Sociologie des relations professionnelles

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
IV- Les outils de gestion et l’enjeu des normalisations
Advertisements

VIII- Identités & Cultures
M. El Maouhal - "Théorie des organisations" - FLSH Ibn Zohr
M. El Maouhal - "Théorie des organisations" - FLSH Ibn Zohr
LES REPONSES DU DROIT DU TRAVAIL AUX PROBLEMES DE L’EMPLOI
Négocier un accord sur la prévention des RPS
1) Le management : fondements et principes
Tensions et défis de laction syndicale 38 e Congrès de la CSQ 29 juin 2006 Paul-André Lapointe Département des relations industrielles.
LES CONTRATS DE TRAVAIL
Thème 2 : Comment est exercé le pouvoir de décision dans l’entreprise
Sociologie de l’action sociale contre la sociologie du fait social
ECONOMIE BTS 1&2 LES OBJECTIFS
Principes de base de la négociation collective
Entreprises multinationales et politique sociale
REPRESENTANTS SYNDICAUX EUROPEENS
COMPORTEMENT ORGANISATIONNEL ET MANAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES
MANAGEMENT DES ORGANISATIONS
Le DROIT dans les STS tertiaires Objectifs généraux Positionnement Structure du programme Méthode pédagogique Lépreuve dexamen.
Linstitutionnalisation du marché Quelques pistes de travail.
LE MANAGEMENT.
Université dEvry – Val dEssonne Master Génie des Matériaux M2 SCIENCES DU CHERCHEUR ET DE LINGENIEUR Jean Hache 2009/2010.
sur le concept de médiation
Le Conseil Social du Mouvement Sportif (CoSMoS) fut créé dans le but de revendiquer la spécificité du sport, et de voir naître une convention collective.
DECENTRALISATION DE LA NEGOCIATION EN France LE CAS DE LENTREPRISE BELENTRAINT Paris, 15 Novembre 2013.
Le cadrage de laction collective et la construction des Going Concerns : Commons opérationnalisé par Goffman Communication au colloque Vers un capitalisme.
Le REX et le sociologue Danielle Salomon CSO R & I 4 ème Congrès 20 – 21 octobre 2005 St Denis.
Etat, marché, société Le Triangle de lEconomie Politique.
Relations sectorielles et dialogue social dans le cadre de l EMCEF Reinhard Reibsch, EMCEF Balatongyörök, 29 avril 2006.
Légalité professionnelle entre les femmes et les hommes, un enjeu important pour la CFDT.
Représentation du Personnel
DOSSIER 05 La protection des salariés lors de l'exécution du CONTRAT DE TRAVAIL : les rapports collectifs de travail L'essentiel en schéma.
introduction à la sociologie cours 4
Pour quoi une feuille de route?
Les stratégies dinsertion professionnelle des immigrants et le capital social dans un contexte régional Par Estelle Bernier, Université de Sherbrooke ACFAS.
Cadre de référence pour la prévention des usages dalcool et de drogues en milieu professionnel adopté le 15 mai 2012 à lissue de la conférence internationale.
Intervenant Les Conventions Collectives dans le secteur des Musiques Actuelles réunion d’info RIF | 21 septembre 2010.
ENTREPRISE.
Droit du travail.
Troisième partie : organisation et gestion de l'entreprise
*(Hyman, 1997) TENSION IDÉOLOGIQUE OMNIPRÉSENTE Marché (syndicalisme daffaires) Société (syndicalisme dintégration sociale) Classe (syndicalisme dopposition.
Fondements organisationnels et humains de la gestion
ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL Service des conditions de travail et demploi (TRAVAIL) 2012 Module 4: Protection de la maternité au travail: qui.
La trahison des images, René Magritte, 1929
introduction à la sociologie cours 4
Décisions et actions collectives face à la mondialisation: un choix.
Présentation de la CFDT en 4h
Réunion Modem du 08/04/2013 Saint Maixent 1 Accord National Interprofessionnel du 11 Janvier 2013 POUR UN NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE ET SOCIAL AU SERVICE.
Dossier 1.4. Les sources du droit
1 Sources du Droit du travail et Hiérarchie du Droit du travail A.F.P.E. 12 novembre 2008.
Cf. Crozier Partie III Chapitres 7, 8 et 9
L’intégration des nouvelles missions: un défi pour les universités Marc Osterrieth Michel Morant.
Les conventions collectives
Cours de Droit social dispensé aux étudiants de la 3ème année
Représentation du personnel Les lois du 16 avril et du 16 mai 1946 ont mis en place des procédures pour organiser la représentation du personnel dans les.
Séance 9 La dynamique interne de l ’entreprise
Séquence 2 LES SYNDICATS.
La négociation collective
Intervention séminaire ConcertES « L’évaluation de l’utilité sociale » Morvan LE GENTIL 20 février 2009.
25/04/2015LYCEE VAL DE DURANCE/LDL1 SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES.
Problématiques et management des organisations
Quel gouvernement de l’industrie à l’ère du capitalisme financier? Investisseurs institutionnels publics et complémentarités. Frédéric Hanin (CRISES) Département.
LOI RELATIVE AU DIALOGUE SOCIAL
MANAGEMENT STRATEGIQUE DES RESSOURCES HUMAINES
  L'Approche Programme pour la définition des stratégies de développement de la formation professionnelle et technique et l'accès aux financements nationaux.
Sociologie du conflit et de la négociation sociale Définitions… Christian Thuderoz INSA-CAST.
L’entreprise et sa gestion
L’État néolibéral, les relations du travail et les services publics: austérité permanente ? Jean-Noel Grenier, Ph.D. Professeur agrégé Département des.
14 octobre 2009Andrée DEBRULLE CSC - ACV.1 Problèmes et évolution de la négociation collective en Belgique.
Cours A RELATIONS PROFESSIONNELLES, 23/02-09/ Orientations ACTRAV-Turin.
Discussion sur la problématique de l’assurance maladie universelle Identifier les contraintes opérationnelles pour orienter PAODES – volet ‘demande’
Transcription de la présentation:

