Sauv’nage, Pass’sports de l’Eau … La Séance de Natation Sauv’nage, Pass’sports de l’Eau … Réflexions sur les OBJECTIFS
Prenons l’exemple d’un enfant de 6 ans qui s’inscrit pour la première fois dans l’Ecole de Natation d’un club. Il arrive avec une expérience de l’eau plus ou moins limitée (activités d’éveil aquatique, séances piscine avec sa classe à l’Ecole maternelle, baignades en piscine ou à la mer avec les parents), avec, éventuellement, ses peurs ou ses appréhensions etc… Le problème pour l’éducateur va être de l’amener, en fin de saison (ou avant) à la réalisation du test du Sauv’nage, et si possible avec une réalisation de qualité optimale.
Cet objectif, complexe (il met en jeu des tâches variées) et lointain, nécessite la mise en place d’étapes intermédiaires, par exemple des tests progressifs plus simples qui vont jalonner les différentes périodes de la saison. A chaque fois, le problème pour l’éducateur va être de partir du niveau de l’enfant, en début de période, pour l’amener à la réalisation du test intermédiaire envisagé.
De la même façon, à chaque séance, le problème pour l’éducateur est de partir du niveau actuel de l’enfant (ce qu’il sait faire à ce moment là, à partir de ce qu’il a acquis précédemment) pour lui apprendre quelque chose de nouveau au cours de la séance (dans la perspective du test intermédiaire ou, plus tard, du test final).
Pour contribuer à mettre en place une méthode de travail efficace pour l’éducateur, on va s’appuyer sur : un modèle théorique, largement utilisé dans les sciences humaines (mais pas seulement), en psychologie cognitive, dans les apprentissages moteurs … , la théorie du traitement de l’information, et plus particulièrement ce qui concerne les « résolutions de problèmes ». une notion importante en psychologie du développement, et des apprentissages, la notion de « zone proximale de développement » (Vigotzky).
Dans la théorie du traitement de l’information, lorsqu’on a un problème à résoudre, on part d’un état initial (la situation de départ ou situation problème) on va tendre à atteindre un état final (l’objectif final ou la résolution du problème) en passant, si nécessaire, par des états intermédiaires. Pour passer d’un état à un autre on aura à effectuer des opérations de transformation.
ETAT INITIAL ETAT FINAL Etat intermédiaire 1 Etat intermédiaire 2 Opération de Transformation Etat intermédiaire 1 Etat intermédiaire 2 Etat intermédiaire X Opération de Transformation Opération de Transformation Opération de Transformation ETAT FINAL ( ce modèle est valable à la fois pour la planification d’une saison, d’une période de la saison et aussi pour la progression suivie à l’intérieur d’une séance)
L’état initial est le niveau auquel se situe l’enfant au début d’une période, un état intermédiaire est le niveau auquel on souhaite voir arriver l’enfant à la fin de cette période, l’état final est la maîtrise du Sauv’nage. Chaque état constitue l’état final de la période précédente et l’état initial de la suivante. Le Sauv’nage constitue ainsi l’état final auquel on mène un débutant, mais aussi l’état initial de la préparation du Pass’sports de l’eau. Les opérations de transformation vont être tous les exercices ou série d’exercices (avec leurs critères d’évaluation, de réussite et de réalisation) qu’on va mettre place dans les séances (dans ce qu’on appelle la Planification des tâches).
Ce modèle de démarche s’applique également à chaque séance : l’état initial correspond à ce que l’enfant sait faire en début de séance, l’état final à ce qu’on souhaite lui apprendre et lui voir réussir en fin de séance, les états intermédiaires sont les étapes par lesquelles on passe pour atteindre l’état final, les opérations de transformations sont les exercices proposés avec leurs critères de réussite et leurs critères de réalisation. L’objectif (que ce soit l’objectif final ou un objectif intermédiaire) peut être complexe (par exemple, le Sauv’nage, composé de 8 tâches, mettant en jeu un bon nombre de compétences), ou simple (une seule tâche, voire un élément d’une tâche…). Un objectif complexe va, évidemment, se décomposer en plusieurs sous-objectifs constituant des états intermédiaires à atteindre.
zone proximale de développement (Vigotzky), La notion de zone proximale de développement (Vigotzky), notion très importante d’un point de vue pédagogique, concerne le choix des objectifs par l’éducateur. Partant du niveau actuel de l’enfant (ce qu’il sait faire, son état initial) on va lui proposer d’aller vers un niveau plus avancé (état intermédiaire ou final), d’apprendre quelque chose de nouveau qu’il ne sait pas encore faire, quelque chose qu’il ne peut acquérir seul, mais qu’il peut acquérir avec aide (l’aide de l’éducateur, éventuellement d’un camarade plus avancé que lui).
A tout moment, l’éducateur travaille dans cette zone (relativement étroite) caractéristique du processus d’apprentissage, entre ce que l’enfant sait faire (ses compétences acquises, son état initial) et ce qu’il ne sait pas encore faire, et qu’on se propose de lui apprendre (l’état final auquel on souhaite le faire parvenir). - Si on ne fait faire à l’enfant que ce qu’il sait déjà faire ou des exercices trop faciles, il n’apprend rien (ou pas grand chose), il finit par s’ennuyer et se démotiver. - Si les objectifs proposés à l’enfant sont trop lointains ou trop inaccessibles, il se décourage et « démissionne ».
la séance, la période de la saison, ou la saison : Il faut pouvoir se demander, à chaque niveau, la séance, la période de la saison, ou la saison : « qu’est-ce que j’ai appris à l’enfant ? » ou « qu’est-ce que l’enfant a appris ? »)
Une séance de natation prend donc sa place dans une planification annuelle qui va d’une situation de départ (un état initial correspondant au niveau de l’enfant, évalué en début de saison) à un objectif de fin de saison (état final auquel on souhaite pouvoir conduire l’enfant).
