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LA GOUVERNANCE ET SES TRANSFORMATIONS l’hégémonie moderne et postmoderne Guy Lanoue, Université de Montréal, 2012.

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1 LA GOUVERNANCE ET SES TRANSFORMATIONS l’hégémonie moderne et postmoderne
Guy Lanoue, Université de Montréal, 2012

2 La gouvernance de la modernité: Le rapport du corps au Soi social et à l’image de la communauté
Gouvernance: la culture et les technologies du pouvoir; elle définit les attentes sociales, la performance des acteurs, et surtout elle légitime la gestion du pouvoir par des groupes et des catégories utilisant des processus qui, parfois, ne sont pas toujours explicites (p.e., quand le pouvoir se partage selon la culture du genre, qui à son tour définit le pouvoir des hommes et des femmes de façon pour établir des attentes différentes). Un théoricien (Pierre Bourdieu) a été parmi les premiers à enquêter sur la culture de la gouvernance, dans les années s Le Romantisme allemand a influencé la pensée occidentale de 2 façons limitatives: 1) l’idée qu’il existe une réalité derrière la manifestation visible et existentielle (une forme laïque et contemporaine de la matrice platonique-catholique); b) l’idée que chaque société a un noyau de valeurs importantes partagées, qui se manifeste dans et par la langue, et donc qu’il existe une partie de «la culture» à l’intérieur de chacun de nous. Ceci devient la base de la gouvernance typique du régime moderne, qui cherche à manipuler «l’invisible» (c-à-d., la culture) pour reproduire les instances du pouvoir dans la psyché des chacun de ses citoyens. Ces dimensions sont «invisibles» parce qu’elles sont complètement naturalisées et incarnées. Art-Pochoir («stencil art») photographié en Europe de l’est, 2007; possiblement, l’image est de Général Giap, chef des forces nord-vietnamiennes lors du conflit avec les États-Unis.

3 La gouvernance ‘traditionnelle’ et la modernité: le rapport avec le corps et le Soi social
La modernité est dominée par un système de classe qui produit et reproduit des différences de pouvoir. Cette tension n’émerge pas toujours sous forme de lutte politique. Il se situe plutôt dans la culture, naturalisant les rapports de dominance et d'impuissance en créant des liens entre l'image de la communauté (qui repose sur des différences de classe) et les traits du vécu individuel. Le conflit social se situe autour du corps, ses fonctions et ses émotions «physiologiques» (amour, haine, etc.). Les traits du corps et de son rapport au social (les règles d’alimentation, l’habillement, et même les façons de marcher) deviennent des métaphores pour les tensions propres à la communauté. Mais il y a un autre aspect: les représentations et les idéologies propres à la communauté souvent déplacent et projettent ces tensions sur le corps. Donc, même des individus «apolitiques» sont visés et incorporés dans la culture de la communauté. L’intime reproduit les conditions du pouvoir, car les «solutions» et les compromis censés être typiques de l’intimité deviennent des vecteurs qui agissent sur l’équilibre social. Voir M. Pandolfi, "Memory within the Body: Women's Narratives and Identity in a Southern Italian Village", dans Bibeau, G. et B. Pfleiderer (eds.), Anthropologies of Medicine: A Colloquium on West European and North American Perspectives, Wiesbaden, N’oublions pas, cependant, que le pouvoir n’inflige pas ses traces uniquement sur les corps de femmes et de personnes subalternes. Le pouvoir agit sur les corps de façon subtile. P.e., «l’obligation» de s’habiller formellement en certaines occasions (ici, une famille qui va à la messe de dimanche) est une manifestation que le corps est un champ de bataille: à qui appartient-il, au Moi ou à «la» société? L’habillement formel est signe de conformisme, mais représente également une tentative de s’isoler des lignes de force qui parsèment la dimension publique. Non seulement s’agit-il d’uniforme, c’est un appel sémiotique au statut élite.

