Le dossier de Cacouna: Une victoire pour les bélugas ou l’expression des limites du droit de l’environnement? Faculté de droit Université de Sherbrooke.

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Transcription de la présentation:

Le dossier de Cacouna: Une victoire pour les bélugas ou l’expression des limites du droit de l’environnement? Faculté de droit Université de Sherbrooke 10 novembre 2014

Bélugas du St-Laurent: La Cour ordonne l’arrêt des travaux de forages à Cacouna Montréal, le 23 septembre 2014 – La Cour supérieure du Québec a ordonné aujourd’hui l’arrêt des travaux de forages entrepris à Cacouna par l’entreprise Transcanada, dans l’habitat des bélugas du Saint-Laurent. Ce jugement accueille la demande d’injonction interlocutoire des groupes environnementaux et de citoyens ( Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), la Fondation David Suzuki, Nature Québec, la Société pour la Nature et les Parcs du Canada (SNAP), et les citoyens France Dionne et Pierre Béland) préoccupés par l’impact des travaux sur cette espèce en péril.

[…] le béluga est récemment devenu un symbole des efforts de conservation des espèces marines au Canada. (COSEPAC, 2004) Le béluga de l'estuaire du Saint-Laurent est la population la plus au sud de cette espèce et elle est isolée géographiquement des autres populations de bélugas. Il ressort des études qu'avant 1885, il y avait jusqu'à bélugas dans l'estuaire du fleuve Saint-Laurent. Aujourd'hui, la population du Saint-Laurent est composée de seulement 1000 individus et ne montre aucun signe d'augmentation. L'examen des carcasses de béluga recueillies sur les berges de l'estuaire du Saint-Laurent a révélé des concentrations inquiétantes de produits chimiques toxiques dans cette population, et on croit qu'il s'agit d'un facteur éventuellement limitatif de son rétablissement. Le dragage, le transport maritime, le tourisme, l'activité industrielle et la pollution de l'environnement ont aussi diminué la qualité de l'habitat et contaminé les aliments que l'espèce consomme. (Décret de la Gazette du Canada, en 2005, p ) CQDE et al c. TRANSCANADA PIPELINES LTÉE

Le projet de TransCanada Longueur totale : 4500 km Capacité : 1 million de barils de pétrole brut par jour Investissements : 12 milliards de dollars L'objectif est de convertir 3000 km de gazoduc en oléoduc entre l'Alberta (Hardistry) et l'Ontario et construire un pipeline supplémentaire de 1400 km jusqu'à Saint-Jean au Nouveau- Brunswick. À Cacouna, un parc comprenant jusqu’à 12 réservoirs de stockage permettra d’entreposer 500,000 barils de pétrole serait construit de même qu’un terminal maritime permettant l’amarrage et le chargement de navires citernes de type Aframax et Suezmax d’une capacité de à 1,1 million de barils de pétrole

Et le béluga? Au niveau provincial, la population de bélugas du Saint-Laurent a été désignée espèce « menacée » en mars 2000 en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec (chapitre E ) Au niveau fédéral, depuis le 27 juillet 2005, le béluga est inscrit comme « espèce menacée » au sens de Loi sur les espèces en péril, (L.C. 2002, ch. 29) À Cacouna, le terminal maritime se situe précisément à l’intérieur de la limite spatiale de la population résidente menacée de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent selon la carte de l’habitat essentiel du béluga de Parcs Canada, Pêches et Océans Canada.

