Le pied diabétique questions -réponses
1-Quelle est la définition du pied diabétique?
La survenue d’une lésion du pied chez le diabétique peut relever de 3 mécanismes qui sont souvent intriqués: une neuropathie Une artériopathie Une infection qui est un facteur d’aggravation de toute lésion
2-Le pied diabétique pourquoi faut-il en parler ? Prévalence Prévention possible Connaissances sont des éléments essentiels dans la lutte contre cette terrible complication
Le Pied diabétique : un problème de santé publique Coût économique du TTT des plaies et des amputations. Pays développés: 4% des diabétiques ont une plaie du pied représentant 15% des dépenses de santé liées au diabète. Pays en voie de développement: jusqu’à 40% de la totalité des dépenses disponibles en matière de soins.
Un coût humain important Une vie profondément affectée Incapacité à travailler Dépendance Vie sociale active difficile ou impossible Diminution activité physique, affective et sociale, Dépression fréquente De nombreux patients vivent dans la peur d’une récidive, d’épisodes répétés d’infection et de la possibilité d’un handicap à vie.
Taux d’incidence des amputations? Taux d’incidence des amputations du membre inférieur inconnu En France métropolitaine : 136 pour 100 000 personnes diabétiques par an Beaucoup d’études : profil des patients diabétiques amputés Peu d’études sur leur devenir en France, aucune en Guadeloupe N. GUERRY 24 octobre 2014
« Caractéristiques des patients diabétiques amputés au CHU P-à-P en 2010 » (Thèse S.Branchut) CHUPPA France métropolitaine Proportion diabétique amputé 59% 52% Hommes % 53% 70,8% Age moyen 65,2 70,2 Récidive amputation 40,7% 16% Amputation proximale 25,9% 16,9%
Quelques chiffres au CHU/Guadeloupe (thèse Médecine Générale) Entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012 399 actes d’amputation au CHUPPA 227 actes d’amputation chez 193 patients diabétiques Age moyen : 66 ± 13,4 ans Hommes (61,1%), femmes (38,9%) Lors de notre étude, sur 193 patients : 55 perdus de vue (Taux d’attrition : 28,5%) 55 décédés (Taux de mortalité : 28,5%) N. GUERRY 24 octobre 2014
5% 1 14% 2 19% 3% 3 56% 21% GRADE Ulcération à 3 ans Amputation à Mortalité À 6,5 ans 5% 1 14% 2 19% 3% 3 56% 21% 44% si ulcère 74% si amputation Diabetes Care2001,24
Les patients à risque de pied diabétique: Neuropathie des MI Pathologie polyvasculaire ATCD de plaie podologique, des déformations podologiques ATCD d’amputation Complication microangiopathique Etre âgé et vivant seul = facteur favorisant
3-La prise en charge du pied diabétique en médecine générale: un casse-tête ? Oui sauf si …
Le patient Traitement non univoque Multidisciplinarité Dr P.Kangambega-Nouvier
La plaie chronique Plaie qui ne cicatrise pas après 4 à 6 semaines d’évolution. Ulcères de jambe (veineux, artériel, mixte, angiodermite nécrotique…) Pied diabétique escarres
Plaies chroniques du pied diabétique… 3 causes dans l’immense majorité des cas: Absence de décharge effective de la plaie à 100% Présence d’une osteite sous-jacente passée inaperçue car le plus souvent asymptomatique La sous-évaluation ou non évaluation de l’ischémie.
4-comment faire la différence entre le pied neuropathique et le pied artériel?
Sensibilité, ROT normaux Pouls amples Pouls non ou mal perçus Pied neuropathique Pied vasculaire Pied chaud Pied froid Sécheresse cutanée Pâleur à l’élévation Aréflexie tendineuse Sensibilité, ROT normaux Pouls amples Pouls non ou mal perçus Dr P.Kangambega-Nouvier/
???? ? Dr P.Kangambega-Nouvier
L’ulcération neuropathique Typiquement MPP Plaie à l’emporte-pièce En regard d’une articulation métatarsienne Entourée d’une zone d’hyperkératose. Dr P.Kangambega-Nouvier/
Conséquence de l’Hyperpression chez le diabétique présentant les complications d’une Neuropathie des membres inférieurs : Le Mal perforant plantaire
Abrasion de couches hyperkératosiques Mise en évidence d’un hématome sous jacent
L’ulcération ischémique Plaie du bord du pied (ulcération marginale) Souvent inflammatoire A fond sanieux Sans hyperkératose périphérique. Ou plaie nécrotique d’un orteil Très douloureuse Dr P.Kangambega-Nouvier/
L’ulcération mixte Le plus fréquent Combine à des degrés divers les caractéristiques d’une ulcération ischémique et d’une ulcération neuropathique. Dr P.Kangambega-Nouvier/
Conditionne les soins locaux Prise en charge et pronostic différents Pourquoi est-il important de bien différencier l’origine neuropathique ou ischémique d’une plaie ? Conditionne les soins locaux Prise en charge et pronostic différents Traitement « d’urgence » de l’ulcération neuropathique Et de sa décharge Cicatrisation en 1 à 2 mois Ulcération ischémique, peu de chance de cicatrisation sans rétablissement d’un apport artériel satisfaisant.
