LES JEUDIS PEDAGOGIQUES L’INSUFFISANCE RENALE AIGUE Pr. F. HADDOUM SERVICE DE NEPHROLOGIE CHU HUSSEIN-DEY
L ’ I . R . A. ARRET BRUTAL OU RAPIDE DE LA FONCTION DES DEUX REINS. LA PERTE DE LA FONCTION PEUT-ETRE PARTIELLE OU COMPLETE ET ELLE EST HABITUELLEMENT REVERSIBLE. L’I.R.A. PEUT-ETRE ANURIQUE OU A DIURESE CONSERVEE.
CAS CLINIQUE N°1 : Une patiente âgée de 50 ans, a été hospitalisée pour prise en charge d’une insuffisance rénale aiguë. Dans ses antécédents, on note une HTA connue depuis une quinzaine d’années, traitée par Acébutolol (Sectral), des dorsalgies chroniques traitées par du Paracétamol et Dextropropoxyphéne (Diantalvic). Enfin, la patiente a eu 2 grossesses menées à terme sans problème particulier. Lors d’un bilan systématique mi-janvier, la créatininémie est notée à 11 mg/l.
L’histoire de la maladie débute en Février par des douleurs de l’Hypochondre droit, rapidement suivies par des Troubles Digestifs à type de nausées, vomissements. Mi-Février un bilan Sanguin fait révèle une Urée sanguine à 3gr/l, une créatininémie à 150 mg/l et une Kaliémie à 6meq/l. Cette patiente est hospitalisée le jour même pour bilan et prise en charge thérapeutique.
L’examen clinique à l’admission retrouve un état général conservé, une TA à 180/100 mmhg, un pouls à 80 bt/mn, régulier, une Apyrexie et une Diurèse conservée. Le poids stable à 101 Kg. L’Auscultation Cardio-Pulmonaire est normale. Il n’existe pas de souffle sur les Trajets Vasculaires. Enfin l’Abdomen est souple, dépressible et les Fosses Lombaires sont libres et indolores.
Les Touchers Pelviens sont normaux. Biologiquement l’Hémoglobine est à 11gr/dl, les Plaquettes à 224.000. Il existe un Syndrome Inflammatoire Biologique avec une Vitesse de Sédimentation à 65 à la première heure, le Fibrinogène est à 5g/l. L’Examen Cytobactériologique Urinaire est négatif et la Protéinurie est nulle.
QUESTION N°1 : Quel examen complémentaire pratiquez-vous en urgence ? Une échographie rénale à la recherche d’un obstacle sur les voies excrétrices urinaires.
QUESTION N° 2 : Quelle Mesure Thérapeutique mettez-vous en Œuvre Rapidement ? L’importance de la rétention azotée (urémie et créatinémie très élevées), et la valeur de la kaliémie justifient une épuration extra rénale pour éviter les complications en particulier digestives de l’urémie et les complications cardiaques de l’hyperkaliémie.
QUESTION N°3 : Il Existe une Dilatation Pyélocalicielle Bilatérale , Quel Examens Pouvez-vous Pratiquer Pour Caractériser Le Type et Le Siége de L’obstacle ? - Un examen tomodensitométrique rénal avec injection de produit de contraste. - Une Urétéropyélographie Rétrograde étant donné la stérilité des urines. - Une Pyélographie descendante après ponction percutanée à l’aiguille du bassinet (Néphrostomie)
QUESTION N°4 : Les Examens permettent de confirmer l’existence d’une Plaque de Fibrose Rétro Péritonéale avec 2 Uretères attirés sur la ligne médiane . Quels traitements complémentaires mettez-vous en œuvre ? 1 – la dérivation des voies excrétrices par pose de sondes en double J bilatérales. Ces sondes sont auto statiques et ont l’avantage de ne pas s’extérioriser puisque l’extrémité inférieure reste dans la Vessie. En cas d’échec de cette procédure on peut utiliser des sondes urétérales droites permettant un recueil d’urines séparé de chacun des reins.
2 - Le Traitement de la Fibrose rétro péritonéale idiopathique repose sur la corticothérapie, une fois assuré le drainage des urines.
QUESTION N°5 : Quelle surveillance exercez-vous à distance de l’hospitalisation ? Il convient pour s’assurer de la rémission de cette maladie de surveiller régulièrement : A- la disparition de la dilatation pyélocalicielle bilatérale. B- la disparition du syndrome inflammatoire. C- la Normalisation de la fonction rénale. D- la régression tomodensitométrique de la plaque de fibrose.