4 La gouvernance ‘traditionnelle’ et la modernité: le rapport avec le corps et le Soi social: l’habitus Chaque classe possède un habitus (mot utilise par Bourdieu, mais qui émerge dans la société romaine classique; ils l’utilisaient pour se référer à un ensemble de manières d'être; une allure générale; une tenue; une disposition d'esprit). Bref, c'est la culture informelle de l'intimité du Soi social, comment on manipule la production du Soi par l'habillement, la tenue du corps (par le sport et la diète), avec le maquillage, avec les bibelots et l'aménagement de la maison, avec l'affichage de ses gouts artistiques, musicaux, et alimentaires. Un peut parler vulgairement de «style de vie», mais on veut dans ce contexte souligner la dynamique parfois inconsciente, où l'individu se présente dans un contexte social et surtout dans un contexte où il tente de définir et de légitimer son bagage culturel. L’habitus est essentiellement la culture de la socialité, et donc il n'y a pas un seul habitus qui correspond parfaitement à une culture de classe, car il est basé sur le rapport que l'individu établit entre son vécu intime et la communauté. Chaque personne cherche à maximiser son pouvoir individuel, utilisant des éléments légitimés par la communauté, pour que ses choix soient stratégiquement efficaces. L’habitus est une matrice pour l'action qui se construit individuellement, mais qui est orientée au statut social de l'individu. Le futur vu du passé: La couverture de la première édition du roman 1984, publié en Une vision de la corporalité du futur?

5 La ‘vieille’ gouvernance et la modernité: la manipulation de l’espace public = manipulation du temps individuel = manipulation du corps et de la corporalité Le contrôle social s’établit par la manipulation du corps; p.e., le déplacement obligatoire: on établit un système d’utilisation de l’espace qui oblige les personnes à adopter un rythme d’inertie frustrante ou de mouvement frénétique selon des horaires arbitraires. C’est la corporalité de l’individu qui se transforme en vecteur du pouvoir étatique. Arrêt d’autobus, Europe de l’Est, 2007

6 Les techniques de gouvernance varient: en Europe, avec ses villes plus vieilles et donc plus hétérogènes sur le plan démographique, le déplacement obligatoire est moins efficace. On utilise donc la bureaucratie inefficace, qui oblige les personnes a) de se déplacer pour obtenir des services à des points névralgiques, mais toujours mal situés, b) de faire la queue, soit pour les services (Europe occidentale) ou les biens et aliments (Europe orientale sous le socialisme). À gauche, une queue pour payer la facture de gaz, Europe orientale, 2007

7 La gouvernance «traditionnelle» et la reproduction sociale
La conscience collective (ou «sociale») influence et, jusqu'à un certain point, définit la façon dont l’individu se voit (l’individualité) vis-à-vis de la communauté de référence. À gauche, une image du corps social selon Thomas Hobbes (Leviathan, 1651), qui est un symbole du contrat social; le Léviathan est un monstre biblique dont le pouvoir représente le pouvoir absolu de l’État. À droite, la Vénus de Willendorf, statue paléolithique de l’Autriche, dont les formes arrondies cachent les transformations corporelles dramatiques du corps féminin, transfigurant ainsi le corps féminin en symbole de permanence et de continuité, et donc en symbole de la survie de la communauté. Normalement, le corps social est masculin (comme le Léviathan) et non féminin. Le corps social représente la communauté et sa survie, mais incorpore des messages tacites du pouvoir patriarcal et masculin. Il devient donc un parcours par lequel le pouvoir centralisé s’infiltre dans le quotidien des personnes.

8 La nouvelle gouvernance et la sous- et la survalorisation du corps
La gouvernance traditionnelle a transformé le corps en marchandise et en sujet involontairement complice des technologies silencieuses du pouvoir (l’hégémonie), et donc a favorisé l’aliénation du Soi (c.-à-d., un écart entre le Soi et Moi), qui devient la condition «normale» du Moi en conflit avec la communauté. En contraste, la gouvernance contemporaine impose un autre habitus. Le monde aujourd’hui est dominé par des déplacements rapides du capital, de marchandises, d’idées et de personnes (Appadurai), et donc, la pensée néolibérale, la «graisse» idéologique pour la machinerie fiscale de la mondialisation, tente d’imposer une autre vision du contrat social: surtout, affaiblir le rapport à l’Autre et à la communauté de référence. Le résultat est un Soi à la dérive, divorcé des autres et de la tradition, laissant le Moi «primordial» apparemment intouché par le social et donc immaculé, sensibilisé à des pulsions extrêmes du «haut» et du «bas», soit idéologique, soit biologique. Pour le Moi se battant pour définir le Soi, il n'est pas surprenant que la corporalité assume une importance capitale, car elle met en scène le simulacre du Moi puissant, en devenir, capable d’émerger en le Soi. La survalorisation de la corporalité crée un lien métaphorique avec les dynamiques censées être «naturelles», car «libérées» de l’Ancien Régime. Par exemple, la survalorisation de la corporalité proclame que les personnes sont en fait les maitres et non les victimes de la mondialisation: elles affirment que le marché «naturel» n’est qu’une autre manifestation du corps «naturel». Une autre manifestation de la hypercorporalité: faire disparaitre le corps. À droite, des tatouages. Art traditionnel popularisé par la classe moyenne dans les années 1980s, on prétend que c’est une affirmation du Soi, mais il crée aussi un simulacre du Soi, et l’imperméabilise. La communauté ne peut plus laisser ses traces sur le Soi. L’aspect personnalisé des tatouages renforce cette étanchéité.

