Sociologie de l’éducation 37.2

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Transcription de la présentation:

Sociologie de l’éducation 37.2 La construction des inégalités scolaires: de la socialisation familiale aux pratiques enseignantes Christine Mennesson

Plan du cours I) Etat des lieux des inégalités scolaires II) Inégalités scolaires et socialisation familiale III) Inégalités scolaires et pratiques enseignantes

I) Etat des lieux des inégalités scolaires: A) Introduction Définitions: L’échec scolaire: point de vue institutionnel et point de vue de l’élève Démocratisation quantitative, qualitative, « ségrégative » (Merle) Contextualisation: Echec scolaire et modifications structurelles du système scolaire, échec scolaire et conjoncture socio-économique

Introduction (suite): Une progression de la scolarisation Entre 60 et 95, nb de bacheliers X 8 et nb étudiants X 7 Pourcentage d’une génération obtenant le bac: 60 13% 70 20% 80 26% 90 43% De1995 à 2005 62% environ Une reprise de la progression à partir de 2010: en 2014 77%

Des effets culturels et idéologiques Le niveau monte? Une personnalisation de l’échec scolaire Un affaiblissement de la perception des rapports de classe

Les différentes CSP en 2011

Une réduction des inégalités? Une réduction relative des inégalités En 60 enfants de cadres 9X+ de chances d’avoir bac que les enfants d’ouvriers En 80, 8 X+ Réduction des écarts dans les années 90: 2 X+ Les inégalités augmentent à nouveau depuis les années 2000

Une démocratisation ségrégative (suite) Des inégalités qui se maintiennent

Des dépenses inégalement réparties Niveaux d'enseignement Dépense moyenne par élève (euros) Enseignement élémentaire 5 440 Collège 7 930 Lycée Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) Etudiants Université 10 240 13 880 9 200

Le problème des jeunes sans formation Des scolarités qui s’allongent, mais pas pour tous: 17% d’une classe d’âge (30% en 98), soit 150 000 jeunes sans formation Près d’un jeune sans formation sur deux est sans emploi en 2012 (pour 10% des diplômés du supérieur)

Des différences d’obtention du bac

Des filières très différenciées

Des filières très différenciées (suite) Pop Moy. et Fav. SEGPA 88% 12% CAP 80% 20% BEP 75% 25% Des « exclus de l’intérieur » (Bourdieu)

B) La différenciation progressive des trajectoires scolaires 1) L’importance de la scolarisation précoce Un facteur favorable à la réussite scolaire Qui bénéficie à tous les groupes sociaux Un rôle d’autant plus central que la culture familiale est éloignée de l’école Des écarts sociaux qui néanmoins augmentent légèrement

2) Les inégalités à l’école primaire: des retards cumulatifs Rôle de classement précoce et souvent définitif: 25 % des enf. d’ouv. redoublent pour 7,5% d’enf. de cadres Des chances d’accès au bac réduites (5% contre 40% en 90) Ce qui est acquis prédit les acquis à venir

Les inégalités à l’école primaire(suite) Des compétences socialement différenciées Entrée 6 ème Français Maths Cadres 67,5 74,3 Ouvriers 52 59 Une pluralité de facteurs: 1) Compétences entrée CP 2) Diplôme mère 3) CSP 4) Diplôme père

Les inégalités à l’école primaire(suite) Capital scolaire parents: parents non bacheliers 34% redoublement, parents bacheliers 16% Capital éco: enfants ménages modestes redoublent + (effet inversé avec capital scolaire faible) Situation familiale: enfants familles monoparentales redoublent 2X+

3) Le collège: des choix stratégiques Des élèves aux compétences inégales…qui ne progressent pas de la même façon: les inégalités se creusent plus en 6/5 que pendant les années antérieures Les inégalités d’accès en 2nd se construisent pour 3/5 au collège, 1/5 en primaire et 1/5 avant

Le collège: des choix stratégiques Le choix des établissements: la problématique de la carte scolaire Ségrégation territoriale et logique de distinction accroissent les inégalités Deux logiques parentales (Oberti) Placer ses enfants dans les meilleurs ét. (classes sup) Eviter les plus ségrégués (classes pop)

Le collège: des choix stratégiques Le choix du privé: concerne 30% enfants de cadres et 25% enfants ouvriers, sur rep chef d’ent., commerçants, prof libérales Le passage par le privé concerne 48% des familles

Le collège: des choix stratégiques Le choix des options: placer ses enfants dans les meilleures classes: l’exemple de l’allemand et du latin Allemand 6ème Latin 4ème Cadres 21% 47% Ouvriers 9% 16%

Le collège: des choix stratégiques Le choix en fin de troisième: des vœux variables selon le milieu social Elèves âge « normal », 10 ou +: 95% cadres seconde générale, 62% ouvriers A 9 de moyenne ou avec un redbl., 66% des cadres et 18% à 25% des ouvriers

4) Le lycée: général ou professionnel: des filières très différenciées Une scolarité jalonnée de choix: l’importance croissante des demandes des familles 60% des élèves général+techno La filière S en position dominante (12% ouvriers, 42% cadres) L’ens. prof.: une filière dévalorisée 1 élève sur 2 orientation non souhaitée Une condition ouvrière en question Une modification positive du rapport à l’école?

