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Guy Lanoue, Université de Montréal,

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Présentation au sujet: "Guy Lanoue, Université de Montréal,"— Transcription de la présentation:

1 Guy Lanoue, Université de Montréal, 2009-15
La sémiotique du visuel contemporain : branding, ironie, recyclage et distance httpwww.americaslibrary.govassetsshcowboysh_cowboy_branding_2_e.jpg

2 Une usine anglaise du 19e siècle, où travaillaient des enfants car leurs petits doigts étaient bien adaptés à nouer les fils brisés dans la production de textiles. À droite, une « maison de campagne » de la même époque. Le philosophe italien Antonio Gramsci dans les années 1930s s’interroge pourquoi les classes ouvrières des pays les plus industrialisés où les écarts de pouvoir et de statut sont les plus aigus (tel qu’en Grande Bretagne) ne se révoltent pas. Sa réponse: l’hégémonie, où les élites manipulent la culture du quotidien pour établir de ponts métaphoriques liant la haute culture « officielle » à la « petite culture » qui encadre le quotidien du peuple marginalisé. Les marginalisés sont souvent conservateurs parce que ce lien métaphorique crée l’espoir qu’ils peuvent faire « grimper » le pyramide.

3 La distance: métaphore non seulement spatiale mais aussi métonymie pour les frontières de l’État, qui sont aussi un signe de frontières sociales : donc, dans le régime classique, la distance visuelle est signe de classes sociales bien définies mais infranchissables et imperméables: tant que l’État contrôle ses frontières, il contrôle la dimension spatiale de la rationalité quotidienne (où et comment se déplacent les personnes), qui véhicule sa reproduction hégémonique de la structure sociale L’ironie dans le monde contemporain est devenue le ton dominant de plusieurs discours, pour 2 raisons: a) Le dédoublement de codes (sous texte qui devient texte) augmente le pouvoir d’agir du Soi dans une situation où l’individu est marginalisé ou a un accès limité au pouvoir institutionnel; b) La ‘dénormalisation’: dans une situation où le pouvoir est véhiculé par la normalisation (processus peu compris, mais qui s’approche à la somatisation; « incarnation » est une métaphore), il faut un mécanisme pour transformer l’individu de sujet passif (où le pouvoir institutionnalisé « agit » sur l’individu à son insu : l’hégémonie gramscienne) en sujet actif. Normalement, les personnes agissent uniquement en se référant à l’idéologie et ses valeurs métaphoriques (de projets et de poses politiques qui les situent vis-à-vis le pouvoir institutionnalisé), laissant intactes les véhicules hégémoniques qui transmettent le pouvoir par la manipulation culturelle: la standardisation (normalisation) foucaldienne. L’ironie permet aux personnes de se distancer du pouvoir implicite, car elle active le sous-texte, le dédoublement du message qui devient contradictoire: le sous-texte peut contredire le texte. L’ironie est « distance » sémiotique à la portée de tous. À gauche: deux messages sémantiquement opposés = ironie; ici, c’est certainement par inadvertance. Le texte qui accompagne l’image: “Are you a fan of irony? I don’t mean fake hipster irony like buying a “vintage” Cap’n Crunch t-shirt at Old Navy even though you weren’t allowed to and don’t eat sugar cereals now. I mean real, life-puts-it- in-front-of-you-and-begs-you-to-make-sense-of-it irony.” ( consulté )

4 La perspective centrale (ici, La Cène, Da Vinci, 1498; ce système géométrique a été inventé vers 1413 par Filippo Brunelleschi) met l’arrière-plan en rapport avec l’avant-plan par son harmonie géométrique : la distance loin - proche dans le domaine esthétique établit implicitement la primauté d’un dialogue spatial, qui devient une métaphore pour la « distance » sociale séparant le haut et le bas: les classes et la structure pyramidale typique des sociétés occidentales. Autrement dit, la modernité se fond avec un discours spatial, de distance: frontières étatiques pour définir la nation, et la perspective qui établit l’importance de la distance dans le visuel.

5 La publicité postmoderne: Quel est le sujet ‘vrai’
La publicité postmoderne: Quel est le sujet ‘vrai’? Passage du signifié au signifiant

6 Dépassement du cadre de l’image: saboter le cadre est à la base de cette forme d’ironie

7 Métonymie, littéralement!
Selon les conventions littéraires, le sens d’une métaphore dérive de la proximité de l’objet à sa représentation; ici, le client «brise» l’entente fictive des règles de composition. Les composants du message sont censés « rester » à l’intérieur de la dimension de l’imaginaire, qui est normalement signalé par la présence du cadre. Autrement dit, l’image sur la machine transforme totalement la signification d’insérer la main en la machine; le sens « flotte » entre deux cadres, deux mondes, l’un imaginaire et l’autre « vrai ». Ici, le sens de l’un vient de l’autre; pour interpréter l’un, il faut le sens de l’autre, qui n’est pas normalement lié au premier. C’est une métonymie, qui devient simultanément le moteur qui produit de nouveaux sens et le cadre interprétatif qui doit être forcément utilisé pour comprendre ce mélange.

8 http://www. repubblica

9 Une autre manipulation sémantique, qui joue sur le moderne et la tradition, l’interne et l’externe, l’apparence et la soi-disant réalité

10 Les cordes qui tiennent les deux joueurs les déplace de l’image au monde du « vrai »

11 Toujours un exemple de franchir le cadre qui normalement sépare l’imaginaire du « vrai ». Nous sommes dans un espace «antirituel» (il n’y a pas d’autre mot pour le décrire); dans un espace rituel, le nombre réduit de composants augment la charge sémiotique de chacun des éléments à l’intérieur de l’espace, permettant de les arranger selon un modèle qui existe uniquement dans l’imaginaire. Dans la culture populaire (ici), il y a un nombre énorme de composants, chacune avec une charge sémiotique réduite. Les significations émergent quand ces éléments sont mis ensemble de façon novatrice

12 Exploiter l’espace en dehors du cadre; mais notez qu’on ne contrôle pas la réalité en dehors du cadre; sauf en anticipant et en exploitant certaines réactions prévisibles du public ou, comme dans cette instance, créant une image pour exploiter le hasard (la fissure dans le trottoir). Ceci témoigne avec quelle vitesse la culture populaire peut répondre aux évènements. La lignification de « l’image brute » (comme l’art brut) souligne le rôle du public, car l’utilisation d’objets trouvés (la fissure) annule la créativité de la personne qui l’a composé.

13 Le monde «réel» alimente l’imaginaire
Avec le message sous-textuel: le monde de l’imaginaire est plus important que le monde phénoménal: le monde empirique devient le sous-texte.

14 C’est ironique, car dans le contexte interprétatif du monde contemporain qui insiste à brouiller le distinction texte et sous-texte, l’individu qui perd le contrôle de son espace est maitre absolu d’un autre petit univers: incapable de gérer l’espace public, il est maitre de l’espace du Soi.

15 Jeu d’images et de sens: le petit devient grand, le jeu d’enfant substitue la construction « méga » des adultes

16 Jeu visuel: toutes ces images jouent sur l’idée du contraste, ce qui souligne l’importance d’une deuxième dimension à la signification, le sous-texte: les choses ne sont pas ce qu’ils sont censés êtres.

17 Le cadre devient le message

18 Pénétrer l’espace de la réclame

19 http://www. repubblica

20 http://www. repubblica

21 Jeu de mots et d’images: la réalité imite la pub

22 Le message est dans l’espace en dehors du cadre publicitaire

23 La frontière du cadre littéralement éliminée; c’est l’individu qui doit le recomposer

24 Saboter le cadre

25 Jeu de métonymies et de sabotage du cadre

26 Le recyclé recyclé; l’image du chandail vient d’une photo d’Albert Einstein à l’occasion de son 71e anniversaire (1951).

27 Plus autoréférentiel que l’ironie, mais l’effet est semblable.

28 Un jeu d’images dont le sens dépend toujours sur l’action en dehors du cadre

29 http://www. repubblica

30 Les composants à l’intérieur du cadre dépendent des évènements en dehors du cadre. Dans tous les cas présentés ici, le spectateur est impliqué dans la construction de la signification; il n’y a pas de signification sans cette intervention.

31 L’espace «postmoderne»: Un paradoxe : les distances séparant l’objet et le signe semblent être plus grandes (passage de la métaphore à la métonymie), mais les distances globales semblent diminuer avec la mondialisation. L’aspect charmant de ses pubs dérive du fait qu’elles jouent sur des oppositions: texte et sous texte, intérieur et extérieur (structure et façade), sujet-marchandise et sujet-imaginaire. Ceci n’est certainement pas novateur, mais le fait que le sous-texte soit parsemé de références aux composants du texte ajoute une dimension d’ironie à ces messages. Les images sont autoréférentielles, ce qui est possible uniquement quand le texte (et le public) se détache de son sujet. Ces messages sont, dans ce sens, postmodernes. C’est un champ fermé, où certains composants d’une image se référent aux composants d’une autre image. Le rapport du spectateur à l’image n’est plus spatial mais sémantique. C’est un bris radical avec la perspective centrale qui transformait le spectateur en participant actif dans un discours qui était principalement géographique, l’agent actif qui lançait une « conversation » silencieuse entre le l’avant-plan et l’arrière-plan, le « grand » et le « petit », le proche et le loin. Dans un sens, l’ironie émerge quand la distance entre l’objet et sa représentation dépasse les capacités symboliques de la métaphore. Pour une aperçue approfondie de la question, voir Linda Hutcheon, Irony’s Edge, Routledge, 1994.