9 La nouvelle gouvernance, le micro-vécu et la nouvelle moralité
Dans le régime mondial postmoderne dont les traits se concrétisent depuis deux décennies, les techniques derrière l’hégémonie traditionnelle semblent avoir perdu leur pouvoir: les centres du pouvoir se déplacent, et donc les lignes de force qui tiennent ensemble les communautés sont forcément retracées. Un social beaucoup moins homogène, un Soi plus individualiste, l’incertitude liée à la porosité des frontières, et un mépris rependu de la «tradition» ont dévalorisé l’ancienne technologie derrière l’hégémonie. En dépit de ces changements, les États-nations perdurent, et donc nous devons modifier nos théories de l’hégémonie en conséquence. Si l’hégémonie fonctionnait en grande partie grâce à la manipulation des horaires, la nouvelle semble cibler plus la condition psychique de l’être social, en même temps que les personnes semblent avoir réagi à l’incertitude politico-économique du système mondial en cherchant de projeter l’agir sur la dimension morale.

10 L a nouvelle hégémonie Les travailleurs non seulement vivent dans l’incertitude économique créée par la «mondialisation» de leur petite entreprise (c-à-d, les gérants font de calculs selon les paramètres du marché mondial), dont le déplacement populaire vers l’absolutisme moral agit de contrepoids. Les personnes deviennent également plus désireuses de renforcer un social devenu soudainement plus complexe, dont les paramètres temporels changent sans cesse. Elles s’engagent dans un effort d’être «branchées» aux autres. Tels efforts, cependant, risquent de déclencher un spiral négatif. Par exemple, quel effet a l’utilisation incessante de téléphones cellulaires sur la perception du monde social? Le fait que les personnes qui nous entourent dans de lieux publics peuvent à n’importe quel moment s’engager dans une conversation unilatérale et intime avec un Autre invisible peut-il saboter la frontière traditionnelle séparant privé et public? Qu’arrive-t-il quand on peut conter qu’une proportion de la foule qui nous entoure physiquement n’est aucunement présente? Les vieilles règles de comment constituer et créer le social sont-elles suspendues? Qu’arrive-t-il au Soi dans un social continuellement affaibli par l’Autre transformé en voix incorporel?

11 La survalorisation de la moralité
La corporalité excessive n’est qu’une des deux dimensions de la nouvelle gouvernance. La moralité devient un véhicule qui anime le discours public, en Occident et ailleurs. Des intégrismes existent en chaque pays, surtout en Occident avant l’émergence du régime postmoderne, mais n’est-ce pas intriguant que les intégrismes du Tiers Monde et l’ultranationalisme occidental commencent à dominer les manchettes dans les années 1980s, au moment que les grands pouvoirs occidentaux signent les accords favorisants le libre-échange et surtout parmi les personnes se sentant désemparées par la mondialisation? Que partage-t-ils les Skinheads et les voilées? Les premiers effacer les traces du corps socialisé (coiffure; vêtements) pour la force primordiale mais aussi pour souligner qu’ils sont réceptifs à l’idéologie dans leurs vies, et les 2e couvre le corps pour les mêmes raisons. Ultranationalistes russes, 2009 Jerry Falwell Manifestation à Londres, 2009 /files/2009/02/russian-skinheads.jpg ess.com/2008/01/jerry_falwell05154.jpg /uploads/2008/08/islamic-fundamentalism.jpg

