Les besoins psychologiques des jeunes enfants et les modes d’accueil en France Agnès FLORIN Laboratoire de psychologie « Education , cognition, développement » (Labécd - EA 3259) Université de Nantes agnes.florin@univ-nantes.fr
Introduction L’impact des modes d’accueil sur le développement psychologique: une question complexe. Prendre en compte une multitude de facteurs pour éviter des conclusions simplistes sur l’effet positif ou négatif d’un mode d’accueil. L’importance des premières années pour le développement ultérieur, même si tout n’est pas joué avant 6 ans...
Plan Les modes d’accueil dans le contexte français La scolarisation à 2 ans et ses effets. Des éléments de comparaison dans le contexte international. L’actualité de la question et les enjeux pour le développement des enfants.
1. Modes d’accueil et développement dans le contexte français 1.1. Les différents modes d’accueil
A1. L’importance de l’école maternelle Toute une classe d’âge scolarisée en : 1970 pour les 5 ans; 1980 pour les 4 ans; 1990 pour les 3 ans. La scolarisation des 2 ans (possible depuis 1881) : - près de 30% en 2005 (surtout 2a 6m - 3a), avec des disparités régionales, et toutes les demandes des parents ne sont pas satisfaites.
A2. L’importance de l’école maternelle La moitié des enfants de moins de 3 ans est gardée à la maison (mère, autre membre de la famille, autre personne). Autres modes d’accueil diversifiés, mais pas disponibles partout : assistantes maternelles, crèches municipales ou associatives, haltes d’enfants, écoles maternelles…
A3. La spécificité de la France L’école : un pilier de la République depuis la fin du 19ème siècle, avec transmission de valeurs, et utilisation de la langue française. Des écoles partout : ville, campagne, montagne. Mode d’accueil gratuit pour les familles (école publique). Accueille les enfants quelles que soient leur langue de 1ère socialisation, leurs familles (conditions de ressources, de travail). Intégrée au système éducatif de l’école primaire.
Les programmes de l’école maternelle (2002) Le langage au cœur des apprentissages Vivre ensemble Agir et s’exprimer avec son corps Découvrir le monde La sensibilité, l’imagination, la création Pour chaque domaine: Objectifs et programme Compétences devant être acquises en fin d’E.M.
B1. La scolarisation précoce : un choix surtout positif de la part des familles Choisie surtout par les familles favorisées. Encouragée par les gouvernements dans les zones défavorisées. Toutes les demandes des familles ne sont pas satisfaites. Hors zones défavorisées, les 2 ans sont acceptés s’il reste des places à l’école.
B2. Evolution du taux de scolarisation avant 3 ans (d’après la DEP, 2003)
B2. Les 2 ans à l’école 50% des enfants nés entre le 1er janvier et le 31 août de l’année en cours (2 ans passés) Surtout des enfants de 2a 6m à 3 a.
1. Modes d’accueil et développement dans le contexte français 1.2. Différences et similitudes des modes d’accueil
1.2.1. Différences et similitudes des modes d’accueil Ratio adulte-enfants: crèche: 1adulte / 8 enfants qui marchent école: 25 enfants en moyenne; 1 enseignante + 1 ATSEM* (pas partout) assistante maternelle: 3 enfants maximum (si agréée) * (ATSEM: Agent Territorial Spécialisé des Ecoles Maternelles; recruté par les communes, avec une formation spécifique (CAP Petite enfance))
1.2.2. Différences et similitudes des modes d’accueil Recherches comparatives (Florin, 2000) sur les crèches, écoles et assistantes maternelles: A. Gestion du temps (organisation de la journée et des activités); B. Tutelle de l’adulte (Bruner): guidage de l’action de l’enfant lors d’activités similaires (graphisme, jeu de construction, dessin).
A. Gestion du temps Activités pédagogiques: graphisme, activités infra-logiques, langage, explications, repères spatiotemporels. Activités éducatives: organisation, soins, jeux libres, récréation, attente. Ecole : plus d’activités pédagogiques; plus d’attente. Crèche: plus de jeux libres. Assistantes maternelles: plus d’activités avec les objets; moins de langage (mais échanges individualisés favorisés).
