La relation école-familles issues de l'immigration : points de vue comparés Par Annick Lenoir, professeure adjointe Département de service social co-coordonnatrice du Domaine 4 du Centre Métropolis du Québec-Immigration et métropoles Conférence de la Chaire de recherche du Canada sur lintervention éducative (CRCIE) et du Centre de recherche sur lintervention éducative (CRIE) 19 mars 2009
Introduction
Paradoxe 1 : Paradoxe 1 : Le programme de formation de lécole québécoise (2001) a pour prémisse que la collaboration école- familles (É-F) est à la base de la persévérance et de la réussite scolaire des élèves. La notion de collaboration comporte a priori un sens différent en fonction des acteurs et de leur trajectoire. Paradoxe 2 : Paradoxe 2 : Lhétérogénéité croissante de la population québécoise affecte directement la composition des groupes-classes dans les quartiers à forte densité ethnique. Néanmoins, on ne peut que constater la relative homogénéité du corps enseignant.
Deux hypothèses de travail Deux hypothèses de travail La perception que se font les uns et les autres de la notion de collaboration influencera le type dinteractions recherchées. Le parcours migratoire et les conditions de vie dans la société daccueil conditionnent les attentes des familles issues de limmigration envers lécole et donc les interactions avec les enseignants. Objectif de la communication Objectif de la communication Montrer les écarts de sens entre les discours des différents acteurs relativement aux rôles attendus de la part de ces familles et de lécole au regard des 3 missions attribuées au système denseignement québécois: instruire, socialiser, qualifier.
Plan de la communication 1ere partie: Présentation succincte dune recension des écrits sur les relations école-familles issues de limmigration (É-Fi). 2e partie: Exposition de quelques résultats relatifs à une recherche exploratoire auprès de parents arméniens et maghrébins. Conclusion
1ere partie Les relations école-familles issues de limmigration au Québec: un état critique de la recherche
Léquipe Annick Lenoir Annick Lenoir, professeure, Dép. de service social, Université de Sherbrooke Yves Lenoir Yves Lenoir, Chaire de recherche du Canada sur lintervention éducative (CRCIE), Université de Sherbrooke Marilyn Steinbach Marilyn Steinbach, Dép. de pédagogie, Université de Sherbrooke Béatrice Pudelko Béatrice Pudelko, stagiaire postdoctorale, CRCIE, Université de Sherbrooke
Le contexte général Depuis les années 1960 Depuis les années 1960 sest progressivement installé le principe de la participation parentale dans lespace scolaire (collaboration É-F). En 1993 En 1993, dépôt dun avis par le Conseil supérieur de léducation concernant laccueil et lintégration des élèves des communautés culturelles par le milieu scolaire. En 1995 En 1995, proposition du partenariat É-Fi comme une piste de solution à envisager. En 1997 En 1997, un projet de loi du ministère de lÉducation insiste sur la nécessité dune collaboration étroite entre lécole, la famille et la communauté.
Les documents retenus couvrent la période Nont été retenues que les documentations scientifiques ou de vulgarisation Portant en tout ou en partie sur les relations école- familles au Québec 93 documents retenus sur plus de 250 consultés 77 analysés Le dispositif méthodologique
Quelques résultats La représentation des missions par les auteurs des documents: La représentation des missions par les auteurs des documents: Objectif souhaitée de lécole québécoise : la formation des futurs citoyens respectueux dautrui, sachant vivre en collectivité, ouverts sur le monde. Les auteurs intéressés par les relations É-Fi voient lécole en général et lenseignant comme des passeurs culturels aidant lélève à négocier sa socialisation, à rapprocher les familles de lécole, à lutter contre lexclusion dans lespace scolaire et plus largement dans la société.
La représentation des missions par les acteurs du monde scolaire La représentation des missions par les acteurs du monde scolaire Les acteurs du monde scolaire voient lécole comme responsable du plan de réussite pour sa clientèle. Les activités intégratives qui sy déroulent visent la socialisation et la scolarisation des élèves de même que la circulation dinformations pour les familles. Lorsque ces dernières sont jugées porteuses de handicaps, lécole est alors conçue comme un lieu potentiel de formation pour les parents.
La représentation des missions par les familles issues de limmigration La représentation des missions par les familles issues de limmigration La situation de précarité vécue induit une absence de priorité envers lécole et une mise en retrait volontaire de cette institution, Ou, à linverse, quand lécole représente linstrument de réussite social clé pour leurs enfants, lenseignant représente pour ces familles le détenteur dun savoir expert. Mais présence dune plainte relative au manque dencadrement quelles perçoivent dans le processus dapprentissage. Mais la quantité de devoirs apparaît insuffisante pour atteindre le niveau dapprentissage souhaité. En outre, nombreuses sont les familles qui perçoivent linstitution scolaire québécoise comme une menace directe à la transmission de lidentité première de leurs enfants.