12 http://image. shutterstock
,11/stock-photo-pensacola-florida-september-concerne d-citizens-hold-signs-to-protest-healthcare-reform-while jpg Les mouvements religieux politisés sont populaires aux États-Unis (et ailleurs) parce qu’ils font exactement ce que propose les États, mais à l’inverse. L’État politise le corps individuel pour créer un pont métaphorique (le corps social) entre l’individu et l’image de la communauté. En contraste, les mouvements fondamentalistes politisent la communauté en projetant une moralité individuelle sur elle. Autrement dit, les personnes qui se sentent marginalisées par la pression fiscale et 10/stock-photo-pensacola-florida-september-concerned-citizens-hold-signs-to-protest-health care-reformwhile jpg économique se consolent en prétendant que leur moralité polarisée et simpliste (contre l’avortement, contre le mariage gai, etc.) définit la communauté. Autrement dit, ils dénoncent continuellement les autres pour créer l’illusion que le système moral de leur petit univers privé est également l’armature morale de la communauté entière. Bref, l’État projette ses politiques sur les corps, et les citoyens projettent leurs valeurs (qui définissent un système moral) sur la communauté, créant ainsi l’illusion que ce sont eux, les désaffectés, qui gèrent le rapport complexe et fugace liant l’individu à l’État. Repenser la dimension sociale de cette façon est l’équivalent fonctionnel de l’ironie de la culture pop, mais sans obliger la personne de maitriser deux systèmes de signification (le texte et sous-texte qui établit l’ironie).

13 No Logo: la survalorisation de la moralité
lossary/people/k/pics/klein.gif Naomi Klein, No Logo. La tyrannie des marques, Leméac / Actes Sud, 2001 (No logo : Taking aim at the brand bullies, Picador USA, New York, 2000). Ce livre est devenu la bible des militants et de personnes ordinaires troublées par le consumérisme sans frein qui a accompagné la mise-en-place de la mondialisation contemporaine basée sur le libre-échange justifié par de doctrines néolibérales. Klein se concentre sur la malfaisance de quelques grandes entreprises et de dimensions nocives de la culture corporatiste: Nike, The Gap, McDonald’s, Starbucks, Wal-Mart (brand: Walmart), Microsoft. Le vrai problème, cependant, est la transformation de l’État occidental depuis les années Dès l’époque de l’interventionnisme keynésien (mise en place dans les années 1930 pour combattre la Grande Dépression), l’État avait fusionné le rôle de shérif-garant de la paix sociale avec celui de gérant-agent des grandes entreprises. Après que les accords sur le libre-échange furent concrétisés, l’État est devenu incapable d’assumer son premier rôle, celui de garant de la justice sociale. Dans un monde néolibéral où les personnes sont déracinées du passé (parfois volontairement, suite à leur désir de «libération» et d’autonomie individuelle, comme cela s’est manifesté dans les années 1960) et de leurs communautés de référence, les États ont choisi de s’orienter vers la gestion de la moralité individuelle – les droits de l’homme, des gais, des femmes, des ethnies, etc., créant ainsi l’illusion qu’on peut définir de nouvelles communautés fondées sur la projection de la moralité individuelle sur le social. Cette réponse semble satisfaisante surtout pour les membres de la classe moyenne en quête de communauté.

14 Bref, les États « corporalisent » la gouvernance, et les personnes réagissent en « moralisant » l’État. Parfois, ce processus a fonctionné à l’inverse: grâce à la présence incontournable du Vatican en Italie et la sensibilité individuelle envers les discours moralisateurs, l’État a mis l’emphase sur la moralité et ses rhétoriques: devoir, sacrifice pour autrui, abnégation individuelle, etc. Par contre, les personnes ont rapidement répondu avec la « corporalisation » de la socialité et du social: stéréotypes de la valorisation des gestes vulgaires, de la langue « du peuple » (registre, ton, vocabulaire), de « la grande bouffe », une sexualité rehaussée, pour ne pas mentionner l’emphase sur les commérages qui se développe autour de la vie intime (on ne peut dire « privée ») des politiciens. Alberto Sordi (Nando), Un americano a Roma, 1954

15 Le Soi extrême Si les États « corporalisent » la gouvernance, les personnes répondent en tentant de maitriser ce champ sémiotique et discursif. Dans la culture populaire il y a une tendance à exagérer le corps et à l’agression dans les interactions: les personnes crient, parlent fort, et utilisent un langage corporel qui les place « in your face » . Les deux tendances – la moralité excessive dans le public et le corps exagéré dans le domaine du Soi intime, sont l’expression de la même dynamique, semblable à celle explorée par Claude Lévi-Strauss quand il décrivait comment meurent les mythes: à fur et à mesure qu’un mythe s’éloigne de son berceau d’origine, où ses signifiés sont véhiculés par la culture et la langue locale et donc connus par tout le monde, les signifiés ne trouvent de moins en moins de points de référence (signifiants), au point que le mythe n’a plus de sens; à ce point, il tente de renforcer son message en « aiguisant » l’opposition centrale qui est au cœur du message (parfois, dit Lévi-Strauss, il va invertir le sens de ses composants majeurs dans une tentative désespérée de rendre évident le message). Dans le monde contemporain parsemé de Soi de plus en plus déracinés de leurs origines, de leurs traditions, de l’attachement à leurs terres, dans un contexte où les appareils nationaux ne réussissent à maintenir l’équilibre de triangle entreprises-ouvriers-gouvernement, plus les personnes devenues responsables de leur propre bien-être tentent de renforcer un aspect qui leur appartienne, le corps, censé devenir « fort » et étanche contre les agressions du social devenu champ miné. bodybuilders/extreme_bodybuilder_04.jpg alHI/AAAAAAAADRw/6E62epFCvzI/s400/Body+building..jpg