Avril 2014 : Travaux de levés géophysiques autorisés aux termes de l’article 73 de la LEP, sur la base d’un avis de la direction des sciences du MPO; 16 mai 2014: 1 er requête en injonction provisoire, interlocutoire et permanente, en raison de l’absence apparente d’autorisation tant fédérale que provinciale pour effectuer des travaux de forage préliminaire. Le 23 mai 2014 la requête en injonction provisoire a été remise sine die, Transcanada ayant déposé la veille des demandes d’autorisation au MDDELCC et ont suspendu tous travaux jusqu’à ce que Québec ait statué sur ces demandes d’autorisation. Au plan fédéral, Transcanada a remis le matin de l’audition une lettre du MPO concluant qu’aucun permis n’était nécessaire pour les travaux de forage; Contexte procédural:

21 août 2014, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux Changements climatiques (le MDDELC) a délivré le certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement permettant aux intimées de réaliser 16 sondages géotechniques dans le fleuve St-Laurent 1 er septembre 2014: la Cour a rejeté l’injonction provisoire; 23 septembre 2014, la Cour a accueilli la requête en injonction interlocutoire des requérants; Contexte procédural:

Le 10 octobre 2014, le MDDELC avise TransCanada que: Les travaux n’ont toujours pas repris à ce jour; Le 8 décembre 2014 une requête en rejet présentée par TransCanada sera débattue devant la juge Claudine Roy Contexte procédural:

Fardeau de preuve: 1- Apparence de droit; (dans le contexte de travaux autorisés par le ministre en vertu de l’article 22 de la LQE) 2- Balance des inconvénients; (dans le contexte d’un projet de 12 Milliard de $) 3- Cautionnement Contexte procédural: Requête en injonction interlocutoire (19.2 et ss. de la LQE et 752 et ss. C.p.c.)

[12] À l'audience, les requérants ont amendé leur requête pour limiter leur demande à la suspension des travaux jusqu'au 15 octobre Cette date s'appuie sur la déclaration assermentée de leur expert indiquant que les travaux en cours se déroulent dans une aire de haute résidence des bélugas, faisant partie de leur habitat essentiel et occupée par les mères et leurs veaux surtout jusqu'au 15 octobre. Il s'agit pour eux de la période la plus critique.(…) [20] Parmi les centaines d'espèces fauniques répertoriées, il n'yen a que vingt qui sont classées « espèces menacées » au sens de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Le béluga, population du Saint-Laurent, est l'une de ces espèces menacées. La prudence s'impose donc. (…) Le Jugement: Arrêt des travaux jusqu’au 15 octobre

[25] De plus, les parties ont également référé au principe de précaution en matière environnementale. Le paragraphe 7 de la Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable prévoit que : Un développement durable implique des politiques fondées sur le principe de précaution. Les mesures adoptées doivent anticiper, prévenir, et combattre les causes de la détérioration de l'environnement. Lorsque des dommages graves ou irréversibles risquent d'être infligés, l'absence d'une totale certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour ajourner l'adoption de mesures destinées à prévenir la détérioration de l'environnement. [26] La Cour suprême du Canada, dans Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), souligne que ce principe est intégré dans plusieurs dispositions de législation interne. D'ailleurs, la Loi sur le développement durable, qui vise à assurer la cohérence des actions gouvernementales en matière de développement durable, s'y réfère expressément: lorsqu'il y a un risque de dommage grave ou irréversible, l'absence de certitude scientifique complète ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir une dégradation de l'environnement. Ce principe demeure donc en toile de fond et doit être considéré dans l'étude de la prohibition de l'article 20 de la Loi sur la qualité de "environnement. Le Jugement: Le principe de précaution