32 L’ironie s’établit dans la culture pop avec Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band, Les « uniformes » que portent les 4 Beatles sont une parodie du militarisme qui dominait certains aspects de la culture « traditionnelle » (le titre se réfère à un ensemble musical fictif, qui performe en uniforme aux rotondes des parcs publics dans l’époque d’Agatha Christie/Hercule Poirot). L’ironie est soulignée par le contraste de la musique traditionnelle (suggéré par le nom du groupe) et la musique psychédélique de l’album, et surtout par le mélange de diverses icônes de la culture pop et de la culture traditionnelle, qui sont recyclées: de Jung à Bob Dylan, de Dylan Thomas à Freud, de Lewis Carroll à Einstein. Les combinaisons insolites et surtout l’ambiguïté des paroles et des images de l’album suscitent des discussions à tous les niveaux: de «  il y a-t-il de messages secondaires cachés? » à « quel est le vrai message, qui est dans le sous-texte? ». L’industrie de l’analyse « intellectuelle » et académique de la culture pop s’institutionnalise: le referencing

33 Il ne faut pas oublier que, aux États-Unis, la parodie est protégée par les lois qui s’inspirent de leur constitution, surtout le Premier amendement censé protéger les opinions. Évidemment, les débats autour de cette question sont compliqués et perdurent depuis les premières tentatives de bannir des œuvres littéraires telles que « Ulysses » de James Joyce dans les années 1920s. Mais le cas de Jerry Falwell (le télévangéliste américain) vs. Hustler (la revue publiée par Larry Flynt; le procès est sujet du film de Milos Forman en 1996) sujet d’un procès à la Cour suprême américain en 1988 a établi que la parodie de figures publiques est permise. Donc, une référence explicite au niveau du texte ou un emprunt à l’œuvre d’un autre, même si cela se propose comme hommage à l’inspiration pour l’œuvre, est illégal, mais rire de quelqu’un, même l’humilier en faisant référence à un sous-texte, ne l’est pas. Dans le climat de « political correctness » qui accompagne les changements sociaux profonds des années 1960s, toute expression et chaque référence à l’autre sont susceptibles d’être jugées comme agression et finir en tribunal, exception faite de la parodie. Il faut donc admettre que l’émergence de l’ironie est en partie conditionnée par ce climat légaliste et étroit. À gauche, la parodie de Falwall apparue en Hustler en 1983, basée sur la publicité Campari de l’époque, qui visait à pénétrer le marché américain et donc invitait des vedettes à raconter leur « première fois », liant le Campari, une boisson italienne alors inconnue, et le dépucelage, sauf que Falwell, dans cette parodie, « admet » que sa « première fois » était avec sa propre mère dans une latrine. Pour le pasteur moralisateur (on pourrait dire borné), c’est trop. Il déclenche un procès, qu’il perd. La parodie est une forme d’« art » et donc elle est protégée.

34 Sushironie: l’aliment censé être le sujet principal de la catégorie ‘repas’ est doublement transformé en sous-texte: comme média pour un ‘message’, et avec de références à la culture populaire (ceci n’est pas une exposition artistique, mais de vrais mets offerts au Japon). bf1e1549-1b aa6e-dd

35 La différence entre le markéting, la publicité, le p. r
La différence entre le markéting, la publicité, le p.r. (relations publiques), et le branding (litt., marquer au fer rouge, c.-à-d., laissez une trace ineffaçable)

36 Quelques remarques de la littérature:
Les approches standard à la question du « branding » mettent l’accent sur le produit: «  … product-centered approaches seek to embed the phenomenon within the context of global product networks and commodity biographies, shifting the focus from persons (consumers, producers) to “worldly things,” worldly because they are both physically present here and now and yet “bear traces of their simultaneous existence elsewhere, over and beyond one’s immediate horizons” (Foster 2008, p. xvii), allowing the often incommensurable perspectives of diverse agents (brand producers and consumers) to be treated within a single framework » (Paul Manning, “The Semiotics of Brand”, Annu. Rev. Anthropol :33–49, p.41). La marque de commerce , “… does not function to identify the true origin of goods. It functions to obscure that origin, to cover it with a myth of origin” (B. Beebe, “The semiotic account of trademark doctrine and trademark culture”, pp.42-64, in Dinwoodie & Jamis, Trademark Law and Theory: A Handbook of Contemporary Research, . Cheltenham: Edward Elgar, 2008, p.52). « … Iwabuchi (2002, 2004) shows how some Japanese products (consumer technologies, comics and cartoons, and computer games) are marketed with a self-consciously cosmopolitan global strategy (mukokuseki “no nationality”), which specifically erases such distinctive cultural characteristics to produce “culturally odorless commodities” such as the Sony Walkman (K. Iwabuchi, Recentering Globalization: Popular Culture and Japanese Transnationalism, Durham: Duke Univ. Press, 2002, p.28). Bref, il y a plusieurs positions et théories qui convergent sur un fait: le brand détache ou au moins distance le produit de son appareil symbolique, ouvrant la porte à de significations secondaires qui peuvent même contredire ou au moins affaiblir la signification originale. Commençant dans les années 1960s, ceci semble être le résultat d’un « aplatissement » (homogénéisation) des particularités des champs symboliques dont l’interprétation émergeait d’une connaissance de la culture d’origine du produit: « la belle américaine » (le titre d’un film avec Louis de Funès, 1961) « fonctionne » comme symbole parce qu’elle signifie une voiture américaine dont la valeur symbolique pour les Européens qui l’achètent dans l’après-guerre est son association avec les États-Unis vainqueurs, surpuissants, et culturellement « dégagés », « libres » et « spontanés », mais la mondialisation du marché encourage les agences de publicité à trouver de symboles spatialement déracinés dont la polysémie fonctionne en plusieurs contextes.

37 Branding vs. marque de commerce classique
La publicité traditionnelle souligne une qualité du produit et tente de la mettre en valeur en le liant à un de ses traits « naturels ». Ici, le Coke (un liquide) désaltère. Cette qualité devient une synecdoque pour le produit. /10/The-Coke-Polar-Bear-coke-57341_1024_774.jpeg n:ANd9GcSEBfdwALfqpNnXWi0 YjXQWlRsUo46peCFWR9z9DPRry3 Rfp37sQx-mPsA .com/upload/maxi/canada-322.jpg Le branding n’utilise pas les qualités du produit pour établir l’image. Il prend des qualités du domaine public et les projette sur l’objet. Il n’y a pas de lien évident entre un ours polaire et le breuvage, mais après la campagne publicitaire de Coke, le timbre (centre) évoque la soif. Laquelle des deux approches est plus adaptée à un social postmoderne? Laquelle utilise la métonymie? La métaphore? (Hint: La métonymie implique un lien plus faible et donc plus distant entre signifiant et signifié et donc encourage la polysémie.

38 Le branding peut être tellement efficace qu’il établit de liens puissants qui sont utilisables pour l’ironie ou pour d’autres fins. product/wordplay-wildlife-theate r/ v8_225x225_Front.jpg 391/files/bi-polar_ jpg

39 Dans un système totémique classique, les symboles (totems) sont liés l’un à l’autre par une logique cohérente mais relativement arbitraire (les animaux-symboles ont de centaines de qualités potentielles d’où seulement une ou deux peuvent être sélectionnées pour s’assurer que le symbole individuel fasse partie d’un ensemble : le clan est unique mais fait partie d’un système). Autrement dit, c’est « la culture » qui détermine les limites du système et ses grands traits. On construit l’ensemble avec les composants que tout le monde comprend. On voit la même tendance avec les premières publicités, où Pepsi (p.e.) tente de se distinguer (mais pas trop) de son rivale: notez non seulement les jeunes beautés des ces réclames années 1950s, mais la qualité cursive du caractère utilisé, surtout le « C » souligné (censé, selon moi, évoquer que les deux sont à l’origine des préparations végétales: on évoque que le coca est une plante rampante). Avec le temps et le branding, il n’y a pas de raison que les deux se ressemblent: au contraire.

40 De la publicité au branding pour le Pepsi Cola: on reconnait (le fabricant l’espère) la marque de commerce sans mots

41 Notez que dans les années 1990s-2000s, le symbole de Coke ressemblait un peu le « wave » de Pepsi, sans toutefois abandonner le caractère cursif du nom du produit. Mais récemment la compagnie cède l’onde à Pepsi pour retourner à ses origines: la nostalgie. En réalité, c’est Pepsi qui s’est distancé avec son nouveau logo, tandis que Coke est allé vers les ours polaires et vers le branding individuel (en 2014, l’entreprise lance la pub avec des cannettes portant le nom des jeunes protagonistes de ses réclames; ce qui réoriente l’imaginaire du produit vers le consommateur). Les deux produits sont désormais « brandés », mais de façon unique. Avec le temps, ils cherchent à se distinguer en se distançant du champ symbolique de leurs origines.