16 La nouvelle gouvernance et la polarisation haut-bas
La phase la plus récente utilise le recyclage: la consommation comme telle ne dépend plus de la disponibilité de nouveaux produits; s’entourer de biens n’est plus un guide fiable du statut ou du capital culturel d’une personne comme il l’était en il y vingt ans. Dans un monde polycentrique et polysémique, le recyclage confère un pouvoir au consommateur, car il peut rebaptiser les produits, les individualiser, à différence du consommateur simple, qui ne fait qu'acheter le produit et sa signification. Le biopouvoir devient ‘technopouvoir’ (où les personnes définissent leur pouvoir individuel dans la consommation de technologies individuelles – I-Pod, ordis, etc.), ou, plus précisément, il devient le ‘sémiopouvoir’. Ce n’est plus à travers le corps que s’exerce la gouvernance nouvelle. Si les personnes ont déplacé le site du pouvoir de l’objet à sa signification, la gouvernance en fait autant. La nouvelle gouvernance s’établit autour de la culture populaire. Le commentaire négatif est complètement autoréférentiel; ironiser le lien entre signifiant et signifié (le sac aurait pu être composé de plastique) est une forme de décontextualiser l’objet, et donc d’imposer une forme de distanciation qui permet de retravailler la signification.

17 La culture «pop» … est composée d’éléments «simplifiés». La simplification permet la marchandisation («commodification») rapide: offrir ces éléments sur le marché et donc de favoriser sa diffusion rapide. La popularité de la culture pop dérive en partie de la simplicité de ses composants, qui la rend donc facile à maitriser, définissant ainsi un champ rhétorique facilement partageable dans un monde davantage individualisé par le néolibéralisme et la mondialisation. La simplicité des composants est une forme de ritualisation, qui est donc facilement «ironisable», dédoublent donc le pourvoir d’agir du Moi. Parce que la culture pop semble superficielle, elle est parfois vue comme un espace ritualisé. Cependant, la dynamique à la base de cette culture fonctionne de façon différente: l’espace rituel ajoute des significations aux composants de cet espace, mais réduit leur nombre; en contraste, la culture pop enlève de couches de signification pour les simplifier et augmente leur nombre pour faciliter l’émergence de nouvelles combinaisons. La simplification sémiotique permet aux éléments d’être recombinés et donc d’être autoréférentiels. Ce dédoublement sémiotique, un jeu de cachecache où le signifiant se réfère simultanément à un signifié dans le champ rhétorique et à un dans le vécu, transforme la langue de cette culture en métonymie.

18 La culture de l’ironie La métonymisation favorise l'ironie, qui devient le ton dominant de tous les échanges, plus ou moins depuis les années 1970s. L’ironie dépend du fait que la frontière entre le vécu et la rhétorique est brouillée: est-ce que la personne parle de X ou d’Y, du texte sémantique ou du fond sémiotique, d’une expérience vécue ou s’agit-il d’une référence à la culture? Autrement dit, la culture pop prend des éléments d’un domaine pour parler d’un autre. On aboutit à savoir quelle dimension du discours est le «vrai» signifié, mais ce processus établit l'ironie comme registre dominant, qui devient un style figé et ritualisé qui, lui aussi, encadre chaque échange. Cette ironie est un participant actif dans la construction du Soi postmoderne, autrement affaibli par le déracinement du Moi typique des paramètres sociaux et idéologiques néolibéraux du nouveau système mondial. L’ironie signifie qu’une personne maitrise deux ensembles de signifiés, l'un émergeant de la culture elle-même («autoréférentiel») et l'autre du vécu, renforçant ainsi l'impression que le Soi est au centre de la créativité En conclusion, la culture pop n’est pas une instance vulgaire, dévalorisée et simplifiée de la haute culture, mais un nouvel espace très énergétique: c’est la source de toute transformation sociale et surtout individuelle (l’ironie), et le véhicule pour la création du système mondial, car elle favorise les échanges, non seulement grâce à sa diffusion mondiale, mais grâce à la simplicité formelle de ses composants.