[68] Puis, Mme Jean parle avec Mme Lesage au téléphone. Elle obtient des informations sur trois sujets de préoccupation: La raison d'être du 30 avril comme date limite pour les travaux sismiques? Le mois de mai est très important pour l'alimentation des bélugas, la limite du 30 avril visait à limiter les perturbations. Les mesures d'atténuation? Les mesures mentionnées dans l'avis concernent les travaux sismiques; ils ne concernent pas les forages et l'utilisation de deux barges. Il est possible qu'il n'y ait pas de bruit si les travaux sont arrêtés, mais cela n'empêchera pas le phénomène de l'évitement: les bélugas risquent de ne plus fréquenter cette zone. Il s'agit d'une zone importante pour les mères et leurs veaux. Les premiers veaux ont été vus en juin 2014 et le pic est de fin juillet à début août. La zone d'exclusion? Ce n'est pas Mme Lesage qui s'est occupée de l'autorisation des travaux géotechniques au niveau fédéral; elle a été consultée pour la première version de la demande de certificat d'autorisation, mais pas pour la deuxième et elle ne sait pas pourquoi. Mme Lesage est d'accord avec M. Michaud concernant le fait que l'utilisation de deux barges serait plus nocive pour le béluga. Le jugement: Analyse du processus de décision

5 demandes d’information : 5 réponses insatisfaisantes Demande répétée de l’analyste du ministère: «Obtenir un avis de la Direction des sciences du MPO» [70] Mme Lesage lui aurait demandé à quelques reprises de garder leurs conversations confidentielles. Finalement, Mme Lesage informe Mme Jean que si elle veut un avis scientifique formel de la Direction des sciences du MPO, elle doit contacter son supérieur, M. de Lafontaine. [101] Le Ministre n'est pas rassuré par l'étude d'impacts de 2007, les analyses de M. Kemp et l'avis scientifique rédigé pour les travaux sismiques. Les contacts avec Mme Lesage qui a participé à la rédaction de cet avis scientifique tendent plutôt à confirmer qu'il y a matière à s'inquiéter. Le jugement: Analyse du processus de décision

[103] Le Ministre décide alors qu'il lui faut un avis scientifique de la Direction des sciences du MPO. Il n'obtient pas cet avis. Il reçoit seulement une lettre transmettant des documents déjà en sa possession, mais cette fois, signée par le directeur de la Direction des sciences. Il change sa position et signe le certificat d'autorisation. Rien dans la preuve actuellement n'explique ce revirement de situation. Rien dans cette lettre n'explique pourquoi toutes les hésitations et inquiétudes du Ministre devraient être écartées. [106] Les interrogatoires de Mme Jean et de M. Dionne ne révèlent rien de plus. Ils semblent ne s'être préoccupés que du nom sur la lettre plutôt que du contenu de la lettre. Ils occultent complètement le fait que personne, ni TransCanada ni la Direction des sciences du MPO ne répondent à leurs questions fort légitimes, à savoir, est-ce que la réalisation des travaux aux dates proposées par le promoteur risque de causer un dérangement important ou d'avoir des impacts significatifs sur les mammifères marins, et, le cas, échéant, quelles mesures d'atténuation additionnelles permettraient de réduire le dérangement ou les impacts pour les rendre acceptables. Le jugement: Analyse du processus de décision

[107] Le Ministre invoque dans son argumentation écrite que: il n'appartenait pas à Mme Jean de trancher entre les avis divergents de MM. Michaud et Davis; la lettre de M. de Lafontaine est un avis formel de la Direction des Sciences du MPO; Mme Jean ne pouvait remettre en cause cet avis formel. [108] Au contraire: il appartient au Ministre de décider, à la vue de toute l'information recueillie, s'il accorde l'autorisation ou non et, ce faisant, de s'assurer que les travaux ne risquent pas de causer de préjudice aux bélugas; la preuve démontre que la lettre de M. de Lafontaine n'est pas un avis scientifique de la Direction des sciences du MPO, même le Procureur général du Canada le souligne; si le Ministre ne trouvait pas réponse à ses questions, il devait continuer son processus ou à tout le moins expliquer pourquoi il décide soudainement de recommander l'autorisation sur la base de documents qu'il détient depuis plusieurs semaines et qui ne répondaient pas antérieurement à ses préoccupations. Le Jugement: Analyse du processus de décision

Autopsie de nos lois environnementales

19.1. LQE «Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l'un ou l'autre des articles de la présente loi (…)» Charte des droits et libertés de la personne Art. 46.1: «Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. ». Un droit à l’environnement pour les bénéficiaires ou pour les clients…

