Dr LOYANT Rémy Centre Hospitalier d’Angoulême Régulation Médicale La douleur thoracique du sujet âgé CPCMU, Poitiers le 08/12/2017 Dr LOYANT Rémy Centre Hospitalier d’Angoulême
1er cas clinique 2ème cas clinique ARM REG MG
Les caractéristiques du SCA Douleur constrictive, à type de serrement en étau (barre), irradiant dans les bras et/ou la mâchoire, durant plus de 30 minutes et non calmée par la trinitrine. Rechercher : les caractéristiques et les signes évolutifs de la douleur (heure de début, type et irradiations, sensibilité aux dérivés nitrés) les signes d’accompagnement le terrain et les facteurs de risques cardiovasculaires (âge, sexe, diabète, traitement de fond par dérivés nitrés, antécédents familiaux).
Analyse sémiologique I Les symptômes les plus sensibles pour distinguer le SCA des autres pathologies sont : le début brutal de la douleur (70 %) sa durée supérieure à 60 minutes (88 %) son caractère constrictif ou à type de serrement (79 %) La localisation rétrosternale et le caractère oppressant sont les signes les plus fréquemment retrouvés. Le caractère « constrictif » a la meilleure sensibilité pour dépister le SCA. Le critère « intense » a également une bonne performance diagnostique. Quand la douleur dure entre 20 et 60 minutes, elle est significativement plus souvent en rapport avec un SCA.
Analyse sémiologique II Le facteur le plus fortement prédictif de survenue d’un SCA chez un adulte souffrant de douleur thoracique est l’irradiation de la douleur dans les deux bras (OR = 7,1). Les autres facteurs sont : la localisation de la douleur dans la poitrine ou le bras gauche (OR = 2,7) l’irradiation de la douleur à l’épaule droite (OR = 2,9) ou au bras gauche (OR = 2,3) un antécédent d’IDM (OR = 1,5 à 3) une douleur thoracique dominant le tableau (OR = 2), l’existence de sueurs profuses (OR = 2) de nausées et de vomissements (OR = 1,9) L’irradiation de la douleur dans le bras droit est un élément discriminant et spécifique associé à une douleur thoracique
Analyse sémiologique III Eléments de faible probabilité : douleur à type de piqure, de brûlure, inspiratoire, positionnelle, en coup de poignard, reproduite par la palpation… Le sexe masculin, l’âge supérieur à 60 ans, les antécédents personnels de coronaropathie ou un traitement de fond par dérivés nitrés sont les éléments les plus sensibles pour distinguer le SCA des autres pathologies. La symptomatologie du sujet âgé associe plus souvent douleurs dorsales, difficultés respiratoires, asthénie, douleurs épigastriques, nausées ou vomissements. Ces symptômes sont souvent mal interprétés.
Le sujet âgé Patient à haut risque ischémique et à haut risque hémorragique Gravité du pronostic sous tendue par les comorbidités La prise en charge ne doit pas différer du sujet plus jeune en terme de stratégie invasive et de recours à l’angioplastie si bon état général
Sémiologie du sujet âgé Classiquement = douleur peu présente, caractéristiques peu évocatrices, interrogatoire peu fiable, localisation imprécise, irradiations absentes…mythe ou réalité ? Classique infarctus dit indolore : 40% des cas si > 65 ans 70% des cas si > 85 ans Mais 18 à 33% des cas aussi si < 65 ans Cependant le SCA n’est quasiment jamais asymptomatique : Dyspnée dans 40-50% des cas Sueurs = 25-30% Signes digestifs = 20-25% Syncope, confusion, faiblesse, fatigue, chutes, AEG…
Faire de la bonne médecine = l’interrogatoire L’orientation initiale de l’appel par l’ARM est un temps essentiel Douleur thoracique = régulation hospitalière à fortiori chez le sujet âgé L’interrogatoire prend du temps mais ne coûte pas cher Policier…mais sans torture Le disque rayé Ne jamais négliger le patient…ni l’entourage Dossier informatique, médecin traitant, ordonnances… Douleur thoracique retrouvée dans 1/3 des IDM dits « indolores » Présentation atypique pourtant bien typique : dyspnée/sueurs/signes digestifs
Aspects médico-légaux Obligation de moyens, obligation d’information claire, loyale et appropriée de la décision de régulation médicale La responsabilité personnelle des acteurs de la régulation médicale peut être recherchée quel que soit leur statut Les juridictions estiment qu’il appartient au médecin régulateur de s’informer le plus complètement possible avant d’écarter la notion de péril imminent et de s’abstenir d’intervenir le cas échéant La jurisprudence met régulièrement une faute du médecin dans le déclenchement des moyens en relation avec la qualité de l’échange téléphonique Notion de «soins attentifs et diligents conformes aux données acquises de la science» Les meilleures régulations sont les plus courtes ? Du point de vue de l’expert ça serait plutôt le contraire…
Conseils ARM Se présenter et préparer le passage au médecin régulateur : les circuits sont complexes, l’appelant a plusieurs interlocuteurs Empathie : pas de remarque déplacée, ne pas tomber dans la facilité (y compris quand c’est encore Madame X qui appelle…) Noter dans le dossier informatisé tous les éléments entendus Disposer d’un protocole d’orientation des appels Le doute doit bénéficier au patient : régulateur SAMU Conflit ou morale = terrain de plainte ou réclamation Attention aux évocations « péjoratives » : spasmophilie, stress, angoisse… Pratiquer le suivi d’appel : borné et informatisé
Médecins Régulateurs Trois phases : accueil, écoute passive, écoute active Contact direct avec le patient si possible Ne pas esquiver ou éviter la partie cachée de l’iceberg (parfois un mot) Ne pas enfermer l’appelant avec l’objectif de non engagement du SMUR et/ou de protection Ne pas s’enfermer : savoir se réévaluer à tout moment et modifier sa décision Partager la décision dans un langage compréhensif Laisser la porte ouverte : «vous me rappelez en cas de changement de la situation» Le doute doit bénéficier au patient, à fortiori lorsque l’éloignement est important
Ecoutez le patient : il est en train de vous donner le diagnostic (Sir William Osler) Derrière chaque douleur thoracique il y a un ACR potentiel Beaucoup de bon sens, une dose de feeling, beaucoup d’expérience Des règlements, des protocoles et…leur évaluation régulière Le piège existera toujours malgré les garde-fous Ne laissez jamais le savoir prendre le dessus sur ce qui demeure le plus important, l’ignorance (Henry David Thoreau)