19 La nouvelle gouvernance et l’image
Dans un monde où la corporalité est devenue un langage piégé et inefficace, l’ironie semble mettre l’emphase sur le pouvoir (sémiotique) de l’individu, aux dépens des sous-textes d’élitisme qui parsèment la culture nationale. L’exhortation tacite du message de Nike, que l’individu augmente son biopouvoir en s’engageant en de sports extrêmes est ici interprétée dans ces termes les plus bas.

20 Les autoréférences et l’ironie
Adopter la forme d’un discours «intellectuel» pour ironiser Wikipedia qui parfois n’est pas trop intello, en y mettant un contenu banal est une ironie exquise. Ici, le site Encyclopedia Dramatica cible la vie virtuelle des adeptes de l’internet (mais y participe pleinement!). L’exagération et la stupidité deviennent l’ironie, car soulignant le banal nous fait douter le contenu du message. Souligner un message est sous-entendre que le message avait besoin de renforcement, comme si le lien signifiant-signifié n’est pas clair. Les liens naturellement moins forts* sont des métonymies. Autrement dit, banaliser, c’est faire le passage d’une métaphore à une métonymie, qui est le véhicule idéal pour ironiser. *N’oubliez pas que la distance séparant signifiant et signifié est plus grande pour la métonymie, nécessitant de l’information supplémentaire pour préciser le lien. Voir Éléments d’ethnologie.

21 L’ironie peut également être vue comme l’échec de la métaphore, quand il est évident qu’il s’agit d’un acte voulu de sabotage. Soit expliciter, soit nier le lien entre l’objet et sa représentation est en fait une négation de la possibilité d’établir la distance juste de la métaphore. (Objet et sa représentation trop rapprochés = un synonyme; objet et représentation trop distants = deux catégories autonomes).

22 La nouvelle gouvernance et la créativité contemporaine/1
Des albums CD contemporains?

23 La nouvelle gouvernance et la créativité contemporaine/2
Les derniers gagnants du Prix Goncourt? Du Booker Prize? Du Prix Nobel en littérature? C’est plausible; le comité Nobel semble facilement séduit par des auteurs postcoloniaux et recherchés.

24 La nouvelle gouvernance et la créativité contemporaine/3
Ce ne sont ni des livres, ni des CDs. Voici comment on crée le «non-sens sensé», selon un blogueur anonyme du site 4chan, domaine /b/ (random) ( qui a lancé cette initiative (site consulté le ). Les résultats, d’apparence cohérente, mais en fait totalement arbitraire, soulignent la qualité hermétique et autoréférentielle de la culture populaire contemporaine, mais surtout soulignent les difficultés que le Soi social doit affronter: comment définir la communauté de référence du Soi?

25 La créativité non mécanisée n’est pas nécessairement mieux
La créativité non mécanisée n’est pas nécessairement mieux. Ici, une publicité pour une formation collégiale qui cible l’«artiste visionnaire» (notez le singulier et le tutoiement) ne trouve pas mieux qu’offrir une image inspirée et recyclée de l’acteur américain Sam Eliott, renommé pour ses rôles de cowboy (ci-bas, la scène de la salle de quilles du film culte, The Big Lebowski, 1998), assis sur un Segway. iX8I/AAAAAAAABF8/6X203I35jUQ/s400/SamElliottLebowski.jpg

26 Le postmoderne et le régime visuel: l’ironie visuelle La pixellisation des visages les a transformés de façon permanente; certains interprètent la diffusion des images pixellisées comme un effet inné de la condition postmoderne! (C’est un commentaire ironique!). Sérieusement, annuler les détails est une forme de remettre le spectateur dans la position de recréer l’image par la projection gestalt; c’est l’équivalent contemporain de la perspective linéaire de la Renaissance, où les composants de l’image étaient orientés du point de vue du spectateur. C’est la distanciation ironique du visuel. Pour une analyse plus sérieuse du visuel, voir: Martin Jay, «Scopic Regimes of Modernity», Hal Foster (éd.), Vision and Visuality, 1988