CAS CLINIQUE 2 Une patiente de 62 ans est adressée pour anurie depuis 24 h. Il s’agit d’une patiente obèse (102 Kg pour 1.56 m), diabétique (type 2) depuis au moins 3 ans. Il n’y a pas de complications micro-angiopathiques connues. Cette patiente est coronarienne et hypertendue traitée depuis 1984, son traitement habituel comporte du Glipizide (Glibénése), une association de Losartan et d’HydroChloroThiazide (Hyzaar), du Diltiazem, du Captopril (Lopril), de la Metformine, de la Spirinolactone (Aldactone) et un comprimé quotidien de Furosémide (Lasilix).
Récemment en raison d’une poussée de décompensation Cardiaque Gauche avec sub-oedéme pulmonaire au cours d’un épisode broncho-pulmonaire fébrile, le médecin traitant a quadruplé la posologie du furosémide et renforcé la restriction hydro sodée. Avant cette modification la créatininémie était à 11mg/l, 10 jours après on note, alors que la patiente se plaint d’une oligo- anurie depuis 24 h : créatininémie à 27mg/l, Urée Sanguine à 2gr/l, une Kaliémie à 7meq/l et une Natrémie à127meq/l.
A l’examen, il n’existe pas de surcharge ventriculaire droite ni gauche. Le rythme cardiaque est régulier et rapide. On note la perte récente de 4 Kg, enfin la TA est à 110/60 cmhg à l’entrée. L’échographie rénale retrouve des reins de taille symétrique,sans dilatation des cavités pyélocalicielles. La radio pulmonaire est normale. La bandelette urinaire est sans particularité. Un Ionogramme Urinaire pratiqué à l’entrée révèle : une Natriurèse à 30 mmol, Kaliurése à 47 mmol, Chlore Urinaire à 41 mmol. L’Urée Urinaire à 278 mmol et Créatininurie à 10314 micromol.
QUESTION N°1 : Quel est le type de l’Insuffisance rénale aiguë présentée par cette patiente ? Argumentez votre Réponse.
REPONSE N°1: INSUFFISANCE RÉNALE AIGUE FONCTIONNELLE étant donné les signes de déshydratation extra - Cellulaire : Tachycardie, Hypotension Relative, Perte de Poids, Oligo-Anurie, Ionogramme Urinaire avec Rapport Na / k < 1, une Natriurése faible, une Osmolalité Urinaire supérieure à l’Osmolalité sanguine donc une clairance d’eau libre négative et une concentration en Créatinine Urinaire plus de 40 fois supérieure à la concentration sanguine (10 fois plus pour l’urée).
QUESTION N°2 Énumérez les éléments qui dans l’observation permettent d’expliquer les mécanismes Physiopathologiques impliqués dans cette Insuffisance Rénale.
REPONSE N°2 La patiente prend un traitement chronique associant 3 diurétiques : Thiazidique (12.5mg d’Hydrochlorothiazide dans l’Hyzaar). Spirinolactone et Furosémide qui sont responsables d’une déplétion sodée. De plus l’association avec un Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion (CAPTOPRIL) et un Inhibiteur du Récepteur de l’Angiotensine II (Losartan) rend encore plus dangereuse une Déplétion Hydro Sodée par l’Inhibition des Mécanismes Compensateurs de cette Déplétion par le Système Rénine -Angiotensine.
La Posologie du Furosémide a été récemment multipliée par 4 et la Restriction Hydro-Sodée a été majorée ce qui conduit à l’Anurie par Vasoconstriction Pré-Glomérulaire Réflexe.
QUESTION N°3 Quelles Mesures Thérapeutiques Simples allez- vous mettre en œuvre rapidement ?
REPONSE N °3 Arrêt de tous les Diurétiques, des Hypotenseurs, des I E C et des Inhibiteurs du récepteur de l’Angiotensine II. Ceci permettra d’empêcher la déplétion Volémique, de favoriser la perfusion Glomérulaire, de limiter l’Hyperkaliémie et de corriger l’Hypo natrémie. Recharge Hydro-sodée en perfusion Intra-veineuse par du Sérum Physiologique. Arrêt de la Métformine en raison de risque d’acidose lactique quand ce médicament est administré à un insuffisant rénal et du Glipizide étant donné le risque d’accumulation et donc d’Hypo Glycémie en cas d’Insuffisance Rénale.
QUESTION N°4 Quel Suivi Thérapeutique allez-vous exercer ? On surveille la disparition de tous les signes de Déshydratation Extra Cellulaire mentionnés ci- dessus, reprise de Diurèse avec retour à la normale de la Créatininémie et la normalisation des Ionogrammes Sanguins et Urinaires.
