Susciter un recul réflexif sur soi et sur la nature des savoirs pour développer des stratégies d’apprentissage J.L. Wolfs, S. Legrand U.L.B. Sciences de l’Education jwolfs@ulb.ac.be
PLAN 1. Introduction : obstacles à la réussite à l’Université. 2. Quelques pistes de travail: - 2.1 Développer des stratégies d’apprentissage en profondeur - 2.2 Susciter une réflexion métacognitive - 2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs 3. Conclusions et perspectives
1. Introduction : obstacles à la réussite à l’Université.
Introduction - 1 Lors de l’entrée à l’Université nombre considérable de difficultés. 1. Les plus connues: Augmentation importante de la quantité de matière, Prise de notes, synthèse, gestion du temps… Autonomie Grâce à diverses formules d’accompagnement pédagogique, proposées par certains services spécialisés au sein des universités, les étudiants ont la possibilité de ne pas devoir surmonter seuls ces difficultés.
Introduction - 2 2. Difficultés moins facilement observables liées à : la connaissance de soi (ex. auto-évaluation, projet vocationnel…) ; la compréhension de la nature des savoirs universitaires et de leurs enjeux (ex: un rapport au savoir plus « problématisé » est attendu de l’étudiant) ; l’intégration dans un nouvel environnement humain une affiliation intellectuelle et sociale est attendue
Introduction - 3 Pour favoriser la transition secondaire / supérieur: tenir compte des dimensions suivantes dans l’élaboration des dispositifs : les stratégies d’apprentissage visant un apprentissage en profondeur la métacognition la réflexion sur la nature des savoirs
2. Quelques pistes de travail
2.1 Développer des stratégies d’apprentissage en profondeur Deux grands types de modalités d’apprentissage 1. l’apprentissage de surface: la recherche de sens n’est pas prioritaire ; accumulation passive de l’information ; peu ou pas de recours à une gestion métacognitive ; vise essentiellement la reproduction de l’information ; l’implication de l’élève/ l’étudiant peut être soit faible soit forte.
2.1 Développer des stratégies d’apprentissage en profondeur L’apprentissage de surface: « (…) processus d’apprentissage donnant lieu à des faux-savoirs, savoirs distanciés du sujet, d’acquisition toute mécanique et provisoire, pseudo-savoirs n’ayant d’autre sens pour le sujet que de satisfaire aux exigences et aux normes des contrôles et épreuves scolaires, ou d’être la pilule amère qu’il faut avaler à son corps défendant pour avoir plus tard un « bon métier ». (Mosconi, 1997, p. 108)
2.1 Développer des stratégies d’apprentissage en profondeur 2. l’apprentissage en profondeur la recherche de sens est prioritaire traitements actifs de l’information (reformulation, l’exemplification, la structuration, l’analyse, etc.) recours à une gestion métacognitive des stratégies (analyse, autoévaluation, autorégulation) vise l’appropriation personnelle et le développement de compétences de haut niveau nécessite une forte implication de l’apprenant
2.1 Développer des stratégies d’apprentissage en profondeur L’apprentissage en profondeur: « (…) apprentissages qui aboutissent à des savoirs vrais, qui s’intègrent véritablement à la personnalité au point de la travailler en permanence et finalement de la transformer. Par cette rencontre authentique avec le savoir, avec un savoir, le sujet s’auto-modifie et se transforme dans sa personnalité profonde. » (Mosconi, 1997, p. 108)
2.1 Développer des stratégies d’apprentissage en profondeur l’apprentissage de surface et l’apprentissage en profondeur n’amènent pas aux mêmes types de savoirs… Dans les dispositifs de formation ou d’accompagnement destinés aux étudiants, il est important d’apprendre aux étudiants à découvrir, développer ou perfectionner les stratégies d’apprentissage en profondeur
2.1 Développer des stratégies d’apprentissage en profondeur L’accent mis sur l’apprentissage en profondeur se justifie à la fois pour des raisons : d’efficacité et d’idéal pédagogique (qualité de l’apprentissage accompli) Remarque importante: parfois manque de cohérence entre les pratiques d’enseignement (orientées vers l’apprentissage en profondeur) et d’évaluation (visant la reproduction…)
2.2 Susciter une réflexion métacognitive Fondements: Piaget (abstraction réfléchissante) Flavell (théories de l’esprit) Vygotsky (origine sociale du contrôle cognitif)… mettent en évidence le rôle d’une « prise de recul » du sujet par rapport à lui-même, dans son développement cognitif
2.2 Susciter une réflexion métacognitive Concept de métacognition 1. Etymologiquement, métacognition signifie : « connaissance de la connaissance » 2. Gombert (1990) « Domaine qui regroupe : les connaissances introspectives conscientes qu’un individu a de ses propres états et processus cognitifs ; les capacités que cet individu a de délibérément contrôler et planifier ses propres processus cognitifs en vue de la réalisation d’un but ou d’un objectif déterminé. » Développer chez les étudiants une réflexion métacognitive et stratégique à propos de leurs manières d’apprendre
2.2 Susciter une réflexion métacognitive Opérationnalisation du concept, sous la forme des activités suivantes : l’explicitation l’analyse l’anticipation (ou planification) la décentration l’autoévaluation la régulation Dès qu’une de ces activités intervient, l’étudiant vit une expérience métacognitive.