42 La publicité «postmoderne»: ironiser le « message »
Les images de l’artiste Mel Ramos (en bas) représentent une 3e étape, l’ironie, dans l’évolution de la distance séparant l’image du spectateur. À différence de la publicité qui parle du produit (1re étape) ou qui établit des références à des éléments qui ne sont pas liés directement au produit («branding», 2e étape; ici, représenté par l’image à gauche qui cherche de projeter l’image du produit sur les jumelles), cette forme de représentation fait un clin d’œil au spectateur en faisant référence au médium lui-même; c.-à-d., lancer le message que l’image n’existerait pas sans le contexte publicitaire; autrement dit, c’est le contexte qui crée le texte. Le sous-texte est: «nous sommes dans une dimension de l’imaginaire». On utilise la publicité pour accéder à l’espace l’imaginaire très riche en métonymies. Publicité des années 1970 pour la gomme à mastiquer Doublemint Mel Ramos, Five Flavor Fannie, 2005 Mel Ramos, Doublemint twins, 2005 Le branding réussi, qui amène à l’image le fantasme masculin d’un rapport à trois avec de jumelles; à droite, The Candy With the Hole in the Middle, slogan de la marque LifeSavers. Les 2 images de Ramos jouent avec la marque et la transforme en brand avec les champs métonymiques attachés au sexe.

43 Le branding, selon certains observateurs, est une tentative d’humaniser (anthropomorphiser) un produit pour construire un pont entre le consommateur et l’objet. D’autres, surtout les auteurs de Brand Identity Now! (Taschen, Cologne, 2009), le conçoivent comme la projection d’une représentation visuelle de la marque de commerce d’un produit à d’autres produits ou à d’autres images. Par exemple, conceptualiser un style de police qui sera utilisé dans la publicité pour le produit, ou de s’assurer que même les salles de bain (!) d’un restaurant «branded» communiquent l’identité du resto. Ici, des maisons de couture «créent» de gâteries. /imagecache/400x267/2010/10/16/designer -cafes-chanel-i3.jpg Bonbons Chanel Chocolats Bulgari À gauche, deux marques. La compagnie qui fabrique les chocolats n’a pas de lien à la compagnie de savon. Le nom des chocolats date de 1956, du savon, Le premier est américain, le deuxième anglo-hollandais. Mais la compagnie Mars a commencé une campagne de pub assez intense au même moment que Unilever lance sa campagne (2006) de Dove Self-Esteem (avec des films conçus pour l’internet et non pour la télé). he/article_large/2010/10/16/designer-cafes-Bulgarichocolates1-m.jpg ploads/2010/03/dove-chocolate.jpg

44 Mon interprétation est plus radicale: en annulant des références explicites au produit et en créant des substituts symboliques pour la marque, surtout s’il ne s’agit pas de marchandise en tant que telle (p.e., les toilettes « tendance » deviennent signes de l’entreprise), le brand se distance de la marque de commerce qu’il est censé représenter et transforme l’image de l’objet en métonymie. L’image devient un espace blanc sur lequel les personnes peuvent facilement projeter les significations qu’elles veulent: la métonymie permet plusieurs significations de s’attacher à l’objet (voir J.N. Kapferer, Strategic Brand Management: New Approaches to Evaluating Brand Equity, 1992, qui propose que le brand soit une réflexion de l’image publique qu’un individu veut projeter: on ne porte plus des souliers Nike parce qu’ils sont confortables, ni parce que le soulier comme objet esthétique est cool, mais parce que le brand est si visible; ceci, malheureusement, ne parle pas du mécanisme par lequel la marque se transforme en brand). Le brand est donc un objet esthétique pur, qui devient un véhicule pour la création d’une image totalement sous le contrôle du consommateur. Ce qui est important à noter est que le branding transforme de façon radicale le rapport entre le consommateur et le produit. Dorénavant, la marque spécifique transformée en brand générique oblige le consommateur de prendre une position sémiotique active vis-à-vis du produit. nsuminginterests/blog/apple-logo1.jpg

45 Le brand devient un engin puissant efficace pour le consommateur parce qu’il «pousse» la marque de métaphore à la métonymie, vers une configuration sémiotique dépourvue de contenu explicite. Le brand devient un écran où le consommateur peut projeter son scénario virtuel où il est le protagoniste principal. Le brand est ainsi source de réconfort et renfort psychique pour un Moi fragilisé et peut-être trop étendu dans plusieurs domaines sociaux un peu éclatés. Le brand devient une source puissante du sémiopouvoir. /ss/06/09/popular_toys/image/mouse _ears.jpg Le brand représente également la standardisation, la ritualisation totale du social, où le Moi se trouve à l’aise puisqu’il n’est aucunement menacé par ses signes dépourvus de leur contenu. Le processus de branding est donc souvent à la base de la création de la culture populaire, tellement acceptée (même si on la critique continuellement) parce qu’elle favorise le processus de recyclage. /archive/00786/mickey-mouse_786699i.jpg À gauche, le Mickey Mouse Club, années Image centrale: Britney Spears, Christina Aguilera, Ryan Gosling et Justin Timberlake sont tous des diplômés du club, version années 1990. 2009/09/full20metal20jacket20g.jpg Dernière scène du film de Stanley Kubrick, Full Metal Jacket (1987). Les soldats avancent vers une autre bataille inutile en chantant le thème musical du Mickey Mouse Club: «Who’s the leader of the Club that’s made for you and me? M-I-C, K-E-Y, M-O-U-S-E.» [cliquez]

46 Établir un brand est d’une importance capitale non seulement pour les manufacturiers de produits de consommation, mais aussi pour les industries culturelles. Même un brand relativement mineur comme Alvin and the Chipmunks a amené plus d’un demi-milliard de dollars à ses réalisateurs. Les Transformers, Lord of the Rings, Jaws, Back to the Future, James Bond, Harry Potter, Pirates of the Caribbean, Star Wars – bref, tous les films qui ont mené ou qui peuvent mener à la production de suites – sont des brands (nommés franchise pour les industries hollywoodiennes) qui peuvent rapporter des milliards (Hollywood désormais contrôle 60% de l’industrie cinématographique de la planète avec ces brands). A) Notez que, souvent, le brand visuel s’établit par la répétition, et donc possède une dimension temporelle; en fait atemporelle. B) Il est véhiculé par plusieurs médias, et donc il doit posséder des traits qui facilitent le passage d’une à l’autre – pas surprenant pour de symboles dont la dimension métonymique est plus importante que leur qualité métaphorique ou sémantique. C) Les enjeux financiers sont tellement élevés que le budget publicitaire de ces films peut souvent dépasser les couts de la production en tant que tels (voir . Ces brands sont métonymisés à tel point qu’ils deviennent facilement des véhicules pour la parodie et, en fin de conte, de l’ironie – aujourd’hui, le moyen privilégié pour augmenter le sémiopouvoir individuel. De « Bond, James Bond »  à « Shaken, not stirred ». Un brand peut mener à l’émergence d’autres grâce à la métonymisation: à droite, Austin Powers, qui est également un brand. À droite, un costume Austin Powers, qui inclut les dents « typiquement » anglaises.

47 «L’homme le plus intéressant de la planète»
Une des campagnes publicitaires récentes de plus grand succès est celle de Dos Equis, lancé sur le marché américain en 2008 pour représenter cette bière d’origine mexicaine. Ils ont commencé en établissant le caractère du personnage censé représenter la marque, le plaçant en diverses situations un peu «bons vivants», un peu «Playboy mansion» (jouant sûr le fait que Hugh Hefner, en vieillissant, est devenu un peu une parodie de lui-même et du style de vie représenté par la marque Playboy). Ils ont passé de la parodie à l’ironie, présentant le personnage comme «l’homme le plus intéressant de la planète», qui se prononce sur divers sujets, comme les conseils de la revue Playboy des années , qui tentaient d’éduquer sa clientèle d’être «cool» (urbains) et surtout «hip» (avant-garde), mais toujours dans le cadre d’être un consommateur classe moyenne. Exemples: «Les gars, laissez les pantalons serrés aux femmes. Si je peux compter la monnaie dans votre poche, mieux l’utiliser pour téléphoner au tailleur». Entouré de symboles du séducteur de l’époque, il déclame une déclaration pédante et finit avec l’exhortation, «Stay thirsty, my friends» (restez sur votre soif, mes amis). Sur la base du personnage, ils ont pu passer à l’auto-ironie : il guide un ensemble de personnages de l’époque «Orient Express» (associé aux romans d’Agatha Christie) dans les montagnes; il joue aux billards avec des compagnons portant des turbans (évoquant l’atmosphère orientale du film noir classique Maltese Falcon, avec Humphrey Bogart); il est astronaute; il sauve un renard pourchassé par le groupe de chasse typiquement anglais, etc. com/storage/ png.jpeg Don Cherry En continuellement faisant des allusions au passé (même le personnage est vieux, à différence de la grande majorité des publicités pour la bière, qui vise une clientèle jeune) et en ironisant sur l’exotisme jadis lié au brand Playboy (une version populaire de la marque James Bond), ils ont créé un brand de succès. Suffit l’ironie pour le succès? /06/don-cherry-does-his-best-dos-equis-impression.jpg

