Stéphane Martineau Liliane Portelance Annie Presseau CRIFPE-LADIPE L'IDENTITE PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS : L'AMBIVALENCE DEVANT LE STATUT PROFESSIONNEL Stéphane Martineau Liliane Portelance Annie Presseau CRIFPE-LADIPE Genève 2010
Plan de l’exposé Introduction Problématique Cadre conceptuel Méthodologie Résultats Conclusion
Introduction Cette présentation est basée sur certains éléments des résultats d’une recherche de trois ans financée par le CRSH. Cette recherche s’est déroulée dans la région de Trois-Rivières auprès d’enseignants d’écoles secondaires.
Problématique Dans un contexte d’éclatement des savoirs et d’effritement des institutions, la question du sens de l’action professionnelle se pose de manière aigue. Les enseignants n’ont ainsi d’autre choix que de construire du sens sur la base de leur expérience personnelle au travail.
Problématique Cette construction de sens se présente notamment comme un double processus : Construction et consolidation de savoirs et de compétences Construction d’une identité professionnelle. Ce double processus se réalise à travers le dialogue et la tension entre trois logiques d’action.
Cadre conceptuel Apprendre de son expérience est un processus interprétatif d’élaboration de sens, de mise en récit de soi dans le temps (Ricoeur, 1986). En schématisant et en simplifiant, il est possible d’identifier quelques caractéristiques du processus de construction de sens (Barbier et Galatanu, 2000)…
Cadre conceptuel il est tout autant cognitif qu’affectif; il se réalise sur la base d’une certaine tradition interprétative; il implique une mise en relation des représentations préalables avec des nouvelles; il implique aussi une opération de qualification des nouvelles expériences au regard des anciennes; il conduit à une transformation des représentations; pour aboutir à une modification de l’identité de l’acteur qui construit du sens.
Cadre conceptuel Une précision : ici, la question du sens est vue sous l’angle phénoménologique, i.e. que ce ne sont pas les processus cognitifs en cause dans la pensée et donnant du sens qui sont étudiés, mais comment le vécu et l’expérience du sujet prennent sens pour lui (démarche herméneutique).
Cadre conceptuel Trois types d’expériences : Activités opératives (transformer l’environnement) Activités de pensée (transformer les représentations) Activités de communication (transformer autrui)
Cadre conceptuel L’identité professionnelle est un construit qui se situe à l’intersection des représentations de soi et d’autrui et de l’exercice du métier. Ces représentations mobilisent des connaissances, des croyances, des attitudes, des valeurs, des conduites, des habiletés, des finalités, des aspirations et expriment la manière qu’a l’acteur de faire face à des logiques parfois contradictoires.
Cadre conceptuel «Le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions». (Dubar, 1996, p. 111)
Cadre conceptuel Selon ce même auteur, l’identité professionnelle doit être pensée comme l’articulation de deux transactions : 1) interne à l’individu (un dialogue entre soi et soi); 2) externe à lui (entre l’individu et les institutions).
Cadre conceptuel Le social traversé par trois logiques À la suite de Dubet (1994), on peut dire que l’acteur doit composer avec trois logiques d’action en tension: une logique d’intégration à une communauté; une logique stratégique sur un marché (l’emploi); une logique de subjectivation (c'est-à-dire une appropriation personnelle de la culture; une construction du sens de l’expérience).
Méthodologie Présentation des sujets… Région : Trois-Rivières Niveau d’enseignement : secondaire Matières enseignées : variées Statuts : permanent et précaire Secteurs : privé et public Enseignement : général
Méthodologie Présentation des sujets (suite) 21 sujets : 11 hommes et 10 femmes Moyenne d’âge : 42 Années d’expérience : 3 à 32 ans…moyenne de 17 ans. Date d’obtention du diplôme : de 1966 à 1999.
