MALAISES ET CHUTES DE LA PERSONNE ÂGEE B. DECUPPER 27/03/2007
Les troubles de la marche et d’équilibre et les chutes chez les personnes âgées constituent un problème de santé publique majeur, mettant en jeu le pronostic vital ou compromettant l’autonomie de marche et le maintien à domicile.
Epidémiologie de la chute Chute = + de 90 % des accidents domestiques du sujet âgé 1/3 des + de 65 ans et 50 % des + de 80 ans font 1 ou plusieurs chutes /an + de 2 millions de personnes de + de 65 ans chutent chaque année en France La chute survient généralement dans un endroit familier : chambre, salle de séjour, cuisine, escalier, salle de bains
Les femmes chutent plus que les hommes (2 à 4 fois plus) surtout avant 85 ans ; après 85 ans les hommes rejoignent les femmes « qui a chuté chutera »: la 1ère chute multiplie par 20 le risque de re-chute En maison de retraite, 50 % des résidents tombent chaque année et + de 40 % sont victimes de multiples chutes
la moitié des gens ne savent pas se relever seuls, prennent peur, restreignent leurs activités et s’isolent Chute = en 1ère place des accidents mortels chez les + de 65 ans : 59 % chez les femmes, 30 % chez les hommes La chute entraîne une perte d’autonomie dans 1/3 des cas Les ¾ des chutes ne causent aucune blessure
Cercle vicieux : chute → peur de tomber → restriction d’activités → affaiblissement musculaire → chute
Les causes de la chute = facteurs précipitant la chute Les facteurs intrinsèques sont liés au vieillissement normal, à la prise de médicaments et à des processus pathologiques multiples. Les chutes résultent souvent de l’association de plusieurs de ces facteurs. Les facteurs extrinsèques sont ceux liés à l’environnement.
1. Vieillissement normal Modification de la marche et de l’équilibre, avec raccourcissement du pas par diminution de l’amplitude de rotation du bassin et de l’excursion de la hanche, augmentation de la dépendance du double appui des pieds, diminution de la vitesse de marche Diminution d’exercice physique et plus grande faiblesse musculaire des membres inférieurs
Baisse des capacités sensorielles et proprioceptives compromettant l’équilibre : baisse de la vision (acuité visuelle et champ visuel), hypoacousie, vieillissement de l’appareil vestibulaire, diminution de la sensibilité profonde Augmentation du temps de réaction Diminution des capacités attentionnelles et de mémoire
Tendance dépressive et anxieuse Moins bon équilibre nutritionnel
2. Prise de médicaments Sont particulièrement responsables : Les médicaments sédatifs, notamment les barbituriques et les benzodiazépines, hypnotiques ou non (risque particulièrement plus élevé dans les 15 jours d’administration) Les neuroleptiques, par leur effet sédatif et extrapyramidal Les anticonvulsivants, par leur effet sédatif
Les médicaments pouvant induire une hypotension orthostatique : antihypertenseurs, dont les bétabloquants et les diurétiques, antiparkinsoniens dopaminergiques, antidépresseurs Les anti arythmiques, notamment les digitaliques, pouvant induire des troubles du rythme et de la conduction Certains médicaments antimitotiques Les laxatifs
3. Processus pathologiques 3.1 Chutes avec malaise Causes cardio-vasculaires : 1. troubles du rythme cardiaque qui ont parfois une cause particulière, telle que hyperthyroïdie, nécrose myocardique, intoxication médicamenteuse 2. modifications tensionnelles : chutes tensionnelles et hypotension orthostatique. Celle-ci peut se manifester chez les PA au lever après le repas, ou après alitement prolongé, ou du fait de prises médicamenteuses, d’anémie, de déshydratation, d’hémorragie interne.
Causes neurologiques : 1. AIT. Il faut rechercher également un accident d’origine embolique cardiaque 2. hématome intracérébral ou sous-dural, hémorragie méningée 3. vertiges labyrinthiques 4. épilepsie : rechercher dans ce cas une cause vasculaire embolique ou une cause tumorale
Autres étiologies : 1. hypoglycémies, surtout celles induites par l’insuline ou les sulfamides hypoglycémiants 2. décompensation acido-cétosique ou coma hyperosmolaire chez un diabétique 3. troubles ioniques : hyperkaliémie, hypokaliémie, hypocalcémie, hypercalcémie, hyponatrémie 4. intoxication éthylique ; intoxication oxycarbonée
5. anémie 6. syncope vagale 7. chutes au cours d’un malaise d’origine psychogène - peur de la chute (secondaire à une 1ère chute) - chute « appel » de nature hystéro-phobique : conversion somatique d’un vécu d’abandon
3. 2 Chutes sans perte de connaissance Chutes d’origine neurologique : 1. troubles proprioceptifs avec ataxie 2. syndrome cérébelleux 3. troubles de l’équilibre d’origine vestibulaire 4. troubles de l’adaptation posturale (maladie de Parkinson évoluée) 5. dérobement brutal des membres inférieurs (tumeurs comprimant le bulbe, hématomes sous duraux, certaines encéphalopathies induites par l’hypercalcémie)
Chutes d’origine mécanique : Affection ou séquelle orthopédique ou rhumatologique (notamment l’arthrose et le port de prothèses de hanche et de genou).