48 Des moutons dans un salon contemporain
Le recyclage Arjun Appadurai en 1986 avait noté le phénomène de recyclage (The Social Life of Things), quand un objet disons «utile» dans un contexte culturel devient, dans un autre, un objet d’art (il appelait cela une diversion, dans le sens que les significations et les objets circulent, et donc suivent certains parcours, et parfois les objets et leurs significations sont déviés vers d’autres pistes-système de circulation). Je m’inspire d’Appadurai, mais mon interprétation du recyclage est un peu différente de la sienne, car j’ajoute la notion de distance qui sépare la personne de l’objet et du public qu’elle veut convaincre par sa mise-en-scène sémiotique. P.e, pour démontrer qu’elles sont cosmopolites, cultivées, et urbaines, certaines personnes peuvent afficher sur les murs des outils devenus «exotiques» selon les canons locaux: des licous, des outils de forgeron, etc. M’inspirant de l’idée de Appadurai, je propose que les personnes veuillent signaler une maitrise sémiotique de deux codes, l’un, l’original et la source, où l’outil est toujours «un outil» (elles sont sans doute capables de réciter une petite histoire sur les origines et la signification de l’outil dans son contexte d’origine), et l’autre, où elles augmentent leur capital social en transgressant, parait-il, sur les règles du bon ton bourgeois, car elles osent pendre des outils d'étable (p.e.) dans le salon, la seule pièce ouverte au public. Le recyclage est un petit clin d’oeil sur l’objet (mais qui cible l’Autre) pour signaler que la personne le maitrise, et non l’inverse. Ceci est un message puissant dans un contexte capitaliste et surtout postcapitaliste, ou le lien production-consommation est généralement invisible. Des moutons dans un salon contemporain C. Dionne, S. Mariniello, W. Moser (dirs.), Recyclages. Économies de l’appropriation culturelle, 1996 (Les œuvres dans cette collection ne s’adressent pas à la question du recyclage de la même façon que moi, mais ils restent néanmoins une des rares collections dans le domaine).

49 Recyclage vs. commentaire
Le recyclage n’est pas uniquement un commentaire ironique. La littérature et même la musique ont depuis longtemps utilisé des éléments de la ‘vraie’ vie comme un sujet à ironiser pour présenter une critique sociale. On pense au Bourgeois Gentilhomme de Molière (1670, satire des prétentions arrivistes), à Robinson Crusoé de Daniel Defoe (1719, critique de l’individualisme mercantile), à Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme de Laurence Sterne (1759) et à Don Quichotte de la Manche de Cervantes (1605), qui ensemble ironisent la rigidité d’une pensée trop traditionnelle et de rôles sociaux étroitement définis afin d’explorer la nature de l’individualité (mais pas seulement, sinon je risque d’être fusillé par les critiques littéraires!). Même la musique peut être ironique: l’Ouverture solennelle de 1812 de Tchaïkovski (1860) ridiculise Napoléon mégalomane avec les coups de canon qui ponctuent l’harmonie « brisée » (c.-à-d., comme Napoléon). Le visuel aussi: Les Ménines de Velasquez (1656) ridiculise la famille du roi Philippe IV de l’Espagne en mettant les demoiselles d’honneur de la princesse en premier plan, pour ne pas mentionner le nain déforme en avant plan. Tous ces œuvres sont de classiques de l’ironie (parfois douce, parfois amère) qui ciblent les conditions socio-politiques en les exagérant de façon parfois grotesque pour mettre à nu l’hypocrisie et les prétentions. En contraste, la série télévisée britannique Red Dwarf (sporadiquement, ) utilise ouvertement de la matière classique comme matrice pour ses scénarios: Silent Running (1972), Alien (1979), Dark Star (1974), Hitchhiker’s Guide to the Galaxy (roman: 1981), Rebel Without a Cause (1955), 2001 (1968), Top Gun (1986), Star Wars (1977), Citizen Kane (1942) High Noon (1952), Terminator (1984), Pride and Prejudice (1813), RoboCop (1987), Casablanca (1942), Westworld (1973), Blade Runner (1982), Waiting for Godot (1953). La différence? Les références sont à d’autres produits de la culture populaire, pas à la ‘vraie’ vie. Citizen Kane et Waiting for Godot, p.e., sont tous de produits de la « haute culture », mais la culture pop les avait transformé en icônes populaires dans les années Ici, on ne recycle pas l’originale ‘sérieux’ issue de la haute culture, mais son image ironisée et parfois caricaturale.

50 Die Another Day (2002) célèbre la 40e anniversaire de la franchise James Bond. D’une part, le film présente la Corée du Nord dans la guise du méchant du jour, donc, une référence à la ‘vraie’ vie (de l’époque; on commençait à parler de son programme de développement d’une bombe atomique). D’autre part, pour fêter les 40 ans du film, les réalisateurs y ont introduit de références à l’ensemble des 19 films précédents: Halle Berry reprend le rôle d’Ursula Andress (Dr. No, 1962) quand elle émerge de la mer dans le même costume de bain; le labo de Q contient de l’ancien équipement (le réacteur dorsal [jetpack] de Thunderball (1965), les souliers-syringes de Rosa Klebb de From Russia With Love (1963), la super-voiture (Goldfinger, 1964); le livre feuilleté par Bond (A Field Guide to Birds of the West Indies) est par James Bond (le vrai), d’où Ian Fleming a pris le nom; Q donne une montre à Bond en disant que c’est la 20e fois qu’il le fait (20e anniversaire); l’hôtel à Hong Kong est la Rubyeon Royale (la rubis est la pierre de la 40e anniversaire; Eon est le nom de la compagnie de réalisation, et Royale est une référence à Casino Royale, le 1er roman Bond); la compagnie fictive Universal Exports qui est l’employeur de Bond (référence constante). La liste est trop longue; voir  Ce n’est pas du recyclage de la même trempe qu’on trouve dans la haute culture. P.e., Finnegans Wake de James Joyce (1939) a généré de centaines de thèses de doctorat qui tentent d’identifier ses références obscures, tirées du monde classique ou de la culture intellectuelle ésotérique. P.e., Nicolas de Cusa, Giordano Bruno et Giambattista Vico sont transformés en, « Cusano (p.49) into ‘Micholas de Cusack’ (p.49) and ‘Cusanus’ (p.163); Bruno into ‘Padre Don Bruno’, ‘Padre San Browne’ (p.50) and ‘amborium Jordani’ (p.287); and Vico into ‘Gambariste della porca’ (p.9), ‘Mr. John Baptister Vickar’ (p.255) and ‘Jambaptistae’ (p.287; on p. 453 Shawn also becomes ‘Juan Dyspeptist’); page numbers refer to the Penguin edition, 1992] »; Eleazar Meletinsky, Poetics of Myth, New York, 1998, chap. 3, note 71. Bond recycle uniquement des éléments bien connus de la culture pop.

51 Le recyclage et le sous-texte
Le recyclage crée un sous-texte, qui offre un commentaire parfois contradictoire, parfois ironique sur le texte principal. Les textes étiquetés comme postmodernes typiquement sont caractérisés par l’allusion, la citation, la référence (où le texte incorpore des éléments attachés à normalement attachés à d’autres domaines) et l’intertextualité (où l’interprétation d’un texte est filtrée à travers un autre texte auquel il fait référence). (Umberto Eco, « Innovation and Repetition: Between Modern and Post-Modern Aesthetics », Daedalus 114(4):161-84). Le sens du texte n’émerge pas du contenu, mais de l’acte de lecture (Julia Kristeva, Semeiotikè. Recherches pour une sémanalyse, 1969). Je préfère éviter ces débats autoréférentiels, car ils se concentrent sur le texte, et me limiter à parler du contexte dans lequel ce phénomène devient de plus en plus dominant et typique de l’acte de produire un texte (ici, « texte » peut être une production culturelle quelconque). Ni Eco ni Kristeva ne considèrent l’impacte de ces transformations sur l’individualité (comme je fais ici), et survolent le mécanisme et les limites du processus de recyclage/incorporation.