5-comment prendre en charge ces plaies ? Evaluation de la plaie Traitement de la plaie ( traitement général, traitement local)
5-1 Evaluation de la plaie mesure fondamentale Nature de la plaie (typage) Son stade (nécrose, tissu fibrineux, bourgeonnement, épidermisation) Sa surface-sa profondeur (existence d’un contact osseux ou exposition osseuse) Existence ou non d’une infection
infection de la plaie Présence critères cliniques Traitement prélèvements bactériologiques réalisées dans de bonnes conditions. (écouvillonnage profond, curetage, biopsie osseuse, aspiration à l’aiguille fine).
Infection de la plaie Traduction par des signes indirects: Aggravation d’une plaie sans cause évidente Apparition d’une odeur nauséabonde Déséquilibre hyperglycémique brutal Réapparition de la douleur.
Infection de la plaie Photo Emp
Classification de l’infection et la sévérité des plaies du pied diabétique Grade Aspects cliniques et/ou biologiques Grade 1 (absence d’infection) Absence d’infection, pas de symptôme, ni de signe d’infection en péri-lésionnel
Classification de l’infection et la sévérité des plaies du pied diabétique Grade Aspects cliniques et/ou biologiques Grade 1 (absence d’infection) Absence d’infection, pas de symptôme, ni de signe d’infection en péri-lésionnel Grade 2 (infection légère) Infection superficielle (atteinte cutanée sans atteinte des tissus sous-cutanés) avec au moins 2 des signes suivants: chaleur locale Érythème < 2cm de large autour de la plaie Douleur locale Tuméfaction ou induration locale Écoulement purulent Et sans manifestation systémique
Classification de l’infection et la sévérité des plaies du pied diabétique Grade Aspects cliniques et/ou biologiques Grade 3 (infection étendue « infection modérée ») Soit érythème > 2cm et une des manifestations suivantes: chaleur locale, douleur locale, tuméfaction ou induration locale, écoulement purulent Soit infection atteignant les structures au-delà de la peau et du tissu S/C Et sans manifestation systémique Grade 4 (infection sévère, infection systémique) Quelque soit l’infection locale, si présence de au moins 2 manifestations systémiques suivantes: T° > 38° ou < 36° FC > 90 battements /minute Fréquence respiratoire > 20 cycles/minute PaCO2 < 32 mmHg Leucocytes > 12000………
5-2 le traitement de la plaie traitement général Bon équilibre du diabète Traiter une éventuelle infection Restaurer un apport artériel satisfaisant Assurer un apport nutritionnel adéquat Contrôler les FDR cardio-vasculaire Prise en charge de la douleur Vérifier le statut vaccinal contre le tétanos
La découverte d’une plaie du pied même minime est le moment de: Refaire le point des examens complémentaires annuels: OPH Cardio-vasculaire (IPS, doppler, dépistage ischémie silencieuse…) Neurologiques (monofilament). Bilan rénal Dr P.Kangambega-Nouvier/07.10
La connaissance des complications Rétinopathie (évoluée) gêne la déambulation en décharge. Modifie après cicatrisation la surveillance d’éventuelles récidives. Dr P.Kangambega-Nouvier/07.10
La connaissance des complications Coronaropathie Fait soupçonner d’autres lésions vasculaires. Artériopathie des MI dont la présence gênera le bon déroulement de la cicatrisation. Dr P.Kangambega-Nouvier/07.10
La connaissance des complications Néphropathie Péjore le pronostic de cicatrisation. Contre-indique certaines thérapeutiques. Oblige à une adaptation de posologie en cas d’antibiothérapie. Dr P.Kangambega-Nouvier/07.10
La connaissance des complications Neuropathie Diminue les sensations douloureuses, Expliquant les trauma passés inaperçus, Rendant difficile la compliance du patient vis-à-vis de la décharge.