Sociologie des relations professionnelles Christian THUDEROZ

Plan de la séance I. Définition et généralités II. Les grands penseurs III. Les différentes approches

I. Définition et généralités Les « relations professionnelles » (industrial relations)  l’ensemble des pratiques et des règles qui, dans une entreprise, une branche professionnelle, une région, ou un pays, structurent les rapports entre les salariés (et leurs représentants), les employeurs, l’Etat et les tiers-intervenants (consultants). Un champ pluriel : GRH, syndicalisme, conflit, négociation collective, médiation, égalité salariale, droit du travail, etc., au croisement de plusieurs disciplines : droit, sociologie, gestion, économie, etc.

Un peu d’histoire de la discipline… Etats-Unis : une discipline universitaire à part entière, très prisée par les étudiants (accès à l’embauche dans les services GRH, dans les cabinets juridiques, etc.) France : pas de département dédié à cela, juste des « Instituts d’étude du travail » ou des masters de GRH, et très peu d’heures d’enseignement dans les écoles d’ingénieurs... Le mot «industrial relations » apparaît aux Etats-Unis, lors d’un Congrès syndical en 1912. Utilisé la première fois de façon officielle en GB en 1926. En France, « relations professionnelles » = utilisé uniquement par les universitaires. Le grand public et les acteurs sociaux préfèrent : « relations sociales »  ou « dialogue social »....

II. Les grands penseurs  Les époux Webb, Sydney et Béatrice = théoriciens de l’ « industrial democracy » (1902) Individual bargaining vs « collective barganing » 3 modes de protection et d’amélioration des intérêts des salariés : le mutualisme (les membres d’une communauté, qui se regroupent et mutualisent les risques) la négociation collective (des règles sont décidées avec les employeurs) et la réglementation légale (la loi)

John Commons économiste, théoricien des règles et des institutions du travail… A l’inverse des économistes néo-classiques, il estime que l’activité de travail est l’occasion de relations entre les hommes, et non pas entre les hommes et la nature... Donc : primauté des règles (règles d’organisation, règles salariales, règles d’emploi, etc.) comme outils externes au marché et aux relations marchandes et qui visent, dans l’entreprise ou la branche, à les réguler, et importance des « trans-actions », des liens codifiés entre les individus. Illustration typique : la Convention collective fixe des prix du travail « hors marché » et constitue un « règlement » entre employeurs et salariés.

Selig Perlman, théoricien de l’emploi (1928) Pour lui, les syndicats, conscients de la rareté des emplois (« job consciousness »), s’efforcent de partager ces emplois entre tous les adhérents… Les syndicats organisent cette solidarité en contrôlant les conditions des emplois… Par ex. : la pratique du « closed shop » (« atelier fermé »... aux non syndiqués !) dans les imprimeries, les dockers, etc.