52 Ici, le recyclage est facilité par le branding, car le «Live From CNN» dans ce contexte est utilisé pour transformer cette image ridicule en cadre «sérieux», à ce que l’on prétend, et ceci permet d’attacher l’étiquette «ironique» à l’ensemble. L’ironie fonctionne quand on maitrise deux champs de signification, le texte et le sous-texte (voir la présentation Nostalgie). Fonctionner entre deux dimensions de l’imaginaire est une «victoire» pour l’individu déraciné et affaibli par la postmodernité mondialisée Branding Ironie Recyclage Ambiguité = +Sémiopouvoir

53 Le recyclage et le statuquo
On pense souvent que la culture pop est subversive, qu’elle permet aux individus de contourner les restrictions idéologiques qui font partie intégrale des technologies de l’hégémonie, car le recyclage permet les personnes de retravailler des icônes établies selon leur propre créativité. Pourtant, il y a une économie politique du recyclage qui reproduit le statuquo implicite des structures idéologiques. Si nous analysons les références qui sont à la base du recyclage, nous voyons plusieurs manipulations d’images et d’anciens memes recyclées. En partie, ceci est une fonction de l’âge des scénaristes, journalistes, écrivains et artistes qui produisent ces manifestations culturelles. Cependant, il est aussi vrai que l’âge de la référence favorise la reproduction d es clivages générationnels. La culture pop est ouverte, mais cache des lignes de force. Recyclage amateur de la source du concept de meme, The Selfish Gene, avec Banana Man (Dancing Banana; 2001), Rick Astley (« Rickroll »; cliquer sur un lien internet mène à un video YouTube de sa chanson, « Never gonna give you up », 1987) et Moarcat (2006; une version de Lolcat; invoqué pour son langage Catspeak [« I can haz cheezburgers? », comme si un chat avait piétonnisé le clavier]); du site iconique 4chan/b/.

54 Edvard Munch, Le cri, 1893, icone de l’aliénation et de la douleur psychique
Stencil-art, Europe de l’Est, 2007 L’original Un meme a 3 traits: il et son image de base perdurent, il fait référence à une image connue ou frappante (souvent une image virale de l’internet), et il transforme la sémantique métaphorique de l’originale en métonymie. À droite, un meme de 4chan/b/, après qu’un policier de San Francisco ait utilisé le gaz poivre sur les manifestants du mouvement Occupy, le L’image est apparue le , À gauche, avec un visage du « feels » meme de 4-chan Il y a de centaines de telles parodies: ou

55 La création des memes, selon les Anonymous (rendu célèbre par le mouvement Occupy) de 4Chan ( ): inventé sur leur site et transmis par les médias de réseautage. Notez qu’ils recyclent une image rendue tristement célèbre par l’internet, tirée du film notoire, The Human Centipede (Pays Bas), Tom Mix, 2009. Pour créer vos propres memes:

56 4Chan demande: « Which meme are you
4Chan demande: « Which meme are you? » La réponse est elle-même ironique, car elle dépend uniquement des derniers deux chiffres du numéro de série du blog, qui est déterminé au hasard par l’ordinateur central: donc, on ne choisit pas « son » meme (qui parle pour l’individu), mais c’est le meme qui nous « choisie ». La créativité du bloggeur « memifié » par l’ordi se mesure uniquement par sa capacité d’attacher d’autres memes et surtout d’autre signification à « sa » propre meme.

57 L’utilisation du branding le plus connu: Andy Warhol et la soupe Campbell’s (1962) Ici, il le branding permet l’ironie et puis le recyclage, processus postmoderne par excellence, car le but de l’artiste n’est pas, évidemment, de vendre la soupe Campbell’s, mais de la banaliser et la transformer en symbole de l’anonymat de l’individu qui domine la vie contemporaine (selon la vision de Warhol)

58 La soupe Campbell, 2014: une exposition de Lindsey Wohlman, ''Warhol Soup Cans Naked & Unlabeled'', Kickstarter.com ( ). À distance de 50+ ans, l’image de Warhol est suffisament connue comme objet d’art pour recycler et ironiser. Non seulement le temps établie-t-il la distance séparant l’objet et l’image, mais le mainstreaming artistique: transformée en objet d’art un simple objet disons commercial et la mettre en commerce: métonymie instantanée!

59 Peut-être l’exemple le plus important de recyclage du monde de la culture pop contemporaine est celui de Mr Brainwash (MBW), Thierry Guetta (un immigrant français à Los Angeles, donc lui-même «recyclé»), dont l’identité, l’œuvre artistique et le personnage public pourrait être des fabrications ironiques effectuées par Banksy, artiste «street» renommé mais anonyme (voir le «documentaire» Exit Through the Gift Shop [cliquez], 2010). Mr Brainwash (MBW) semble être totalement dépourvu de talent, de nuance, de rationalité et de créativité; comme ont commenté quelques critiques, son œuvre semble être un commentaire ironique de la part de Banksy sur son propre renom. C’est rapidement devenu un meme. Madonna-Marilyn Warhol Andy Monroe-Warhol ploads/2010/02/MrBrainwashMadonna.jpg m/production/451085/ /fi les/2009/07/mr-brainwash-marily n-warhol.jpg Marilyn-Marilyn Manson-Warhol om/Images/mm_01.jpg MBW Mr Spock Monroe-Warhol .com/Images/mm_03.jpg Warhol Michael Jackson, «filtré» par MBW à travers l’image fameuse de Marilyn Monroe créée par Andy Warhol en 1962 sur la base d’une photographie de 1952. content/uploads/2008/06/life-is-beaut iful-brainwash-4.jpg Cousin-Cousine

60 En 2009, pour marquer le 50e anniversaire de Barbie, l’artiste française Jocelyne Grivaud ( a créé un site basé sur le recyclage d’icônes pop incarnées par Barbie. Barbie Warhol Barbie Vermeer (le vrai nom de la jeune femme est inconnu; Johannes Vermeer, c.1665)

61 http://www. repubblica
L’art de David Barton (a.k.a. Limpfish, sauf pour l’image de Lenny Van Gogh, au centre; artiste inconnu), qui recycle les personnages de Les Simpsons en Van Gogh (autoportrait, 1889), Salvador Dali photo de Philippe Halsman, 1954) et Vermeer (1665). De gauche à droite, Willie Van Gogh (avec son cousin Lenny Van Gogh), Apu Dali (« Thank you. Come again! »), Marg Vermeer.

62 En contraste, l’image de Homer Simpson comme Rembrandt (l’autoportrait original est de 1657) n’est pas un exemple de recyclage parce qu’il n’y a pas suffisamment de copies de l’original en circulation pour permettre au public d’étiqueter l’œuvre de Limpfish comme un produit recyclé, sauf par les érudits et par les historiens de l’art. Homer van Rijn n’est pas ironique, car sans référence à un original, il n’implique pas le sémiopouvoir de l’agir: le spectateur ne maitrise pas les deux codes, texte et sous-texte. Oui, l’image est « drôle », car on reconnait les traits iconiques de Homer Simpson dans un contexte insolite (comme prévoit la théorie du rire de Henri Bergson, où la théorie de l’impure de Mary Douglas: « matter out of place »). Cependant, l’incertitude du spectateur réduit son sémiopouvoir. Selon cette logique, Marg Vermeer « fonctionne », car le film récent avec l’actrice populaire Scarlett Johannson a inséré l’original dans la culture pop, transformant la parodie en véhicule ironique.

63 Parodie, ironie, recyclage
Parodie, ironie, recyclage? Cette réclame des années 1960s est ironique quand il réapparait sur les sites d’ancienne publicité. Mais, attention! Quelqu’un affirme que c’est un faux, une parodie: Tee-hee! The pants are extra-reinforced in the crotch, which is called “THE ACTION ZONE!” This could be placed unironically in a mainstream magazine ad because crotch jokes were not invented until 1974! Yeah, not so much. The image itself was a 2010 parody published on the blog How to be a Dapper Gent, adapted from a real vintage ad that ran in Esquire sometime in the ’60s. ( ) John Ueland (a.k.a. Link Worthington III, Esq), créateur de ce site « ironique » basé sur les images des années 1960s, l’affirme, mais un autre site dédié à l’ancienne publicité prétend qu’il soit vrai: ). La marque Sansabelt existe vraiment.

64 Un film français avant-garde de 1902 des frères Méliès, Le voyage dans la lune, basé sur De la terre à la lune (1865) de Jules Verne et sur Les premiers hommes dans la lune (1901) de H.G. Wells, a immortalisé cette image de l’alunissage. À droite, Bender frappe Crater Face, un agent de sécurité employé par le Luna Park lunaire visité par l’équipe de Futurama, avec une bouteille que l’agent a tenté de confisquer (The Series has Landed, épisode 8, année 1, 4 avril 1999). Ici, le recyclage ironique est doublement efficace, parce que l’image originale a long été oubliée sauf par les historiens du cinéma. Être capable de le recycler est donc un petit triomphe pour le Soi ironique. Ceci est un exemple de la simplification sémiotique typique de la culture pop, où la une référence érudite devient matière première dans la nouvelle définition du quotidien banalisé. Imaginez l’impacte sur l’agir individuel que représente la découverte et l’utilisation de cette référence désormais très recherchée. cuts/man-in-the-moon_288x288.jpg /commons/e/e9/A_Trip_to_the_Moon_poster.jpg commons/f/f7/Le_Voyage_dans_la_lune_2.jpg [cliquez]

