Département de psychoéducation et de psychologie Explications cognitivo-comportementales de la relation stress-détresse: Le Coping Gestion du stress, coping et adaptation Patrice Renaud, PhD Département de psychoéducation et de psychologie UQO Patrice.renaud@uqo.ca
Le stress perçu Lindsay et Norman (1980): dans une situation stressante, l’évaluation subjective est plus importante que les faits objectifs Pas une réaction stéréotypée mais réponse tributaire de la perception et de l’interprétation de la situation (facteurs perceptifs, cognitifs, affectifs et motivationnels) Importance de l’évaluation du contexte (cognitif)
Le stress perçu (suite) Stress ne peut être strictement expliqué par les stimuli (stresseur) et par la réponse (émotion) Besoin de processus intermédiaires s’interposant entre l’agression et l’organisme: la perception est un facteur central La mort du conjoint à un impact différent suivant la perception du veuf (ou de la veuve); Rodin et coll., 1994 C’est le stress perçu par les individus et concernant des événements de la vie quotidienne et du passé récent qui est le plus prédictif des troubles de santé psychique et physique ultérieurs
Le contrôle perçu Lazarus et Folkman (1984): le stress consiste donc en une transaction entre la personne et l’environnement dans laquelle la situation est évaluée par l’individu comme débordant ses ressources et pouvant affecter son bien-être La connaissance de notre capacité de contrôler une situation stressante serait donc un 2e facteur cognitif modérant la relation stress-émotion Cette croyance dépend de l’évaluation subjective des ressources personnelles et sociales disponibles
Le contrôle perçu Ressources personnelles Lieu de contrôle Dimensions stables de la personnalité: perception ou non d’une relation causale entre son comportement et les résultats qui en découlent (Rotter, 1966; Échelle de Rotter) Lieu de contrôle (locus of control) Interne: croyance généralisée selon laquelle ce qui arrive dépend du sujet Externe: croyance généralisée selon laquelle ce qui arrive est attribuable à des facteurs externes (chance, hasard, destin, autrui) Le lieu de contrôle (1) serait l’un des trois facteurs responsables d’un trait de personnalité appelé solidité (hardiness): sens de maîtrise personnelle des événements stressants (Kobasa et coll., 1982; Steptoe, 1991) Engagement (2): sens de responsabilité et d’engagement face aux activités quotidiennes Défi (3): souplesse d’adaptation aux changements inattendus, les stresseurs sont perçus comme des défis et nos comme des menaces
Le contrôle perçu Ressources personnelles et détresse émotionnelle Le contrôle interne est un modérateur significatif du stress (stress buffer) Le contrôle externe amplifie les effets négatifs des stresseurs Dans situation ambiguë, le contrôle interne amène une interprétation de la situation comme étant contrôlable L’attribution causale (Weiner, 1985) serait un autre modérateur de la relation stress-émotion: indique dans quelle mesure la cause est perçue comme étant sujette au contrôle personnel
Le contrôle perçu Ressources personnelles et détresse émotionnelle (suite) La gravité du PTSD de guerre est positivement corrélée avec le fait d’attribuer les événements négatifs à des causes externes, stables et incontrôlables (Solomon, 1989) Même chose pour maladie Important de distinguer lieu de contrôle interne associé à de la culpabilité (causalité interne caractérologique) à celui associé à de la responsabilité (causalité interne comportementale)
Le contrôle perçu Soutien social Soutien social: autre modérateur efficace de la relation stress-émotion Vient de la sociologie de la santé Déf.: transaction interpersonnelle nécessitant l’un des éléments suivants: intérêt émotionnel, aide contributive, connaissances ou une appréciation sur l’environnement Steptoe (1991): L’intimité affective L’aide matérielle L’apport d’informations et de conseils
Le contrôle perçu Soutien social et détresse émotionnelle Clairement, le soutien social diminue la détresse De Araujo, 1973: effet du soutien social auprès de 50 asthmatiques Si pas d’événements stressants – » faible taux de corticostéroïdes Si événements stressants – » hauts taux de corticostéroïdes mais seulement si pas de soutien social Résultats similaires avec femmes enceintes et complications post-natales (Nuckolls,1972)
