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Formation CENTRE DE CONSULTATIONS DE LA MADELEINE EVREUX DECEMBRE 2008

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Présentation au sujet: "Formation CENTRE DE CONSULTATIONS DE LA MADELEINE EVREUX DECEMBRE 2008"— Transcription de la présentation:

1 Formation CENTRE DE CONSULTATIONS DE LA MADELEINE EVREUX DECEMBRE 2008
Les groupes de parole de victimes de violences conjugales Jean-Pierre VOUCHE Directeur clinique de la LFSM Thérapeute de couple et familial Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

2 PLAN DE L’INTERVENTION
Chapitre 1 FONDEMENT DE NOTRE APPROCHE CLINIQUE DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES Économie psychique de la relation d'emprise DU POINT DE VUE DE LA VICTIME D’UNE RELATION D’EMPRISE Caractéristiques communicationnelle de la relation d'emprise ÉVOLUTION ET SÉQUELLES D’UNE RELATION D’EMPRISE Les conséquences des violences sur les victimes et leur entourage S’EXTRAIRE DE LA RELATION D’EMPRISE PAR LA RÉSILIENCE Chapitre 2 L'AIDE PSYCHOTHÉRAPEUTIQUE POUR LES VICTIMES D'EMPRISE VIOLENTE DANS LE COUPLE DISPOSITIF D’ÉVALUATION ET DE SUIVI DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES LES MOTIFS D'INTERVENTION DE NOTRE CONSULTATION SPÉCIALISÉE 4. L'INTERVENTION DANS LE CADRE DES VIOLENCES CONJUGALES 5. TRAME D’ANIMATION DU GROUPE DE PAROLE DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES. 6. ANALYSES ET PERSPECTIVES Les points forts de nos dispositifs 7. Notre travail relève de la prévention des dysfonctionnements familiaux,dans une visée évolutive du cadre familial Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

3 1. FONDEMENT DE NOTRE APPROCHE CLINIQUE
Chapitre 1 1. FONDEMENT DE NOTRE APPROCHE CLINIQUE DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES DÉFINITION DES VIOLENCES SEXISTES ET FAMILIALES Notre travail s’inscrit dans les perspectives des déclarations, des définitions des violences sexistes et familiales de l’ONU et de l’OMS : L'ONU adopte, avec sa résolution 48/104 du 20 décembre 1993, une déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, dont : L'article 1er définit les termes "violences à l'égard des femmes" comme « tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée » (définition large incluant les violences au sein du couple). Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

4 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
L'article 2 de la déclaration précise que "la violence à l'égard des femmes" s'entend comme englobant, sans y être limitée, les formes de violence énumérées ci-après : la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la famille, y compris les coups, les sévices sexuels infligés aux enfants de sexe féminin au foyer, les violences liées à la dot, le viol conjugal, les mutilations génitales et autres pratiques traditionnelles préjudiciables à la femme, la violence non conjugale, et la violence liée à l'exploitation, la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la collectivité, y compris le viol, les sévices sexuels, le harcèlement sexuel et l'intimidation au travail, dans les établissements d'enseignement et ailleurs, le proxénétisme et la prostitution forcée, la violence physique, sexuelle et psychologique perpétrée ou tolérée par l'État, où qu'elle s'exerce". Dans cette même résolution, l’Assemblée générale reconnaît que « la violence à l’égard des femmes traduit des rapports de force historiquement inégaux entre hommes et femmes, lesquels ont abouti à la discrimination et à la discrimination exercées par les premiers et freiné la promotion des secondes, et qu’elle compte parmi les principaux mécanismes sociaux auxquels est due la subordination des femmes aux hommes ». Le programme d'action de Pékin, adoptée le 15 septembre 1995 à l'issue de la 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes, renforce cette position Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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La résolution 58/147 du 19 février 2004 de l'Assemblée Générale de l'ONU sur l'élimination de la violence familiale à l'égard des femmes considère que "la violence familiale : a) est une violence qui se produit dans la sphère privée, généralement entre des individus liés par le sang ou la vie commune, b) est l'une des formes les plus courantes et les moins visibles de la violence contre les femmes et qu'elle a des retentissements dans de nombreux domaines de la vie des victimes, c) peut prendre de nombreuses formes, physiques, psychologiques ou sexuelles, d) est une question d'intérêt général qui exige des États qu'ils prennent des mesures sérieuses pour protéger les victimes et empêcher cette violence, e) peut comprendre la privation et l'isolement économiques risquant de porter atteinte de manière imminente à la sécurité, à la santé ou au bien-être des femmes." La définition de l’OMS relative aux violences au sein du couple inclut les actes d’agression physique comme les coups de poing ou de pied, les rapports sexuels imposés et d’autres types de coercition sexuelle, les formes de harcèlement psychologique comme intimidations ou humiliations, ainsi que les comportements de contrainte comme isoler une personne de sa famille et de ses amis ou lui restreindre l’accès à une information ou à une assistance. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Chapitre 1 2. Économie psychique de la relation d'emprise La visée ultime de l’emprise est donc finalement, chez le pervers comme chez l’obsessionnel ou le paranoïaque, l’autre en tant qu’être de désir. Dans la problématique perverse,il y a captation et neutralisation du désir, alors que dans les problématiques obsessionnelle et paranoïaque, le désir est néantisé par une opération de destruction. Dans tous les cas, quelque soit le mode opératoire, il s’agit d’atteindre l’autre comme sujet désirant et par là de nier sa singularité et sa spécificité, de gommer toute différence. Le désir de l’autre est intolérable car révélateur du manque d’objet, qui dans la théorie Freudienne se situe à l’origine de toute angoisse. « Le surgissement de l’autre dans le champ du désir est en effet primitivement créateur et par la suite ré-activateur de l’expérience originaire de détresse », contre laquelle l’obsessionnel, le paranoïaque et le pervers, chacun à sa manière, cherchent à se prémunir. La relation d’emprise, quelle que soit la modalité qu’elle revêt représente une véritable formation défensive, permettant d’occulter le manque dévoilé par la rencontre de l’autre. Cette organisation implique d’investir l’autre, non en tant que sujet désirant, mais en tant qu’objet garantissant une protection contre toute situation de détresse. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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L’objet, la victime dans ce couple, ainsi considéré, apparaît comme ce qui vient colmater la brèche ouverte par la perte originaire. Investir l’autre comme objet et non comme sujet, cela signifie concrètement instaurer une relation directe non médiatisée, spéculaire donc éminemment réversible, se développant pour l’essentiel dans le registre imaginaire. (DOREY, 1981) 3. DU POINT DE VUE DE LA VICTIME D’UNE RELATION D’EMPRISE La victime "emprisée" est "insidieusement saisie d’un sentiment poignant de dangereuse étrangeté". Il faut l’empêcher de penser afin qu’elle ne prenne pas conscience du processus, la paralyser, la placer en position de flou et d’incertitude. Soumise, elle n’existe plus que pour être frustrée en permanence. Prisonnière de l’instigateur, la victime n’a d’autre choix que la révolte, sa résilience ou la dépression dans la soumission,sauf si, avertie du danger, elle arrive à se soustraire, non sans difficulté, à l’emprise. « A moins d’être complice (du pervers), les victimes de la perversion narcissique sont à plaindre et plus encore à protéger ». Car, comme nous l’avons vu précédemment,l’instigateur de la relation d’emprise leur refuse le droit de désirer, d’afficher leur différence, ou simplement d’être ; mais, paradoxalement, celui-ci éprouve également l’intense désir d’être reconnu et désiré par elles. Sensible à ce désir de reconnaissance,les victimes sont confrontées à leur propre ambivalence. A la fois fascinées et attirées, mais aussi agressées et déstabilisées, elles tolèrent des violences de leur conjoint, toujours plus nombreuses et insupportables. Ce qui explique que souvent le processus de dégagement est long ! Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Violence – punition Dans la "violence punition", celui qui contrôle la relation impose un châtiment à l’autre et le justifie par la constatation d’une faute, constatation que celui qui subit la violence ne remet pas en cause. Le clinicien est souvent surpris par le discours produit, par exemple, par une femme battue, réduite en esclavage, soustraite à son environnement, privée de liberté et de toute dignité, niée dans son identité qui trouve des excuses à son partenaire en s’assignant elle-même la responsabilité de la faute. Elle semble obéir à la loi : « Il faut servir le maître et se conformer à sa loi. » On remarque dans ce dernier exemple que la victime de la "violence punition" est non seulement persuadée de mériter son sort, mais encore qu’elle y trouve, à tort, une sorte de reconnaissance alors que son identité même lui est refusée, que le droit d’être autre est dénié. Les séquelles d’une telle violence sont profondes et l’estime de soi est brisée. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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La relation d’emprise correspond à une "violence punition" dans une relation complémentaire avec symétrie latente. Le sujet qui se trouve placé par l’autre en position basse, obligé de subir la punition, résiste malgré un rapport de force défavorable. « Même soumis à la violence, il y a désaccord et volonté de s’opposer, ce qui amplifie fréquemment l’intensité du châtiment qui vise alors à briser le noyau de symétrie. » Lorsque la situation se renverse, celui qui se trouvait en position basse cherche à dominer l’autre. La "violence punition" devient alors "violence agression dans un rapport symétrique". Ce type de violence s’observe par exemple au sein d’une famille dans laquelle un enfant serait victime de brutalités. Malgré la contrainte, insoumis aux pénitences destinées à le faire fléchir, il nourrit une secrète hostilité vis-à-vis de cette famille non protectrice qui lui laisse un sentiment d’injustice et d’impuissance. Rejetant cette famille, il exerce alors sa violence contre toute personne représentant l’autorité: parents,professeurs, éducateurs, policiers, juges... De même pour la femme humiliée, qui laisse un jour éclater sa colère et peut tuer. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Chapitre 1 4. Caractéristiques communicationnelle de la relation d'emprise La communication dans l’emprise prend une place prépondérante et paradoxale : il s’agit "d’une illusion de communication", puisqu’elle ne poursuit pas un but d’échange et de lien, mais au contraire une mise à distance et un asservissement de l’autre. Il s’agit d’une manipulation verbale et infra verbale qui génère de l’angoisse. La relation d’emprise obéit à des règles communicationnelles singulières qui prédisposent la personne sous emprise en paralysant ses défenses. Elle vit la relation dans une sorte d’état second, de rétrécissement de la conscience. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Chapitre 1 5. ÉVOLUTION ET SÉQUELLES D’UNE RELATION D’EMPRISE L’importance que joue le partenaire dans l’organisation psychique du sujet, vient rendre compte de la dimension temporelle du couple. Dans les relations passagères, la quête de satisfaction prime, l’objet d’amour doit donner satisfaction et s’il n’y répond pas, la relation sera interrompue. A l’inverse, dans les relations durables, même si la recherche de plaisir reste centrale, les caractéristiques du partenaire doivent contribuer à l’organisation défensive du Sujet afin de maintenir sa sécurité intérieure. Le partenaire vient donner satisfaction ou lui poser des interdits. L’instigateur de la relation d’emprise violente recherche cette satisfaction et pose même des interdits. La victime anéantie psychiquement a des difficultés à reposer des interdits, qu’elle maniait autrefois sans difficultés. La résilience peut lui rendre cette faculté. Quant à la satisfaction elle est nulle, sauf cas de masochisme.« Il existe des manipulations anodines qui laissent juste une trace d’amertume ou de honte d’avoir été dupé, mais il existe aussi des manipulations beaucoup plus graves qui touchent à l’identité même de la victime et qui sont des questions de vie ou de mort. » (M-F. HIRIGOYEN, 1998). Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

12 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
En effet, le Moi de l’un peut envahir le Moi de l’autre et l’étouffer dans son développement. H. SEARLES * évoquait déjà en 1965 cette configuration comme une des techniques pour "rendre l’autre fou". La relation d’emprise est une forme de manipulation grave qui constitue un réel processus de destruction morale. L’identité même de la victime est atteinte puisque le droit d’être « autre » lui est dénié. L’instigateur de la relation d’emprise n’a qu’une faible conscience de sa violence et un moindre sentiment de culpabilité. Le pronostic pour la victime est réservé, les séquelles sont profondes et l’estime de soi brisée. Ce qui pose la question des conditions minima d’existence pour que la résilience émerge. Cette agression psychique déstabilisante peut conduire à la maladie mentale voire au suicide, quand la résilience fait défaut. * Harold SEARLES, “L’effort pour rendre l’autre fou”, 1965, tr. Fr. Paris, Gallimard,1977. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Chapitre 1 6. Les conséquences des violences sur les victimes et leur entourage Les Symptômes : je vais tenter d’aller au-delà du cortège de symptômes psychologiques et somatiques, voire sociaux que nous connaissons tous, en ramenant du matériel clinique des observations thérapeutiques de victimes. Pour rappel, je vais citer quelques préjudices psychologiques subis : – l’effraction de l’âme – l’impossibilité de saisir le vécu de l’effraction – l’état de sidération, d’agitation anxieuse – le sentiment d’étrangeté, de dépersonnalisation – la progression traumatique – la précipitation du temps – la décompensation – la traduction corporelle de l’effraction psychologique (image rayée, percée dans la totalité que la victime se fait de son corps ; hémorragie du corps du sujet). Les symptômes comportementaux sont révélateurs de la présence de violences sexuelles (appel au secours). – des repères relationnels perturbés tant avec l’environnement que dans les relations intra-familiales (triangle familial caractérisé par une violation des frontières intergénérationnelles) – on assiste à un écartèlement psychique enserré dans un secret ; cela se traduit par une perte des capacités à se concentrer et d’être en relation avec autrui. – une inadaptation sociale Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