Méthodologie Technique de cueillette de données Entrevues semi-directives (durée moyenne de 1 h. 15) Nombre d’entrevues par sujet 4 (84 entrevues au total) Analyse des données N.VIVO Catégorisation semi-émergente Validation Intra-codeur
Résultats Des savoirs et des compétences : étroitement reliés aux tâches de travail ; directement mobilisés dans la pratique; acquis principalement dans l’action et par réflexion sur elle; jugés en fonction de leur adéquation aux tâches concrètes d’enseignement; façonnés dans le cadre des interactions entre l’enseignant et les autres acteurs de l’établissement (au premier chef, les élèves);
Résultats peu formalisés et insérés dans un cadre normatif; facteurs d’intégration d’expériences nouvelles; transformés en fonction de la socialisation au métier; marqués par la personnalité de l’enseignant.
Résultats Une identité professionnelle qui se construit en interaction avec autrui… Les collègues (une logique d’intégration) L’institution et la direction (une logique stratégique) Les élèves (une logique de subjectivation)
Résultats Logique d’intégration Prise de distance critique par rapport à la formation initiale et survalorisation de l’expérience (la qualification contre la compétence). Respecter et perpétuer – tout en la déplorant – la «culture individualiste» du monde scolaire. Reproduire le discours sur le peu de reconnaissance des enseignants et l’accroissement de la complexité et des difficultés du métier. Rôle dans l’école… d’abord s’impliquer auprès des élèves, ensuite, mais venant bien plus loin, s’impliquer auprès des nouveaux enseignants, collaborer avec la direction, travailler en équipe professorale.
Résultats Logique stratégique En début de carrière : tout prendre, tout accepter. Éviter de montrer ses faiblesses. Trouver un «mentor» et apprendre sur le mode artisanal. Protéger «le secret» de sa pratique. Pour quelques-uns : rêver de quitter la profession pour devenir : directeur, conseiller pédagogique, enseignant au collégial.
Résultats Logique de subjectivation L’enseignement étant essentiellement défini comme une prestation devant et avec les élèves, le savoir d’expérience acquis auprès d’eux est vu comme la source de la professionnalité [comprise comme la maîtrise des situations de travail (efficacité et efficience)]. L’enjeu semble être de se créer un «style personnel dans sa pratique». La réussite sur le plan professionnel apparaît moins liée aux résultats des élèves (leur réussite scolaire) qu’à l’atteinte d’une relation satisfaisante avec eux et à la capacité à susciter le goût d’apprendre.
Résultats Selon les sujets, les compétences et les savoirs sont acquis sur un mode essentiellement artisanal, bien que certains puissent l’être à partir d’un processus plus «professionnel». Ils définissent la professionnalité de l’enseignant et donc son identité. Cette dernière est un amalgame de deux discours distinctifs : Qui je suis comme personne Qui nous sommes comme groupe de travailleurs
Résultats Le discours des enseignants du secondaire démontre une difficulté à se définir sur le plan professionnel moins en ce qui a trait à leurs caractéristiques personnelles qu’en ce qui concerne les spécificités de la profession… On pense ici aux travaux de Lantheaume et Hélou (2008).
Résultats La vocation n’a pas été totalement remplacée par quelque chose d’autre. Enseignement : naviguer entre le métier et la profession. Valse hésitation entre la fierté et la honte. Définition disciplinaire en perte de vitesse. Montée de la référence à la maîtrise du processus enseignement / apprentissage (la dimension didactico-pédagogique). Une activité professionnelle qui entretient des rapports complexes et parfois conflictuels avec la culture.
Conclusion L’expérience en classe auprès des élèves représente à la fois le milieu et le moment les plus signifiants dans l’expérience de travail des enseignants. Les compétences et les savoirs développés à cette occasion sont le socle sur lequel se construit leur identité professionnelle.
Conclusion Construire son identité professionnelle semble alors être un processus qui repose essentiellement sur l’évaluation (interprétation) de l’efficacité de l’action auprès des élèves (et donc des savoirs et des compétences que cette action mobilise). L’identité professionnelle relève ainsi à la fois: D’un acte d’attribution (identité pour soi) D’un acte d’appartenance (identité pour autrui)
Conclusion Dans ce contexte, l’identité est davantage un «problème qu’un être» (Dubet, 1994)…elle requiert un «travail»…le sujet élabore donc son identité professionnelle à travers la recomposition significative de son expérience personnelle.