Les droits des créanciers et la procédure de sauvegarde dans le projet de réforme : vers un chapter 11 à la française ? Salons Hoche 8 juillet 2004
Programme 8h30 Présentation générale Richard Jadot et Bertrand Ducoin (Lovells) 8h45 Les principaux apports du projet de loi Gilles de Poix (Lovells) 9h00 Les droits des créanciers dans le chapitre 11 de l’Insolvency Code américain Nazanin Lankarani (Lovells) 9h15 Les droits des créanciers dans la nouvelle procédure de sauvegarde Lucas d’Orgeval (Lovells) 9h30 Analyse et commentaires de Monsieur Jean Courtière, Vice président de la commission juridique de la CCIP 10h00 Débats #509389
Présentation générale Richard Jadot et Bertrand Ducoin (Lovells)
Les principaux apports du projet de loi Gilles de Poix (Lovells)
Les principaux apports du projet de loi But de la loi Appréhender les difficultés de l’entreprise dès qu’elles deviennent prévisibles avant même qu’elles se traduisent en trésorerie Etablir une distinction claire fondée sur l’objectif des différentes procédures.
Les principaux apports du projet de loi But de la loi En dehors de la nouvelle procédure de sauvegarde accessible aux entreprises justifiant de difficultés susceptibles de conduire à la cessation des paiements le projet de loi envisage de réformer : Le règlement amiable (devenu conciliation) le redressement judiciaire la liquidation judiciaire
Les principaux apports du projet de loi La conciliation: est une procédure non judiciaire qui s’insère entre le mandat ad hoc (inchangé) et la nouvelle procédure de sauvegarde son délai passerait de trois mois (+1) à quatre mois (+1) le débiteur peut y recourir s’il éprouve « une difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible » et même s’il est en état de cessation de paiements depuis moins de 45 jours
la suspension provisoire des poursuites ne sera plus possible mais le juge pourra faire application des articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil les personnes qui consentent dans l’accord homologué « un crédit ou une avance au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité » seront payées par privilège à toute créance née avant l’ouverture de la conciliation (le « délai de paiement » n’est plus prévu) ces personnes ne pourront être tenues responsables des préjudices subis du fait de leurs concours (pas de soutien abusif)
Les principaux apports du projet de loi La conciliation : l’accord sera désormais homologué par jugement après qu’ait été entendu : les créanciers parties à l’accord les représentants du Comité d’Entreprise ou les délégués du personnel le Ministère Public le conciliateur toute autre personne dont l’audition paraît utile le jugement d’homologation sera déposé au greffe où tout intéressé pourra en prendre connaissance et fera l’objet d’une mesure de publicité. Il sera susceptible de tierce opposition et d’appel. Conséquence : la confidentialité ne sera plus assurée complètement. En cas d’échec de la procédure de conciliation, le débiteur doit demander l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire dans les 8 jours (article L. 640-4)
Les principaux apports du projet de loi Le redressement judiciaire La procédure est assez similaire à la procédure de sauvegarde La définition de la cessation des paiements est inchangée (l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible) (article L. 631-1) Le délai de déclaration de l’état de cessation des paiements est fixé à 45 jours (article L. 631-4)
Les principaux apports du projet de loi Le redressement judiciaire Sous un certain seuil qui sera fixé par décret, la désignation d’un administrateur judiciaire sera facultative Le projet de loi permet que soient soumis à l’administrateur des plans de cession (totale ou partielle) (article L. 631-13) mais le plan ne peut, comme en sauvegarde, qu’organiser « soit la continuation de l’entreprise, soit sa continuation assortie d’une cession partielle » Les créances qui n’auront pas été déclarées ou n’auront pas donné lieu à un relevé de forclusion ne seront plus éteintes comme aujourd’hui (L. 622-24)
Les principaux apports du projet de loi La liquidation judiciaire La procédure est accélérée : le liquidateur doit établir son rapport dans le délai d’un mois (article L. 641-2) la cession de l’entreprise sera possible ou des cessions partielles (article L. 642-1) Les conditions de la cession et celles de la résolution des plans de cession sont renforcées (souplesse laissée au Tribunal pour prononcer la résolution ou la résiliation des actes passés en exécution du plan (article L. 642-11)