14 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Les séquelles du trauma : les liens familiaux perturbés causent désarroi, confusion chez la victime de violences conjugales maintenue sous l’emprise et la chape de plomb du secret. On observe le clivage psychique de la victime qui s’oblige à croire que tout va bien, alors que tout son être lui crie le contraire. Cela entraîne des souffrances sur le plan physique dans l’atteinte à son corps, ainsi que sur le plan psychologique dans ses besoins bafoués de protection et de sécurité. La victime perd confiance dans ses propres ressentis et ne se fait plus confiance, de même avec les autres. Les séquelles : – une isolation caractéristique de ses affects – une colère contre l’auteur avec une envie de ne plus le voir ; colère destructrice et provocation par des attaques verbales, une rébellion permanente témoignage de sa résilience – le désir de décharges explosives qui viendrait soulager la tension douloureuse – on retrouve des défenses d’isolation intenses et massives (névrose obsessionnelle- compulsive) – absence de liaison entre pensée et affects (mécanisme défensif), par disjonction des rapports de causalité, conséquence d’un retrait de l’affect – une impression d’être scindée en plusieurs personnalités, une personnalité inconsciente et une personnalité préconsciente, entre lesquelles oscille son consciente ; de sorte que le sujet peut avoir deux opinions sur le même thème, et deux conceptions de la vie différentes Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

15 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Chapitre 1 7. S’EXTRAIRE DE LA RELATION D’EMPRISE PAR LA RÉSILIENCE Quoi qu’elle fasse, la victime d’une relation d’emprise sera toujours pour l’initiateur de la violence un objet de haine et de mépris. La victime ne peut rien faire pour modifier la relation et doit accepter son impuissance. Il faut donc, qu’elle ait une image suffisamment bonne d’elle-même, pour que les agressions répétées qu’elle subit ne remettent pas en cause son identité. M. RUTTER a décrit les mécanismes de la "résilience". Celle-ci caractérise la capacité d’un individu à résister aux effets néfastes des événements de vie, en s’appuyant sur des éléments comme une estime de soi et une confiance en soi suffisantes,la croyance en son efficacité personnelle et la disposition d’un répertoire de solutions. Comme nous l’avons décrit dans le chapitre précédent : la résilience est influencée par deux facteurs de protection, – des relations affectives sécurisantes et stables– et des expériences de succès, de réussite. Elle reposerait ainsi sur un lien d’attachement de bonne qualité dans l’enfance : attachement dit "sécure" dans les théories de BOWLBY et AINSWORTH, qui renvoie à la notion de narcissisme primaire chez FREUD. Pour certains auteurs, les facteurs de protection seraient même plus importants que les facteurs de risque dans la capacité d’adaptation aux évènements de vie défavorables. O. FRIBORG(71) a ainsi développé une échelle de résilience, "la Resilience Scale for adults" (RSA), qui étudie la structure personnelle, les compétences personnelles et sociales, la cohérence familiale et le support social. Cette échelle permet d’évaluer la présence de facteurs de protection essentiels à la récupération et au maintien de la santé mentale suite à un traumatisme psychique. Michael RUTTER, “Resilience in the face of adversity. Protective factors and resistance to psychiatric disorder”. Br J Psychiatry Dec ; 147: Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

16 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Nous avons, cliniciens, à évaluer ces capacités de protection, dès les premiers contacts avec les victimes de violences conjugales. Être engagé dans une relation d’emprise constitue un traumatisme psychique qu’un sujet résilient pourrait surmonter, peut-être, avec moins de difficultés qu’un autre. Mais la résilience est une faculté qui ne peut être appréciée qu’après coup, devant le constat de l’absence de troubles psychiques consécutifs à la survenue d’un traumatisme psychologique. Pour les victimes rencontrées dans nos consultations,outre les capacités de protection, de se défendre, il faut saisir en effet les traces de cette résilience potentielle ou effective. Soulignons que, si un sujet possède de bonnes capacités de résilience, leur mise en oeuvre effective en cas d’agression et leur aptitude à diminuer les effets du traumatisme n’est pourtant pas systématique. Ces capacités, même si elles sont fortement développées, peuvent être débordées à l’occasion d’un événement particulièrement vulnérant, – comme l’est une relation d’emprise dans le cadre de violences conjugales. Ce qui peut laisser l’initiative d’un accompagnement clinique afin de réenclencher cette aptitude résiliente, ces ressources personnelles anesthésiées. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

17 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Être résilient ne signifie pas être invulnérable, ni indestructible. Ainsi, un traumatisme laisse-t-il toujours sur le temps une empreinte chez la victime, et la résilience ne sera donc jamais ni absolue ni définitive : elle peut être débordée à tout moment. Le sujet résilient est un sujet blessé dont le cours de l’existence est modifié par le traumatisme, mais qui montre une importante capacité à s’en défendre par la mise en oeuvre d’une multiplicité de ressources. Et qui peut être étayé par nos interventions cliniques. Ainsi, selon M. DELAGE, les sujets résilients se montrent déterminés, compétents, performants dans le travail et l’insertion sociale, faisant preuve de capacités créatrices pour transcender la souffrance. La résilience serait un phénomène dynamique qui dépend de la qualité des liens entretenus avec son environnement, il faut donc explorer s’ils existent encore. L’ appartenance à un groupe humain favorise le développement de la résilience par certaines caractéristiques propres du groupe : un système de croyances qui permet de trouver un sens à l’adversité, de pouvoir établir une vision positive des événements de vie, un recours possible à la transcendance et à la spiritualité, un sentiment de solidarité et des valeurs partagées. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

18 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Le problème dans la relation d’emprise vient de ce que l’instigateur a tendance à couper la victime de son groupe d’appartenance (amis, clan familial, collègues…) et de l’attaquer principalement en privé lorsqu’elle se retrouve isolée. Le recours à l’environnement peut sembler d’autant plus illusoire que la victime, dans un mouvement de fascination pour l’instigateur, aura tendance à s’isoler d’elle-même du groupe pour se rapprocher de lui. C’est ce qui prend autant de temps, pour s’extraire de cette fascination. La victime peut ainsi rester totalement hermétique aux mises en garde de ses proches vis-à-vis de l’instigateur, chez lequel auront par exemple été repérés des agissements suspects. C’est de notre responsabilité de cliniciens de faire bouger cette chape de plomb, de faire levier. La victime peut, de plus, apparaître aux yeux de ses proches, tant que la relation d’emprise reste dissimulée,comme responsable des violences conjugales que son compagnon lui fait subir – du fait de son comportement d’apparence inadaptée. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

19 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Chapitre 2 1. L'AIDE PSYCHOTHÉRAPEUTIQUE POUR LES VICTIMES D'EMPRISE VIOLENTE DANS LE COUPLE Un accompagnement et un soutien psychologique sont nécessaires pour mettre fin à l'emprise. Notre approche clinique vise à permettre aux victimes de s'extirper de cette emprise asphyxiante. Et ainsi reprendre le contrôle de leur propre vie. Il faut au préalable que victimes et cliniciens admettent qu'un processus d'influence est depuis longtemps installé, et reste encore très présent, même durant les premières consultations ou séances de groupes. À contre-courant de l'indépendance psychique, des restes des influences mentales de l'agresseur subsistent. Ces victimes attendent des techniques libératrices des thérapeutes. Conscientes que seules, elles ne s'en sortent pas ! Que cela soit en suivi individuel ou en groupe de parole, les cliniciens adoptent une écoute active avec ponctuation d'analyse des discours, afin de tirer des enseignements des phénomènes décrits et des émotions verbalisées. Les silences thérapeutiques laissent une place entière au développement de la parole enfin libérée. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

20 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Les attitudes thérapeutiques ne sont pas neutres. Elles révèlent les fonctionnements aliénants de l'oppresseur, le condamnent et stigmatisent le processus d'emprise. Ce renforcement positif clinique est essentiel dans le renforcement de la posture active de la victime. Les cliniciens sont en ouverture, en disponibilité, à l'affût des ressources résilientes qu'ils ont à tonifier. Les thérapeutes réaniment la victime, pour qu'elle soit en mesure d'avoir une attitude critique de leur expérience de vie sous emprise L'analyse de ce processus, la compréhension de leur propre abandon permettent une réactivité. Nous avons des rythmes, souvent lents, de résilience graduelle. À force de patience, de présence sur le temps, nous enregistrons des transformations de positionnement de vie. Les victimes deviennent exigeantes et intransigeantes. Le processus thérapeutique évolue sur un mode d'alternance, du fait de l'attachement affectif. À nous de métaboliser l'envie d'aller vite, car il faut respecter le tempo des victimes. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

21 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Chapitre 2 2. DISPOSITIF D’ÉVALUATION ET DE SUIVI DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES (EXPÉRIENCE DE BEAUVAIS, LFSM BEAUVAIS, 2008) LES OBJECTIFS DE NOS DISPOSITIFS CLINIQUES En premier lieu, notre objectif sera de faire admettre que ce qu'elles ont subi était bien de la violence. Il s'agit d'une phase de décodage de l'emprise et des comportements abusifs. Petit à petit, nous cherchons à les mobiliser sur leur potentiel résilient qui ne demande qu'à se révéler au grand jour. Desserrer l'étau, c'est assimiler pour les victimes de violence les diverses étapes d'installation du piège, et de ses procédés subtils qu'elles n'ont pas alors perçues à l'époque. Les tromperies et les manipulations du langage de l'emprise masquent la volonté profonde de prise de contrôle de la victime. L'injection de culpabilité pour un renversement de la réalité produit un malaise, voire l'impression de créer soi-même la situation. Notre objectif final sera bien de permettre à ces victimes de reposer des limites structurantes pour leur développement personnel. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

22 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Chapitre 2 3. LES MOTIFS D'INTERVENTION DE NOTRE CONSULTATION SPÉCIALISÉE Voici les motifs d'appel : Conflits conjugaux et dysfonctionnements familiaux Violences conjugales et intra familiales (violences verbales, maltraitance psychologique et physique, viol, inceste) Problèmes psychologiques divers enregistrés dans le couple : dépression, phobies,troubles relationnels et psychiques, névroses, tendances suicidaires, anorexie,hyperactivité, relation fusionnelle, paranoïa Alcoolisme, toxicomanie, dépendance médicamenteuse du compagnon avec violences Troubles du comportement, souffrance morale de jeunes adultes Nous aidons et accompagnons des familles en conflit, en cours de séparation,par une reprise du dialogue intra familial ou une protection de l’épouse face aux excès de violences du compagnon Les phénomènes de violences conjugales, de violences familiales ne sont pas l'apanage d'une classe sociale ou culturelle défavorisée. Et cela est valable pour Beauvais comme pour d'autres villes ou régions où nous intervenons. Pour la communauté d’agglomération du Beauvaisis tous les milieux socioculturels sont donc concernés, indépendamment du contexte éducatif et culturel. Notre action offre l’accès au plus grand nombre, sans se centrer vers une population cible Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Le bilan statistique des victimes de violences conjugales selon la DDFE de l'Oise (Délégation départementale aux Droits des Femmes et à l’égalité) de fin 2007 *bilan statistique 2007 des protocoles d'accompagnement des victimes de violences conjugales de l'Oise donne : 300 violences verbales 241 violences psychologiques 380 violences physiques 14 violences sexuelles 37 violences économiques Nous intervenons sur demande des familles et des institutions comme l’ASE, l’ABEJ (Foyer de femmes battues), l’association Entraide et les services de la mairie de Beauvais, de la C.A.B (Communauté d'Agglomération du Beauvaisis) pour une partie des 408 violences conjugales recensées par l’association parajudiciaire Entraide pour le parquet de Beauvais. Contrairement à une idée reçue, la majorité des victimes adultes a une activité professionnelle. L'absence de travail est un facteur aggravant pour la dépendance. Environ un tiers des femmes se plaignant de violences n'ont pas de revenus propres et sont donc dans une situation précaire. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