QUESTION N°5 Quelle Affection Néphrologique devez- vous suspecter sur ce terrain ? Une Sténose Athéromateuse de l’Artère Rénale étant donné : - l’age de la patiente - la maladie diabétique - l’Athéromatose coronarienne - la notion d’HTA et la survenue d’une IRA sous l’Association Diurétiques-IEC.
CAS CLINIQUE 3 Un Homme de 37 ans est adressé en urgence dans le Service de Néphrologie pour un Tableau d’IRA Il s’agit d’un patient n’ayant pas d’Antécédents Particuliers autre qu’un accident de moto responsable d’une fracture du fémur. L’Histoire débute environ un an et demi avant l’admission par un tableau de Poly-Arthralgies intenses associées à un Syndrome Inflammatoire .
Le Bilan Rhumatologique n’a pas permis de conclure quant à l’origine de ces manifestations. Secondairement, des douleurs abdominales ont motivé la réalisation d’une fibroscopie. Celle-ci révélera un ulcère gastrique traité médicalement. Malgré cette thérapeutique, le patient continue à maigrir et il perd au total 15Kg durant l’année écoulée.
Le Patient a d’ailleurs été récemment admis en clinique pour un Nouveau Bilan Digestif devant la persistance des Douleurs Abdominales. Celui-ci comportant une Coloscopie permet de retrouver des lésions étagées et une Rectite Ulcérée. Une Insuffisance Rénale à 37 mg/l de Créatininémie est découverte, elle s’aggravera rapidement puisque le lendemain on note 50mg/l.
La Protéinurie est à 1.75g d’Albumine /jour. A l’Examen Cyto-Bactériologique des urines il existe une Hématurie Microscopique. Le patient est confié pour expertise néphrologique dans un contexte de maladie générale non étiquetée. A l’examen clinique, on retrouve des épisodes de frissons assez fréquents et la notion de sueurs nocturnes. Il existe une HTA à 170/100, la Température Corporelle est à 37.9°. Le reste de l’examen clinique est sans particularité.
QUESTION N°1 : Quelles sont vos Hypothèses Diagnostiques Étiologiques ? Pour expliquer la Sémiologie présentée par ce malade, à savoir hormis l’atteinte de l’état général, l’atteinte articulaire, l’atteinte digestive et l’atteinte rénale, on peut évoquer deux Grands Groupes de Maladie :
A- LES VASCULARITES : . La Maladie de WEGENER . La MicroPolyartérite B- LES COLITES INFLAMMATOIRES avec signes extra digestifs: . La Maladie de CROHN . La Rectocolite Ulcéro- Hémorragique
QUESTION N°2 : Quel Examen vous permettra de Progresser dans la Recherche du Diagnostic Etiologique ? Une Ponction Biopsie Rénale qui permettra de typer la Glomérulopathie et de rechercher des Lésions spécifiques de Vascularite au niveau des Artérioles Intra-Rénales.
QUESTION N°3 : Quel autre Examen Immunologique vous permettra de renforcer votre conviction ? La Recherche d’Anticorps Anti-Cytoplasme des Polynucléaires Neutrophiles (ANCA) qui sont un Marqueur de Vascularite avec : Fluorescence de type Périnucléaire (p ANCA) Fluorescence de type Cytoplasmique (c ANCA) très évocatrice de la maladie de WEGNER.
QUESTION N°4 : L’Histologie Rénale révèle une Glomérulonéphrite Extra-Capillaire sans Dépôts en ImmunoFluorescence et une Section Artériolaire permet de retrouver un Infiltrat Inflammatoire important avec Nécrose Fibrinoide de la paroi Vasculaire. Quel traitement commencez-vous en urgence ?
REPONSE N°4 : Le Traitement des Vascularites repose actuellement sur l’association de Corticoïdes et de Cyclophosphamide. On peut prescrire 3 Bolus de Méthylprednisolone suivis d’une Corticothérapie Orale. Le Cyclophosphamide est utilisé en général en Bolus Mensuels, ce qui permet de limiter la Posologie des Corticoïdes.
QUESTION N°5 : QUELLE SURVEILLANCE EXERCEZ-VOUS ? A- CLINIQUE : amélioration de l’état général avec reprise de poids et disparition des douleurs abdominales et articulaires. B- BIOLOGIQUE : amélioration du syndrome inflammatoire, de la fonction rénale, de la protéinurie, de l’hématurie et l’évolution du titre des ANCA.