B.1. Interactions de tutelle Assistantes maternelles: une place importante dans la réalisation de la tâche; conduire à la réussite. Educatrices de crèche: grande régularité de participation (peu de variation / tâche, difficulté, enfant); interventions dans métacognition. Enseignantes: s’ajustent le plus / tâche, difficulté, enfant; favorisent plus la participation des enfants aux activités métacognitives (apprendre à apprendre).
C. Les similitudes entre modes d’accueil Dans la gestion du temps et la tutelle de l’adulte. Liées à dimension collective de l’accueil (crèche et école), à l’homogénéité en âge des enfants. Pas plus d’agressivité en accueil collectif (Florin, 2004). Attachement aussi sécurisé à l’école et à la crèche (Macé & Florin, 2005). Qualité de l’attachement liée à qualité de l’attachement aux parents.
D. Préscolaire collectif et scolarisation L’expérience préscolaire de la collectivité aide à la scolarisation ultérieure: la participation verbale; la prise en compte du point de vue d’autrui; pas d’effets sur les comportements agressifs. (Martinaud-Thébaudin, 2004)
2. La scolarisation à 2 ans et ses effets 2.1. Pourquoi l’a-t-on développée? 2.2. Quels sont ses effets?
2.1. Pourquoi a-t-on développé la scolarisation précoce? Réduit le taux de redoublement ultérieur (1980), surtout pour les enfants de milieu défavorisé. Effets précisés par des études plus récentes: DEP, 2003. Age 1ère scolarisation Accès CE2 sans redoublement 2 ans 90,8% 3 ans 87,7% 4 ans 76,6% (CE2= 3ème année d’école élémentaire)
2.2. Les effets de la scolarisation à 2 ans Effets limités / scolarisation à 3 ans comparée à scolarisation à 4 ans. Effets limités / milieu social, trimestre de naissance. Avantages dans: compréhension orale, familiarité avec l’écrit, compétences numériques. Les plus grands bénéficiaires: milieux défavorisés (ZEP); milieux très favorisés (cadres) ou au fait des questions scolaires (enseignants). (Jeantheau & Murat, 1998; Florin, 2002; DEP, 2004)
3A. Des éléments de comparaison dans le contexte international Difficulté de définir la qualité de l’éducation. Prendre en compte les compétences cognitives, sociales, affectives, émotionnelles des enfants. Effets modulés par plusieurs variables des modes d’accueil: qualité de structure, type de mode d’accueil, durée de garde non parentale, qualité des relations avec l’adulte. Effets modulés par les caractéristiques familiales et de l’enfant: durée de fréquentation (en mois), quantité hebdomadaire de garde, tempérament de l’enfant et attachement aux parents.
3B. Des éléments de comparaison dans le contexte international Effets négatifs pour certains enfants: ceux qui ont par ailleurs d’autres difficultés. Combinaison entre effets de la qualité du mode d’accueil et caractéristiques individuelles (ethnie, genre, tempérament) et familiales (conditions de vie, de travail, de ressources). Sens des relations ? Caractéristiques modes d’accueil <=> difficultés des enfants
3C. Des éléments de comparaison dans le contexte international Complémentarité des contextes familiaux et des modes d’accueil. Equilibrer la garde à la maison et dans le lieu d’accueil. Nécessité pour l’enfant d’interactions entre parents et éducateurs, dans le respect des différences entre ses deux lieux de vie.
4A. Conclusion Consensus sur des éléments de qualité pour le développement cognitif, social et affectif: attention portée aux enfants adéquation aux besoins individuels stabilité du personnel,… Des variables liées à la formation et l’expérience des professionnels, au ratio adulte-enfants, mais pas seulement….
4B. Conclusion Les effets négatifs (relations de faible qualité): plus forte incidence sur le comportement social (agressions, non respect des règles) que sur les autres aspects du développement (cognitif, affectif). Les effets positifs demeurent plusieurs années. Enfants à risque (caractéristiques familiales, tempérament, bilan biomédical): plus sensibles aux effets (Florin, 2004).
Pour terminer… Développer les recherches avec perspectives différentielles (notamment en France). Ne pas utiliser uniquement les indicateurs classiques du développement, mais aussi le bien-être quotidien. Considérer le rythme de vie de l’enfant, les modalités de passage de la famille au lieu d’accueil dans la journée. Prendre en compte la composition familiale, les conditions de travail des (du) parent(s), les prestations familiales dont ils disposent. Se préoccuper aussi des enfants ayant des besoins spécifiques (ex: handicapés).