22. Nul ne peut ériger ou modifier une construction, entreprendre l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou l'utilisation d'un procédé industriel ni augmenter la production d'un bien ou d'un service s'il est susceptible d'en résulter une émission, un dépôt, un dégagement ou un rejet de contaminants dans l'environnement ou une modification de la qualité de l'environnement, à moins d'obtenir préalablement du ministre un certificat d'autorisation. 24. Le ministre doit, avant de donner son approbation à une demande faite en vertu de l'article 22, s'assurer que l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet de contaminants dans l'environnement sera conforme à la loi et aux règlements. Il peut, à cette fin exiger toute modification du plan ou du projet soumis. 20. Nul ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter ni permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l'environnement d'un contaminant au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par règlement du gouvernement. La même prohibition s'applique à l'émission, au dépôt, au dégagement ou au rejet de tout contaminant, dont la présence dans l'environnement est prohibée par règlement du gouvernement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens. Un droit à l’environnement pour les bénéficiaires ou pour les clients…

96. Toute ordonnance émise par le ministre, à l'exception de celles visées aux articles 29 et 32.5, au deuxième alinéa de l'article 34, aux articles 35, 49.1, 58, 61 et 120, peut être contestée par la municipalité ou la personne concernée devant le Tribunal administratif du Québec. Il en est de même dans tous les cas où le ministre refuse d'accorder, suspend ou révoque un certificat d'autorisation, un certificat, une autorisation, une approbation, une permission, une attestation ou un permis, (…) Un droit à l’environnement pour les clients…

Question 5 : Quels sont les pouvoirs d'intervention du Tribunal en regard de l’ordonnance du Ministre? [508] Dans la présente affaire, il n’est pas contesté que l’ordonnance prise par le Ministre en vertu de l’article 114 LQE peut faire l’objet d’un recours en contestation devant le Tribunal en vertu de l’article 96 LQE. […] [525] La présente affaire pose donc la question de savoir si le Tribunal doit faire preuve de la même réserve que les tribunaux judiciaires à l’égard des décisions discrétionnaires de l’autorité administrative. En d’autres termes, existe-t-il une limitation expresse ou implicite aux pouvoirs généraux du Tribunal dans un tel contexte? […] [550] D’ailleurs, dans la mesure où le Tribunal est compétent pour recevoir de nouveaux éléments de preuve, ce qui fut le cas dans la présente affaire, il apparaît incongru de prétendre que son pouvoir d’intervention doive se limiter au contrôle du caractère raisonnable ou légal de la décision. À partir du moment où les faits pris en considération par le Ministre diffèrent de ceux présentés au Tribunal, il est difficile, voire impossible, d’apprécier le caractère raisonnable ou non de la décision initiale. [551] Ainsi, les dispositions de la LQE, l’historique législatif de l’article 96 LQE, la place du Tribunal dans l’ordre administratif, son caractère spécialisé et le fait qu’il procède de novo conduisent le Tribunal à conclure qu’il n’existe aucune limite expresse ou implicite à son pouvoir d’intervention prévu au deuxième alinéa de l’article 15 LJA à l’égard d’une ordonnance prise par le Ministre en vertu de l’article 114 LQE. Kozlowski c Québec, 2014 CanLII 9776 (QC TAQ) Un droit à l’environnement pour les clients…

Contrôle judiciaire de la décision: 17 L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire n'est toutefois pas absolu. Il peut être attaqué en certaines circonstances. Dans un extrait maintes fois repris par les tribunaux, les auteurs Dussault et Borgeat écrivent ce qui suit : En résumé, bien que les tribunaux aient à maintes reprises répété qu'ils ne sauraient substituer leur jugement à celui d'un agent, d'un organisme administratif ou d'une autorité publique dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, ils n'ont pas hésité à intervenir dans les cas où la discrétion était exercée. 1.à des fins impropres, non prévues par la loi; 2.de mauvaise foi 3.selon des principes erronés ou en tenant compte de considérations non pertinentes; 4.d'une façon discriminatoire et injuste, arbitraire ou déraisonnable. Québec c Québec inc., 2007 QCCA 667, EYB Un droit à l’environnement pour les bénéficiaires?