24 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
Nous observons sur une période de deux ans l’apparition de violences conjugales où l’auteur est une femme. Nous enregistrons 8 % d’hommes violentés et 92 % de femmes battues. Nous relevions dans l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) rendue publique en De ces conclusions est sorti un indice global de la violence conjugale des femmes égal à 10% de la violence conjugale. Une question se posait et les hommes massivement accusés à l'aune de ces agressions psychologiques ne leur arrive-t-il pas d'en être victimes, eux aussi ? Une étude B.V.A pour l'Express, stipulait qu'à peu près hommes et femmes se déclarent victimes de cette "guerre conjugale" Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Chapitre 2 4. L'INTERVENTION DANS LE CADRE DES VIOLENCES CONJUGALES Nous avons de plus en plus de demandes sur ces situations à Beauvais, et avons proposé à l’association Entraide une mutualisation de nos prestations. Nous avons démarré en mai 2008 un groupe de parole pour femmes victimes de violences conjugales co-financé par la délégation des Droits des Femmes et à l'Égalité de la préfecture de l’Oise. Or le retentissement psychologique est fréquent et parfois majeur. La prévalence des troubles psychologiques justifie donc leur repérage systématique. Ces violences conjugales sont de véritables incursions dans la vie psychique de l'individu. Nous évaluons le plus rapidement possible les conséquences psychologiques de ces violences, afin d'orienter si nécessaire la personne vers une prise en charge spécialisée du psycho traumatisme. La grande diversité des symptômes, syndromes et troubles psychiques consécutifs à des faits de violence, en particulier lors de violences où l'agresseur est souvent l'être le plus proche et le plus intime de la victime. Enfin, les troubles psychiatriques consécutifs aux violences perpétuées par le conjoint peuvent s'installer dans les jours qui suivent un traumatisme unique, mais également à la suite de traumatismes répétés physiques et- ou psychologiques. Ils sont également susceptibles d'apparaître après un intervalle de latence important. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Chapitre 2 5. TRAME D’ANIMATION DU GROUPE DE PAROLE DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES. Nous avons extrait le suivi longitudinal de deux participantes les plus représentatives du groupe. Le groupe de parole est co-animé par Madame Dominique LAMBERT et Monsieur Jean-Pierre VOUCHE, assisté d'Aline PAROU(stagiaire psychologue). Le groupe peut réunir 6 à 8 participantes. A. PRÉSENTATION DE CHAQUE PARTICIPANTE Séance du 6 Mai 2008 : Mme M. est âgée de 36 ans, française, d’origine algérienne. Elle a été mariée pendant quatre ans et demi. Elle a eu une fille âgée de deux ans et demi maintenant. Elle est actuellement en instance de divorce. Elle vit chez ses parents avec sa fille depuis sa séparation. Elle est à la recherche d’un emploi dans le secrétariat médical. Elle a porté plainte contre son "ex" mari environ dix mois après le début des violences pour tentative de meurtre à son encontre. Celui-ci a été jugé et condamné. Il bénéficie du droit de visite pour voir sa fille, mais uniquement dans une association. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

27 PRÉSENTATION DE CHAQUE PARTICIPANTE
Mme N. est âgée de 34 ans, née à Madagascar. Toute sa famille est restée là bas,sa mère et ses deux frères (son père est décédé) ; elle est venue en France pour continuer ses études, après avoir vécu pendant quatre ans à la Réunion. Elle s’est mariée en décembre 2003 et a signalé les violences dont elle était victime en2005. Elle a un fils âgé de 5 ans maintenant, et vit dans un foyer avec lui depuis son divorce par consentement mutuel, le premier semestre 2006. Elle travaille en CDD de six mois non renouvelable, comme aide comptable, depuis le mois de mars. Elle a porté plainte pour violences sur elle et sur son fils, et déposé quatre mains courantes,moins d’un an après le début des violences. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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B. AMPLEUR DES SÉVICES SUBIS Séances du 6 Mai et du 13 Mai 2008 : Mme M. a subi toutes sortes de violences physiques, psychologiques et sexuelles (rapports sexuels forcés et contraints par son "ex" mari), la dernière étant la tentative de meurtre par strangulation sur sa personne. Les bleus sur les bras et les marques sur son cou en sont des conséquences. Ces violences physiques étaient souvent accompagnées de menaces avec arme (couteau), de menaces de meurtre sur elle et sur sa fille. Les violences ont empiré à la naissance de leur fille et il aurait même tenté plusieurs fois de lui faire perdre son bébé lorsqu’elle était enceinte, alors qu’il lui reprochait très souvent de ne pas savoir faire d’enfants. Dès la maternité, il a commencé à l’isoler en lui refusant l’accès à la télévision, à la radio…et l’a totalement coupé du monde au fur et à mesure. Les insultes pleuvaient ainsi que les humiliations en tout genre (verbales et physiques) telles l’obligation de nettoyer le sol à genoux, "à quatre pattes" ou ses allégations (par le biais d’une petite annonce pour rencontres homosexuelles en donnant le numéro de Mme M.) auprès du père de Mme M. sur ses faux "penchants homosexuels". Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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AMPLEUR DES SÉVICES SUBIS suite Mme M. se voyait également interdire de regarder la télévision lorsqu’il était absent, l’utilisation de la machine à laver, de la voiture, l’accès au courrier. Lorsqu’elle tentait de se rebeller, les insultes défilaient, et tout était scellé dans leur chambre afin qu’elle ne puisse toucher à rien. Il lui donnait 20 euros par mois comme "argent de poche"et l’obligeait à lui verser 400 euros tous les mois. Il l’a également séquestrée quand elle a tenté de s’enfuir avec sa fille, après qu’il ait tenté de la tuer, en gardant toutes les clés de la maison. Les reproches incessants de son "ex-mari" étaient son quotidien. Actuellement, il cherche encore à l’intimider en continuant à faire pression sur elle par l’envoi régulier de courriers menaçants pour voir sa fille, n’ayant pas du tout accepté son jugement, et ne reconnaissant absolument pas les faits reprochés. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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AMPLEUR DES SÉVICES SUBIS suite Mme N. a subi également toutes sortes de violences essentiellement psychologiques,mais aussi sexuelles (nombreux viols conjugaux répétés). Elle a vécu dans un climat très éprouvant psychiquement et moralement, car s’est installée une violence particulièrement insidieuse et progressive. En plus d’être violent avec elle, il l’a été aussi avec son fils, ce qui fait très peur à Mme N. qui a porté plainte récemment pour violences envers son fils. Cet homme semble particulièrement doué pour la manipulation mentale, arrivant à l’intimider devant les autorités (la police par exemple) quand elle veut porter plainte contre lui. Elle devait tout payer (le loyer par exemple) alors qu’elle avait moins de revenus que Mr, lui ne dépensant son argent que pour s’acheter des "futilités" (appareils électroniques, par exemple). La liste des violences physiques subies est longue, – donner des coups de pied dans le mur et sur elle, mais sans laisser de traces physiques, – tirer l’oreille. Il lui reprochait constamment de ne pas être assez ouverte, sociable, alors que c’est lui-même qui l’isolait. Elle n’avait jamais le temps de pratiquer des loisirs, car il s’arrangeait toujours pour trouver une raison lui permettant de s’absenter à ces moments-là. L’isolement s’est fait petit à petit, progressivement. Il a fait appel après son jugement,n’acceptant pas la loi et continuant à l’appeler, à venir la voir. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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C. UNE RÉFLEXION SUR LE STATUT ET LE RÔLE DES FEMMES Séance du 13 Mai 2008 : On voit bien dans ces deux histoires, qu’il n’existe aucun rapport d’égalité entre l’homme et la femme ; celle-ci étant soumise, réduite à l’état d’objet, utilisée uniquement pour les tâches domestiques et s’occuper des enfants (Mr M. ne s’est jamais occupé de leur fille qu’il appelait « elle ou la fille ou la petite »), n’ayant pas le droit de travailler ou de pratiquer des loisirs. L’homme est dominant, machiste (à la limite de la misogynie pour l’"ex" mari de Mme M. qui ne supporte pas les femmes qui s’affichent, s’affirment, prennent le pouvoir et sont indépendantes) et patriarcal. Ils ont une conception très réductrice du statut de la femme, et très dépassée dans notre culture occidentale, une femme étant pour eux inférieure à l’homme et incapable (Mr M. n’appréciait pas du tout que sa femme sache faire les choses à sa place). Séance du 10 Juin 2008 : Mr M. disait constamment à Mme M. ne pas regarder les autres femmes, alors qu’elle avait découvert des consultations de sites "spécialisés" sur internet. Il se montrait en revanche extrêmement jaloux, et avait pour habitude de lui faire des scènes n’importe où (au supermarché par exemple) pour des raisons complètement infondées. Mme M. raconte que pendant le mois suivant leur mariage, ils n’ont eu aucune relation sexuelle, mais elle a fini par « laisser tomber », malgré la souffrance que le refus de rapports sexuels de la part de son ex-mari engendrait chez elle. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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C. UNE RÉFLEXION SUR LE STATUT ET LE RÔLE DES FEMMES suite En fait, elle dit que c’est lui qui décidait à quel moment, c’était « quand il voulait ». Mme N. nous explique avoir revu son ex-mari qui a proposé ses services pour le déménagement, prétextant vouloir l’aider, pour leur fils. Mme N. a accepté son aide, mais n’a pas du tout apprécié sa façon de lui parler, qui est toujours très dure et avec un ton agressif. Elle nous raconte que ça s’est très mal passé, au point qu’elle a eu envie d’ « en finir » une bonne fois pour toute, c’est-à-dire de se suicider. Son ex-mari lui parle très mal et quand elle essaie de se défendre, il en rajoute toujours plus, ce qui lui donne l’impression extrêmement destructrice, voire même invivable de revenir toujours au même point à chaque fois qu’elle le revoit. Il casse systématiquement son autorité auprès de leur fils, alors qu’elle n’intervient jamais dans la situation contraire, à l’exception des fois où il se montre violent envers celui-ci. Elle se rend compte que son ex-mari ne la comprend pas du tout, qu’il ne l’a jamais comprise et qu’il ne la comprendra jamais. Leur manque de communication et l’important défaut qui en résulte en est la preuve visible. Il ne cesse de la provoquer et cherche constamment à l’énerver car cela lui procure une énorme satisfaction et une certaine jouissance, pouvant sentir qu’il continue à avoir un grand impact sur elle. Mme N. rencontrant toujours des difficultés à lui "échapper" entièrement. C’est une sorte de test de domination et d’emprise sur elle. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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C. UNE RÉFLEXION SUR LE STATUT ET LE RÔLE DES FEMMES suite Il ne tient jamais les promesses qu’il lui fait, mais elle y croit toujours à chaque fois et regrette ensuite lorsqu’elle se rend compte de son erreur, ce qui l’agace et l’énerve énormément. Il joue et se sert de sa vulnérabilité et s’en amuse. Il se montre très différent avec les autres femmes et a un comportement opposé à celui d’avec Mme N. Celle-ci explique cela par une haine envers elle. Elle décrit un total irrespect de Mr N. envers elle, qui se traduisait également par une indifférence impressionnante lorsqu’ils se trouvaient tous les deux parmi un groupe ou à l’extérieur. Ce comportement devenait complètement opposé quand il voulait obtenir des faveurs sexuelles de Mme N. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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D. LE CHOIX AMOUREUX DE DÉPART Séance du 13 Mai 2008 : Mme M. se dit « trop gentille » et « trop naïve ». Elle rencontre son "ex-mari" en2002, à travers une petite annonce dans un journal local. Avant cette rencontre, elle entretient une relation avec un homme d’origine portugaise, mais se rend compte que celui-ci mène une double vie. Mr M. est d’origine algérienne et fils de harkis comme elle. De confession musulmane comme Mme M., il s’est converti au catholicisme. Ils se marient en 2004 et les violences débutent en septembre2006, essentiellement après la naissance de leur fille. Elle se réfugie à plusieurs reprises chez ses parents, mais finit toujours par le rappeler et à revenir au domicile conjugal ,jusqu’au jour où il tente de l’étrangler. Séance du 27 Mai 2008 : Mme N. dit qu’elle avait comme idéal un homme ayant des repères, le sens de la famille, la « bonne autorité ».Mme N. se dit naïve et a toujours manqué de repères affectifs. Sa mère étant très absente quand elle était adolescente, elle a dû se débrouiller seule. Sa mère a voulu la marier, à l’âge de seize ans, à un fils de bonne famille. Elle était à l’école des Jésuites jusqu’au lycée, donc n’était entourée que de filles de l’âge de quatre ans à la fin de la troisième. Elle dit avoir été abusée à l’âge de quatre ans par ses cousins, puis à l’âge de six ans par son oncle, à dix ans par une cousine et à vingt deux ans par cinq hommes. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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D. LE CHOIX AMOUREUX DE DÉPART suite Suite de Mme N. Elle dit sortir, à partir de ce moment là, « avec tous les hommes qui passaient ». Elle a vécu à l’âge de 22 ans avec un fanatique religieux et a avorté de cet homme, car elle ne voulait pas d’enfant avec lui. Elle est partie en France "en douce" pour échapper à cet homme et c’est à ce moment-là qu’elle fait la rencontre à Paris, par l’intermédiaire d’une amie commune, de celui qui allait devenir son futur mari. Très vite, elle le suivit à Beauvais. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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E. LES PRÉMISSES DE LA VIOLENCE Séance du 13 Mai 2008 : Pour Mme M., on constate que les violences physiques ont débuté bien après leur mariage, essentiellement après la naissance de leur fille. Mais qu’en était-il des violences psychiques? Quel(s) rôle(s) a joué la naissance de l’enfant? A-t-il été le déclencheur de ces violences ? Pour Mme N., on constate que les violences ont débuté peu de temps après leur mariage. Leur mise en place et leur évolution a été lente et progressive. Elles se sont installées insidieusement, comme pour Mme M. Cela amène donc à se demander pour quelle(s) raison(s) la violence ne s’est pas installée de façon plus brutale, plus nette et plus brusque ? Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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F. LE STATUT DE LA VIOLENCE EN COUPLE Séances du 13 Mai et du 27 Mai 2008 : Relation d’emprise, déni d’altérité, soumission, dépendance (réciproque), culpabilisation, psychorigidité, égocentrisme, immaturité psychique, contrôle, pouvoir, domination, autorité, destruction de l’autre, manipulation et séduction (fonctionnement pervers) sont évoqués pour les participantes. Séance du 10 Juin 2008 : Mme M. revient sur une partie des descriptions des humiliations et des interdictions dont elle faisait l’objet de la part de son ex-mari. Celui-ci lui interdisait par exemple les sorties en boîtes de nuit, aux feux d’artifice. Il n’y avait donc aucune réciprocité, ni d’égalité dans leurs rapports et leur relation au quotidien. Les rappels à l’ordre réguliers de toutes sortes sont couramment utilisés par les maris violents, pour montrer leur supériorité, ainsi que leur domination et leur pouvoir. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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F. LE STATUT DE LA VIOLENCE EN COUPLE SUITE Séance du 23 Juin 2008 : Quand Mme M. était enceinte, elle affirme qu’elle se rebellait plus, mais cela n’y changeait rien. Mr M. ne s’est pas du tout occupé de préparer la chambre de leur fille, avant sa naissance par exemple. Mr M. n’avait aucune empathie ni aucune attention pour Mme M. lorsqu’elle était enceinte, ce qui montrait déjà un grand manque d’intérêt et une non implication de celui-ci. Elle cite de nombreux exemples tout à fait révélateur tels celui où il la faisait descendre de la voiture pour gonfler les pneus alors qu’elle était enceinte ; celui où son ex mari était tellement méfiant vis-à-vis d’elle qu’il cachait son code de carte bleue au distributeur ; celui où le jour de leur mariage Mr M. a fait un tel scandale ne supportant pas que Mme M. récolte plus d’argent que lui, et ayant fait tellement d’histoire qu’il a fini par récupérer tout l’argent pour lui seulet l’a partagé avec sa mère… ! Ces comportements tellement absurdes, ridicules, voire même caricaturaux, laissaient entrevoir la suite, c’est-à-dire l’évolution désastreuse de leur relation et l’augmentation de la fréquence d’évènements similaires. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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G. LES ÉPREUVES DE LA VIOLENCE Séance du 13 Mai 2008 : Les conséquences psychiques sont considérables. En effet, Mme M. et Mme N. ont les mêmes ressentis négatifs sur leur image et leur estime d’elles-mêmes. Malgré leur séparation d’avec leurs bourreaux, elles continuent toutes les deux à les craindre et à souffrir de leurs relances perpétuelles. Elles rencontrent toujours actuellement de grandes difficultés à se défaire de leur emprise et sont obligées pour cela de se rappeler des souffrances endurées pendant ces années de vie commune,pour ne pas "replonger" dans leur piège. Ceci est surtout le cas de Mme N. qui culpabilise énormément quand elle va bien (« à chaque fois qu’il est gentil avec moi, je me force à me rappeler ce qu’il m’a fait »). Mais elle parvient tout de même à réagir en pensant au groupe de parole, quand il tente de l’« amadouer » le week-end. Les souffrances subies sont telles, qu’elle préfère essayer de les oublier. Elle dit s’être beaucoup endurcie, n’arrivant pas à pleurer par exemple, à cause des violences subies. Elle fait des efforts pour ne pas s’isoler avec son fils. Elle se pose beaucoup de questions sur son image, sur ce qu’elle renvoie à la société, car ses paroles n’ont pas été prises en compte par la police lorsqu’elle a porté plainte contre son ex-mari. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