27 La postmodernité et l’image Se distancer du sujet avec l’utilisation de la pixellisation; c’est l’équivalent visuel de l’ironie verbale; on peut quasiment «lire» à travers la pixellisation pour discerner l’image du départ; ce qui manque pour l’interprétation est projeté sur l’image par le spectateur; comme l’ironie et la perspective linéaire, la pixellisation transforme le spectateur en «héros», maitre absolu de son petit univers

28 Le postmoderne et l’image: « Safe sex is pixelated »
Est-ce significatif que la pixellisation émerge pour cacher les représentations de la sexualité, la dimension primordiale de la corporalité et pour la définition du Moi? Représenter et cacher simultanément en brouillant la frontière entre public et l’intime est une autre forme de l’ironie: est-ce que ce qu’on voit est vrai ou un simulacre? Mais c’est aussi une forme de souligner le pouvoir du corps, devenu tellement puissant qu’il doit être voilé. Derrière la pixellisation, c’est le «vrai» corps tellement puissant qu’il peut blesser. De plus, «éliminer» le corps est le premier pas pour établir le domaine moral individuel comme l’arme préférée du Soi en lutte avec l’identité culturelle. (séquence du film American Pie)

29 Porté à des limites extrêmes probablement par décret des avocats par peur de ne pas respecter les lois de la privacy, les yeux des enfants de la chanteuse Mariah Carey ont été pixellisés. Par qui? Par les parents trop protecteurs ou par le journal (La Repubblica, ) qui a publié la photo? Probablement le dernier, car le couple (Nick Cannon, l’époux) relâche régulièrement des photos de Moroccan et Monroe sur les réseaux. La pixellisation n’est quasiment jamais utilisée par les blogueurs dans les réseaux; c’est un acte de gouvernance visuelle qui tente de contrôler l’image, mais qui finit par souligner l’interprétation individuelle et donc le sémiopouvoir.

30 Le postmoderne et l’image: «On the other hand, sometimes there’s not enough pixelation when you really need it.»

31 La postmodernité et les nouvelles définitions de la beauté
Les définitions de la beauté ont évolué (ou «dévolué»), suivant une logique de subversion du «haut» par les éléments du «bas». La beauté classique a cédé sa place au sexe, au sexy, et à la sexualisation, des dimensions plus «naturelles», «basses», et corporelles, et donc plus adaptées à l’affirmation du Moi quand l’agir est affaibli ou limité par les dynamiques delocalisantes de la mondialisation. La beauté contemporaine semble en fait saboter la vision classique du corps féminin. (pourquoi ces groupes de 4? Quatre est le plus petit nombre composé, c.-à-d., le plus petit nombre qui est divisible par plus d’un diviseur (autre qu’un et lui-même), et donc et le plus petit nombre pour représenter une société).

32 Trois dimensions à la culture pop: synthèse
1) une augmentation d'individualisme qui accompagne l'affaiblissement ou la disparition des communautés de référence; ce déracinement pousse les personnes à augmenter la quantité de symboles identitaires pour définir de nouveaux cadres symboliques, d’où dérive l'idée contemporaine que la culture est un supermarché où on peut choisir «ses» symboles significatifs. L’individualisme du processus de choix miroite la puissance affaiblie des symboles, qui deviennent donc des signes de l’identité psychique. Les symboles ont tendance à devenir autoréférentiels. 2) la densité élevée des éléments qui ornent cet espace symbolique assure que chaque symbole soit simplifié; la polysémie est limitée à l’ironie. 3) le rejet du passé fait implicitement partie du déracinement des individus. Ceux-ci créent un présent éternel non seulement parce qu'ils veulent nier l’importance du passé, mais parce qu'ils s'engagent dans une production frénétique et constante de nouveaux symboles, qui donne l'illusion que le monde, un nouveau monde, pour être précis, surgit continuellement suite à l’agir de l’individu. Ici, on voit l'émergence d'un cercle vicieux psychologique avec des conséquences importantes pour la culture populaire: plus les personnes se distancent du passé, plus elles s'engagent dans la production de symboles autoréférentiels qui diminuent leur capacité de métaphorisation en dépit de l’illusion que l’agir est rehaussé; la qualité autoréférentielle de ce monde symbolique intronise l'ironie (les personnes sautent d’un signifié à un autre), et les personnes se sentent habilitées et autorisées, car elles sont apparemment maitres de deux mondes symboliques, la référence évidente et la référence «cachée». blr_kww88bs43H1qavzrn.jpg Jocelyn Wildenstein, personnage mondain new-yorkais renommé pour ses interventions esthétiques ratées; en haut à gauche, «filtrée» par l’image iconique de Marilyn Monroe (1962) créée par l’artiste pop Andy Warhol (en bas); à droite, la transformation.