124 Les auteurs Daigneault et Paquin suggèrent que le contrôle judiciaire de la Cour supérieure ne porte pas sur l'exercice même de la discrétion administrative du ministre, mais sur « […] l'étape préalable à l'exercice de la discrétion consistant à recueillir, analyser et vérifier les données soumises par un demandeur de certificat d'autorisation […]. » 125 Le Tribunal est en accord avec cet énoncé. Chertsey (Municipalité de) c. Québec (Ministre de l'Environnement), 2008 QCCS 1361, J.E (C.S.), EYB EYB Un droit à l’environnement pour les bénéficiaires?

Comme la demande d’autorisation n’est pas publique, les bénéficiaire du droit à la qualité de l’environnement ne connaisse l’existence de cette autorisation que lorsque les travaux débutent… La demande en contrôle judiciaire doit alors être jumelée à une demande d’injonction interlocutoire, impliquant la preuve de: 1- L’apparence de droit; 2- La balance des inconvénients; Un droit à l’environnement pour les bénéficiaires?

20 - Le cadre général d'examen maintenant arrêté, il faut reconnaître que le fardeau du requérant, dans un cas comme celui-ci, est lourd. En effet, il veut faire cesser l'exploitation d'un tiers non parce que celui-ci a contrevenu aux conditions de son certificat, mais parce que l'autorité publique émettrice de l'autorisation aurait violé la loi ou l'obligation d'agir équitablement (la règle du «duty to act fairly») à l'occasion de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. En somme, le requérant veut qu'un tiers cesse l'activité autorisée par l'autorité publique compétente pendant la durée du procès au terme duquel le Tribunal devra statuer sur le fond des allégations de nullité visant non pas le détenteur de l'autorisation, mais l'acte du décideur. En revanche, faut- il le rappeler, un tribunal peut annuler une décision arbitraire ou déraisonnable ou parce que le processus de la loi a été violé, mais jamais parce qu'elle est inopportune ou erronée. (…) Mais, il me semble que, dans un cas comme celui-ci, où l'allégation de nullité contre l'acte du décideur signifie l'émission d'une ordonnance d'injonction interlocutoire pour faire cesser l'exploitation de l'entreprise du bénéficiaire de la décision et ainsi lui faire perdre la sécurité juridique à l'exercice de l'activité autorisée, le juge doit examiner avec soin le droit allégué. 21- C’est pourquoi, j’estime que le requérant doit démontrer plus qu’une question sérieuse; il doit satisfaire le Tribunal que son recours repose sur une solide apparence de droit. Calvé c. Gestion Serge Lafrenière (1999) R.J.Q (CA) Un droit à l’environnement pour les bénéficiaires?

Bilan: La reconnaissance d’un droit (19.1 LQE et 46.1 Charte); Droit limité par les autorisations délivrées par le ministre; Autorisation délivrée sans droit d’appel, contrairement au demandeur d’autorisation qui limite pourtant le droit à l’environnement et qui a droit à un appel de novo devant le TAQ; Autorisation révisable par le bénéficiaire que sur jugement de la cour supérieur en contrôle judiciaire sur preuve de mauvaise foi de décision non pertinentes, discriminatoire et injuste, arbitraire ou déraisonnable; Autorisation délivrée à l’insu du bénéficiaire, impliquant généralement un recours additionnel en injonction interlocutoire et la preuve de la balance des inconvénients et de l’urgence créés par cet état de fait et de droit… Un droit à l’environnement pour les bénéficiaires?