Comprendre l’évaluation selon la PI Enjeux et questions à résoudre Xavier ROEGIERS Fès, 12 avril 2011
• Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? Plan de l’exposé • Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? • Evaluation formative et évaluation certificative • Bien comprendre les critères • Quand une compétence est-elle considérée comme maîtrisée ? • Elaborer des situations d’évaluation • La remédiation, quelques points de repère
Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? Evaluer en termes de compétences, c’est accepter de remettre en question les bases sur lesquelles l’enseignant apprécie généralement une production de l’élève.
Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? Que valorise-t-on généralement ? En langue • le respect de la consigne « à la lettre » ; • la perfection dans la maîtrise de la langue. En mathématiques • une bonne réponse finale ; • des calculs corrects.
Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? Tout le monde est d’accord pour dire que l’idéal serait un élève qui respecte strictement une consigne, qui maîtrise la langue à la perfection, qui donne une bonne réponse finale ou qui effectue correctement un calcul.
Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? Mais il s’agit d’être réaliste : peu d’élèves y arrivent. Il faut alors se poser la question : comment apprécier les prestations de cette énorme tranche d’élèves qui n’arrivent pas à cette perfection ?
Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? La Pédagogie de l’Intégration apporte plusieurs réponses à cette question : • Elle valorise les élèves qui effectuent une production équilibrée, à défaut d’être parfaite. • Elle valorise la manière dont un élève appréhende une situation complexe (critère de pertinence).
Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? • Elle valorise les élèves qui utilisent correctement les outils de la discipline, même si cette maîtrise n’est pas parfaite (critère 2). • Elle valorise le bon sens, le lien avec la réalité (critère de cohérence).
Qu’est-ce qu’évaluer en termes de compétences ? • En termes de dispositif, elle valorise les mécanismes de vérification par l’élève lui- même (par exemple, la grille de vérification). • Dans certains cas, elle valorise l’originalité de la production.
2. Evaluation formative et évaluation certificative La PI tente de clarifier les rôles respectifs joués par l’évaluation formative d’une part et l’évaluation certificative d’autre part.
2. Evaluation formative et évaluation certificative • Elle parle de fonction formative et de fonction certificative, davantage que de dispositifs : • situation au palier 1 ou 2 : fonction formative • situation au palier 3 ou 4 : fonction formative, mais qui, dans des cas précis, et contractualisés avec l’élève, peut jouer une fonction certificative.
2. Evaluation formative et évaluation certificative • Elle refuse que tout fasse l’objet d’une certification à tout moment. Cette position affirme le rôle pédagogique de l’école, plutôt qu’un rôle de contrôle qu’elle tend à jouer de plus en plus (facteur d’équité…). • Elle renforce la fonction d’orientation que peut jouer une évaluation.
3. Bien comprendre les critères Les critères sont des qualités attendues d’une production.
3. Bien comprendre les critères • Les critères sont indépendants les uns des autres ; lorsqu’on hésite sur le sens d’un critère, on peut : expliciter le critère, en quelques phrases lorsqu’il y a plusieurs interprétations d’un critère, choisir celle qui rend le critère le plus indépendant possible des autres.
3. Bien comprendre les critères Comment vérifier si une situation d’évaluation et une grille de correction tiennent la route ? C’est de se poser les questions : - existe-t-il une réponse de l’élève qui respecte C1 et C2 sans respecter C3 ? - existe-t-il une réponse de l’élève qui respecte C1 sans respecter C2 et C3 ?, etc.
3. Bien comprendre les critères • Les critères font l’objet d’un contrat entre l’école et la société civile (parents, élèves) : ils doivent être toujours transmis aux élèves. Par contre, les indicateurs ne doivent pas l’être, du moins avant la production, ce seraient des indices trop évidents.
3. Bien comprendre les critères • Les critères doivent être compris avant tout comme un langage qui permet de remédier aux difficultés des élèves. En délibération, c’est un langage commun à l’ensemble des enseignants des différentes disciplines qui permet de décider de la réussite d’un élève.