Définition de l’IRA: Dégradation de la fonction rénale en qq jours à qq semaines : > 44 µmol/l de créat. par rapp. à la val. de base ou : > 50% de la valeur de base ou : de la clearance 50% ou : Besoin de dialyse.
Les premières questions: Insuffisance rénale aiguë (IRA) ? Insuffisance rénale chronique (IRC) ? IRA compliquant une IRC ?
Quelle est la classification des insuffisances Rénales aiguës ?
Chez l’homme l’IRA est très souvent multifactorielle. Il est donc utile et didactique de les classer en 3 groupes : A- IRA fonctionnelle B- IRA organique rénale (parenchymateuse) C- IRA post rénale ou obstructive
Concernant le premier groupe, il faut la dépister rapidement étant donné son caractère immédiatement réversible après un traitement Approprié. La fonction tubulaire est respectée jusqu’à l’éventuelle apparition de lésions tubulaires ischémiques. Ce groupe est dominé par les perturbations hémodynamiques Systémiques ou locale .
Les insuffisances rénales aigues fonctionnelles représentent environ 40% de toutes les causes d’IRA et se voient principalement chez les personnes âgées. Dans le second groupe toutes les structures parenchymateuses peuvent être atteintes et Rendre compte d’une IRA. Les IRA parenchymateuses sont responsables d’environ 45% d’IRA.
A- le plus fréquemment il existe une nécrose tubulaire aigue. Les lésions tubulaires peuvent être d’origine ischémique, dans un contexte de choc infectieux, de traumatisme ou post chirurgical. Mais toutes les conditions énumérées comme pouvant être génératrices d’une IR fonctionnelle peuvent si celle-ci est prolongée aboutir à la nécrose tubulaire.
B- On peut noter les néphropathies glomérulaires qui généralement associent une prolifération cellulaire endo et /ou extra capillaire. Dans ce groupe, il est important de faire une biopsie rénale précocement de façon à mettre en route un traitement spécifique sans tarder.
C- Les Néphropathies Tubulo-Interstitielles Aiguës dont les principales causes sont toxiques et infectieuses.
D- Les néphropathies vasculaires peuvent atteindre les vaisseaux depuis le tronc de l’artère (obstacle) jusqu’aux artérioles intra - parenchymateuses corticales notamment lors des vascularites. Les IRA d’origine obstructive rendent compte environ 5% des causes totales d’IRA.
Quels sont les principes du traitement de l’IRA ?
Les mesures thérapeutiques d’urgence : 2 complications métaboliques de l’IRA doivent être traitées en priorité : - Les troubles de l’hydratation. - L’hyperkaliémie .
A- l’hydratation s’apprécie avant tout cliniquement, dans les situations complexes on peut être amené à prendre une mesure des pressions cardiaques droites. Les états de déplétion sont corrigés par un remplissage intra vasculaire dont la quantité est déterminée par l’importance de la perte liquidienne.
Les diurétiques à fortes doses sont administrés si le malade garde certaine diurèse. En cas d’anurie, la soustraction liquidienne par épuration extra rénale s’impose.
C- L’hyperkaliémie est menaçante à cause du risque d’asystolie. Elle est toujours anormalement très élevée en cas de lyse Cellulaire ou de traitement hyperkaliémiant. Il faut en priorité apprécier le PH artériel et de corriger systématiquement une acidose métabolique fréquemment associée.
Le contrôle de l’état nutritionnel : Le catabolisme induit par l’IRA et par l’éventuelle maladie sous-jacente est le principal facteur qui limite l’amélioration de la survie de l’IRA avec atteinte pluri viscérale. Les apports caloriques seront élevés, environ 50 cal /Kg/j.
La quantité moyenne de protides est de 0.5g/kg/j dans les IRA non dialysées pour limiter la rétention des déchets azoté, de 1.5g/Kg/J chez les malades traités par hémodialyse jusqu’à 2g Chez ceux traités par dialyse péritonéale étant donné la perte protéique d’origine péritonéale dans le dialysat effluent.
L’épuration extra rénale: Les études contrôlées ont montré la valeur de la dialyse prophylactique dans l’IRA. Le bénéfice est prouvé dans la prévention des complications suivantes : Hémorragies d’origine gastro- intestinale,diminution du risque et de la gravité des syndromes septiques, amélioration des fonction plaquettaires et endothéliales ainsi que myocardiques.
Elle permet un équilibre nutritionnel supérieur avec un apport protidique, glucidique important On utilise des techniques d’hémodialyse, d’hémofiltration continue ou de dialyse Péritonéale.