65 En décembre 2010, la chaine Burger King («Home of the Whopper») introduit un nouveau produit, un hamburger épicé, le Whiplash Whopper. La publicité s’intitule Whiplash Whopper Paralegal (cliquez). Un jeune client donne à son avocat un exemplaire de ce hamburger. L’avocat, un noir, commence à vanter les qualités de ce produit, parlant de façon surexcitée, exactement comme l’avocat noir Jackie Chiles de la série télévisée Seinfeld (qui notoirement représente Kramer contre une chaine de café de luxe, genre Starbucks), au point qu’il perd le contrôle de soi quand il entend le nom du produit, whiplash (le traumatisme cervical). Ceci reprend la réaction de Jackie quand Kramer se brule avec le café surchauffé (qui est une référence à un cas renommé de 1994, quand une cliente a porté plainte contre McDonald’s pour une blessure qu’elle a attribuée à la température excessive du café; dorénavant, les tasses portent un avertissement détaillé). L’épisode de Seinfeld s’intitule The Maestro (octobre 1995). Ironiquement, le personnage de Chiles était basé sur l’avocat Johnny Cochrane, qui a représenté O.J. Simpson dans «The Trial of the Century» en Donc, la parodie Seinfeld va en onde seulement quelques semaines après la fin spectaculaire du procès, quand Cochrane déclare, fameusement, à propos du gant censé être imbibé du sang de Nicole Simpson, «If it doesn’t fit, you must acquit». Il a également représenté Michael Jackson en 1993, lors de la première accusation de pédophilie visant le chanteur, le «King of Pop». icles/news/ /burgerking.body_lead.jpg s/2010/11/Seinfeld_Jackie-Chiles.jpg Chiles En 1998, Cochrane apparait dans «Chef Aid» de South Park, invoquant le « Chewbacca defense » (Chewbacca defense), quand un avocat dit n’importe quoi pour dépister le jury. Cochrane ge/chewbaccadefense.jpg?__SQUARES PACE_CACHEVERSION= s.com/index.htg/00004/cochran.jpg

66 Ronald McHitler à Bangkok
Hitler Chic – autres exemples de recyclage et de référence en clé ironique (indiquée par la décontextualisation des significations normalisées); à gauche, une référence sans ironie qui conserve les significations de base établies par les nazis. Ronald McHitler à Bangkok Critics blame it on ignorance Pokemon Hitler Hugo Hitler; Boss fournissait des uniformes aux Nazis John Galliano Hitler; il a été viré de la Maison Dior pour de commentaires antisémitiques en 2011.

67 Une des premières références pop à Hitler: le film The Producers (1968) du réalisateur Mel Brooks; à l’époque, on disait que la référence ironique aux horreurs nazies était « permise » parce que Brooks est Juif. À droite, affiche pour Ilsa She Wolf of the SS (1975), un film qui utilisait les nazis comme prétexte pour présenter des images « piquantes », surtout pour l’époque. Ce n’était pas le premier film du genre, mais peut-être le seul à atteindre un statut de film culte. Il a été réalisé pour exploiter la popularité du sous-genre films de prison de femmes (Ilsa est le Kommandant d’un Stalag; basée sur Ilsa Koch, épouse sadique du commandant de Buchenwald), mais son accueil par l’avant-garde urbain (et largement homosexuel, pour qui Ilsa hypersexuelle qui torture des hommes hétéros était une parodie du monde « straight ») l’a transformé en référence pop incontournable.

68 http://www. sitcomsonline
/776/medium/3dobiegillis-155-1c.jpg The Many Loves of Dobie Gillis, émission ( ) novatrice et iconique, avec le premier beatnik télévisé, Maynard J. Krebs (Bob Denver, en haut à droite), a été l’inspiration pour les personnages de Scoobie Doo (1969 au présent), sauf pour le chien. Le recyclage, dans ce cas, était voulu par les écrivains et par le concepteur: « Fred was based on Dobie, Velma on Zelda, Daphne on Thalia and Shaggy on Maynard » (Mark Evanier, 2002, ).

69 Voici une sélection d’images retravaillées qui sont apparues sur 4chan /b/ dans les jours qui suivent le décès de Osama Bin Laden le 2 mai 2011 ( Parmi les références récentes, il y a beaucoup de recyclage d’images vieilles ou ésotériques. Bob Ross, années 1980 Frank Zappa, années 1970 Albert Einstein, années 1950 Charlie Manson, années 1960 Che Guevara, années 1960 Borat, 2000

70 Chris Hansen, 2000 Dr. House, années 2000 Josef Fritzl, 2008 Captain Picard, années 1990 Dumb and dumber, 1994 Hulk Hogan, années 1980 Mr Sulu, années 1960 The Shining, 1980 Larry King, années 1990

71 Rambo, 1982 Orson Welles, années 1970 Terminator, 1984 Steve McQueen, années 1970 Yoda, 1980 Mr Bean, 1990 Super Mario, 1983 Spiderman, 1962 Mr Worf, 1987

72 Abbey Road, 1969 Iwo Jima, 1945 Ces memes ont été mis en ligne sur 4chan /b/ ( consulté le ) un jour après que la photo du policier utilisant le gaz poivre sur les manifestants du mouvement Occupy à San Francisco le La création, Michel-Ange, 1511 John et Yoko à Montréal, 1969 Une photo iconique de Vietnam, 1968 The Wizard of Oz, 1939 La cène, 1490

73 Parlant de Abbey Road (1969) …
Cette photo renommée (du LP du même nom relâché par les Beatles en 1969) a été « méméfiée » par la pixélisation, qui « nettoie » le symbole en distançant le signifié du signifiant – on doit passer « à travers » les pixels pour reconstruire l’originale. Un symbole doit être vidé de sa signification « normale » pour faciliter le recyclage.

74 Les memes sont ironiques, mais ce n’est pas suffisant pour la définir. Parfois des memes sont créés et aboutissent dans le nul. En aout 2012, à l’insu des autorités, une vieille femme a « restauré » une fresque âgée d’un siècle dans une église espagnole à Zaragoza (à gauche, l’original; au centre, la condition avant la restauration; à droite, la « restauration ») . Le portrait, intitulé « Ecce homo » a été rebaptisé « Ecce mono » , « voilà le singe » en espagnol. Immédiatement, le désastre a provoqué de milliers de mentions dans les médias, et des douzaines de tentatives de lancer un meme. Ces dernières n’ont pas saisi l’imagination des adeptes de 4chan, Tumbler ou Reddit, et l’image, bien que mondialement populaire pour quelques jours et qui a produit de milliers de parodies, n’a pas fonctionné comme meme en dehors de l’Espagne.

75 La « memefication » manquée n’empêche pas une opération ironique
La « memefication » manquée n’empêche pas une opération ironique. Des images inventées peuvent « poigner » l’imagination de la blogosphère mieux que les images « réelles ». Ces parodies sont apparues dans El Pais (Barcelone), 7 septembre 2012 (suite à une initiative spontanée, de la part d’une collective appelée « Wallpeople » ( consulté le ). Notez, dans les photos grandes, que les artistes prennent des icônes de la culture pop comme base de la transformation.

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77 Douchebag irony: quand une personne sabote l’ironie de l’autre en insistant sur la précision, quand l’intention est l’ambiguïté voulue et mise en scène par l’ironie. En bas: ironiser Wikipedia.

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79 L’ironie est-elle aujourd’hui la seule façon de faire face au passé?
Sue l’internet, le sujet censé animer le blogue ou le thread est souvent inventés uniquement pour créer un champ rhétorique qui permet au persona «on-line» de s’exprimer ironiquement et surtout d’inventer un petit monde virtuel avec un troll. First poster [op = original poster]: « Hey, /b/-bros,* what do you think of my girlfriend? » Second poster: « She’s cute, but who’s the fugly** girl beside her? » *Adèptes du domaine /b/ de 4chan; la référence est sans doute au jeune sociopathe Alex dans L’Orange mécanique d’Anthony Burgess, qui appelle sa gang de délinquants «my brothers». ** fucking ugly = très laide «Irony is a byproduct produced by careful aging of once-popular things, products, or ideas. Much as a can of grape drink, given time and yeast, will become a fine wine, a popular idea allowed to wallow into obscurity can become rich in ironic value. Much as a trained pig can find truffles, a hipster can smell irony in an old thing and make it cool. The irony-aging process can take months or years. For example Thundercats was popular in 1983, by 1988 was passé, and by 1994, virtually unknown. By 2004 they were obscure enough that wearing a Thundercats printed tee is ironic and hence "cool".» ( ) L’ironie contemporaine serait-elle donc une tentative de maitriser la dimension temporelle, une instance de sémiopouvoir?