33 Un atelier de misère au Tiers Monde qui fabrique des souliers Nike
Maintenant on comprendre mieux pourquoi j’avais choisi cette image pour représenter ce dossier: le commentaire de l’artiste est ironique, car il est basé sur un stéréotype hollywoodien du rapport père/fils: «one day, son, all this will be yours». Dans le nouveau système mondial, la possession n’est plus importante (et devient même négatif, car elle suggère que la personne et ses biens ne sont pas mobiles, le nouveau sine qua non du pouvoir contemporain). L’ironie, une forme de communiquer qui dépend d’un écart entre la personne et son sujet, est ici soulignée et appuyée par le contenu, car «outsourced» signifie «externalisé», c.-à-d., la fabrication sera envoyée ailleurs, sans doute dans un pays où les entreprises peuvent payer de petits salaires aux travailleurs. Dans le nouveau régime mondial caractérisé par une circulation rapide et, semble-t-il, incessante, le pouvoir se multiplie et se renforce par la distance entre la personne et la communauté (elle est «libre» et «mobile»), entre la personne et les biens (elle les «rebaptise»), et entre la personne et la dimension temporelle (elle a un rapport chancelant avec le passé, et le futur est incertain). Ces écarts définissent une distance qui sépare le Soi de la communauté, métaphoriquement, géographiquement, ou, ce qui a très souvent de conséquences insaisissables, psychiquement. Ironiquement, l’agir est également renforcé uniquement par la distance – plus une personne se distance d’une communauté ou d’un rôle, plus est-elle capable de s’insérer en plusieurs domaines, et de devenir le protagoniste principal du nouveau théâtre mondial.

34 La culture pop, basée sur l’ironie, la simplification/ritualisation, et le recyclage/recombinaison, n’est pas l’unique vecteur de la gouvernance contemporaine. La culture pop comme lieu d’hégémonie et de résistance est surtout efficace pour la classe moyenne nord-américaine et de l’Europe de l’ouest (et même là, elle n’est pas dominante). D’autres catégories – prolétaire, paysan, sous prolétaire, diverses ethnies et immigrants affichant de valeurs de classe moyenne mais pas tout à fait acceptés dans le mainstream – ne disposent pas suffisamment de capital culturel pour en bénéficier (l‘ironie présuppose une maitrise de la culture traditionnelle de départ). Pour eux, l’ironie est à peine distinguable de l’agression, est une prise de position de dédain envers les autres (p.e., le mad face, signale visuel lancé par les Afro-américains vers la fin des années 1980; le geste « talk to the hand », devenu populaire dans les années 1990), ou tout simplement le trash talk (surtout si l’accent est « ghetto »). Le personnage Roger « Raji » Lowenthal (un Juif) du film Be Cool (2005) est l’exemple parfait du ghetto speak. Boondocks, une bande dessinée devenue populaire à la fin des années 1990s.

35 Ou, parfois, les membres de ces catégories utilisent de façon novatrice de symboles classiques (et donc avec un message assez évident) de pouvoir pour signaler leur position vis-à-vis de l’autorité hégémonique: des vêtements cowboy (bottes, chemises, chapeaux), symbole iconique de l’individualité à l’américaine; d’attributs motards (queue de cheval pour les hommes, favoris longs, vêtements de cuir); punk, néo-goth, skin, etc. Souvent, ils réussissent à alimenter leur sens d’individualité, mais au prix de s’aliéner, car la gouvernance traditionnelle et postmoderne se penche surtout sur certains symboles du quotidien. Ces personnes signalent donc une manifestation de la puissance, mais la mauvaise: ironiquement (peur eux), connaitre ses vins, ses cafés, ses lieux exotiques de tourisme, ses griffes de vêtements, sont des gestes imprégnés de pouvoir, car l’ensemble de ces pratiques définit un espace où œuvre l’État contemporain (qui contrôle le temps et donc la rationalité; qui contrôle les possibilités de consommation, transformant ce geste banal de moyen pour satisfaire ses besoins en acte où siège le pouvoir politique). Il ne faut pas nécessairement maitriser parfaitement ses symboles ni le consommer, mais l’aise avec laquelle on s’y réfère est signe de ne pas avoir peur de jouer le jeu. Comme disait Baudrillard (dans un autre contexte), le simulacre est aussi puissant que le symbole de base qu’il présente sous une autre forme.


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