EPS et inégalités sociales (Combaz, 92) L’effet du retard scolaire (13,2 élèves 1 an avance/ 12,6 élèves 1 an de retard) L’effet de l’appartenance sociale: cadres 12,8/ ouvriers 11,7 Le rapport au sport en question Une différenciation sociale des contenus Le rôle de l’évaluation

5) Filles et garçons: des trajectoires différenciées La supériorité scolaire des filles: moins de retard scolaire, plus nombreuses au bac et dans l’ens. Sup. 56% filles terminales générales, 51% techno, 46% prof 36% de mentions au bac S pour les filles (30% pour les garçons) 28% garçons 20 ans encore scolarisés pour 36% de filles

Filles et garçons: des trajectoires différenciées Une supériorité forte dans les classes pop, plus réduite dans classes favorisées Pour 100 garçons entrant en 2nd sans redoublement, 113 filles pour les cadres sup, 135 pour les prof intermédiaires et 152 pour les ouvriers L’EPS: un cas spécifique (Vigneron, 2005): 13,2 filles/14,4 garçons

Filles et garçons: des trajectoires différenciées Des filles sous représentées dans les filières les plus valorisées: moins nb dans les filières scientifiques (46% S, 79% L, STI2D 7%, ST2S 91%...), dans les classes prépas, les écoles d’ingénieur… Des explications plurielles: socialisation familiale, socialisation scolaire et socialisation anticipatrice

6) Elèves d’origine étrangère et élèves étrangers Elèves étrangers représentent 1 million (8% à 20%) Elèves nés hors de France: scolarité plus difficile Elèves nés en France de parents étrangers Redoublent + en primaire: 43% des garçons et 28% des filles (pour 17% et 12%)

Elèves d’origine étrangère et élèves étrangers (suite) A CSP = ouv/emp. 21% redbl origine française et 32% origine étrangère Elèves origine étrangère sont 5 x + souvent en ZEP Mais + chances d’accéder 2nd G et T à caract. soc. = 46% bacheliers ouv/emp. origine étrangère et 40% ouv/emp. origine française

Elèves d’origine étrangère et élèves étrangers (suite) Une mobilisation familiale plus importante et des ambitions plus élevées Des différences filles/garçons très fortes: 70% filles or. Ét. bachelières pour 74% or. Fr. et 46% garçons bacheliers pour 64% Des différences selon la nationalité des parents

7) Les choix post bac: une répartition sociale et scolaire des filières Type de bac, mention, sexe et appartenance sociale conduisent les élèves à des choix différents 2/3 étudiants à l’université (dont 1/3 par défaut) Des publics nouveaux: sur échec des bacheliers professionnels et technologiques: L1 STAPS 2012: 35,8% admis, 12% bac techno, 6 % bac pro

II) Inégalités scolaires et socialisation familiale Introduction: Réussite scolaire et capital culturel institutionnalisé, objectivé et incorporé: rappel des travaux de Bourdieu et Passeron La distance entre la culture familiale et la culture scolaire: une forme de violence symbolique

II) 1) Les approches sociolinguistiques a) Code élaboré et code restreint: les travaux de Bernstein (75) Langage et rôles sociaux Deux codes Langage et structures cognitives b) « Le parler ordinaire »: Une communication complexe: Labov (78) Le rôle du contexte dans l’apprentissage

II) 2) Les pratiques éducatives des familles Style éducatif aléatoire, rigide ou souplement structuré (Lautrey, 80): obéissance versus autonomie (Duru-Bellat et Van Zanten, 2006). Modèle du développement naturel et modèle d’une inculcation systématique (Lareau, ) Pratiques éducatives et rapports à l’école en milieu populaire: Thin (Quartiers populaires: l’école et les familles, 98)

II) 2) suite (Thin) Une socialisation « diffuse » L’opposition travail/loisir et la conception ludique de l’enfance Une autorité contextualisée et immédiate, qui combine sévérité et liberté Une vie communautaire qui soutient et enferme Une ambivalence par rapport à l’école, des incompréhensions et des pratiques de suivi variables

