Propos recueillis par Maryline Baumard Le Monde.fr 23.01.2015 Patrick Simon « Notre système d’intégration produit des ségrégations en se pensant égalitaire » Propos recueillis par Maryline Baumard Le Monde.fr 23.01.2015 James
Contexte: suggestion d’« un apartheid territorial, social, ethnique » en France 20 janvier 2015: Manuel Valls a décrit la France comme d’apartheid https://www.youtube.com/watch?v=PIRjp7CHYik
En réponse, Patrick Simon propose un état des lieux1 du modèle d’intégration à la française Simon est le Directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED) Fin février, il a publié un travail dans Les Cahiers français. Pour Le Monde, il a fait une analyse en avant-première2 1stocktake/ takes stock of the situation 2gives us his analysis as a preview
Simon souligne trois points clé dans l’article L’intégration des minorités visibles en France reste très déficitaire. Le système est aveugle aux origines. Le système produit des discriminations et des ségrégations en se pensant égalitaire. La France n'a pas assez de politiques spécifiquement intégratives.
Point 1 L’intégration des minorités visibles en France reste très déficitaire. Le système est aveugle aux origines, et le système produit des discriminations et des ségrégations en se pensant égalitaire. La France n'a pas assez de politiques spécifiquement intégratives.
La société française relégue certains groupes au lieu de les intégrer Simon a dit que ses travaux montrent que la société française relègue au lieu d’intégrer: « les institutions et les politiques ont une responsabilité dans les discriminations et la ségrégation qui marquent le déficit d’intégration de certains groupes ethniques » Reléguer (selon la dictionnaire Larousse): Mettre quelqu'un quelque part, l'envoyer dans un lieu plus ou moins isolé, à une place jugée secondaire; Rejeter quelqu'un à une position inférieure
L’intégration: un processus qui peut être aperçu de deux points de vue du point de vue de la société: Si les groupes sociaux occupent une place qui contribue à la cohésion de l’ensemble du point de vue des groupes et des individus qui seront « intégrés »: S’ils se fondent dans le corps social Un groupe minoritaire s’intègre lorsque sa distance par rapport à la « norme majoritaire » diminue.
Simon nous propose six indicateurs de l’intégration L’usage de la langue Les pratiques culturelles L’accès à l’emploi La ségrégation résidentielle Les mariages mixtes La participation à la vie sociale ou politique.
Les minorités en France ne sont pas bien l’intégrées Simon fait référence à l’enquête « Trajectoires et origines » de l'INED et de l’Institut national de la statistique et des études économiques (l’Insee): Point important: Les résultats diffèrent d’un indicateur à l’autre c'est là un point important, qui permet d'expliquer ensuite ce qu'il dit à la fin de l 'article sur la différence entre les US et la France
« Trajectoires et origines »: quelques chiffres importants la ségrégation spatiale reste très active 19 % des immigrés et 14 % de leurs enfants vivent dans des zones urbaines sensibles (ZUS) où ne résident que 6 % de la population. 28 % des immigrés algériens et 25 % de leurs descendants vivent dans un quartier en ZUS. les parcours scolaires sont relativement contrastés à milieu social comparable, les enfants d'immigrés font mieux Cependant: les sorties sans diplôme et l’orientation vers des filières peu valorisées sont trop fréquentes, donc les discriminations sur le marché du travail s’ajoutent aux qualifications moins recherchées Le taux de chômage des jeunes d’origine maghrébine, africaine ou turque est le double de celui que connaissent les jeunes du groupe majoritaire. En revanche, la formation des couples montre que les échanges sont nombreux 40 % à 80 % des immigrés arrivés jeunes ou de leurs descendants vivent en couple avec un partenaire issu du groupe majoritaire. donc possédant des diplômes moins recherchés
Point 2 L’intégration des minorités en France reste très mauvaise. Le système est aveugle aux origines, et le système produit des discriminations et des ségrégations en se pensant égalitaire. La France n'a pas assez de politiques spécifiquement intégratives.
Est-ce qu’il y a une logique d’apartheid en France? « Le terme d’apartheid renvoie tout d’abord à un système de séparation ethnoracial, religieux, voire social ou sexué, institutionnalisé. » « Dans son acception plus imagée, l’apartheid renvoie au « ghetto », à la ségrégation résidentielle. »
Argument central: On est face à un mécanisme plus subtil que l’apartheid « Le système produit des ségrégations et des discriminations en se pensant égalitaire. » « Ni les revenus, ni la situation familiale, ni le niveau d’éducation ne suffisent à expliquer les écarts observés » « Le fait d’appartenir à une minorité visible est une pénalité réelle. Notre modèle, qui reste assimilationniste, est responsable. » Raison: « les politiques sociales sont aveugles aux origines mais les acteurs des politiques ne le sont pas. » « la République est supposée ignorer les différences: les mécanismes de discriminations s’effectuent dans une « zone grise »
On est face à un mécanisme plus subtil que l’apartheid Exemple: le fonctionnement de l’institution scolaire. L’institution ne réfléchit que très peu sur: le rapport des familles immigrées à l’école, les positions spécifiques des enfants d’immigrés dans la transmission du savoir les orientations au faciès pour les enfants d’immigrés Cette attitude empêche de déconstruire les mécanismes producteurs d’inégalités et d’offrir le nécessaire à ceux qui ont des besoins spécifiques
Il y a une volonté de ne pas voir les différences Le refus des statistiques ethniques n’est qu’une manifestation de cette volonté plus générale de ne pas voir les différences, de ne pas les prendre en compte. Cela empêche évidemment de mener des politiques efficaces d’intégration et de lutte contre les discriminations.
Point 3 L’intégration des minorités en France reste très mauvaise. Le système est aveugles aux origines, et le système produit des discriminations et des ségrégations en se pensant égalitaire. La France n'a pas assez de politiques spécifiquement intégratives.
Il n’y a que deux politiques spécifiquement intégratives en France La signature du contrat d’accueil et d’intégration La formation linguistique qui est offerte.
Constat: la France a une intégration segmentée En matière de mobilité dans la hiérarchie sociale, le chemin sera encore long pour les descendants d’immigrés. En revanche, les immigrés installés en France ont un réseau relationnel plus ouvert qu’on ne le pense. 50 % des immigrés et 60 % de leurs descendants ont passé du temps avec des amis d’une origine autre que la leur. C’est la preuve de l’absence d’un repli communautaire.
Comparaison avec les États-Unis Aux Etats-Unis, on observe au contraire une moins grande porosité des frontières raciales « En réservant des places dans les universités, la politique d’« affirmative action » a permis que s’ouvrent un peu les élites et que se forme une classe moyenne afro-américaine ou hispanique » « Au contraire, la France a une société de la reproduction. Et comme les immigrés sont entrés dans le système en ayant peu, leurs enfants ont un peu plus, mais pas beaucoup…»
Discussion en classe: En Australie, est-ce que nos institutions telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui contribuent à une division ethnoraciale de la société ? Quelle est le rôle idéal du gouvernement dans l’intégration des nouveaux immigrants?