4. Quand une compétence est-elle considérée comme maîtrisée ? • Le principe qui prévaut est le suivant : un élève est considéré comme compétent lorsqu’il obtient au moins 2/3 à chaque critère minimal. Toutefois, si, pour un des critères minimaux, l’élève est à un point du seuil des deux tiers, il est considéré comme compétent.
4. Quand une compétence est-elle considérée comme maîtrisée ? Trois critères Un élève qui obtient 2/3, 2/3 et 1/3 est considéré comme compétent (total de 5 points). Il a droit au bonus et au critère de perfectionnement. Celui qui obtient 3/3, 3/3 et 0/3 n’est pas compétent malgré qu’il ait un nombre de points supérieur (6 points).
4. Quand une compétence est-elle considérée comme maîtrisée ? Deux critères L’élève qui obtient 1/3 et 4/6, ou 2/3 et 3/6 sont compétents : ils ont droit au bonus et au critère de perfectionnement (si ce dernier est mérité). Par contre, un élève qui obtient 0/3 et 4/6, ni même 0/3 et 6/6, n’est pas compétent. De même, un élève qui obtiendrait 2/3 et 2/6, ni même 3/3 et 2/6 ne sont pas compétents.
4. Quand une compétence est-elle considérée comme maîtrisée ? • Dans l’appréciation d’un critère, il faut être attentif au fait qu’un indicateur ne fait qu’ « indiquer » Exemple Lorsqu’on a deux indicateurs, et qu’on doit attribuer deux points, chaque indicateur n’a pas nécessairement une valeur de un point.
5. Le rôle du bonus Le bonus joue une double fonction. 1. Il encourage les élèves à avoir des prestations équilibrées en termes de critères ; un élève X qui obtient 2/3, 2/3 et 1/3 pour les critères minimaux a droit au bonus, alors qu’un élève Y qui obtiendrait 2/3, 3/3 et 0/3 n’y aurait pas droit ; pourtant tous deux totalisent le même nombre de points
5. Le rôle du bonus 2. Il permet de traduire à travers une note chiffrée le fait qu’un élève est compétent : un total de 6 sur 10 pour un élève compétent est plus significatif dans une moyenne qu’un total de 5 sur 10. Ceci a des incidences sur la moyenne de l’élève, mais aussi sur l’ensemble des résultats à l’échelle du système éducatif.
6. Elaborer des situations d’évaluation Choisir une, deux ou trois situations ? L’important est que chaque critère puisse être évalué à trois reprises, de façon indépendante. Une situation unique suffit généralement pour que chaque critère soit évalué à 3 reprises.
6. Elaborer des situations d’évaluation Dans certains cas (rares), on peut recourir à 2 ou 3 situations pour permettre d’évaluer chaque critère à 3 reprises au moins (ex. oral). On peut aussi travailler sur des variantes d’une situation pour éviter le risque de contamination (exemple : oral).
6. Elaborer des situations d’évaluation Travailler sur une consigne unique, ou la détailler en plusieurs consignes ? Une consigne unique garantit que la tâche possède le niveau de complexité requis : on ne réduit pas cette complexité. Inconvénient : une consigne unique peut provoquer du « tout ou rien », et handicaper les élèves qui pourraient exécuter une partie de la tâche seulement.
6. Elaborer des situations d’évaluation Un ensemble de 3 questions ou 3 consignes multiplie les chances pour l’élève de pouvoir effectuer des productions indépendantes (non liées à des réponses ou à des productions antérieures).
6. Elaborer des situations d’évaluation Il faut toutefois que chaque question ou consigne garde toujours un niveau de complexité suffisant : décomposer une question complexe en plusieurs questions revient à évaluer une somme de savoir-faire. Il faut également que chaque consigne permette d’apprécier chaque critère (règle des deux tiers).