Les représentations du rôle parental dans les processus daccompagnement et dapprentissage par les enseignants et les parents Les représentations du rôle parental dans les processus daccompagnement et dapprentissage par les enseignants et les parents Les enseignants se représentent le rôle de parent comme celui dun métier, celui de parent délève Vision homogénéisée des parents issus de limmigration Inadaptés Peu éduqués Peu intéressés par la scolarisation de leur enfant
Les représentations du rôle parental dans les processus daccompagnement et dapprentissage par les enseignants et les parents Les représentations du rôle parental dans les processus daccompagnement et dapprentissage par les enseignants et les parents De leur côté, des familles issues de limmigration En situation de précarité optent pour une mise en retrait volontaire de linstitution scolaire. Mais lorsque lécole représente linstrument de réussite sociale par ses missions dinstruction et de qualification, soit : Elles optent pour une délégation de la responsabilité de formation à lécole face à un sentiment dincompétence ressenti; Elles se donnent pour mission de soutenir leurs enfants dans leur scolarisation (discipline),; Elles investissent lespace scolaire.
La représentation de limplication parentale des familles issues de limmigration par les enseignants La représentation de limplication parentale des familles issues de limmigration par les enseignants Les enseignants jugent Les parents simpliquant peu comme attentistes ou démissionnaires. Les parents nadhérant pas à la mission de socialisation de lécole comme refusant la scolarisation. À linverse, limplication des parents ayant adopté une logique de compétition contribue à perturber lexercice denseignement dans lécole. Ils sont perçus comme une menace pour la reconnais- sance de leur expertise.
Certains auteurs ont cependant montré que : les familles issus de limmigration sinvestissent dans la vie scolaire, mais que la forme que prend cet investissement nest pas toujours reconnue par les enseignants et justifie aux yeux de ces derniers leur questionnement quant à la capacité de ces parents à sintégrer; les enseignants sous-estiment la réussite scolaire pour au contraire surestimer lacculturation comme le principal signe dintégration des élèves issus de limmigration et de leur famille, méconnaissent la réalité de ces familles, ont une représentation homogénéisante des parents issus de limmigration.
2 eme partie Les relations école-familles issues de limmigration; le cas des Arméniens et des Maghrébins de Montréal 2 eme partie Les relations école-familles issues de limmigration; le cas des Arméniens et des Maghrébins de Montréal
Léquipe Annick Lenoir Annick Lenoir, professeure, Dép. de service social, Université de Sherbrooke Jean-Claude Kalubi Jean-Claude Kalubi, professeur, Dép. détudes sur ladaptation scolaire et sociale
Dispositif méthodologique pour lenquête auprès des parents immigrants La prise de contact La prise de contact par la méthode «boule de neige» Caractéristiques des répondants retenus Caractéristiques des répondants retenus : Être immigrant Être le parent dau moins un enfant fréquentant lécole primaire. Être dorigine arménienne ou maghrébine. Maîtriser le français parlé Les entretiens semi-directifs, dune durée moyenne de 1h30, ont eu lieu à Montréal à lhiver parents interrogés (12 Arméniens et 5 Maghrébins; tous, sauf à une exception près, mères de famille).
La grille danalyse retenue La grille danalyse retenue comportait 2 éléments clés en lien avec la représentation des familles quant : aux facteurs de risque ou de protection relatifs aux (4) thèmes suivants: la dynamique migratoire; le rapport des parents à lécole dans un contexte où les uns envoient leurs enfants à lécole privée ethnique et les autres sont obligés de fréquenter lécole publique québécoise; leur rapport aux missions dinstruction et de qualification de lécole (leurs attentes); leur rapport à la mission de socialisation des familles vs de lécole.
Les résultats: le choix dune école Les parents arméniens Les parents arméniens ont pratiquement tous fait le choix denvoyer leurs enfants à lécole ethnique arménienne. La seule exception parmi eux reposait sur lincapacité de lenfant à suivre le rythme de la classe à lécole ethnique. les parents maghrébins De leur côté, tous les parents maghrébins rencontrés ont choisi pour leurs enfants lécole primaire publique.
Les contraintes Les contraintes ne sappliquent quaux parents maghrébins: en situation de précarité financière, méconnaissant du système scolaire québécois à cause de leur statut dimmigrants récents, En relation à un critère géographique puisque vue la structure de gestion des écoles publiques au Québec, lécole fréquentée par leur enfant était obligatoirement celle du quartier.
