en vertu duquel un membre de l’organisation accepte de diriger son action, en autant que l’organisation est concernée » (Chester Barnard, The Functions of the Executive, 1938) Il n ’y a donc d’autorité que consentie, qu’acceptée !
Quatre conditions à réunir (selon Chester Barnard) : 1. La personne est capable de comprendre l’ordre qui lui est donné… 2. Au moment de prendre sa décision d’agir conformément à cet ordre, la personne estime qu’il n’est pas incompatible avec le but poursuivi par l’organisation…
Conditions à réunir (suite) : 3. Au moment de prendre sa décision d’agir conformément à cet ordre, la personne estime qu’il n’est pas incompatible avec son intérêt personnel… 4. Enfin, cette personne est capable mentalement et physiquement d’agir en accord avec sa décision d’exécuter cet ordre…
Observations complémentaires… Il existe une « zone d ’indifférence » chez les individus, dans laquelle n’importe quelle modalité de l’ordre jugé acceptable est accepté Le confort de la délégation à autrui de la responsabilité de prendre la décision (demande de protection) Chacun ressent le besoin de cohérence et de cohésion organisationnelle dans certaines situations (cf. le soldat US en Irak…)
Différents types d'autorité (cf. schéma de la relation contremaître / ouvrier chez Philippe D'Iribarne) : autorité servile autorité aristocratique autorité cléricale
TROIS TYPES-PURS DE LÉGITIMITÉ DE L’AUTORITE (MAX WEBER) : Légitimité traditionnelle Légitimité charismatique Légitimité rationnelle-légale (Rappel : rationalité en valeur / rationalité en moyens….)
2. Qu'est-ce que le pouvoir ? La capacité de A d'obtenir de B qu'il fasse ce que A lui demande... = définition simple, robuste et pratique… ( n’ayons donc pas peut du mot et de ce type d’analyse…)
Le pouvoir est donc : une relation (entre A et B) une relation d'échange (B peut accepter d'agir en échange de...) une relation de négociation (B agit confor- mément à la demande de A, mais le fait à sa manière...) mais aussi une relation : –déséquilibrée (A a peut être les moyens d'obliger B...) –de réciprocité (dans d'autres situations, B peut obtenir de A qu'il fasse ce que B lui demande...)
Le fondement de la relation de pouvoir : Celui sur qui il est exercé s'efforce souvent de « faire payer » à l'autre le fait qu'il accepte d'agir conformément à ce qui lui a été demandé… B s'efforce de conserver une incertitude sur son action, de façon à augmenter le coût du pouvoir de A Et A, sachant cela, s'efforce à son tour de conserver une incertitude sur sa propre action, de façon à diminuer le coût de l’exercice de son pouvoir sur B Le pouvoir d'un individu A sur un individu B est donc fonction de l'importance de la zone d'incertitude qu'il est capable de contrôler…
Mais… Mais il faut - condition nécessaire ! - que cette zone d'incertitude soit pertinente dans sa relation avec B (sinon B s'en fout ! - et n'exécute pas l'ordre...). autrement dit : Pa = f (ZIa), si ZIa champ socialB Mais : interdépendance des membres de l'organisation ! C'est l'organisation qui définit les zones d'incertitude et qui régule les relations de pouvoir… Tout n’est pas possible…
Les sources du pouvoir ? une capacité d'expertise, un savoir, une spécialisation fonctionnelle (donc une légitimité pour faire accepter ses ordres et décisions !) être à l'intersection de différentes ZI (le « marginal- sécant », appartenant à plusieurs systèmes) maîtrise des relations avec son environnement être en capacité de bloquer des informations stratégiques ou le cours de l'action d'autres individus (« pouvoir de l'aiguilleur » ; « pouvoir de la secrétaire ») la capacité de jouer sur les règles organisa- tionnelles, ou de profiter des « trous » dans ces règles...
Pourquoi obéit-on ? Par contrainte par intérêt par adhésion à un projet
3. Contrôle d’une Zone d’Incertitude= autonomie, liberté d’action ZI liée à une attribution formelle de rôles sociaux ou professionnels (le chef, l’expert) ZI associée à un espace de non prescription (règles « à trous », flou organisationnel…) ZI liée à la gestion d’imprévus (tout ne peut être prévu, d’où une autonomie possible…) ZI en permanence fluctuantes, reconstruites, regagnées sur « le contrôle »…
4. Concept 3 de l’ASO : « Les systèmes d’action concrets » Si l ’on observe les relations réelles, liées aux zones d’incertitude et aux relations réelles de pouvoir : alors on découvre une structure parallèle à l’organigramme (les « SAC ») ! SAC = L’ensemble des acteurs en relation de négociation, d’échange, de discussion, de prise de décision, d’opposition, etc., quel que soit (ou au-delà) de l’organigramme formel…