40 G. LES ÉPREUVES DE LA VIOLENCE suite
Elle se culpabilise beaucoup par rapport à son entourage et décrit un très fort sentiment de honte, de vide. Elle avait l’impression de devenir folle et associable et finissait par se sentir mieux seule. Elle se culpabilisait aussi et se posait beaucoup de questions sur ses possibles fautes dans son couple, ce qui aurait pu donc expliquer, selon elle, son malheur et les violences subies. Elle pense être « nulle » et « bête », ce qui démontre une très faible estime de soi. Elle trouve qu’il existe un très gros décalage dans sa vie entre son niveau d’études et sa situation actuelle. Elle n’ose pas se regarder dans la glace et dit avoir des idées suicidaires. Mme N. a développé un début de cancer de l’utérus suite à cette relation destructrice. Boris CYRULNIK précise(72) :« ...cela étant, lorsqu'on souffre, on éprouve,de fait, une sensation de manque et d'amoindrissement et l'on a l'impression de ne pas être à la hauteur par rapport au monde autour de soi. » Mme M. éprouve les mêmes sentiments que Mme N. relatifs au décalage entre son niveau d’études et sa situation, ce qui la laisse dans une incompréhension totale. Elle a toujours très peur aussi de son "ex" mari, même s’ils sont séparés depuis environ un an, car celui-ci continue à la menacer de s’en prendre à leur fille. Elle n’ose pas sortir avec sa petite fille, et demande donc à son frère de le faire à sa place, ce qui la rassure. Mme M. a pris trente kilos durant sa relation avec l’auteur des violences. Les sentiments les plus présents chez ces femmes sont la culpabilité et l’emprise intenses.

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H. TRACE DES TRAUMATISMES Séance du 23 Juillet 2008 : Mme M. prenait des antidépresseurs, mais a préféré arrêter car elle se sentait très « nulle » et ne ressentait pas les effets. Cet arrêt a provoqué un sentiment de contentement chez elle. Mme N. dit avoir peur des hommes, de croiser leurs regards, elle reconnaît même ne pas oser regarder le thérapeute homme dans les yeux. Mme N. avoue avoir beaucoup plus de critères réactifs qu'avant, comme celui de trouver un homme ayant le même niveau d'études qu'elle par exemple, mais reconnaît ne plus avoir autant de réactivité, ses réactions se faisant plus lentes. Elle souffre de trop penser au passé et se retrouve complètement désarmée lorsque son ex mari est présent, celui-ci prenant toujours beaucoup de « place dans sa vie et dans sa tête ». Elle reste donc très méfiante envers les hommes et refuse les avances de certains, n'ayant pas envie et peur pour le moment d'une relation avec un autre homme. Elle dit rencontrer de nombreuses difficultés quant au regard des hommes sur elle qu'elle a vraiment dû mal à supporter, mais ressent une certaine fierté du pouvoir de décision qu'elle détient à présent. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

42 H. TRACE DES TRAUMATISMES suite
Mme M. prenait quatre pilules par jour de peur de retomber enceinte, car Mr M. voulait absolument un deuxième enfant. Mme M. éprouve un sentiment identique à celui de Mme N., à ce propos. À l'exception qu'elle parvient tout de même maintenant à regarder le thérapeute homme dans les yeux. Elle dit ne plus oser aller vers les gens, cherchant perpétuellement à camoufler, à cacher toutes ses souffrances. Elle raconte par exemple un épisode plutôt récent lors d'une formation de simulation d'entretiens, où elle est restée constamment en retrait et a craqué devant les formatrices qui lui posaient des questions sur l'éventuelle possibilité pour elle de faire garder sa fille.

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I. LES SENTIMENTS D’ATTACHEMENTS AFFECTIFS Séance du 13 Mai 2008 : Ces femmes ont "accepté", ou plutôt enduré toutes ces violences par amour et par excès de sentiments, mais peut être aussi pour d’autres raisons conscientes et inconscientes ? Mme N. raconte que les attitudes et les paroles de son ex montraient qu’il n’avait pas vraiment envie de se marier avec elle. Celui-ci lui était régulièrement infidèle mais elle fermait les yeux à chaque fois, en raison des très forts sentiments amoureux qu’elle avait pour lui et de la « véritable passion » entre eux, comme elle dit. Séance du 10 Juin 2008 : Malgré tout ce qu’il lui faisait subir, Mme N. ne cherchait pas d’autres hommes. Mme M. dit avoir pensé très fort à l’anniversaire de son ex-mari, ce qui l’a bouleversée et blessée, n’étant pas réunis avec leur fille pour lui souhaiter et lui fêter. Elle reconnaît avoir toujours un très fort attachement affectif pour lui. Elle est aussi persuadée qu’elle aurait pu très facilement « retomber dans ses bras », si elle avait actuellement l’occasion de le revoir, et n’était pas hébergée chez ses parents qui la protègent. Elle se culpabilise beaucoup de s’être « laissée piéger » aussi facilement, alors qu’elle réalise vraiment de façon claire et limpide maintenant, les éléments annonciateurs de violences qui auraient dû l’alerter dès le début. Mais l’amour lui faisait refuser de voir tous ces signes, qui pourtant ne lui semblaient pas très clairs. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

44 LES SENTIMENTS D’ATTACHEMENTS AFFECTIFS suite
Séance du 23 Juin 2008 : Mme N. dit avoir été heureuse avec Mr N. pendant un an et demi avant le mariage. Mr N. n’avait pas de comportements violents, mais était tout de même très immature et fuyant. Elle prend conscience maintenant qu’il jouait donc un rôle, un personnage à ce moment-là pour « l’amadouer ». Il correspondait à son idéal malgré leur différence d’âge et de « priorités », c’est-à-dire que c’était à elle de s’adapter aux situations.

45 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
J. QUELLES VOIES DE DÉGAGEMENT ? Séance du 13 Mai 2008 : Toutes les deux parviennent tout doucement à sortir de l’isolement, malgré une extrême difficulté, surtout en ce qui concerne Mme N. qui a seulement une tante vivant en France (la soeur de sa mère). Elle pense tout de même reprendre contact avec ses cousines germaines (du côté maternel), et le fait d’avoir vu une cousine en 2007 complètement épanouie dans sa vie sentimentale et familiale lui a redonné espoir. Elle a également comme projet de quitter Beauvais aussitôt la fin de son CDD avec son fils. En revanche, elle n’a pas vraiment été aidée par la justice, et plus particulièrement la police municipale, qui n’a rien fait pour elle au moment où elle a porté plainte plusieurs fois. Lorsqu’elle s’est rendue à différentes associations, pour obtenir une aide financière et de la nourriture, on l'a directement renvoyée devant le Juge des affaires familiales, ce qu’elle a très mal vécu. Cette incompréhension et cette violence institutionnelle ont provoqué un vrai découragement et une véritable résignation, qui n’a fait que l’enfoncer dans son malheur. Elle se rend maintenant régulièrement dans une association qui l’aide à sortir de cet isolement profond. Mme N. s’est renseignée elle-même sur les modalités de procédure de divorce et a entamé seule toutes les démarches . Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

46 J. QUELLES VOIES DE DÉGAGEMENT ? Suite
Mme M. a, quant à elle, eu plus de « chance » si l’on peut dire, car la gendarmerie lui a tout de suite été d’un grand secours et d’une grande aide. Le gendarme s’étant occupé de sa plainte l’a immédiatement crue, conseillée, et appuyée dans ses démarches. Il l’a tout de suite orientée vers une association (la même que celle de Mme N.) et a pris en charge personnellement son dossier. Le certificat médical a appuyé aussi grandement le témoignage et la véracité des dires de Mme M., à la différence de l’absence de certificat médical pour la plainte de Mme N., qui n’avait pas de traces visibles et apparentes des violences physiques subies. Mme M. est également bien entourée de sa famille chez qui elle vit, et bénéficie d’un suivi psychologique, qui l’aide à avancer vers un meilleur avenir et à essayer de « guérir » de ses blessures psychiques, des séquelles psychologiques que provoquent les violences endurées. Séance du 10 Juin 2008 : Mme N. a déménagé du foyer avec son fils en une semaine de temps, donc elle dit avoir vécu une semaine très chargée et très intense. Elle se trouve maintenant dans un autre quartier de la ville. Elle dit avoir même pensé à appeler Mme ZINOUNE (thérapeute en suivi individuel) pour lui parler au moment du déménagement de son grand désarroi et de son très faible moral.