Quelques constats Alors que tout les distingue (trajectoire migratoire, religion, développement dune structure communautaire, statut socioéconomique), les parents arméniens et maghrébins tiennent un discours similaire vis-à-vis de: la mission dinstruction de lécole conçue comme élément clé pour toute réussite professionnelle.
des facteurs de risques des facteurs de risques liés à lécole publique québécoise concernant: les apprentissages de lenfant (peu poussés), la socialisation à la québécoise, la réalisation du projet familial (i.e obtenir un diplôme supérieur et se qualifier pour le marché de lemploi), la qualité de linstruction (qui naide pas à maximiser le potentiel des élèves), la qualité des enseignants (qui ne sont pas toujours à lécoute des besoins des élèves), labsence de sécurité pour les enfants (en termes découte, de violence, de fréquentations sociales, etc.).
des facteurs de protection: des facteurs de protection: la famille, la communauté, lécole ethnique, les enseignants protecteurs. Pourquoi? Pourquoi? Le réseau permet de garder un œil sur lenfant, ses fréquentations… Présence de modèles identitaires; Sources découte par rapport aux besoins de lenfant; Instruments de médiation (enfant-famille-école- communauté); Permet de combler les manques perçus au plan des apprentissages ou de la socialisation.
Discussion Discussion Un discours à tendance normative La majorité des documents étudiés établissent comme prémisse à largumentaire un lien entre lengagement parental dans le processus de scolarisation et la réussite scolaire des élèves. Ils adoptent un discours peu critique, mais tiennent aussi des propos normatifs, voire prescriptifs et parfois moralisateurs. Si les résultats du projet exploratoire auprès de parents arméniens et maghrébins montrent que ces derniers semblent adhérer a priori au discours normatif, ils signalent aussi linsatisfaction de ces derniers quant aux modalités de collaboration qui leur sont imposées par lécole.
Une socialisation problématique Une socialisation problématique La socialisation fait lobjet de toute lattention dans les écrits sur la collaboration É-Fi. Les auteurs traitant des liens entre lÉ-F en général tendent à exclure très souvent de leurs considérations la question de limmigration. Mais les auteurs traitant des liens entre lÉ-Fi portent un regard relativement plus critique sur la question de la socialisation. Ils signalent que le point de départ pour interpréter les interactions É-F repose constamment sur le point de vue dominant de lécole québécoise, alors quil est nécessaire de tenir compte aussi de la réalité (le contexte, la culture et les valeurs dorigine, les problèmes sociaux vécus au Québec, etc.) de ces familles.
Les parents rencontrés dans la recherche exploratoire insistent sur une conception de la socialisation relevant dun processus appartenant à la famille élargie et porteuse de valeurs comme la solidarité, lentraide, le partage, la hiérarchisation sociale, limposition de règles strictes, etc. Cette conception soppose à la perspective dominante qui caractérise la socialisation dans les écoles québécoises et qui repose sur dautres valeurs et sur dautres normes (autonomie, prise de parole, etc.). Ainsi, tant sur le plan du lieu de socialisation que sur celui de son contenu, il existe un hiatus profond source dincompréhensions et de malentendus réciproques.
Une instruction peu présente Une instruction peu présente La question de linstruction ne semble guère être un enjeu important pour les travaux sur la thématique des relations É-Fi, sinon pour reconnaître chez elles lexistence dune conception opposée à celle qui domine dans lécole québécoise. Pourtant, les résultats du projet exploratoire montrent que lécole apparaît pour ces familles la voie royale pour assurer un avenir meilleur à leurs enfants. Et cet avenir requiert une instruction de haut niveau qui assurera la poursuite détudes universitaires et lobtention dun emploi bien rémunéré et socialement bien considéré.
Une perception différenciée selon les acteurs de la relation école-familles Une perception différenciée selon les acteurs de la relation école-familles Les enseignants souhaitent que parents délèves les soutiennent dans leurs mandats (via la collaboration É-F). Cette collaboration devrait sexercer par une réponse positive des parents lorsque sollicités par les enseignants. Tous les parents rencontrés insistent sur limportance de la collaboration É-F: pour protéger leur enfant des incompétences perçues, pour exercer un rôle de médiateur entre les enseignants et leur enfant. Cette collaboration doit sexercer en fonction des besoins exprimés par lenfant ou perçus par les parents.
Conclusion Présence de deux logiques distinctes concernant la collaboration É-F, visant des objectifs extrêmement différents, mais similaires dans leur mise en action. Elles peuvent être vues comme le signe de la réussite de la politique de collaboration É-F, mais elles doivent plutôt être analysées comme 2 façons différentes de concevoir la citoyenneté.
Merci!