3) La réussite scolaire en milieu populaire a) Les enfants de la démocratisation scolaire (Beaud, 2002) L’école et le quartier: deux socialisations progressivement antinomiques Réussir à la fac: renouvellement des groupes de pairs et éloignement du quartier

3) b) « Destins ouvriers » Terrail (90), mobilisation familiale et rôle des enseignants Les conditions de la réussite scolaire: Une ambition forte de promotion sociale Le difficile éloignement du milieu familial Le rôle central des enseignants

3) c) L’importance des modes de socialisation familiale: Lahire, « Tableaux de famille » (95) Echec scolaire comme conséquence des rapports de domination et comme expérience de la solitude dans le monde scolaire Une étude des configurations familiales (formes d’interdépendance entre les membres de la famille/Elias)

3) c) Lahire (suite) Une analyse fine des formes de socialisation familiale: Capital économique Capital culturel Formes familiales de la culture écrite Ordre moral domestique (règles de vie) Modes d’autorité Modes d’investissement pédagogique

3) c) Lahire (suite) Aucun élément n’explique à lui seul la réussite, et rares sont les cas de réussite qui cumulent tous les éléments Rôle central des modes d’autorité et de l’ordre moral domestique Le mythe de la démission parentale Les modalités de transmission/création du capital culturel: le cas des « héritiers » en échec scolaire (Henri-Panabière, 2010)

II) Conclusion L’importance toujours prégnante du capital culturel…mais des conditions de transmission à analyser Des pratiques éducatives qui varient des classes favorisées aux classes populaires…mais une diffusion progressive des normes éducatives légitimes

III) Inégalités de réussite et pratiques enseignantes 1) Les conséquences de la massification sur les acteurs de l’école a) Les changements de sens de l’expérience scolaire (Dubet, « Les Lycéens, 91) Une fonction de sélection qui prend le pas sur la fonction de socialisation

III) 1) a) Dubet (suite) Une dérégulation de la relation pédagogique: le malaise des enseignants Le statut d’élève en question Des rapports à l’école différents: Les « vrais » lycéens, les « bons » lycéens, les « nouveaux » lycéens et les « futurs ouvriers »

III) 1) b) Les modifications du rapport aux apprentissages scolaires (Charlot, 92) L’appropriation des savoirs: une question centrale Des rapports différents à la scolarité: logique culturelle d’apprentissage et logique de cheminement Des rapports différents au savoir et aux situations d’apprentissage Un sens à construire

III) 2) Les effets du contexte de scolarisation a) Les comparaisons internationales Les performances des élèves français: un bilan moyen PISA 2012 (élèves de 15 ans) Culture scientifique 26(/65)= moy Maths 25= moy mais en baisse Compréhension de l’écrit 21= un peu sup moy, en progression Un résultat à relativiser

a) Les comparaisons internationales (suite) Une proportion d’élèves faibles qui augmente Un système particulièrement inégalitaire Une accumulation de connaissances au détriment du dév. de l’esprit critique et d’analyse Un climat scolaire peu favorable: une image dégradée de l’école, un manque d’encouragement, des élèves peu sûrs d’eux et anxieux

a)(suite) Les systèmes efficaces Une différenciation des parcours scolaires la plus tardive possible Un soutien individualisé aux élèves en difficulté; Des redoublements limités Un système équitable: des écoles peu différenciées socialement; Une absence de dév. de l’école privée

III) 2) b) L’effet établissement Une différenciation des contenus, des pratiques évaluatives et d’orientation Un effet moins important que celui des différences sociales…mais qui tend à se cumuler à ce dernier Les élèves des milieux modestes plus sensibles que les autres aux caractéristiques de l’établissement

III) 2) b) L’effet établissement (suite) 10% des collèges regroupent + de 10% d’élèves en retard, + de 64% de milieux défavorisés, + de 20% d’étrangers … et 10% des collèges regroupent moins de 1% d’élèves en retard, - de 20% de milieux défavorisés, et moins de 0,2% d’étrangers

III) 2) b) (suite): Les établissements prioritaires A la rentrée 2014, 100 ét. Réseau éducation prioritaire plus (REP+) En 2015, 350 REP+ et 732 REP 20% des collégiens Les critères de sélection des REP et REP+: l’indice social de la DEPP: Taux de PCS défavorisées Taux de boursiers Taux d’élèves résidant en zone urbaine sensible Taux d’élèves en retard

III) 2) b) (suite): Les établissements prioritaires ZEP et non ZEP: Des écarts de performance qui n’ont pas diminué…mais une situation sociale qui s’est dégradée Des écarts – importants à caractéristiques sociales égales Mais des élèves qui réussissent moins bien qu’ils ne le feraient ailleurs