6. Elaborer des situations d’évaluation Faut-il garder les mêmes types de consignes que dans les situations antérieures ? Cela dépend fortement du niveau et du type de compétence à développer. Par exemple, chez des jeunes enfants, introduire une nouvelle consigne est une chose compliquée : on peut en général reprendre la même consigne.
6. Elaborer des situations d’évaluation Il en va de même en formation professionnelle où la consigne sera souvent la même, puisque la tâche correspond à l’activité professionnelle visée. L’important est que le contexte de la situation, ainsi que la production attendue, soient nouveaux, en tout ou en partie.
6. Elaborer des situations d’évaluation Est-il intéressant de travailler sur des documents connus, sur des supports connus ? La réponse générale est non : le fait de travailler à partir d’un support connu va inciter l’apprenant à la restitution, ou induire chez lui l’idée qu’il pourrait se contenter de restituer des savoirs.
6. Elaborer des situations d’évaluation Il faut cependant tenir compte du temps nécessaire pour qu’il prenne connaissance de ces nouveaux supports.
6. Elaborer des situations d’évaluation C’est donc à chaque niveau de la formation, pour chaque discipline, et même pour chaque compétence que la problématique de la nouveauté des supports doit être opérationnalisée.
7. La remédiation : quelques points de repère De tous les processus, le processus de remédiation est le plus important. C’est lui qui justifie le plus le rôle de l’école en tant qu’institution destinée à jouer un rôle pédagogique.
7. La remédiation : quelques points de repère Une remédiation ne doit pas nécessairement faire l’objet de dispositifs sophistiqués. Quelques principes. • La meilleure remédiation est celle qui n’a pas de raison d’être : des besoins de remédiation qui diminuent sont un signe de santé d’un système éducatif.
7. La remédiation : quelques points de repère • On remédie surtout aux compétences-outils, c’est-à-dire celles qui peuvent handicaper la scolarité de l’élève dans plusieurs disciplines. • C’est dans les petites classes que la remédiation doit être la plus rigoureuse.
7. La remédiation : quelques points de repère • Les critères constituent la meilleure voie d’entrée pour la remédiation. • Il est bon de garder en tête continuellement la « loi de Pareto » : un effort de remédiation de 20% permet de résoudre 80% des difficultés des élèves.
7. La remédiation : quelques points de repère • Les formes de remédiation sont multiples et progressives : Niveau 1 : feed-back Niveau 2 : remédiation au niveau de l’ensemble du groupe d’élèves Niveau 3 : remédiation différenciée par groupes de besoins Niveau 4 : remédiation différenciée individualisée
7. La remédiation : quelques points de repère Il est souvent difficile d’arriver au niveau 4 de la remédiation, mais les niveaux 1 à 3 sont accessibles à la plupart des enseignants. • Rendre les élèves acteurs de la remédiation, plutôt que consommateurs, est profitable à tout le monde.
En conclusion • Le chantier de l’évaluation est en train de s’ouvrir. • De larges plages d’initiative existent au niveau de chaque AREF. • Importance de travailler l’évaluation en équipes d’enseignants, • Initier des recherches-actions au niveau des délégations, ou au niveau d’un groupe d’écoles.
En conclusion • Malgré son importance, l’évaluation ne doit pas prendre trop de temps (dérive bien connue dans la P.P.O.). • La grande partie du temps revient aux apprentissages et à la remédiation. • La réflexion en termes d’efficience doit donc accompagner la réflexion en termes d’efficacité et d’équité.
Bibliographie Gerard & BIEF (2007). Evaluer des compétences. Bruxelles : De Boeck. Roegiers, X. (2004 ; 2e éd. 2010). L’école et l’évaluation. Bruxelles : De Boeck. Roegiers, X. (2010). La Pédagogie de l’Intégration : des systèmes d’éducation et de formation au cœur de nos sociétés. Bruxelles : De Boeck.