John Hicks (1932), économiste… « There is a general presumption that it will be possible to get more favorable terms by negotiating than by striking » Prévoir les anticipations des acteurs et rationaliser leurs décisions Chaque acteur possède un pouvoir (de résistance ou de concession)

Alan Flanders, sociologue anglais (1965) La négociation = une activité « politique » (et non pas strictement économique), du fait de la dimension sociale et sociétale des questions débattues, de l’intervention syndicale dans la gestion (« les syndicalistes sont des gestionnaires de facto dans l’entreprise ») et de la défense de la dignité des travailleurs.

Alan Fox, sociologue anglais (1966) et Jean-Daniel Reynaud, sociologue français (1989) La négociation collective = « a joint regulation » = une régulation conjointe, entre employeurs et salariés  résultant de la rencontre entre A (régulation de contrôle, celle du haut, de l’employeur ou du groupe social qui contrôle) et B (régulation autonome, provenant du bas, de ceux sur qui la RC s’accomplit et qui veulent s’en libérer…)

III. Les différentes approches Quatre types d’approches principales en théorie des relations professionnelles : l’approche unitariste l’approche systémique-pluraliste l’approche béhavioriste l’approche radicale

A. L’approche unitariste Insiste sur la poursuite de buts communs dans l’entreprise. Accent mis sur l’intégration des salariés, le rôle prépondérant de la communication et du canal hiérarchique. Le conflit ? Un accident déplorable, que l’on peut et que l’on doit éviter. Quand il surgit, c’est la faute de déviants et de fauteurs de troubles... Le syndicat ? La preuve que la direction n’a pas su communiquer et intégrer les salariés...

B. L’approche systémique-pluraliste Insiste sur la diversité des intérêts et des motifs d’action des individus. L’entreprise = une coalition d‘actions, hétérogènes. Le conflit ? Inhérent à la vie en entreprise et dans la société. Impossible à supprimer ! + Aspects « fonctionnels » du conflit. Les relations sociales comme un « système »…

Addendum : John Dunlop (1965) et la notion de Système de Relations Professionnelles  Un « système » ? Un ensemble d’éléments en interdépendance, et qui contribuent à l’équilibre de ce système. Pour Dunlop, un SRP est composé (cf. schéma): d’un ensemble d’acteurs agissant dans différents contextes, définissant et contraints par des règles, et partageant diverses idées et croyances (une « idéologie »), celles-ci définissant le rôle et la place de chaque acteur dans ce SRP.

Schéma d’un SRP chez John Dunlop Inputs Outputs Acteurs Processus CONTEXTES  - légal - économique - politique -technologique - culturel Rétroactions - Organisations d’employeurs - Salariés et organisations Etat et Gouvernement -Agences, consultants privés - ONG, OIT - Décision unilatérale - Négociation collective - Commissions paritaires - Conflit social - Législation - Règles de procédure et - Règles de fond (clauses salariales, conditions du travail, etc.) - Dispositifs de formation, etc.

Addendum 2. Remarques sur « les règles »… - elles sont toujours de type « si x, alors p » Pour Dunlop : r (règles) = f (acteurs, technologie, marché, pouvoir, idéologie) - approche anglaise : r = f(bargaining), ou r = f (« conflict », résolu dans « collective bargaining »). Large succès du modèle de Dunlop. Descriptif et théorique. Bonne compréhension systémique des branches et des entreprises…

Mais… Un modèle statique, non dynamique centré sur les structures, non sur les processus centré sur la stabilité, non sur les conflits Qui met l’accent sur les règles formelles et oublie les règles informelles et implicites, les coutumes, peu de rétroaction des variables sur les autres pas d’articulation entre les niveaux (entreprise, branche, interprofessionnel), d’où…

C. L’approche béhavioriste Même approche globale que l’approche systémique mais insiste sur les stratégies, les comportements, les manœuvres, les alliances, les attitudes de pouvoir, etc. Introduit l’idée de « choix stratégiques » Focus sur les individus (dimension psychologique): Aversion pour le risque, opportunisme Anticipation des « coups » de l’adversaire, Menaces, contraintes, persuasion et argumentation, Caractéristiques personnelles des individus

D. L’approche radicale (« marxiste ») Insiste sur la nature radicalement antagoniste et structurelle des intérêts de « classe » entre employeurs et salariés. Le conflit ? Inévitable du fait du capitalisme ! Richard Hyman : élargir l’analyse des règles à l’ensemble du procès capitaliste de production. Le conflit industriel = un conflit de classes, et les relations Capital / travail = fondées sur un lien de subordination et de domination de classe…