III) 2) b) (suite): Les établissements prioritaires En ZEP, 2 x + d’élèves ne maîtrisent pas les compétences de base (CE2) Des effets plus positifs sur le rapport à l’école et la socialisation Une politique des ZEP en question: aider les établissements ou les élèves, mettre en place des programmes pour petite enfance

III) 2) b) (suite):l’ethnicisation des établissements (Felouzis) Un processus de ségrégation ethnique plus marqué que celui de ségrégation sociale Enquête acad. Bordeaux: 10% des collèges scolarisent 40% des élèves originaires du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie (moy. 4,7%)

III) 2) b) (suite):l’ethnicisation des établissements (Felouzis) Pour arriver à une répartition égalitaire: 90% des élèves cités préc. devraient changer d’établissement pour 60% des autres élèves d’origine ét., 30% des élèves des mil. défavorisés et 28% él. retard de 2 ans L’effet de la ségrégation ethnique sur les résultats Conclusion: autonomie des établissements et service public d’éducation

III) 2) c) Les effets classe Effets plus importants que l’ét. (10 à 20% des acquis) Renvoie à 2 processus: modes de constitution des classes et effet enseignant Des élèves qui progressent plus dans des classes hétérogènes ou fortes

III) 2) c) Les effets classe Une ségrégation sur la base de différences scolaires, sociales, sexuées et ethniques Enquête de Payet « collèges de banlieue » (95): 60% des aut. dans 2 classes, 90% orig. Mag. dans 3 autres Les groupes de niveau en question

III) 3) Les pratiques pédagogiques a) La sélection des savoirs scolaires Le curriculum formel: le débat sur les savoirs légitimes Le curriculum caché: un rôle de sélection non négligeable Le curriculum réel: une différenciation sociale des contenus (Anyon, 97)

III) 3) (suite): L’exemple de l’EPS (Poggi-Combaz, 2002) Collèges favorisés Acquisition d’une culture corporelle diversifiée Objectifs d’apprentissage et d’épanouissement Collèges défavorisés Education physique à dominante sportive Objectif de socialisation

III) 3) a) Conclusion Le débat sur le socle commun de connaissances L’idée de curricula différenciés culturellement et socialement: le danger du repli communautaire Entre prise en compte des caractéristiques des élèves…et maintien d’un socle commun de connaissances (Forquin, 90)

III) 3) b) Styles pédagogiques et réussite scolaire Les caractéristiques des interactions pédagogiques (Geer, 97) Les pratiques pédagogiques favorables à la réussite: l’effet maître (Mingat, 84), les enquêtes américaines Pratiques pédagogiques et caractéristiques sociales des élèves: les pédagogies dites nouvelles en question

III) 3) b) Styles pédagogiques et réussite scolaire (suite): Types de pédagogie du français et différenciation sociale des résultats (Isambert-Jamati, 90) 4 styles pédagogiques: moderniste, libertaire, classique et critique Les élèves des milieux favorisés réussissent mieux avec un enseignant libertaire, ceux des milieux populaires avec une enseignant critique

III) 3) b) Les pratiques pédagogiques en ZEP en question (Rochex, 2011) Le problème du stigmate Une priorité donnée aux actions d’ouverture et d’animation au détriment des activités cognitives Des actions centrées sur la socialisation, indépendamment du travail sur les apprentissages

III) 3) c) L’importance centrale des attentes des enseignants La déviance comme processus et la théorie de l’étiquetage (Becker, 85) Déviants « primaires » et « déviants secondaires » (Lemert, 74) L’expérience de Rosenthal et Jacobson (75) Attentes des enseignants et interactions en classe: les travaux de Rist (97) La question de l’efficacité des enseignants (Felouzis, 97)

III) 3) c) Les attentes des enseignants (suite) Les enseignants efficaces Attentes + Vision réaliste du niveau des élèves Pensent élèves capables de progrès Les enseignants moins efficaces Attentes – Vision pessimiste du niveau des élèves Doutent des capacités de progresser

III) 3) c) Les attentes des enseignants (suite) Les enseignants efficaces Pratiques péda valorisent élèves Exigences affirmées Personnalisation de la relation péda Vision + évolution école Les enseignants moins efficaces Pratiques péda peu intensives Simplification Difficulté à créer des relations péda Vision – évolution école

III) 3) d) Les effets de l’évaluation (Perrenoud, 84) Evaluation et hiérarchisation des élèves Un rôle important dans l’intériorisation de la valeur scolaire des élèves Les élèves évalués sévèrement progressent moins que ceux évalués avec indulgence

Conclusion Des modes de socialisation familiale socialement différenciés …qui se combinent aux effets propres à l’organisation du système scolaire (les effets de contexte) …et à ceux relatifs au choix des contenus d’enseignement, des pratiques pédagogiques et des modes d’interaction avec les élèves