80 Voici, selon Wikipedia (http://en. wikipedia
Voici, selon Wikipedia ( [cliquez]; ), les références aux éléments recyclés pour une seule émission («Bullocks to Stan») de American Dad, (1re saison, 8e épisode, 2005) (notez que j’ai choisi cette émission au hasard; « l’âge » de la référence est en parenthèses) Cultural references One of the stalls at the CIA fair holds the game "WMD Hunt". This is a reference to the hunt for WMDs in Iraq, a main justification for the 2003 Invasion of Iraq and the perceived unfairness of carnival games. No contestant is able to find a WMD. (3) Dick's quote "I got the stapler!" is a subtle joke: Dick is voiced by actor Stephen Root, who played Milton in the movie Office Space, a character who is obsessed about his missing stapler. (6) When Stan, Francine, and Roger are folding napkins into swans Roger makes a man and explains that it is "Metrosexual soccer icon David Beckham; I can't do swans - I don't know why". (5) Stan refers to Hayley as "Squeaky Fromme". This is a reference to Lynette Fromme, former member of the Charles Manson "family" who attempted to assassinate President Gerald Ford in September (30) The scene where Stan is trying to make Jeff more assertive by telling him a banana is an apple is a reference to the Red Dwarf episode "Camille", when Lister tries to teach Kryten to lie. It is also reminiscent of the famous 2+2 = 5 torture scene in George Orwell's Nineteen Eighty-Four, and the Cardassian torture scene from Star Trek: The Next Generation. (14) The scene where Stan and Bullock are trying to hunt Jeff is a reference to the story The Most Dangerous Game. (81) The name and logo of the TV network where Bullock is about to announce Stan's promotion is C-Spin, a spoof off of the real network C-Span, including a portmanteau with spin. (0) The lyrics sung by Bullock ("I love little girls...") and Hayley's ringtone when she calls Bullock are from the Oingo Boingo song "Little Girls." (25) Stan asks Jeff if they are familiar with a TV show Fear Factor, and asks him to take a ride with Joe Rogan. (4) At the cleaners, Stan is seen murmuring the song "Africa" by 1980s stadium rockers Toto, changing the famous "I bless the rains down in Africa" line to "I crash the planes down in Africa." (23) When Jeff offers to perform "a blistering flute solo", this is a reference to hard rock band Jethro Tull, whose lead singer, Ian Anderson is known for playing a flute. (33) The song Roger is listening to when Steve arrives is "Sous le ciel de Paris", sung by Edith Piaf. (54) When Stan has his dream about killing Bullock, the killing of the passer-by is parodying Fargo, or possibly Mulholland Drive. Additionally, the blind man witnessing the bystander's murder (who in turn witnessed Bullock's murder) is a possible reference to the Twilight Zone episode Love Is Blind. (9) The song at the end of the episode is Don't Dream It's Over by Crowded House. (15) .org/wikipedia/en/c/c4/Am erican_dad.jpg

81 Les clivages générationnels sont soulignés de façon nuancée
Les clivages générationnels sont soulignés de façon nuancée. Dans la diapo précédente, j’ai mis en parenthèses grasses le nombre d’années écoulées depuis l’origine de la référence recyclée et l’année de son utilisation pour l’émission Américan Dad (2005). Si nous omettons la référence littéraire (qui ne fais pas partie de la culture pop, en tant que telle), et à Édith Piaf (pour la même raison), l’âge moyen des références est de 14 ans. Les réalisateurs ont en moyen 31 ans (à gauche, en parenthèse) au moment de la création de l’œuvre par lequel ils sont renommés. Évidemment, ils n’avaient pas en moyenne 17 ans (31 – 14) quand ils ont maitrisé la référence qu’ils utilisent. Je veux démontrer qu’ils ont étudié la culture pop pour la transformer en matière première à la base de leur création contemporaine, et que le recyclage est un trait inné de cette culture. American Dad (2005): Seth McFarlane, (30) Mike Barker, 1968 (37) Matt Weitzman, 1967 (38) Robot Chicken (2005): Seth Green , 1974 (31) Mathew Senreich , 1974 (31) Mike Fasolo, 1969 (36) Family Guy (2002): Seth McFarlane, (25) Simpsons (1987): Matt Groening, 1954 (33) South Park (1997): Matt Stone, 1971 (26) Trey Parker, 1969 (28) Moral Orel (2005): Dino Stamatopoulos, 1964 (41) Metalocalypse (2006): Brendan Small, 1975 (31) Tommy Blacha, 1962 (44) Futurama (1999): Matt Groening, 1954 (45) David X. Cohen, 1966 (33) « I sell propane and propane accessories », Hank Hill, King of the Hill: comme Seinfeld (diapo suivante), c’est l’ambience de l’émission qui devient véhicule pour le referencing. Moral Orel

82 D’autres émissions clés comme Seinfeld sont tellement autoréflexives qu’elles recyclent et ironisent l’idée du recyclage. Ils le font consciemment, mais ironiquement: chaque instance de recyclage est une source d’ironie, qu’il s’agit de l’admiration de Jerry pour Superman, de Kramer pour les vêtements 1950; du faux-film porno Rochelle, Rochelle (référence aux films pornos 1970s: A young girl's strange, erotic journey from Milan to Minsk, inspiré de la série Emmanuel) qui fait plusieurs apparences (le titre apparait 10 ans plus tard en Curb Your Enthusiasm de Larry David, cocréateur de Seinfeld); de références aux Kennedy (père, fils et Jackie) : Elaine se travestit en Jackie version Onassis (années 1970s), son patron Justin Pitt était un grand ami de Mme Kennedy, elle travaille pour une maison d’édition comme Jackie (Viking Books), elle achète les bâtons de golf de Jack pour un autre patron; de références à Ozzie Nelson (années 1950s) et Patty Duke (1960s); au Film Noir (1950s); de nombreuses références à O.J. Simpson (1980s); aux New York Yankees (dans une émission, un souvenir d’un match des Yankees est rejoué selon le film de JFK d’Oliver Stone (1991). Enfin, le plus grand recyclage est à l’émission elle-même. Seinfeld est devenu le « Water Cooler Show » des années 1990s. Parmi une certaine catégorie de personnes urbaines (des bobos?), il quasi de rigueur faire des références à Seinfeld, ou au moins réagir aux commentaires des autres. La culture pop, donc, est, oui, accessible à tout le monde (ce qui lui donne sa puissance pour définir l’agir individuel), mais comme n’importe autre culture, elle reproduit aussi les dynamiques culturelles dominantes – dans ce cas, la mis en place de clivages qui définissent une hiérarchie de pouvoir basée sur le mérite (qui maitrise mieux le referencing et donc le sous-texte et donc l’ironie a un statut plus haut), ce qui n’est pas surprenant dans une culture nord-américaine essentiellement bourgeoise. Notez également que la culture pop, dominée par le recyclage, déstabilise néanmoins l’idée du progrès futur qui est au cœur de l’hégémonie moderniste.

83 Récemment, l’émission BD Archer (2010 jusqu’à aujourd’hui) a créé une temporalité nouvelle qui n’est ni recyclage ni nostalgie. Exploitant la popularité de la franchise James Bond (dont la version filmique émerge en 1962 avec Dr. No), l’émission fusionne une sensibilité sexuelle, un langage, la Guerre Froide des années 1960s et une technologie contemporaine avec les années 1960s, mais pas les « vraies » années 1960: plutôt, il s’agit plutôt du simulacre télévisé: Sterling Archer, « The Best Spy in the World », comme il se définit, est une parodie de James Bond mais ressemble à Don Draper de l’Émission Mad Men; le style artistique ressemble à l’émission Jonny Quest (1964-5), les vêtements masculins sont de la mode Playboy version 1980 (les femmes sont années 1960s). Vingt ans après Seinfeld, on est arrivé à recycler toute une époque et aussi ironiser le recyclage: quand on demande à Archer, « what year is this? », il répond, toujours, « good question ».

84 La comédie Modern Family (2009, selon Wikipedia l’émission préférée de la famille Obama) est un recyclage de Married …With Children (1987) 25 ans plus tard, avec le même acteur (Ed O’Neill) qui interprète un père de famille. MWC était une nouveauté pour les 1980s, car il ne suivait pas les conventions de la transgression « normalisée » (l’amour triomphe sur les différences; en fin de compte, on s’intègre); en MWC, chaque protagoniste (la mère qui ne cuisine pas, le père indifférent) s’en foutait de l’autre. Ce n’était pas l’individualité qui heurtait les attentes normalisées des spectateurs, mais l’indifférence: il n’y a pas de point d’ancrage émotif ou comportemental pour la famille. Tout est permis, à premier vue d’œil. Married with Children: Avant MWC, l’hyper-individualité des émissions de l’époque était « dilué » par les scénaristes avec une émission spéciale, où tout le monde se réconcilie autour d’un « grand » problème qui oblige les personnes de s’unir: « A Very Special X  (le nom de l’émission) »: l’égoïsme du protagoniste le mène à être « tragiquement » enceinte/toxicomane/abusée sexuellement. L’épisode est donc « sérieuse », tout le monde s’unit face à l’indiscrétion, et de leçons de vie émergent, au moins jusqu’à la prochaine émission. Avec MWC, on n’a jamais recours à cette épisode unificatrice, car les Bundy n’avaient aucun désir de s’unir. Il n’y a pas de conséquences à l’égocentrisme Du site Jump the Shark ( consulté ) : Usually, these episodes begin with a somber, "Next Monday, on a very special Fresh Prince of Bel-Air..." The themes are heavy-handed, the sappy music overbearing, or the subject matter uncomfortable. Remember on Silver Spoons when Ricky had to decide whether to push The Button? Yeah, weird.