Les principaux apports du projet de loi Les sanctions Certaines sanctions sont allégées : plus de saisine d’office du tribunal pour le prononcé d’une faillite personnelle (article L. 653-7) principe d’impartialité (Convention Européenne des Droits de l’Homme) le délai de prescription de la faillite personnelle est de cinq ans (et non « à toute époque de la procédure ») (article L. 653-3/L. 653-5) Les juridictions pénales et civiles ne pourront plus infliger une double peine pour les mêmes faits (faillite personnelle ou interdiction de gérer, banqueroute) (article L. 654-6) même si, de toutes les façons, aujourd’hui seule la mesure ordonnée par la juridiction répressive était exécutée
Certaines sanctions sont renforcées : possibilité de saisir le Tribunal pour faillite personnelle par tout créancier contrôleur, en cas de défaillance du mandataire judiciaire ou du Parquet nouveaux cas de faillite personnelle : avoir omis de faire, dans le délai de 8 jours de l’échec de la conciliation, la déclaration de cessation des paiements avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement
Les droits des créanciers dans le chapitre 11 de l’Insolvency Code américain Nazanin Lankarani (Lovells)
Les droits des créanciers dans le chapitre 11 de l’Insolvency Code américain Le chapitre 11 : un instrument de restructuration Les représentants des créanciers (committees) Situation des créanciers et débiteurs étrangers Le plan de restructuration
Le chapitre 11 : un instrument de restructuration Le chapitre 11 est le chapitre du Code américain des faillites consacré à la restructuration de l’entreprise A la différence du chapitre 7 qui concerne la procédure de liquidation par un administrateur désigné par le tribunal, le chapitre 11 permet la restructuration de l’entreprise soit par la continuation de son activité soit par une cession de son activité L’objectif du chapitre 11 est la restructuration du débiteur et la distribution égalitaire aux créanciers Le chapitre 11 est un puissant instrument à la disposition des débiteurs Certaines industries l’ont utilisé à plusieurs reprises comme moyen efficace d’assainir leur activité : les compagnies aériennes, les télécoms, la distribution, pour n’en citer que quelques-uns
Les représentants des créanciers (committees) Un moyen efficace pour un groupe de créanciers d’être représenté Dans les premiers jours de la procédure du Chapitre 11, un comité officiel de créanciers chirographaires est désigné par le « US Trustee », organe du Ministère de la Justice Les Comités sont l’équivalent du représentant des créanciers. Leurs membres ont un devoir de sauvegarde des intérêts de tous les créanciers « similaires » (mais individuellement, ils peuvent faire appel à leurs propres conseils et suivre des positions différentes de celles du Comité) Sous réserve d’autorisation par le tribunal, les créanciers et les actionnaires peuvent demander la désignation de Comités supplémentaires destinés à sauvegarder les intérêts d’une catégorie importante de créanciers qui ne sont pas représentés par le Comité des créanciers chirographaires Les Comités officiels peuvent utiliser les services d’avocats, de financiers dont les honoraires sont payés par le débiteur. Ils s’assurent généralement qu’il y a suffisamment de fonds disponibles pour leurs permettre d’utiliser les services de professionnels
Les représentants des créanciers (committees) Comité officiel des créanciers chirographaires Choisis par le « US Trustee » parmi les créanciers chirographaires les plus importants souhaitant participer à ce Comité L’organisation du Comité est établie en interne et ressemble à des statuts de sociétés La participation à ce Comité présente les avantages suivants : Accès aux informations confidentielles Rôle important dans la procédure : le Tribunal donne une grande importance aux recommandations du Comité Avantage stratégique pour un repreneur potentiel Les membres du Comité peuvent démissionner à tout moment ou s’abstenir dans les décisions où ils ont un conflit d’intérêts Si vous êtes un partenaire commercial stratégique et que vous avez un litige ou une créance, faire partie du Comité permet de peser sur les acteurs de la procédure dans le sens de vos intérêts Le Comité joue souvent un rôle important dans la négociation du plan et dans la poursuite des litiges du débiteur, spécialement lorsque le litige concerne les dirigeants
Le plan de restructuration : présentation Le plan de restructuration est le document qui propose la classification et le traitement des créances sur le débiteur Le débiteur a un droit exclusif de déposer un plan dans les 120 jours du dépôt de bilan et peut obtenir l’adoption du plan dans les 60 jours suivants. La période d’exclusivité du débiteur est souvent étendue par le Tribunal, en particulier dans les dossiers importants Les tribunaux autorisent rarement les créanciers à déposer des plans concurrents. Cependant, les créanciers ont le droit de demander au Tribunal de mettre un terme à la période d’exclusivité du débiteur en justifiant d’un motif sérieux (good cause). Le plan doit être accompagné d’un « Disclosure Statement » qui permet aux créanciers de disposer des informations nécessaires pour voter sur le plan.