* MPP ou ulcère sans contact osseux Sans inflammation, cellulite ou signes généraux d’infection BILAN Pas de prélèvement bactério Radios standard Bilan vasculaire Bilan podo AVIS CHIR Vasculaire si artériopathie orthopédique si déformation pieds et /ou orteils TRAITEMENT Prise en charge du diabète. Mise en décharge. Soins locaux. vaccination anti-tétanique. ANTIBIO PAS DE TTT Antibiotique
* MPP ou ulcère sans contact osseux AVEC inflammation locale: pus, infection cutanée ou S/C. BILAN Prélèvement local Bilan infectieux (NFS, CRP…) Radios standard IRM si atteinte en regard de métatarse ou si évolution non favorable. Bilan vasculaire Bilan podo AVIS CHIR Vasculaire si artériopathie orthopédique si atteinte en regard tête de métatarse TRAITEMENT Hospitalisation Prise en charge du diabète. Mise en décharge. TTT anticoagulant (HBPM). Soins locaux. vaccination anti-tétanique. ANTIBIO * Abthérapie après prélèvements * AMOXICILLINE-AC CLAVULANIQUE Ou PRISTINAMYCINE A adapter Durée 15j Réévaluer à 1 mois
L’évaluation de la plaie, répétée régulièrement au cours du temps est un élément clé pour la prise de décision thérapeutique.
6-Comment réaliser la prise en charge locale de la plaie ? Détersion, recouvrement, décharge
Objectifs principaux Aider à la cicatrisation Prévenir les complications Améliorer le confort du patient et sa qualité de vie Prévenir les récidives.
Le nettoyage avant détersion Nettoyage avant chaque pansement et avant tout soin. Eau stérile Sérum physiologique Eviter les bains de pied Antiseptique ?
La détersion de la plaie Est un temps capital du TTT de la plaie. Elimination des tissus nécrotiques, infectés, débris et corps étrangers. Mise à plat prolongements en profondeur
La détersion de la plaie Plusieurs techniques Mécanique Autolytique Bio-zoologique
La détersion de la plaie: mécanique Recommandée ++ plaie neuropathique. Prudente si plaie ischémique
Débridement: les outils Ciseaux de dissection renforcée, courbes et droits Pinces à griffes Bistouris et lames ( 15, 23) Photo4/pk/uppd
Photo1/ng/uppd
Photo1/ng/uppd
Photo1/ng/uppd
Photo/ng
Détersion de la plaie: Autolytique L’organisme détruit le tissu nécrotique par des mécanismes cellulaires et sécrétion d’enzymes protéolytiques. Favorisée en milieu humide Base de l’utilisation des hydrogels Plaies sèches, nécrotiques (tissu fibrinoide++). lenteur P.Kangambega/DIU/2016
7-RECOUVREMENT DE LA PLAIE LE PANSEMENT Versant le plus discuté P.Kangambega/DIU/2016
Pansements et topiques locaux Aucun pansement ne répond à l’ensemble des critères requis pour la prise en charge du pied diabétique Pas de véritable consensus sur l’utilisation des pansements. Expérience clinique. Principe de base=maintien d’un milieu humide qui favorisera la cicatrisation. P.Kangambega/DIU/2016
Les différents pansements Hydrocolloïdes Hydrocellulaires Alginates Hydrofibre ABSORBANTS Plaie exsudative Pansements au charbon Pansements à l’argent BACTERIOSTATIQUE Infection Tulles, Interfaces, Films PEU ABSORBANTS Plaie peu exsudative P.Kangambega/DIU/2016
Les différents pansements Les pansements à base d’acide hyaluronique Associé à la réparation tissulaire P.Kangambega/DIU/2016
Le choix du pansement Pouvoir d’absorption pour un milieu humide sans macération Pouvoir détersif Éventuellement pouvoir bactériostatique Conformation à la forme de la plaie (compresse, mèche, gel) P.Kangambega/DIU/2009
Réalisation du pansement (1) Lavage du pied et/ou de la jambe à l’eau et au savon Rinçage à l’eau Séchage minutieux Rinçage de la plaie au sérum physiologique Décapage des d’hyperkératose autour de la plaie Ablation de l’hyperkératose recouvrant la plaie
Réalisation du pansement (2) Exploration de la plaie Décapage manuel des tissus morts et de la fibrine Nouveau rinçage au sérum physiologique Pose du pansement Fermeture du pansement
Quelques erreurs à ne pas faire Utiliser les pansements sans tenir compte du stade de cicatrisation (détersion, bourgeonnement, épithélialisation) Ne pas rechercher la profondeur de la plaie et un contact osseux à chaque examen de la plaie.
Quelques erreurs à ne pas faire Changer de type de pansement à cause de la lenteur de cicatrisation sans réévaluer les 3 principales causes à éliminer: décharge ? artériopathie ? ostéite ? Ne pas traiter efficacement la douleur lors du pansement à la phase de détersion.
Quelques erreurs à ne pas faire Mettre une antibiothérapie par voie générale systématique. Utiliser des colorants rouges type éosine. Utiliser des hydrocolloides sur toutes les plaies du pied diabétique.