85 Si les protagonistes de MWC restaient ensemble « malgré tout » (mais avec un clin d’œil aux conventions, en suggérant qu’ils n’ont pas d’alternatifs), pour souligner la solidarité et le mythe de l’amour triomphal, les tensions comiques en Modern Family émergent de leur incapacité de s’intégrer. C.-à-d., ils ne sont pas indifférents face au problème de comment établir et gérer les rapports au sein de la famille, mais ils n’ont aucun « bagage » culturel pour les guider. Sans timon, ils ajustent leur comportement selon les réactions des autres: un monde clos qui fonctionne sur la base d’autoréférences. Leur miniunivers se construit expérimentalement par la recombinaison continuelle des composants de ce petit monde – un recyclage continuel. Même MWC supposait l’existence d’un standard normalisé (même si les protagonistes le refusaient), mais pas MF. Le manque involontaire d’encadrement familial est signalé par l’introduction, où les protagonistes sont présentés au public selon un encadrement visuel récursif : trois familles posent devant trois maisons de banlieue. La caméra se retire pour révéler au public que la première famille est située à l’intérieur d’un cadre, qui est dans les mains d’un membre de la 2e famille, qui devient un cadre tenu par un membre de la 3e. Où est, donc, le « vrai » cadre? Modern Family:

86 La définition du Soi a changé
La définition du Soi a changé. Par exemple, l’émission One Day at a Time ( ) avec Bonnie Franklin, Mackenzie Phillips et Valerie Bertinelli, une comédie dramatique avec une mère qui se divorce pour « se retrouver » après avoir été mère et épouse conventionnelle. L’émission prétendait être un miroir fidèle de la nouvelle réalité de l’époque, où la famille « traditionnelle » est désormais dysfonctionnelle, car elle empêche, dit-on, les personnes de se réaliser (p.e., les films de Steven Spielberg E.T., Close Encounters: le monde est névrotique sauf les enfants et les extraterrestres). Avec la culture populaire, on cherche des arrangements plus cohérents avec l’individualisme narcissique (e.g., I’m OK, You’re OK); Wayne Dyer; Tony Robbins) et sexuel (Nancy Friday; Andrea Dworkin) qui accompagne les nouvelles formes de mondialisation (libre échange, offshoring). Les sujets (autonomie, féminisme, avortement, sexualité vécue hors du mariage, la drogue, la femme « mature » qui se met avec un homme plus jeune) tentent d’arriver à une nouvelle définition du Soi. La qualité surréelle de la culture pop facilite de l’expérimentation avec deux techniques: par l’hyper-drame, qui transforme l’émission en mélodrame (A very special XXX)), ou par l’infra-drame, qui impose une vision ironique sur le dramatique pour établir une distance au sujet. De gauche: Phillips, Franklin, Bertinelli, 1980.

87 Une trentaine d’années plus tard, la famille dysfonctionnelle des années 1980s peut retrouver la solidarité, mais, semble-t-il, elle doit se défaire des traits considérés ‘traditionnels’. Par exemple, l’émission Here Comes Honey Boo Boo, désormais renommée pour la famille « redneck », semble incarner les pires qualités de la culture américaine: une maman avec 3 filles obèses, conçues avec trois hommes différents, et une 4e – Alana, aka Honey Boo Boo, 6 ans – avec son compagnon actuel, qui semble sévèrement retardé. Ils mangent des pâtes avec du ketchup (« sketti »); ils n’ont pas de table pour manger ensemble; ils parlent continuellement de leurs fonctions du corps; ils tiennent un cochon dans la maison; ils ramassent et mangent des carcasses d’animaux écrasés par les voitures; la fille ainée a un enfant à 17 ans , et avant d’accoucher se plaint que son « biscuit » lui fait mal (la mère est donc devenue grand-mère à 32 ou 33 ans); ils ne se couvrent pas la bouche ni en mangeant ni en éternuant. Mais, ils s’aiment, ils s’appuient, ils rient d’eux même, ils assument leur statut d’arriérés ignorants; ils présentent la petite précieuse Alana dans des concours de beauté pour enfants (qu’elle gagne assez souvent; nous sommes au sud des É-U); toute la famille y assiste. À différence de la famille Romano de One Day at a Time, cette famille (qui n’a pas de nom formel) est totalement fonctionnelle: les personnes dysfonctionnelles sont « guéries » par la famille, à différence des années 1980s. Mais, elles sont marginales; les personnes « normales » ont toujours de la difficulté avec la famille. En haut, les 3 sœurs; en bas, la maman, Honey Boo Boo et son cochon, et son père

88 Le recyclage et la rationalité temporelle
Pour Simon Reynolds (Retromania: Pop Culture’s Addiction to its Own Past, Londres, 2011), l’obsession avec le passé est assez récent (depuis l’an 2000, plus ou moins) et se contraste avec le dynamisme de la culture pop d’antan. Il donne l’impression qu’on recycle pour des raisons de nostalgie ou tout simplement parce que le dynamise de la culture pop s’est éteint. Selon moi, ceci ignore que les « nouveautés » de la culture pop des décennies précédentes se nourrissaient de références soit à la vie quotidienne, soit à la culture classique (p.e., Superman et les autres héros qu’il a inspirés ne sont qu’une variante des pouvoirs des dieux grecs). Le recyclage n’est pas lié au passé, dans le sens de souvenirs nostalgiques; il prend un signifié et le transforme en signifiant à l’interne d’un champ clairement délimité, qu’on dénomme la culture pop. C’est le saut continuel de signifié à signifiant qui est typique du recyclage, pas nécessairement ce qui peut paraitre, à première vue d’œil, son obsession avec le passé. La retromanie, après tout, ne recycle que sur une seule dimension sémiotique, le temps. En fait, la culture pop est typiquement normalement atemporelle, car en scindant le rapport normal liant un signifiant à un signifié banal, la culture pop brise l’emprise de la rationalité temporelle normalisée et véhiculée par une forme de mentalité de comptable qui s’attache à nos déplacements. Rien ne se déplace, rien n’est inventé, tout est recyclé: il n’y a pas de dimension temporelle dans la culture pop. L’intertextualité (referencing, citation, allusion, etc.) ne fonctionne pas sur la base de souvenirs, comme prétend Michael Dunne (« Seinfeld as Intertextual Comedy », pp.49-57, Seinfeld, Master of its Domain, D. Lavery (ed.), New York. Andrew and Kate, le Duc et la Duchesse de Cambridge, vus par l’artiste contemporain Romero Britto, 2011, en style 1968.

89 Discussion: parodie, pastiche, recyclage, ironie et le pouvoir du sujet actif
“Being more intellectually secure than me, my wife can watch truly lowbrow television programmes without any embarrassment: Wife Swap, Embarrassing Bodies, Too Fat for 15… You name it, she can handle it, and apparently enjoy it, without even having to pretend her interest is ironic.” – Nigel Farndale, The Telegraph, Frederic Jameson, dans son œuvre importante Postmodernism, or, The Cultural Logic of Late Capitalism (Durham, 1991), avait suggéré que la condition postmoderne est dominée par le pastiche, suite à une crise de l’historicité. Cependant, la notion de pastiche tel qu’utilisé par Jameson confond l’imitation et l’ironie, et surtout ne théorise aucunement l’impact de ces développements sur l’agir individuel. Jameson est très critique envers la notion de recyclage (mon mot, pas le sien), et a tendance à voir la culture contemporaine comme un résultat essentiellement négatif de la «confusion» et du chaos qui émergent quand s’écroulent les grandes narrations historiques (ce n’est pas exactement son vocabulaire que j’utilise ici, mais la mienne influencée par Lyotard). Imiter sans le «respect» (son mot) envers la source originale qui caractérise la parodie traditionnelle n’a aucun sens pour Jameson; elle est un «langage mort» «privé d’humour» (ses mots). Même si sa description de la condition postmoderne est incisive, surtout la remarque que la postmodernité brille par l’absence d’un cadre normatif partagé censé agir d’axe structurel (et, selon Jameson, hégémonique) qui sensibilise les personnes à la rationalité implicite derrières les textes de l’histoire, il ne conçoit aucunement la façon dont le pouvoir individuel d’un sujet actif peut être rehaussé par l’ironie et par le recyclage: bien sûr, car il croit que la crise de confiance en l’histoire comme dynamique a eu un impact réel sur les personnes, les déséquilibrant (un peu la position de Descartes).

90 Ceci semble une position basée sur le postulat que les personnes se comportent selon un ensemble de positions idéologiques «purifiées» du « haut », comme avait suggéré Karl Popper (Objective Knowledge, Londres, 1972). Par contre, je crois que les personnes sont relativement peu influencées par les causalités implicites dans l’histoire comme agent idéologique; certainement, certaines formes de rationalité restent intactes même quand s’écroulent les grands récits de l’histoire. L’ironie et le recyclage, selon moi, légitiment tacitement la source de l’objet ironisé ou recyclé autant que la parodie le fait de façon explicite, et donc permettent aux individus de lancer un message puissant (mais toujours tacite) de leur capacité d’agir dans deux cadres, et de se distancer des normes somatisées. À droite, Christina Ricci recycle Bette Davis,  Fashion of the Times , « The Big Remake », 2000; l’image est analysée en: Vera Dika, Recycled culture in contemporary art and film: the uses of nostalgia. Cambridge University Press, 2003


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