47 J. QUELLES VOIES DE DÉGAGEMENT ? Suite
Séance du 23 Juin 2008 : L’association "Le Puzzle« (point rencontre et service de médiation) fermant, Mr M. demande à voir sa fille chez ses parents à lui, mais Mme M. n’est pas du tout d’accord. Elle va donc chercher une autre association qui puisse permettre à Mr M. de voir leur fille, mais dans un endroit neutre comme antérieurement. On voit bien que dans les voies de dégagement, le rôle d’un tiers (par exemple la Justice, les associations…) jouent un rôle très important pour éviter l’emprise directe de Mr M. sur son ex femme.

48 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
K. LA SÉPARATION Comment ont-elles et vivent-elles leur séparation? Sentiments d’angoisse, de solitude, de nostalgie, d’abandon des idéaux familiaux? Ou au contraire, sentiments de soulagement, de renaissance, d’apaisement, de sécurité ? Pour ces femmes, c'est le sentiment de soulagement qui prédomine. Et le fait d'être enfin en sécurité. Cela ne retire en rien la solitude et les angoisses du lendemain, ces femmes se demandent si elles arriveront un jour à reprendre une vie de couple. L’idéal du couple est détérioré, et règne une grande suspicion dans toute nouvelle tentative de reprise d’une relation avec un homme. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

49 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
L. LA RÉPARATION PSYCHIQUE DE SOI Retrouver la confiance en soi, le réapprentissage de la féminité… Séance du 10 Juin 2008 : Mme N. dit que quand elle est en colère, elle ne réfléchit plus du tout dans ces moments-là, ce qui paraît relativement inquiétant quant à un éventuel passage à l’acte de nature essentiellement auto agressive. Les idées suicidaires qu’elle a manifesté lors de cet épisode sont assez inquiétantes, car elle pense, dans ces moments d’extrême faiblesse psychique et de découragement moral intense, que le suicide lui permettrait d’oublier et de faire en sorte que Mr N. ne prenne plus « toute la place dans sa tête ». Mme M. affirme vouloir « remonter la pente » essentiellement pour sa fille et garde espoir quant à sa reconstruction psychique et morale. Mme N. a remarqué beaucoup de changements dans la manière d'analyser ce qu'elle a vécu, surtout par rapport à sa relation avec son ex-mari. Elle relativise, se sent plus résistante au choc et plus vigilante. Elle constate qu'elle a plus de répondant qu'avant, et pose également plus de limites et de barrières. Elle dit avoir retrouvé une grande partie de confiance en soi, qui revient progressivement, "petit à petit". Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

50 L. LA RÉPARATION PSYCHIQUE DE SOI suite
Séance du 23 Juillet 2008 : Elle a l'impression de redevenir petit à petit elle-même, même si elle rencontre toujours un problème avec son aspect esthétique, qui a été anéanti avec le temps, et en raison de sa relation avec Mr N. qui la dévalorisait sans cesse. Mme N. a des problèmes médicaux qui la fatigue beaucoup (déséquilibre hormonal). Mme N. a tout de même le sentiment de ne pas avoir été cru par la Justice quant à la responsabilité des faits commis par Mr N. C'est comme si, en quelque sorte, elle était la « méchante » et lui le « gentil ». En effet, lorsqu'elle a porté plainte auprès de la police pour violences envers son fils, Mme N. a eu l'impression de ne pas du tout avoir été crue, l'affaire ayant été classée sans suite. Elle dit de Mr N. qu'il a profité d'elle sur tous les plans. Mme M. a cette même impression que personne ne veut croire ce qu'elle a subi ; elle paraît être la coupable et Mr M. la victime. Elle observe le même problème que Mme N. quant à son aspect physique. Elle dit s'être complètement laissé aller lors de sa relation avec Mr M., car elle se détestait et n'arrivait plus à se supporter. Mr M. lui interdisait d'aller chez le coiffeur par exemple et lui reprochait par ailleurs de ne pas changer et d'être toujours pareille physiquement. Lorsqu'elle s'est séparée de celui-ci, elle a ressenti le besoin et l'envie (désir) de se faire couper les cheveux, de faire une couleur etc., ce qui lui a permis d' "effacer", en quelque sorte tout ce qu'elle avait vécu et de recommencer une nouvelle vie.

51 Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien
M. L’AVENIR Comment l’envisagent-elles ? Seule avec leur enfant ou en couple ? Ressentent-elles de la peur vis-à-vis de ce renouveau ou au contraire une certaine excitation ? Pensent-elles à une future rencontre? Si oui, comment l’imaginent-elles ? Comment se prémunir de la violence et éviter le phénomène de répétition du ou des traumatisme(s) vécu(s) ainsi que la victimisation chronique ? Séance du 10 Juin 2008 : Mme N. met en avant la peur de ne pas pouvoir être aimée (par un homme « bien »), qui serait la raison principale de la durée de sa relation avec son ex-mari. Ayant eu un parcours extrêmement difficile et vécu de nombreuses expériences très traumatisantes, elle dit aller toujours "trop vite" et être impatiente. Mme M. avoue avoir très peur, pour sa fille et pour elle, de rencontrer un autre homme et de « tomber sur le même type d’homme » que son ex-mari. Ceci est un point essentiel sur lequel on se doit de travailler et d’insister tout au long du groupe, pour éviter à ces femmes de revivre encore des relations et des situations sentimentales similaires, et donc le même cauchemar dont elles commencent tout juste à émerger. Elle craint de retrouver un homme qui lui cache tout, comme son ex-mari l’a fait durant toutes leurs années passées ensemble. Mme M. s’est inscrite sur un site de rencontres et a mis son profil en ligne sur Internet, mais n’a jamais répondu aux avances écrites des hommes qui la contactent sur ce site et qui semblent intéressés par son annonce. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

52 M. L’AVENIR suite Mme M. dit « baisser totalement la garde » une fois l’apparition de sentiments amoureux. Elle ne pense pas vraiment pour l’instant à refaire sa vie mais aimerait rencontrer plus tard un homme honnête, sincère et partageur, donc à l’opposé de son ex qui était très méfiant vis-à-vis d’elle et n’avait aucune confiance en elle. Il est donc important de repérer et de détecter les signes avant-coureurs pour éviter de ne pas reproduire le même schéma et la même histoire affective. Mme M. a conscience que ses sentiments priment sur sa raison. Elle cherche constamment des preuves de certaines défaillances chez les hommes qu’elle rencontre en général, car elle n’a pas du tout confiance en ses intuitions, et en ses perceptions. Il paraît donc indispensable pour Mme M. qu’elle donne de l’importance à ses intuitions, car elle dit rencontrer beaucoup de difficultés à se détacher d’hommes qu’elle ne « sent pas » et dont les comportements lui déplaisent fortement. Il est tout à fait important pour ces femmes également de ne pas combler des sentiments de solitude et d’angoisse par n’importe quel type de relation et de personnalités d’hommes, car cela pourrait directement les reconduire à des situations identiques de celle(s) vécue(s) antérieurement.

53 Mme M. ressent encore actuellement une très grande peur de revivre les
M. L’AVENIR suite Séance du 23 Juillet 2008 : Mme M. dit avoir été soulagée de découvrir qu'elle était « épaulée » et « crue »par une personne anonyme figurant sur son dépôt de plainte, en faveur de son témoignage. Mme N. se dit très intéressée, pour son fils, par la proposition de Jean-Pierre VOUCHE à propos de la mise en place à la rentrée de groupes d’expression à base de marionnettes groupes d'âges pour enfants,de trois ans à quatorze ans, exposés à des violences conjugales. Séance du 30 Juillet 2008 : Mme N. donne l'exemple de sa cousine qui lui ressemble beaucoup à tous les niveaux, et qui lui redonne l'espoir de pouvoir vivre heureuse avec un homme, car elle constate que cela est tout à fait possible aussi pour elle. Mme M. ressent encore actuellement une très grande peur de revivre les mêmes situations de violence et de souffrance, de « replonger » comme elle dit, ce qui l'amène parfois à préférer rester seule avec sa fille. La famille comptant énormément pour Mme M. et Mme N., elles voudraient quelqu'un qui leur ressemble sur ce point là, quelqu'un qui soit très « famille », comme elles.

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N. NON-ACCEPTATION DE LA VIOLENCE En vue de reconstruire un couple égalitaire et harmonieux à l'avenir Séance du 10 Juin 2008 : Malgré l’emprise et le pouvoir que Mr N. détient encore sur Mme N., et qui sont toujours présents, celle-ci a tout de même réussi à refuser ses avances sexuelles, celles-ci étant faites après une avalanche d’insultes et d’humiliations. Mme N. est parvenue à lui dire "non", ce qu’il a très mal pris et l’a grandement énervé. Cette résistance est donc un élément que l’on peut dire plutôt positif, au niveau de la reconstruction de Mme N. Séance du 30 Juillet 2008 : Mme M. se demande quel comportement elle devra adopter avec son nouveau compagnon, et si elle pourra lui dire qu'elle a été violenté par son ex-mari. Elle est devenue très méfiante à présent, car son ex-mari était totalement différent avant leur mariage et possédait toutes les qualités qu'elle recherchait chez un homme. Il était très doux, très gentil avec elle jusqu'au moment de leur mariage, à partir duquel il a révélé sa vraie personnalité. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

55 N. NON-ACCEPTATION DE LA VIOLENCE suite
En vue de reconstruire un couple égalitaire et harmonieux à l'avenir Mme M. pense se montrer plus exigeante maintenant, et ne pas insister si elle ne sent pas la relation et que des choses lui déplaisent chez un homme. Dans ce cas là, elle arrêtera immédiatement la relation en expliquant tout de même les raisons à l'autre. Mme N. est dans le même démarche que Mme M. quant à la non-acceptation de la violence, mais pense qu'elle pourrait parler à son nouveau compagnon de la violence qu'elle a subi depuis toute petite. En revanche, elle ne le dirait pas directement à n'importe qui et au premier venu. Elle se livrerait à quelqu'un en qui elle aura confiance et qu'elle « sentira » bien, donc en fonction de la personne, car elle aussi se méfie énormément maintenant. Son ex-mari ayant profité de son passé difficile et de sa souffrance pour profiter de sa vulnérabilité et l'attirer dans les mailles de son filet. Mme N. penserait même à faire des « enquêtes », c'est-à-dire à parler avec la famille, les amis, les connaissances, les fréquentations, tous les proches de son compagnon afin d'en savoir et d'en apprendre plus sur lui. Elle ne veut plus s'effacer, elle a envie de sentir et de faire ressentir aux autres qu'elle existe, qu'elle est présente et qu'elle n'est pas un objet dont on peut se servir et utiliser à son gré.

56 N. NON-ACCEPTATION DE LA VIOLENCE suite
Elle exige d'un homme qui l'accepte tel qu'elle est, qui accepte ses loisirs, ses désirs, ses envies, avec qui elle serait donc pour une fois sur un même pied d'égalité, au même plan. Mme N. prend conscience qu'elle sait ce qu'elle veut, et ce qu'elle ne veut plus maintenant, et s'affirme. En effet, elle dit avoir arrêtée une relation avec un homme dernièrement qu'elle jugeait trop envahissant et dont le comportement la dérangeait. Mme N. a appris à repérer certains comportements ou caractéristiques communes qu'on peut retrouver assez souvent chez les hommes violents, tels que, par exemple, l'intensité de la voix, qui était très élevée chez son ex mari. Mais ces signes ne suffisent pas, car Mme M. apporte l'expérience contraire en révélant que son mari parlait de façon très douce, très calme et avec une voix plutôt basse. Toutes les deux doivent continuer à apprendre à réagir au bon moment, dès qu'il y a présence de signes apparents et manifestes d'une violence potentielle, quelle qu'elle soit, et doivent se montrer très vigilantes face à ces constatations. C'est ce que l'on pourrait nommer le "principe de précaution", qui implique le respect de l'autre envers soi-même, la réduction de la vulnérabilité, le repérage de la technique de "camouflage" mise en place par certains hommes pervers, le refus de se laisser imposer un rythme dans la relation, l'exigence vis-à-vis de la qualité de la relation, la non tolérance et l'absence d'excuses de comportements dérangeants, dégradants et violents.