Les autres traitements (pour favoriser la formation de tissu de granulation) Techniques physiques Le système VAC (vacuum assisted closure) Pressothérapie négative Permet la préservation d’un milieu humide, le drainage des bactéries, la stimulation des facteurs de croissance et de défense CI: infection, ulcère+ischémie critique, TTT anticoagulant à doses curatives
Les autres traitements (pour favoriser la formation de tissu de granulation) L’oxygénothérapie hyperbare Lésions d’origine ischémique en l’absence de lésions artérielles accessibles à la chirurgie de revascularisation ou après celle-ci
La décharge
En pratique Toujours associer 2 démarches: Traitement étiologique si possible Médical Chirurgical Physiothérapie (contention..) Traitement local: pansements, moyens physiques, greffes Importance d’une prise en charge pluridisciplinaire, et du binôme médecin-IDE
Quand faut-il hospitaliser le patient ? Ischémie sévère, gangrène. Nécessité d’une antibiothérapie IV non réalisable à domicile. Nécessité d’un geste chirurgical. Impossibilité de suivi du patient. Impossibilité de soins adaptés.
8-La prévention est-elle possible? Gradation du risque L’éducation des patients à risque et la prescription de soins podologiques La prise en charge rapide des lésions dans des centres spécialisés La mise en œuvre de s mesures adaptées à la prévention de la récidive
Comment dépister le risque de lésion? Répondre à 4 questions: PKN2016
Le patient a-t-il un ATCD d’ulcération chronique ou d’amputation ?
- Le patient a-t-il une perte de la sensibilité ? Recherchée par le test au monofilament
2 fausses réponses sur 3 à un même site signent l’existence d’une neuropathie et d’un risque d’ulcération
Comment recherche-ton la neuropathie ? Le diapason
Les signes cliniques Frustres au début Paresthésies à type: ECOUTE Fine Frustres au début Paresthésies à type: Engourdissements Picotements Sensations de brûlures De broiement D’élancement
Les signes cliniques Sudation Sécheresse peau Hyperkératose INSPECTION Sudation Sécheresse peau Hyperkératose Abolition des réflexes achilléens
Les signes cliniques Sudation Sécheresse peau Hyperkératose INSPECTION Sudation Sécheresse peau Hyperkératose Abolition des réflexes achilléens
Le neuroesthésiomètre
Le patient a-t-il une artériopathie des MI? Non perception des pouls
Le patient a-t-il une artériopathie des MI? Mesure de l’IPS
Le patient a-t-il des déformations des pieds ?
Gradation du pied diabétique GRADE DEFINITION Pas de neuropathie Ni artériopathie 1 Neuropathie isolée 2 Neuropathie + artérite et/ou déformation 3 ATCD d’amputation ou d’ulcération ayant duré plus de 4 semaines
Gradation et prise en charge GRADE DEFINITION PRISE EN CHARGE Pas de neuropathie Ni artériopathie Examen annuel des pieds 1 Neuropathie isolée Examen des pieds et des chaussures à chaque Cs, éducation 2 Neuropathie + artérite et/ou déformation Idem + podologue tous les 3 mois Chaussures adaptées+- orthèses 3 ATCD d’amputation ou d’ulcération ayant duré plus de 4 semaines Idem+podo tous les 2 mois + éducation par équipe spécialisée
5% 1 14% 2 19% 3% 3 56% 21% GRADE Ulcération à 3 ans Amputation à Mortalité À 6,5 ans 5% 1 14% 2 19% 3% 3 56% 21% 44% si ulcère 74% si amputation Diabetes Care2001,24
ETP prévention de la récidive Centre spécialisé ou service de diabétologie Education en petit groupe permettant l’acquisition des compétences par une pédagogie interactive. Thèmes: Les conduites à risque Les soins des pieds et des ongles, le suivi podologique L’auto-examen des pieds et des chaussures La consultation en urgence en cas de récidive,
Points forts et points faibles du parcours de soins Dépistage des complications dégénératives responsables des ulcérations Centre Pied (pluridisciplinarité) Médecine générale Podologues Fréquence insuffisante du dépistage Prise en charge des lésions constituées Centre Pied, services de chirurgie Spécialistes Paramédicaux formés Manque de lisibilité Et de coordination Education thérapeutique Existence au CHU d’un programme ambulatoire autorisé pour les patients à haut risque podologique Manque maillon médecine de ville (suivi, renforcement)
Améliorer le parcours de santé implique: Médecine de ville Médecin traitant Etablissements de santé Amélioration interface
Les difficultés Portes d’entrée mal identifiées Difficultés d’organisation hospitalière Lenteur de la prise en charge chirurgicale
CONCLUSION
Action coordonnée Pied diabétique Pluridisciplinarité Médecins Généralistes Diabétologues Infectiologues Infirmiers Podologues Podo-orthésistes Chirurgie vasculaire Et orthopédique Radiologues Médecins isotopistes Efficacité démontrée