L’objectif de fin de saison (état final) étant à la fois complexe et lointain, une planification bien conçue va jalonner le travail par des étapes intermédiaires (objectifs ou états intermédiaires) qui peuvent-être : soit l’acquisition progressive de compétences nécessaires à la réalisation de l’objectif final (pour accéder au Sauv’nage, il faudra d’abord être capable de s’immerger, d’ouvrir les yeux sous l’eau, accepter d’être porté par l’eau …, pour accéder au Pass’sports de l’eau, il faudra d’abord maîtriser le gainage du corps, la rotation, les coulées…). soit la réalisation de tâches simplifiées par rapport à la tâche finale (déplacement ventral à l’aide d’une corde, de frite, puis sans frite…), la progression résultant d’une complexification progressive de la tâche en supprimant les aides ou les simplifications.
A chaque niveau (saison, période de saison, séance), on travaille dans cette zone étroite qu’est la zone proximale de développement, mais zone qui se déplace et avance en même temps que les progrès de l’enfant. On part donc d’un état initial défini par les caractéristiques du moment : caractéristiques de l’enfant, mais aussi conditions matérielles de travail (l’ensemble constituant l’évaluation de départ). On fixe un objectif, l’état final, on détermine les étapes intermédiaires pour y parvenir.
L’objectif de saison, les objectifs intermédiaires, les objectifs de séance se traduisent en tâches à réaliser, plus ou moins complexes, dont l’éducateur doit faire une analyse fine : description détaillée et principes bio-mécaniques sous-jacents), dont il doit préciser le niveau d’exigence (critères d’évaluation et critères de réussite). Il doit également se donner les moyens d’évaluation nécessaires pour savoir si le niveau d’exigence de chaque étape a bien été atteint (grilles d’évaluation). A chaque niveau, il fait une analyse et un bilan qui donne l’état final réel et le nouvel état initial à partir duquel il va pouvoir envisager la suite du travail.
Dans le cadre d’une saison
En début de saison, l’état initial est défini par : les caractéristiques de départ du « public », les enfants, (au moment où on les prend en charge) : âge, caractéristiques psychologiques, motrices, sensorielles, expérience antérieure en piscine ou avec le milieu aquatique etc… etc … ce qu’il est capable de faire à la piscine, et, surtout, ce qu’il n’est pas capable de faire (pas encore…), ses difficultés, ses appréhensions…. D’où la nécessité d’une évaluation initiale bien faite. les conditions dans lesquelles on va pouvoir travailler : projet pédagogique du club nombre de séances hebdomadaires durée des séances horaire des séances nombre d’enfants dans le groupe aides ou assistants éventuels matériel à disposition zones de bassin utilisables etc…
A partir de cette « évaluation de départ », on va définir des objectifs pour la saison (état final), objectifs qu’on va proposer aux enfants (en fonction de leurs caractéristiques propres, on ne présentera pas ces objectifs de la même façon à des 6 ans et à des 9 ou 10 ans), objectifs qui correspondent à des tâches (celles du Sauv’nage, plus tard du Pass’sports de l’eau, du Pass’compétition). On va ensuite définir et planifier les étapes intermédiaires et se donner les moyens d’évaluation nécessaires à chacune d’elles (planification des tâches). EVALUATION de DEPART OBJECTIFS ETAT FINAL envisagé (TÂCHES correspondantes) PLANIFICATION (étapes intermédiaires, planification des tâches)
Dans le cadre d’une séance
Dans la préparation d’une séance, l’état initial est défini par le niveau atteint par l’enfant à ce moment là de la saison et qui est fonction de ce qui a été fait dans les séances précédentes (ce qui a été acquis, ce qui est à consolider, ce qui n’a pas été acquis et qui reste à travailler). Il faut également prendre en compte, dans la mesure du possible, les conditions matérielles et circonstancielles de la séance (conditions d’utilisation du bassin ou du matériel, période de l’année, caractéristiques du moment…).
A partir de là, on définit les objectifs de la séance (l’état final), en général pas trop d’objectifs (pour ne pas se disperser et rester efficace), mais de quoi introduire assez de variété dans la séance. Par exemple : - un objectif principal (acquérir une compétence nouvelle ou réaliser une tâche avec un niveau d’exigence défini), - un premier objectif secondaire (sur l’acquisition d’une autre compétence, moins complexe ou à découvrir), ` - un deuxième objectif secondaire sur la consolidation d’une compétence acquise dans une séance précédente…
Pour chacun de ces objectifs, on définit les éventuelles étapes intermédiaires (progressiion d’exercices), et, à chaque fois, on définit les critères d’évaluation (les observables auxquels on va porter attention), les critères de réussite (sur les observables pris en compte, le niveau d’exécution de la tache à partir duquel on considère que l’enfant a atteint l’objectif souhaité), et les critères de réalisation (informations à fournir à l’enfant pour l’aider à atteindre le niveau de réussite souhaité). Il est nécessaire d’utiliser une grille d’évaluation où le niveau de réussite de chaque enfant sera noté.
Bien sûr, le déroulement de la séance pourra amener des adaptations, des réajustements, des retours en arrière, ou même des remises en cause du plan prévu… En fin de séance une analyse et un bilan (réalisé à partir de critères observables précis) permettra de déterminer l’état final atteint (qui peut être différent de l’objectif souhaité) et qui constituera l’état initial de la prochaine séance. Comme on le voit chaque état est l’état final d’une séance et l’état initial de la suivante. Cette démarche, appliquée de façon rigoureuse garantit la progressivité et surtout l’efficacité du travail.