Le plan de restructuration : catégories de créanciers Le plan propose la répartition des créanciers en catégories (classes of creditors). Chaque catégorie contient toutes les créances similaires En principe, il y a au moins deux catégories de créanciers (les créanciers privilégiés et les créanciers chirographaires). D’autres catégories peuvent cependant être créées Les créances bénéficiant d’une sûreté sur un actif spécial seront dans une seule et même catégorie. La partie « chirographaire » sera en générale inscrite dans la catégorie des créances chirographaires. Les créances chirographaires en dessous d’un certain montant (ou réduites à un certain montant après accord) peuvent être classées séparément afin d’être payées en intégralité Les créances chirographaires nées avant l’ouverture de la procédure des créanciers poursuivant leur contrat avec le débiteur peuvent être classées séparément et traitées plus favorablement que les autres créances chirographaires Les créanciers peuvent contester les catégories proposées par le plan, si des créances similaires sont dans des catégories différentes entraînant un traitement non égalitaire
Le plan de restructuration : adoption Seules les catégories « intéressées » (impaired) sont autorisées à voter. Les catégories « non intéressées » sont considérées comme ayant accepté le plan Une catégorie est dite « intéressée » lorsque ses droits légaux ou contractuels sont modifiés par le plan Le plan doit être approuvé par au moins une catégorie de créanciers « intéressés », sans inclure le vote des « initiés » Une catégorie est considérée comme ayant accepté le plan lorsque plus de 50% des créanciers représentant au moins 2/3 du montant des créances en $ ont voté favorablement Si une catégorie « intéressée » vote contre le plan, celui-ci peut toujours être adopté par le mécanisme dit du «cram down »
Le plan de restructuration : adoption La règle dite du « Cram Down » Le plan peut être adopté en dépit du vote défavorable d’une catégorie de créancier si : le plan n’entraîne pas de discrimination inéquitable, le plan traite chaque catégorie ayant refusé le plan de façon juste et équitable Créanciers privilégiés : dans la règle du « cram down », cette catégorie doit être traitée « de manière juste et équitable », ie : ces créanciers doivent conserver le bénéfice de leurs sûretés, et ils doivent recevoir un paiement différé de la totalité des créances privilégiées, avec l’application d’un taux d’intérêt de retard à des conditions de marché Créanciers chirographaires : « La règle prioritaire absolue » : toute catégorie de créanciers chirographaires doit être payée intégralement avant les actionnaires
Le plan de restucturation : plans pré-conclus et pré-négociés Le débiteur négocie le plan avec les principaux groupes de créanciers et obtient leur consentement avant l’ouverture de la procédure Le plan et les documents d’information (« Disclosure Statement ») sont déposés en même temps que la demande d’ouverture de la procédure Pré-négociés Le débiteur négocie le plan mais ne sollicite pas le vote des créanciers avant l’ouverture de la procédure Avantages des deux : Meilleur contrôle du déroulement de la procédure La procédure dure moins longtemps et entraîne une interruption moins longue de l’activité du débiteur Moins coûteux pour le débiteur
Les droits des créanciers dans la nouvelle procédure de sauvegarde Lucas d’Orgeval (Lovells)
Les droits des créanciers dans la nouvelle procédure de sauvegarde Pourquoi une procédure de sauvegarde ? Améliorer la prévention des difficultés par un troisième outil Intérêt : suspension des poursuites automatique Déroulement général de la procédure de sauvegarde Pourquoi une nouvelle procédure ? Améliorer la prévention par un 3ème outil - Ce qui marchait : la prévention (conciliation et mandat ad hoc) => renforcer ce pôle avec une troisième procédure « la sauvegarde » Intérêt : suspension des poursuites automatique – C’est la différence avec la conciliation/règlement amiable. Donc la sauvegarde servira pour des entreprises en situation plus proche du RJ 2. Déroulement général de la procédure : D’un point de vue pratique, les articles traitant du redressement judiciaire traitent désormais de la sauvegarde. Le régime du redressement judiciaire consiste en un renvoi vers la procédure de sauvegarde. => on retrouve tous les classiques du RJ : jugement d’ouverture / période d’observation / plan Procédure réservée aux débiteurs qui ne sont pas en cessation des paiements (différence par rapport à la conciliation) => si par suite le débiteur tombe en cessation des paiements, la sauvegarde est convertie en RJ (621-11) Les dirigeants restent en place (622-1). Il n’y a pas forcément d’administrateur judiciaire (621-4)