Facteurs extrinsèques Parquet trop ciré La présence de tapis, de descente de lit, de paillassons, d’inégalités du sol, d’animaux domestiques Présence d’une marche lors du passage d’une pièce à l’autre La stabilité et la hauteur des sièges, du lit Pas de porte verglacé ou mouillé Baignoire ou douche glissante
L’encombrement des pièces, les lieux de passage fréquents L’accessibilité des armoires, du plan de travail, des prises de courant, des interrupteurs, des fenêtres L’absence de mains courantes, de barre d’appui L’éclairage insuffisant L’usage maladroit des aides techniques à la marche tels que les déambulateurs, les cannes, les fauteuils roulants
Certaines activités telles que le jardinage, faire son lit, préparer les repas, utiliser les transports en commun sont parfois causes de chutes.
Facteurs favorisants les chutes nocturnes : - levers nocturnes pour uriner (envie impérieuse) - Sol glissant en cas d’incontinence - hypotension physiologique nocturne - Noir dans la chambre - Somnifères altérant la vigilance - Descente de lit
Les conséquences de la chute 13 000 décès par an en France (> aux accidents de la route) Risque de mortalité multiplié par 4 dans l’année qui suit la chute / population du même âge 55 000 fractures du col fémoral Troubles psychiques et psychomoteurs → réduction d’activité et perte d’autonomie 40 % des sujets hospitalisés pour chute seront institutionnalisés
1. Conséquences physiques de la chute Le risque de blessures dues à la chute croit avec l’âge : surtout après 75 ans Le risque de fracture est plus important chez la femme à cause de l’ostéoporose 15 % des chutes entraînent une blessure qui nécessite une prise en charge médicale : - fractures osseuses entre 3 à 5 % des cas : poignet et surtout col fémoral - lésions de la tête, entorses, luxations
Gravité de la fracture du col fémoral : - 20 % des sujets meurent dans l’année de la blessure - à 6 mois d’évolution, 85 % des sujets nécessitent une aide à la marche - la perte d’autonomie est associée à la prise en charge en institution de soins de longue durée
2. Conséquences psychiques de la chute Toute chute est un traumatisme psychique pour un sujet âgé Surtout si le sujet n’a pas pu se relever seul (1 fois sur 2) et reste au sol plusieurs heures Perte de confiance en soi Peur d’une nouvelle chute Honte d’être tombé (dévalorisé) Symbole de la fin d’une certaine prestance Prise de conscience de son vieillissement
Extension de la peur de tomber à l’entourage, qui renvoie une image négative au sujet âgé et dont l’excès d’anxiété et de maternage peut induire chez la PA une régression dans la dépendance La chute peut devenir une véritable fracture sociale, initiant le cercle vicieux de la régression de nombreux sujets âgés développent une peur de tomber à nouveau : - plus de 50 % d’entre eux restreignent leurs activités ; 30 % vont faire un syndrome de l’après-chute.
Conduite à tenir devant une chute Ouvrir l’œil : rechercher : - des prodromes - les circonstances - malaise - heure, lieu - signes accompagnateurs 2. Y a-t-il fracture ? rechercher : - une douleur - une impotence, une déformation
3. Y a-t-il eu perte de connaissance ? - état de conscience - respiration - convulsions, pertes d’urines, morsure de langue 4. Rechercher la cause = bilan - troubles du rythme ? → fréquence, rythme et amplitude du pouls - hypotension orthostatique ? → TA couché, debout
- hypoglycémie ? → glycémie capillaire - fièvre ? → T° 5. Donner les premiers soins - rassurer - mettre en route un traitement étiologique (sur PM)
Prévention et éducation de la chute La prévention des risques extrinsèques : - commencer par l’aménagement des lieux de vie - pour les personnes présentant une démence prévoir une signalétique claire des WC (désorientation) chaises et lieux de repos dans les couloirs de déambulation accessibilité des aides de marche
- une tenue vestimentaire adéquate des vêtements amples ne gênant pas les mouvements (changes maintenus correctement) chaussures adaptées ne pas oublier les lunettes
Prévention des risques intrinsèques : Vigilance des effets iatrogènes surveiller les effets secondaires à chaque changement de traitement Prévention des conséquences du vieillissement ou des pathologies associées pour lutter contre le vieillissement il faut conserver des activités physiques régulières
D’après l’OMS les activités physiques ont des bienfaits sur : - la fonction cardio-vasculaire - la fonction musculaire (force, endurance) - la fonction articulaire - l’équilibre - la coordination - la vitesse des réactions - la moral, l’image de soi
Quelles activités physiques ? - activités quotidiennes : marche quotidienne monter et descendre les escaliers jardinage, ménage… - activités sportives (avec contrôle médical) gymnastique douce gymnastique chinoise ou aquatique, vélo, natation
Les ateliers de prévention des chutes - peuvent être proposés par un masseur kinésithérapeute - en association avec un psychomotricien, un IDE, une AS, un éducateur sportif - pour des personnes âgées à risque de chute ou ayant déjà chuté
Les ateliers se composent : - de mouvements amples pour la souplesse et la coordination - d’exercices de renforcement musculaire - d’exercices d’équilibre - de mises en situation pratiques (s’asseoir, se relever, se baisser, changer de direction en marchant, monter des marches, passer des obstacles)
- de l’apprentissage du relevé du sol (essentielle quand on sait que la durée pendant laquelle le personne reste au sol a des conséquences graves sur la récupération future) - des ateliers de marche en extérieur Ces ateliers redonnent des capacités physiques à réagir aux situations à risques et confiance en soi aux personnes âgées qui y participent.