2.2 Susciter une réflexion métacognitive Avantages d’une approche de type métacognitif: Met l’étudiant « au cœur des apprentissages ». Contribue à donner un fondement théorique aux pratiques d’évaluation formatives et d’auto évaluation tente de dépasser d’autres approches (« skills d’apprentissage », pédagogie par objectifs). L’accent mis sur l’approche métacognitive se justifie aussi pour des raisons : d’efficacité et d’éthique (n’agit pas à l’insu de l’étudiant sur ses stratégies d’apprentissages) Limites : rôle surtout important dans les situations de « déséquilibre cognitif » (situations nouvelles ou difficiles), quand le sujet ne peut plus avoir recours à des automatismes ou à des procédures de guidage externe
2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs Quelles sont les caractéristiques des savoirs enseignés à l’université ? Contexte historique: naissance de l’université « moderne » (Von Humboldt, début du 19e s) Rôle de l’université: - vise le développement de la science - vise l’universalité des savoirs - articule « théorie - pratique » par la recherche
2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs Implications: - Former à et par la recherche - Enseignant - chercheur - Liberté académique → Très large diffusion de ce modèle (e.a. Europe du Nord et Etats-Unis)
2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs Exemple: Comparaison entre manuels d’histoire dans le secondaire et syllabi universitaires (Pollet, 2001) Caractéristiques des manuels d’histoire analysés: discours essentiellement descriptif ou explicatif ; contenus neutres, consensuels, etc. ; abstention à renseigner les sources ;
2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs Ce type de transmission amène les élèves à éprouver des difficultés : à accepter qu’il puisse exister plusieurs modèles par rapport à un phénomène et à les argumenter ; méconnaissance des caractéristiques fondamentales de la démarche scientifique ; appréhension du savoir en continuité plutôt qu’en rupture avec le registre de l’évidence, de l’expérience familière, voire de l’opinion ; les savoirs sont peu ou pas problématisés par les élèves, pas d’encouragement au questionnement sur la nature des savoirs d’un point de vue épistémologique. Rem: les élèves peuvent aussi avoir une vision purement utilitariste des savoirs
2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs 2. Mode d’enseignement à l’université (voir Pollet, 2001): les discours sont majoritairement de nature argumentative ; « polyphonie textuelle » + citation des sources souvent prise de position de l’auteur (qui est aussi chercheur) Il s’agit avant tout de savoirs « problématisés » Il est attendu aussi des étudiants qu’ils apprennent à problématiser les savoirs, à leur donner du sens dans la discipline enseignée.
2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs Exemple (en sciences) équilibre des corps flottants (Bachelard, 1934) intuition familière Observation d’un objet qui flotte Attribution d’une activité au corps qui flotte (corps qui nage) Enfoncer un objet dans l’eau qui résiste (bout de bois) Attribution de la résistance à l’objet et non à l'eau. Difficulté à faire comprendre le principe d'Archimède dans sa simplicité mathématique Nécessité de critiquer et de désorganiser les intuitions premières
2.3 Susciter une réflexion sur la nature des savoirs Obstacles épistémologiques » : Les étudiants n’arrivent pas aux cours telle une table rase « …il s'agit alors, non pas d'acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne » le dépassement des obstacles épistémologiques ne peut se faire que si l’étudiant est amené à avoir une réflexion sur la nature des savoirs.
Conclusions et perspectives Pour développer un « apprentissage en profondeur », un entraînement à des techniques d’étude ne suffit pas… Il est important de développer une réflexion à la fois sur soi (comme apprenant) et sur la nature des savoirs. La réflexion sur soi et la réflexion sur la nature des savoirs devraient en principe être liées Il est nécessaire que l’étudiant se pense en « sujet » pour qu’il perçoive le savoir, non pas sur le registre de l’évidence, du donné, mais de « l’objet », du construit.
Conclusions et perspectives C’est avant tout dans le cadre de chaque cours que les étudiants devraient acquérir et développer leurs stratégies d’apprentissage. Les formations méthodologiques doivent autant que possible, être cohérentes avec l’ensemble du projet éducatif et en particulier avec les modalités d’évaluation existantes.