Les droits des créanciers dans la nouvelle procédure de sauvegarde Les droits des créanciers dans la phase préliminaire de l’élaboration du plan de sauvegarde Jugement d’ouverture Les organes de la procédure La période d’observation Jugement d’ouverture : Initiative (620-1) Les organes de la procédure : - Juge commissaire - Représentant des créanciers - Administrateur - Sa nomination est facultative dans les entreprises d’une taille inférieure à des seuils fixés par décret (621-4) La période d’observation Reprise des éléments principaux du redressement judiciaire : - suspension des poursuites (622-22) - déclaration des créances – ATTENTION : (1) Seules les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins de la procédure sont payées à échéance (622-15). (2) Les délais de déclaration sont fixé par décret en Conseil d’Etat (621-46) – Il est probable que le délai de 2 mois soit applicable – Pb car allonge la procédure d’autant... alors que l’objectif est d’aller vite ! - continuation des contrats en cours (622-11) - préparation du plan qui doit être présenté aux créanciers dans un délai de 4 mois max (626-26)
Les droits des créanciers dans la nouvelle procédure de sauvegarde L’élaboration du plan de sauvegarde Les comités de créanciers Deux comités de créanciers (établissements financiers/principaux fournisseurs) Comités obligatoires dans les entreprises d’une certaine taille Propositions faites par le débiteur Discussion entre les membres des comités, le débiteur et l’administrateur judiciaire Les autres créanciers Consultation classique (art. L621-60 C.com) Les comités de créanciers - Une des principales nouveautés de la procédure – d’inspiration américaine - Deux comités de créanciers (établissements financiers / principaux fournisseurs) - Comités obligatoires pour les entreprises d’une certaine taille – Mais le Juge-commissaire peut autoriser le recours à ces comités même en deçà des seuils (626-26) - Propositions faites par le débiteur - Discussions entre les membres des comités, le débiteur et l’adm. jud. - Vote à la majorité déterminée au regard du montant des créances (2/3) (626-27) Les autres créanciers - Consultation classique sur les délais et remises qui sont proposés dans le cadre du plan (626-4) - Les administrations financières, les organismes de sercu, les organismes gérant l’assurance chômage peuvent effectuer des remises de créances (626-4-1)
Les droits des créanciers dans la nouvelle procédure de sauvegarde L’élaboration du plan de sauvegarde Jugement arrêtant le plan Conditions d’arrêté du plan concernant les créanciers membres des comités Conditions d’arrêté du plan concernant les autres créanciers Echec du projet de plan Procédure reprise selon les dispositions classiques du plan de continuation Jugement arrêtant le plan : Arrêté du plan concernant les créanciers membres des comités : - Le tribunal doit s’assurer que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment sauvegardés (626-28) - La décision qui arrête le plan rend applicables ses dispositions à tous les membres des comités (626-28) Arrêté du plan concernant les autres créanciers : Les délais et remise acceptés par les créanciers sont entérinés. Le tribunal peut imposer des délais aux créanciers n’ayant pas accepté de délais. Il peut proposer des délais de paiement plus brefs mais assorti d’une remise (626-16). Il n’est pas prévu qu’il puisse imposer des remises uniquement. Le premier paiement ne peut intervenir au-delà d’un délai d’un an. Au-delà de la deuxième année, le montant de chacune des annuités ne peut être inférieur à 5% du passif admis. (626-15) Echec du projet de plan : reprise de la procédure classique (consultation des créanciers hors comité) (626-31)
Les droits des créanciers dans la nouvelle procédure de sauvegarde L’exécution et l’inexécution du plan de sauvegarde Sort des cautions personnelles/coobligés personnes physiques La cessation des paiements entraîne la résolution judiciaire du plan et la liquidation de l’entreprise Exécution et inexécution du plan Sort des cautions personnelles et coobligés personnes physiques : ils peuvent se prévaloir du plan, sauf s’il s’agit de personnes morales (626-8) Cessation des paiements entraîne la liquidation de l’entreprise (626-24)
Analyse et commentaires Jean Courtière (Vice Président de la commission juridique de la CCIP)