Le contrôle perçu Soutien social et lieu de contrôle Interaction entre soutien social et lieu de contrôle (Sandler et coll., 1982; Lecourt et coll., 1984) Soutien social plus efficace chez les individus avec un lieu de contrôle interne Explication: les individus avec un lieu de contrôle interne utilisent le soutien social comme un moyen pour les aider à faire face aux événements stressants
Le Coping
Le coping: variable cognitivo-comportementale modérant la relation stress-détresse Étymologie: angl. to cope (affronter, faire face, venir à bout, s’en tirer, etc.), lui même du vieux français: coup, couper, frapper, et au-delà, du latin colpus, colaphus, et du grec kolaphos: frapper de façon vive et répétitive, notamment avec la main Définition (Lazarus et Launier, 1978): ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et l’événement perçu comme menaçant, pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de celui-ci sur son bien-être psychologique et physique Le coping implique l’existence d’un problème (réel ou imaginé) et la mise en place d’une réponse – » processus actif Efforts cognitifs et comportementaux
Le coping Approches traditionnelles Les défenses du moi Les défenses du moi: ensemble d’opérations cognitives inconscientes dont la finalité est de diminuer ou supprimer l’angoisse Proches des mécanismes de défense freudien Déni: le sujet perçoit et constate la réalité tout en niant certains de ses éléments péjoratifs ou insupportables Isolation: le cours de la pensée se bloque autour d’une idée ou d’une représentation, empêchant ainsi une compréhension de ce qui arrive Intellectualisation: le sujet a une interprétation cohérente, logique, de ce qui lui arrive Le critère essentiel de la réussite du coping concerne ici la qualité du processus et la qualité du devenir psychologique et physique
Le coping Approches traditionnelles Les défenses du moi (suite) Une définition complète du coping nécessite d’inclure à la fois les fonctions de régulation émotionnelle et de résolution de problème, i.e. les stratégies inconscientes et conscientes que l’individu met en place pour s’ajuster à un événement qu’il perçoit comme menaçant
Le coping Approches traditionnelles Les traits de personnalité Le coping comme un trait de personnalité Répression-sensibilité (Byrne, 1961) Le fatalisme (Wheaton, 1983) L’endurance (Kobasa et coll., 1982) Cependant, plusieurs recherches démontrent de faibles corrélations entre les traits de personnalité et les stratégies de coping: La nature multidimensionnelle du processus actuel de coping ne peut être prédite par une mesure unidimensionnelle telle que le trait de personnalité Le caractère mouvant du processus de coping: change dans le temps, influencé par l’apprentissage et le contexte
Le coping Approches traditionnelles Les traits de personnalité (suite) Pearlin et Schooler, 1978: les stratégies cognitives sont d’avantage adoptées lorsque les événements sont incontrôlables (auto-régulation émotionnelle); les stratégies comportementales sont utilisées lorsqu’il y a possibilité de changement de la situation Selon Lazarus et Folkman (1984), il faut s’intéresser autant à ce que l’individu est qu’à ce qu’il fait La notion de coping permet de tenir compte à la fois des dispositions personnelles stables (ressources) et des modalités comportementales effectivement à l’œuvre dans différentes situations de stress (réponses)
Théorie cognitive du stress et coping
Le coping comme modérateur de la relation événement stressant-détresse émotionnelle Le stress ne dépend pas seulement de l’événement ni de l’individu, mais d’une transaction entre l’individu et l’environnement Réponse = résultat d’un déséquilibre entre exigences de la situation et les ressources de l’individu Selon le modèle transactionnel du stress, les stresseurs passent à travers une série de filtres qui ont pour fonction de modifier l’événement stressant et donc d’amplifier ou de diminuer la réaction de stress
Mécanismes filtrant l’impact du stresseur sur l’individu Perception du stresseur Efforts conscients stresseur Méc. défense Réactions de stress
L’évaluation et le coping Folkman et Lazarus (1988) estiment que l’évaluation et le coping sont les deux médiateurs fondamentaux de la relation entre l’individu et son environnement Évaluation: processus cognitif à travers lequel un individu évalue de quelle façon une situation particulière peut mettre en danger son bien-être et quelles sont ses ressources pour y faire face Coping: ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et l’événement perçu comme menaçant, pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de celui-ci sur son bien-être psychologique et physique
L’évaluation Folkman et Lazarus (1988)