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O. PERSONNALITÉS DES HOMMES VIOLENTS ET DES FEMMES VICTIMES Caractéristiques communes, problématique(s) et – ou pathologie(s) mentale(s), choix d’objet, sentiments éprouvés réels ou non… Choix inconscient de l’auteur, raisons ou explications de leur « incapacité » à quitter définitivement l’auteur… Séance du 27 Mai 2008 : Mme N. dit que Mr N. n’accepte pas les femmes qui réussissent, s’affirment, qui sont indépendantes, et ont du pouvoir. Elle le décrit comme étant quelqu’un de très séducteur, qui ne se gênait absolument pas pour "draguer" des femmes devant elle,ce qui donnait à Mme N. le sentiment de ne plus exister à ces moments-là. Mme N. l’a tout de même quitté à une période où il la trompait avec une femme dont il se disait également amoureux, mais celui-ci est revenu la chercher et elle a « craqué ». Il a continué à la tromper avec cette femme pendant sa grossesse, mais Mme N. n’arien dit et a également été accusé de « harcèlement » de la part d’une autre femme,ce qu’il a bien évidemment toujours nié. Mme N. le définit comme un « macho sans coeur », dont le comportement avec les femmes est agressif. Ses incessantes intimidations morales et physiques qu’il faisait subir à Mme N. la pétrifiaient totalement. Elle avait très peur de ses réactions brutales et soudaines, celui-ci étant extrêmement imprévisible, donc elle préférait se taire et ne pas discuter dans ces moments là, n’osant plus parler. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

58 O. PERSONNALITÉS DES HOMMES VIOLENTS ET DES FEMMES VICTIMES suite
Mr N. profitait de sa très grande vulnérabilité et de sa fragilité qu’il sentait, ce qui lui permettait d’asseoir sa domination et son emprise sur elle, profitant, par exemple, de certains évènements dramatiques tels le décès du père de Mme N. un mois après la naissance de leur fils, qui l’a beaucoup affecté, touché,affaibli, « ramollie », comme elle dit. Son comportement envers les femmes est très ambivalent et contradictoire, car il disait à Mme N. qu’il préférait les femmes fortes psychologiquement, lui reprochant d’être trop faible à son goût, mais appréciait en même temps sa soumission et sa docilité, pouvant faire d’elle ce qu’il voulait. Mme N. dit qu’elle renvoyait à la société une image de femme immature, en raison de leur différence d’âge, lui étant plus jeune qu’elle. Tous ces éléments nous laissent donc entrevoir chez Mr N. une personnalité extrêmement égocentrique et narcissique. Séance du 10 Juin 2008 : Mr N. ne reconnaît absolument pas les faits que Mme N. lui reproche et qu’elle a dénoncé. Il lui en veut toujours beaucoup pour sa plainte, et n’accepte pas sa culpabilité. Ce véritable déni des faits est un mécanisme de défense psychologique bien connu chez les auteurs de violences conjugales et ce type de personnalité.

59 O. PERSONNALITÉS DES HOMMES VIOLENTS ET DES FEMMES VICTIMES suite
Mme M. raconte que son ex-mari était quelqu’un de très mystérieux avec elle,il ne voulait rien lui dire sur lui et lui cachait tout sur son passé, sa vie intime antérieure,alors qu’elle lui dévoilait beaucoup d’éléments de sa personnalité et de sa vie, de son passé. Elle ne lui cachait rien et lui disait tout sur elle. C’est quelqu’un d’extrêmement rigide et de maniaque, au sens pathologique du terme qui ne supportait pas les déplacements d’objets par exemple et que cela rendait fou furieux. Ces comportements montraient encore plus à Mme M. qu’elle n’était vraiment pas chez elle et ne lui donnait pas le sentiment de se sentir bien, à l’aise, en confiance,en sécurité, et de s’épanouir pleinement. On peut donc mettre en évidence, par ces deux témoignages sur la description de la personnalité des auteurs de violences conjugales, la présence systématique de défaillances profondes, et de complexes chez ces hommes violents. Séance du 23 Juin 2008 : Mme M. nous dit qu’il était toujours dans le doute, ce qui montre un grand manque de confiance en soi, mais aussi des traits de personnalité de type paranoïaque et dépressifs. Sa mère s’étant prostituée après sa séparation d’avec le père de Mr M. , on peut penser que son image négative des femmes pourrait être en lien avec cet élément biographique et familial.

60 O. PERSONNALITÉS DES HOMMES VIOLENTS ET DES FEMMES VICTIMES suite
La mère de Mr M. a été hospitalisée pour des violences physiques subies par son mari, donc on s’imagine bien dans quel environnement familial Mr M. a grandi et quel modèle parental il avait sous les yeux… Les répercussions psychologiques ont inévitablement influencées son mode de relation à l’autre en général et aux femmes en particulier. Mr M. justifiait son refus de parler à son père par une peur extrême de son père, racontant avoir été maltraité par lui à plusieurs reprises durant toute son enfance. Lorsque celui-ci lui dévoilait ces éléments douloureux et difficiles de son enfance, il « baissait totalement la garde » et pouvait devenir à ces moments-là encore plus dangereux que d’habitude, par la mise en évidence de ses failles narcissiques. En effet, des passages à l’acte hétéro agressifs lors de ce genre de "révélations" sont fréquents (certains passages à l’acte hétéro agressifs peuvent être déclenchés, ou peuvent se dérouler chez les hommes violents lors de ce genre de "révélations"sur leur passé traumatisant ou traumatique).

61 O. PERSONNALITÉS DES HOMMES VIOLENTS ET DES FEMMES VICTIMES suite
Ces bribes de vie donnent donc énormément d’éléments et d’explications sur le phénomène de répétition (conscientes et/ou inconscientes) des comportements de Mr M., relatifs à son vécu comme, par exemple, lorsque Mr M. mange tout seul à table comme son père le faisait quand il était enfant. Mme M. étant très touchée par le récit de ces épisodes marquants et du lourd passé de son ex mari, cela lui donnait envie de le comprendre, de l’aider à se sentir mieux et du coup à « tomber dans le panneau ». C’est en grande partie pour cette raison là qu’elle restait avec Mr M et ne le quittait pas, malgré ce qu’il lui faisait endurer. La répétition du vécu s’explique par l’absence de regard critique de la part de Mr M. Séance du 30 Juillet 2008 : On constate chez les hommes violents de façon quasiment systématique, une problématique avec la mère, un rapport assez pathologique avec celle-ci, soit par des faits de maltraitance de toutes sortes (formes), soit de rejet ou au contraire de fusion totale, excessive avec elle. Ces deux extrêmes sont également des repères dont Mme M. et Mme N. pensent se servir à l'avenir, car elles se rendent compte toutes les deux, après-coup, qu'il existait effectivement des signes problématiques visibles à ce niveau-là chez leurs ex-maris.

62 O. PERSONNALITÉS DES HOMMES VIOLENTS ET DES FEMMES VICTIMES suite
On remarque également de façon très fréquente un aveuglement des hommes violents face à la violence émergente produite sur leurs compagnes et la projection de celle-ci sur elles. Elles représentent pour eux une sorte de "défouloir", de "décompression" face à un mal-être, un malaise ressenti dans leur vie quotidienne. La gestion de l'angoisse et du stress étant défaillante chez eux, ils ne trouvent comme seule expression qu'un déversement de la violence sur leurs proches, donc par conséquence, sur leurs femmes.

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P. RELATIONS PARENTS / ENFANTS - ENFANTS EXPOSÉS AUX VIOLENCES DOMESTIQUES Vécus émotionnels des enfants; communication entre parents et enfants;rôle(s) et place(s) des enfants; angoisse, peur et blocage des parents ; questionnement des parents sur l’éducation, les compétences, l’affectivité et la démonstration des sentiments à leurs enfants, répétition du vécu des enfants témoins de violences conjugales; quel devenir… Séance du 27 Mai 2008 : Mme N. parle d’un comportement bizarre de son fils, qui a donné lieu à un appel de la crèche dû au signalement de leur seconde assistante maternelle. Séance du 10 Juin 2008 : Mme N. ne montre en revanche aucune inquiétude lorsque son fils est avec son père, car elle dit que celui-ci est « bien entouré ». Séance du 23 Juin 2008 : Mme M. souffre surtout pour sa fille, car elle ne souhaite vraiment pas que sa fille vive mal ce qui s’est passé entre ses parents. A chaque fois qu’un homme s’approche de sa mère, la petite, âgée de deux ans et demi, a peur et dit systématiquement à tous les hommes de ne pas « toucher maman » et de ne pas « crier sur maman », quand Mme M. se chamaille gentiment avec son frère. Il est donc primordial de mettre à distance la petite, par rapport entre autre, à cette situation problématique de visite, qui est très stressante pour Mme Elle refuse d’autant plus que son ex-mari voit leur fille chez ses anciens beaux-parents, car ceux-ci ne l’ont jamais épaulée et crue, et elle n’a absolument pas confiance en eux et en son ex-mari. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Mme M. raconte un épisode très inquiétant et très troublant qui lui a fait véritablement peur pour sa fille et sa sécurité. Ayant entendu pleurer leur fille, alors qu’elle précise que celle-ci ne pleurait jamais quand on la changeait, elle est venue dans la salle de bains, et a surpris Mr M. en train de regarder avec insistance ses parties génitales. Cet évènement, en plus de la tentative de meurtre dont Mme M. a été victime de la part de son mari, a contribué aussi à la prise de décision de celle-ci quant à la séparation d’avec lui. Séance du 23 Juillet 2008 : Mme N. et Mme M. rapportent toutes les deux des faits de violences envers leurs enfants qui étaient sous l'emprise de leurs ex-maris ; ils avaient la main leste. Mme M. parle d'épisodes traumatisants pour sa fille dès l'âge de huit mois, de cris,de fortes tapes sur ses mains etc., ainsi que d'exposition constante à la violence de Mr M. En effet, la présence de leur fille lors des violences de Mr M. vis-à-vis de sa femme était fréquente. Parfois elle peut également se montrer agressive, n'arrivant plus à se contrôler et tapant sur les autres enfants. Mme N. parle quant à elle de comportements violents (crachats, coups...) de son fils Alexandre à la crèche, dès l'âge de deux ans, qui ont fait suite à plusieurs convocations et à une consultation au CMPP. Mais à la deuxième séance, la psychologue du CMPP qui voyait Alexandre a préféré tout arrêter car le beau-père de Mme N. travaillait dans ce centre, ce qui a été très mal vécu par Mme N. Elle dit que son fils est malade tous les mois et qu'il reproduit la violence à laquelle il a été confronté pendant toutes ces années l'exposition. Alexandre tape parfois Mme N.De plus, Mme N. a remarqué qu'à chaque fois que son père vient le voir, Alexandre, âgé de cinq ans et demi maintenant, réagit systématiquement lorsque celui-ci tente de s'approcher d'elle. On sait que les enfants exposés à des violences conjugales sont très souvent agités, turbulents et violents envers les autres enfants, mais même aussi parfois envers leurs parents. L'enfant rejoue souvent la même violence à laquelle il a été confronté et exposé. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Q. PLACE DE L’ENTOURAGE Sujet tabou, relations familiales et amicales… Séance du 27 Mai 2008 : Mme N. décrit des relations extrêmement difficiles et tendues avec ses beaux parents,qui dès le début de sa relation avec Mr N. ne l’ont jamais accepté ni aimé. Elle raconte même qu’à l’annonce de sa grossesse, ceux-ci ont souhaité qu’elle avorte, mais son ex mari la soutenait à ce moment-là, allant à l’encontre de l’avis de ses parents. Ses beaux-parents étaient toujours très méfiants vis à vis d’elle et ont signé le bail uniquement au nom de leur fils, alors qu’elle payait seule le loyer. Les quittances n’ont jamais été mises à son nom, et ses beaux-parents ne les aidaient pas financièrement, entre autre, encourageant leur fils à ne pas travailler et à continuer ses études. Elle se sentait totalement écrasée et impuissante face à ces comportements hostiles à son égard. Maintenant qu’ils ont divorcé, ses ex-beaux parents aident volontiers leur fils et le défendent face aux accusations portées par Mme N. Ils n’entretiennent aucune relation avec Mme N. qu’ils continuent à rejeter,comme au début. Mme N. dit que tout le monde lui en voulait et était contre elle,surtout ses beaux parents et son mari, ce qui est toujours actuellement le cas. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

66 Q. PLACE DE L’ENTOURAGE suite
Séance du 23 Juin 2008 : En 2004, après des violences subies de la part de Mr M., le père de Mme M. a appelé le père de Mr M., qui ont voulu voir tous les deux Mr M. chez lui afin de lui parler, mais celui-ci n’a pas accepté de les recevoir, comprenant pour quelle(s) raison(s) ils venaient lui rendre tous les deux en même temps cette visite "anormale" et " impromptue". Mr M. se doutait des raisons pour lesquelles il tenait à le voir, sachant ce qu’il allait s’entendre dire par les deux hommes. Les parents de Mme M. ont marié leur fille et leur futur gendre ; les parents de celui-ci n’aidant absolument pas leur fils pour son mariage. Cet élément fait partie entre autres, des raisons pour lesquelles Mme M. n’osait pas raconter à ses parents ce qui se passait dans son foyer, et encore moins se séparer. Mme N. dit avoir été soutenu par son ex-belle-famille lors du premier jugement de Mr N. en Mais son ancienne belle-famille l’a complètement rejetée et délaissée lorsque Mr N. a fait appel de son jugement. La mère de Mr N. a excusé le comportement de Mr N. par le fait qu’il ait subi lui-même des violences de la part de son père durant son enfance. On remarque encore ici qu’il y a également comme chez Mr M. une répétition des violences subies pendant l’enfance.