L’évaluation L’évaluation primaire vs secondaire Lazarus et Folkman (1984) Évaluation par laquelle le sujet évalue ce qu’il y a en jeu (ex.: perte, menace, défi, etc.) Contribue à la nature et à l’intensité de l’émotion vécue Secondaire Processus par lequel l’individu se demande ce qu’il peut faire pour remédier à la perte, prévenir la menace ou obtenir le bénéfice Oriente le coping Détermine si coping centré sur l’émotion ou coping centré sur le problème
Caractéristiques personnelles L’évaluation L’évaluation et les ressources personnelles Folkman et Lazarus (1988) Les processus d’évaluation sont influencés par les caractéristiques personnelles antérieures et les variables environnementales Caractéristiques personnelles Les croyances Religieuses, morales; lieu de contrôle L’endurance Hardiness, propension stable de l’individu à être résistant aux exigences extérieures L’anxiété-trait (Spielberg et al., 1983) Tendance générale à percevoir les situations aversives comme menaçantes Ces facteurs sont d’autant plus importants que la situation est ambiguë (seuls sources d’information)
L’évaluation L’évaluation et les caractéristiques environnementales Folkman et Lazarus (1988) Le choix du type de coping est intimement lié aux caractéristiques environnementales Les caractéristiques de la situation La nature du danger, son imminence, sa durée Les stratégies de coping centrées sur le problème sont choisis lorsque la situation est susceptible de changer, sinon on se concentre sur l’émotion Les ressources sociales Entourage familial, social, professionnel Un soutien social faible est un facteur de vulnérabilité au stress
Le coping Folkman et Lazarus (1988)
Le coping ou les stratégies d’ajustement au stress Le coping peut moduler l’émotion de différentes façons A) L’Évitement-Vigilance: Faire varier l’attention Éviter l’info perturbatrice Pensée magique Usage de drogues et d’alcool Répit temporaire suivi de symptômes plus importants Focaliser l’attention sur le problème pour le régler Recherche d’info Peut aider mais peut aussi augmenter la tension associée à l’émotion lorsque le contrôle est impossible
Le coping ou les stratégies d’ajustement au stress (suite) B) Les activités cognitives apparentées au déni Altérer la signification subjective de la situation en ayant recours à des activités cognitives s’apparentant au déni Efficaces lorsque le coping centré sur le problème est impossible ou pour diminuer la tension émotionnelle sur de courtes périodes Génèrent des émotions positives Prise de distance par distraction (penser à quelque chose d’agréable) Exagérer les aspects positifs Diminuer les aspects négatifs Faire de l’humour Réévaluer positivement (menace transformée en défi)
Le coping ou les stratégies d’ajustement au stress (suite) C) Les efforts comportementaux actifs Modification directe des termes mêmes de la relation personne environnement Affrontement direct du problème Élaboration et mise en œuvre de plans d’action
La séquence évaluation-action-réévaluation détermine l’efficacité des stratégies de coping Ressources personnelles (croyances, lieu de ctrl, traits de personnalité) Évaluation de l’événement Stratégies de coping Réévaluation-Feedback Facteurs environn. (caract. de la situation et soutien social)
Classification des méthodes coping et méthodes d’évaluation Coping centré sur l’émotion: Régulation de la détresse émotionnelle Coping centré sur le problème Gestion du problème à l’origine de la détresse
Classification des méthodes coping et méthodes d’évaluation (suite) Les échelles de coping (The ways of coping checklist; Lazarus et Folkman, 1984): La résolution du problème (y compris recherche d’infos) L’esprit combatif ou l’acceptation de la confrontation La prise de distance ou la minimisation des menaces La réévaluation positive L’auto-accusation La fuite-évitement La recherche d’un soutien social La maîtrise de soi Deux premières échelles: coping centré sur le problème
Efficacité des stratégies de coping Efficace si permet contrôle sur événement stressant (Laborit, 1979) Généralement le coping actif est plus efficace que le coping passif pour diminuer la détresse émotionnelle (anxiété, dépression) Il n’y a pas de stratégies de coping efficaces en soi, indépendamment des caractéristiques personnelles et perceptivo-cognitives du sujet ainsi que des particularités des situations stressantes L’évitement est plus efficace peu de temps après la survenue du stresseur (0 à 3 jours) alors que les stratégies actives sont plus efficaces à long terme (à partir de deux semaines)