67 Q. PLACE DE L’ENTOURAGE suite
Mme N. est donc restée avec lui pour essayer de le comprendre. Elle avait aussi envie de prouver qu’elle était « forte », et qu’elle était « quelqu’un de bien ». Ces raisons ont été à l’origine de sa non séparation d’avec Mr N., son ex belle-mère lui a conseillé de ne pas « faire de conneries » et de rester avec son fils. Mme N. précise que cette dernière ne veut plus du tout voir son petit-fils. Le père de Mr N. état apparemment très volage mais son fils ne le savait pas. Ceci pourrait également expliquer le comportement et le rapport de Mr N. avec les femmes. La famille de Mr N. était persuadée que Mme N. avait fait un enfant pour obtenir les papiers français… ! Les cousines de Mr N. n’aimaient pas Mme N. et l’incitaient à changer de femme. Elle était totalement rejetée et détestée par toute la famille de Mr N. Séance du 30 Juillet 2008 : Mme N. dit que son "ex" déteste ses propres parents, qu'il lui arrivait d'exprimer à plusieurs reprises l'envie de tuer son père. Il reconnaissait même n'avoir aucun rapport ni lien affectif avec sa mère, et le comportement de la petite sœur de Mr N. vis-à-vis de leur mère était toujours très violent verbalement. Quant à Mme M., elle est convaincue que son ex belle-mère est à l'origine de la destruction de l'image de la femme, Mr M. et tous ses frères lui en voulant beaucoup et la tenant seule responsable de la destruction de leur famille lorsqu'ils étaient plus jeunes. La mère de celui-ci lui répétait sans cesse de ne pas se laisser faire par sa femme, de ne pas se laisser marcher sur les pieds, alors qu'elle-même dominait son mari et le contrôlait totalement, selon les dires de Mr M. Malgré ses incessants reproches faits à l'encontre de sa mère, celui-ci se montrait très généreux envers elle, lui achetant très souvent des cadeaux, et jamais envers sa femme Mme M.

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R. STATUT ET IMAGE DE LA FEMME DANS LES DIFFÉRENTES CULTURES Tradition, religion, moeurs, habitudes, normes… Séance du 23 Juin 2008 : Le poids de la religion (Mme M. étant de confession musulmane) a également joué un rôle extrêmement important dans cette non révélation des faits à l’entourage et surtout dans l’anéantissement de la volonté quant à la séparation, le divorce restant un sujet encore tabou dans certaines familles. Le poids de la religion a, comme dans l’union de Mme M., pesé dans celle de Mme N. car Mme N. est très religieuse et très croyante mais son ex mari et son ex-belle-famille pas du tout. Mme N. avait donc vraiment envie d’un beau mariage alors que pour eux le mariage est juste une affaire de « paperasse » et donc seule la Mairie suffisait. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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S. EFFETS THÉRAPEUTIQUES : DE L’EMPRISE À LA RÉSILIENCE être guidée… Séance du 30 Juillet 2008 : Mme M. dit ressentir les effets bénéfiques du groupe de parole sur elle, et un apport très important quant à la reconnaissance des faits qu'elle a subi et de son statut de victime. En effet, Mme M. souffrait beaucoup de cette absence de reconnaissance sociale, car elle ne se sentait pas du tout comprise, écoutée et crue parles autres. Elle avait la désagréable impression, le sentiment douloureux de ne passe sentir, et de ne pas être perçue comme la victime, mais plutôt comme la coupable de tout ce qu'elle a enduré pendant ces années de relation avec son ex-mari. Elle ressentait un fort besoin de parler, ce que le groupe de parole lui a permis de réaliser. Elle dit se sentir beaucoup mieux maintenant, car elle a compris à travers les expériences, les histoires personnelles des autres femmes du groupe de parole qu'elle n'est pas la seule à avoir vécu ces violences et qu'elle n'en est absolument pas fautive. Mais malgré cette déculpabilisation, Mme M. avoue avoir encore beaucoup de rage en elle, car elle continue à se demander sans cesse pour quelles raisons elle « s'est laissé faire » par cet homme qui l'a totalement détruite. Elle réalise également que les hommes violents sont tous les mêmes en quelque sorte,et cet échange d'expériences comparables lui a fait ouvrir les yeux quant au repérage de ces comportements pathologiques. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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S. EFFETS THÉRAPEUTIQUES : DE L’EMPRISE À LA RÉSILIENCE être guidée… suite Mme M. se sent moins isolée et le groupe représente l'occasion attendue de « vider son sac », de dire tout ce qu'elle a sur le coeur, de se libérer et donc de rentrer chez elle plus sereine, sans ressentir le besoin ni l'envie d'en parler avec ses parents. Ce soulagement se perçoit effectivement au niveau de l'apparence physique et aussi par le fait qu'elle ne baisse plus la tête, regarde les gens dans les yeux, lorsqu'elle prend les transports par exemple, ce qui nous montre bien qu'elle donne l'impression de retrouver une certaine. Mme N. fait part de sentiments similaires à Mme M. quant à l'apport du groupe,qui a contribué également à lui « ouvrir les yeux » et évacuer un vécu extrêmement douloureux. En effet, elle a réussi à parler pendant le groupe d'évènements et d'expériences vécus dans son enfance, qu'elle n'avait jamais dévoilés avant. Ceux-ci reflètent,révèlent une forme de victimisation permanente, autre que les violences conjugales qu'elle a subi par la suite et nous ont permis d'éclaircir certains points importants à travailler lors de la thérapie. Elle se sent plus calme, dit ne plus cacher ses ressentis, qui ont eu des répercussions physiques (opération prévue en novembre 2008 pour des fibromes). Elle pense avoir retrouvé l'envie de redevenir comme avant, notamment au niveau de son aspect physique. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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S. EFFETS THÉRAPEUTIQUES : DE L’EMPRISE À LA RÉSILIENCE être guidée… suite Le groupe lui a permis de tout « déposer » en groupe,ce qui l'aide dans son travail à se concentrer et à moins y penser constamment. Le fait d'être écoutée et acceptée tel qu'elle est la libère énormément, elle parle d'une forme de « renaissance » à travers ce travail. Elle finit ce bilan positif par cette très belle image« mon coeur et mon esprit deviennent plus légers ». Il faut tout de même rester très prudent et vigilant, car malgré les effets de la thérapie de groupe qui semblent être plus que bénéfiques, la reconstruction de soi,de son image et le réapprentissage de la féminité restent encore un long chemin à accomplir et l'émotion est toujours perceptible, palpable lorsque ces sujets douloureux sont abordés. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Chapitre 2 6. ANALYSES ET PERSPECTIVES Les points forts de nos dispositifs Nous retrouvons des éléments de la victimisation de ces femmes dans leur histoire infantile. Le couple parental révèle des défaillances tant paternelle, que maternelle. Ces défaillances produisent une duplication maternelle, réplique de la mère soumise, et une impossibilité d'identification symbolique à un père insoumis à la loi. Elles ont un handicap : leur reconnaissance en tant que femme avec ses valeurs personnelles. Trop rapidement, elles ont accepté un homme non choisi, cet homme bien souvent est un infirme de la parole. C'est une rencontre de muets ! Leur couple ne s'inscrit pas dans un espace de communications, d'échanges, de négociation. Les rapports de couples ne sont que télescopages, la subjectivité est à fleur de peau. La femme est alors le réceptacle des déferlements, de dépréciation,de mépris et de menaces. La femme est alors objet de la satisfaction de l'ensemble des pulsions de l'homme. Nos interventions cliniques ont porté sur un échange de distorsions de la communication et de leurs aspects violents. Notre levier thérapeutique les a libéré de blocage affectif et émotionnel installés depuis de nombreuses années. Ces victimes ont appris à nommer, à identifier les processus mal traitants à visée d'emprise. L'éclosion des émotions, des sentiments a oxygéné leur mental, – culpabilité,honte, colère, sont sorties. Notre accueil clinique de leur culpabilité leur permet progressivement de s'en dégager, pour troquer celle-ci contre une clairvoyance, et un discernement des responsabilités de chacun. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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La compréhension des mécanismes relationnels et sociaux leur permettent de mieux réagir face a de nouvelles tentatives d'emprise. Notre mobilité est un critère intéressant pour les usagers et les professionnels qui adressent ces femmes victimes pour la Communauté d’Agglomération du Beauvaisis. La gratuité des interventions n'est donc plus un frein pour une intervention psychosociale et clinique ambulatoire. Mais le caractère ambulatoire se transforme avec le temps vers un déplacement de la famille, du couple, vers le lieu d’écoute, et les lieux cliniques. Nos locaux situés dans un quartier sensible, sont propres, connotés positivement,accueillants, chaleureux et contribuent à notre réussite. Notre travail d'équipe (quatre intervenants), par l'échange instantané des informations permet une adaptation rapide de notre intervention. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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7. Notre travail relève de la prévention des dysfonctionnements familiaux, dans une visée évolutive du cadre familial. 1. Nous avons démarré en mai 2008 un groupe de parole pour femmes victimes de violences conjugales co-financé par la délégation des Droits des femmes et à l'égalité de la préfecture de l’Oise et la Mairie de Beauvais, le Conseil général. 2. Nous proposons de co-organiser le 25 novembre 2008 en partenariat avec l’association AFVV de Compiègne, la Ville de Beauvais,la Préfecture, La délégation départementale aux Droits des Femmes et à l’égalité, le Conseil Général, un colloque sur le thème "des enfants exposés aux violences conjugales ". 3. Une action LFSM autour des Forums-Citoyen et des ateliers de quartiers sensibles sur les questions "Des femmes beauvaisiennes confrontées aux violences" a vu le jour en décembre Et nous collaborons au montage d’ateliers sur ce thème sur les quartiers sensibles avec les associations et les maisons de quartiers. Nous maintenons le contact avec le CIDDF – Préfecture de l’Oise,l’A.F.V.V de Compiègne et Entraide pour des collaborations et des formations ; et être des interlocuteurs privilégiés dans l’accompagnementdes femmes en souffrance. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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FICHE CLINIQUE DE SUIVI PSYCHOLOGIQUE INDIVIDUEL DE FEMME VICTIME DE VIOLENCES CONJUGALES ILLUSTRATION D'UN SUIVI PSYCHOLOGIQUE INDIVIDUEL : MADAME DENISE S., VICTIME DEPUIS 16 ANS Madame Denise S. a engagé un long parcours thérapeutique ayant commencé en2002 avec le Docteur M-F. HIRIGOYEN. Elle reviendra vers ma consultation privée en 2007, orientée par le Dr COUTANCEAU, et en 2008, nous pouvons affirmer qu'elle sort enfin de l'emprise. Cette femme, grâce à ses ressources résilientes a tenu le coup ! Les premières consultations nous ont montré une femme angoissée, débordée par ses larmes, ses sanglots. Encore craintive après plus de seize années de matraquage mental et physique. Par mon attitude, j'ai dû la rassurer sur le fait que je la croyais dans ses propos. sa crainte de ne pas être crue dans sa dramatisation chargeant le compagnon pervers narcissique. L'écoute confiante et bienveillante a permis que la relation thérapeutique prenne en masse, et de plus en acceptant un homme comme psychothérapeute. Le déroulement de la thérapie était heurté par des doutes par moment, et des reliquats d'attachement affectif au compagnon tant aimé. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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ILLUSTRATION D'UN SUIVI PSYCHOLOGIQUE INDIVIDUEL : MADAME DENISE S., Madame Denise S. a commencé à critiquer ses attitudes d'aveuglement, complice passive de l'emprise de son "homme". Ses références de décryptage se sont transformées. L'éloignement du compagnon Lucien S.(voir diapos suivantes) du domicile en octobre 2007, suite à un coup de poing au visage (qui a valu une condamnation en chambre correctionnelle de prison avec sursis et une amende de onze mille euros, ainsi qu'une obligation de soins) va être l'acte libérateur. Cette distance physique du regard de l'emprise va permettre d'enrayer les nombreuses tentatives de retour affectif vers M. Lucien S. Les reprises de relation ont débouché sur une aggravation de la violence, avec de nouveaux prétextes pour humilier Madame Denise S. (entre autres une relation extraconjugale). À aucun moment je n'ai voulu accélérer le mouvement de progression thérapeutique, acceptant les absences, les ruptures pour des raisons diverses à ces séances. Madame Denise S. a réussi à se décoller de la violence morale et psychologique lorsqu'elle est restée seule avec ses trois enfants. Les moments entre les séances furent mis à profit pour une analyse en profondeur des ressorts de la violence du compagnon, et de ses trop grandes acceptations de l'emprise. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Monsieur Lucien S. Les faits : Violences sur conjointe Il n’y a pas de judiciarisation des faits pour le moment. « Je lui ai violemment mis un coup de poing dans la figure. » La violence physique de monsieur s’accompagnait le plus souvent d’insultes et de menaces du type : « il faut qu’elle gicle, qu’elle se casse ».Lorsque sa femme était enceinte, il l’a « bousculée » suffisamment fort pour qu’elle ait un déplacement de vertèbre. Elle a appelé la police suite à un coup de poing,mais n’a pas déposé de plainte. Des menaces d’étranglement sont prononcées à son encontre. Monsieur dit avoir ressenti des pulsions de mort à l’égard de sa femme ;« mais j’espère ne pas aller jusque-là ». Les scènes avec violence physique avaient lieu à fréquence régulière, tous les mois et demi environ. « Elle a vécu tout ça pour croire à l’utopie de la vie de famille. » Antécédents judiciaires : Néant Antécédents médicaux : Antécédents psychiatriques : Suivi par une psychiatre pendant deux à trois ans pour un épisode dépressif à la suite des décès de son père et de sa soeur en Nous précise avoir fait un travail de deuil et d’abandon. De plus, monsieur nous précise être en dépression depuis l’adolescence, mais que celle-ci n’avait jamais été abordée avant ses consultations chez le psychiatre. Niveau intellectuel : Fort. Chef de rubrique dans un hebdomadaire connoté religieusement, et par son statut de journaliste, il était souvent amené à voyager ; « j’avais beaucoup de libertés,car je vivais ma profession à fond ». Profil de personnalité : Personnalité immaturo-égocentrique, à dimension perverse, fuyant le conflit. « Y’a des risques de blessures. » Hypersensibilité avec problème au niveau de l’estime de soi, grande susceptibilité, réactivité, impulsivité. Une problématique narcissique en lien avec des attitudes parentales peu structurantes. Sentiment d’échec par rapport à la relation de couple. Tendance au repli sur soi, avec plusieurs jours de mutisme après les conflits. Bonne capacité d’introspection et d’analyse des ressentiments de l’autre. Attitude persécutive avec son épouse et impulsivité importante. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Monsieur Lucien S. suite Vie affectivo-sexuelle : Plusieurs liaisons sans un réel engagement de la part de Monsieur. Rencontre sa femme en 1990, ils décident de se marier en « On a eu une vie très fusionnelle dès le début. » Nous décrit sa femme comme une personne ayant des « paroles très aiguisées ». Elle lui reproche principalement son « infantilisme » ainsi que son manque de prise de décisions dans leur vie de famille. Les crises ont réellement éclaté en 1995 avec le décès du père de Monsieur. « Il fallait casser l’engagement, j’étais dans une attitude très ambiguë. J’ai pas mesuré le prix de la relation, j’ai beaucoup reçu et j’ai pas voulu donner. Je suis resté dans une position très égoïste. Denise (sa femme) a tout fait pour lisser les choses. » Cela fait un an que Monsieur n’a plus de relations sexuelles avec son épouse. Nous précise qu’il était satisfait de leur vie sexuelle, mais pas sa femme. Elle a une liaison avec un homme depuis un an. Monsieur, mis au courant de la situation par sa femme, nous dit avoir eu beaucoup de rage vis-à-vis de cela, « je suis assez anéanti. Ça a amplifié la violence ». Position masochiste de Monsieur, qui, par la suite, a été amené à consoler et à conseiller sa femme par rapport à sa liaison. Un chantage s’est installé entre eux,Madame lui demandait de signer des lettres qu’elle écrivait à son amant afin que son mari mette noir sur blanc son accord. Il nous précisera que l’amant de sa femme n’est pas quelqu’un de sérieux, et qu’il avait plusieurs femmes en même temps, ce qui complique les choses ; « encore, si elle avait pu refaire sa vie avec lui,mais elle est malheureuse car elle l’aime ». Ils ont trois enfants, Oscar, Dominique et Nadine. Les scènes de violence ont parfois eu lieu devant les enfants. « J’ai utilisé les enfants, car leur présence ne m’a pas arrêté. »Ils vivent actuellement de façon alternée dans un studio, et ont gardé l’appartement commun pour ne pas perturber les enfants. Cependant, le couple se retrouve tous les soirs pour dîner en famille. La séparation n’est pas complètement effective et on remarque une réelle réticence à la mettre en acte, et ce, des deux côtés. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Madame Denise S. se défendant en l'accusant de le harceler par la parole et justifiant ainsi ses coups et ses cris. Lentement, elle a reconstitué la cartographie du processus d'emprise, en éclairant les espaces obscurs. chaque nouvel espace clinique la faisant avancer dans l'interprétation globale du tableau pathologique, ou elle n'avait pas été que figurante ! Madame Denise S. demandant fréquemment une position de décrypteur, aux antipodes d'une attitude de neutralité bienveillante.. L'accusé réception de ses émotions par le thérapeute fut source du soulagement,d'apaisement. Elle sortit de son impuissance individuelle pour faire front aux agissements de monsieur. Les résultats positifs de son nouveau positionnement décuplèrent sa résilience. Madame Denise S. perça le malaise profond de Monsieur S., s'extirpant de la position auto-culpabilisante. Fini les crachats au visage devant les enfants exposés aux humiliations de leur mère. La disqualification n'opérait plus. Ce qui étrangement avait aussi un effet bénéfique pour monsieur. Il lui rendit une vie plus supportable,car tourné vers la recherche d'une autre relation amoureuse. Le lâcher prise de Lucien S. permettait à madame de se reconstruire pierre par pierre. Et pour renforcer le sentiment d'utilité, le succès à un concours d'infirmières fut le bienvenu en consolidation. L'estime de soi, la confiance en soi rebondirent dans le bon sens. Les retours sur son histoire familiale montraient des similitudes sur certains aspects violents de son père, en écho a ceux de son ex-compagnon. Une procédure de divorce venait officialiser la rupture du processus d'emprise ! Choisissant d'ailleurs une procédure de divorce pour faute. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Madame Denise S. larguait sa position de victime, et se re confirmait dans une représentation positive de sa féminité. D'ailleurs, des hommes succombaient à son charme, et au fait qu'elle soit brillante dans ses propos et analyses intellectuelles. Elle renforça le fonctionnement des limites, évitant les tentatives d'intrusion malicieuses de monsieur. Ce dernier acceptant ce recadrage. Son discours devint clairet tranchant, ne cédant plus aux comportements équivoques de monsieur. Elle conserve des sentiments pour cet homme, mais réalise que cette relation est malheureusement destructrice. M. Lucien S. avait ainsi perdu définitivement tout pouvoir sur elle. Son analyse critique était dirigée également sur ses propres failles,faiblesse, et sur le profit illusoire de son identité de victime. Madame Denise S résista longtemps, s'accrochant à ce statut à petits bénéfices secondaires. Aujourd'hui, elle ressuscite en écoutant ses désirs, en ayant rebondi sur le trampoline des forces de vie ! Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Pour illustrer les outils thérapeutiques utilisés, nous joignons cette copie de lettre au psychothérapeute, qui en dit long sur la relation d’emprise et des difficultés à se détacher affectivement lors de la rupture physique. Monsieur, « Il me semble en tout cas que la violence conjugale entraîne bien ce que je décris et qui me bouleverse depuis longtemps, dont je n'arrive pas à parler, sûrement comme bien d'autres : face à quelqu'un qui se dédouble, qui a une vie publique normale et une vie privée qui ne l'est pas, on finit par se sentir soi-même coupé(e) en deux. On finit même par avoir une double vie et n'être heureux et complet dans aucune. Voilà tout... Je souhaite vous communiquer cette copie de courrier, car je vous fais confiance pour comprendre ce que je ressens. Pas de la jalousie, comme il le croit. Merci. Denise S. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Septembre 2008 Bonjour Lucien, Je déteste l'idée d'aller chez la médiatrice familiale, cela me fait mal, tout ce que j'ai à te dire, je ne le ressens pas comme le lieu où l'exprimer. Ce que j'ai à te dire, c'est sans doute quelque chose que tu n'as pas saisi, ni toutes les années que nous avons passé sous le même toit, depuis 1989, ni depuis que nous ne vivons plus ensemble. Hélas... Moi, je t'ai toujours aimé, je n'ai jamais cessé de t'aimer. Je voulais que tu le comprennes durant ce procès en 2007, que j'ai souhaité comme minimal et juste. Je n'avais pas le choix de t'en faire un, mais cela m'a totalement déchirée. Je t'ai toujours attendu, même durant la période partagée avec Jean-Claude mon ex-ami. Je l'aimais bien sûr, profondément, mais je ne cessais de penser à toi, à nous, en espérant que cette violence de ta part, tu saisisses enfin qu'elle ne s'adresse pas à la femme, ni à la mère que je suis. Mais à d'autres, à je ne sais qui, à ton passé. J'ai espéré que tu considères, dans ce procès (où je ne t'ai pas chargé), l'amour que j'avais encore pour toi. Mais tu étais dans une telle défensive, une telle violence, que tu es resté sourd et aveugle. Depuis aussi, tu l'es resté, en me prêtant toutes sortes d'aventures,sur Internet, en Normandie, je ne sais où. Ces accusations, devant les enfants, et toutes celles que tu m'as faites depuis 1992 devant eux, m'ont fait un mal infini qu'aucune somme d'argent ne peut compenser. Je ne suis pas quelqu'un d'intéressé,même s'il faut bien vivre, et que je n'ai rien entre les mains. Sache le aussi : je n'ai pas appelé cette femme, cet été, en vacances sur l’île de Ré sur ton téléphone. Tu m'as prêté, en demandant aux enfants de se taire surelle, une jalousie, des sentiments négatifs que je n'ai pas à ton égard, ni pour qui que ce soit. A leurs yeux, tu as voulu faire de moi une femme intrusive que je ne suis pas : jamais, depuis janvier 2008, je ne leur ai posé la moindre question sur ta vie personnelle. Et ils le savent bien : jamais je n'ai dit, depuis leur enfance, du mal de leur père. L'inverse n'est pas exact, et cela ils en souffrent. Ils ont un père qu'ils aiment et qui chargent quelqu'un qu'ils aiment aussi. Pour des enfants, c'est mission impossible. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien

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Je leur ai toujours demandé, malgré la souffrance qu'ils avaient à assister à me voir démolie, de te respecter comme père. Je n'ai jamais réussi malgré leurs demandes, à leur expliquer ton comportement à mon égard : je ne me l'explique toujours pas complètement. Hier soir encore, ils ont demandé une explication. Nous étions en larmes. Tu nous manquais !Souviens-toi de ce que disait Mme Lefort, thérapeute familiale, voici 10 ans : « tu mets tout ce qui te dérange sous le tapis, problèmes d'argent, lucidité sur ta propre famille et sur le mal qu'elle t'a fait, et ensuite ces secrets te font exploser ». Est-ce cela ? Je n'en sais rien. J'ai eu à vivre durant des années le secret de ta violence à la maison. Il fallait le supporter quand nous nous trouvions en public ensemble, mais cette double vie, je ne la supportais pas. J'aimais ce « Lucien public » qui n'était plus le même que le « Lucien privé ». A l'origine, j'aimais les deux à la fois et c'est toi qui t'es dédoublé. C'est pourquoi,incapable de vivre ce dédoublement, j'ai fini par m'en aller... Les enfants ne supportent pas non plus la violence, le secret qu'elle engendre dans leur vie, ni le dernier secret qu'ils ont eu à porter. Peut-être pourras-tu admettre la réaction de notre fils Pierre quand il n'a pas souhaité te voir dimanche et a commencé (enfin !) à te dire ce qui ne va pas, de quoi il souffre. A 14 ans, il est assez grand pour te l'exprimer, sans que je sois derrière. J'aime beaucoup trop mon fils pour te parler en faisant de lui un instrument. Peut-être, au lieu de m'accuser du vol de ton portable et de dire du mal de moi à cette femme, encore du mal, toujours du mal, comprendras-tu un jour la vérité. Moi, quand je suis avec quelqu'un d'autre, je sens encore que je me dédouble,comme lorsque nous vivions ensemble. Je suis là sans être là : je pense au Lucien que j'aimais, et sûrement encore, bien que ce soit si difficile, et rien ne comble cette blessure. C'est ainsi, je ne peux pas te dire autre chose : c'est ma vérité. Denise A travers ce courrier nous percevons la détresse de cette femme et la douleur, du fait que l’amour subsiste, malgré les coups et les humiliations. Nous cernons à quel point les enfants sont totalement exposés et broyés dans ce conflit violent du couple parental. Ce qui sera repris dans le chapitre consacré aux enfants exposés aux violences domestiques. Jean-Pierre VOUCHE psychologue clinicien


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