Prof. Eugenia P ă un Collège „Ştefan Odobleja”
Les portfolios européens des langues sont généralement perçus comme des outils d’évaluation et d’autoévaluation des compétences langagières dans les différentes langues constituant le répertoire des sujets. Mais, on peut aussi les concevoir et les pratiquer, plus largement, comme des moyens de reconnaissance et de valorisation de parcours d’appropriation bi-plurilingues et comme des supports de réflexion au croisement du passé.
Les orientations européennes Dans son introduction, le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) rappelle que ses orientations visent à construire et à développer une « compétence communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent ». Alors, l’enseignement plurilingue apparait comme un moyen privilégié de remplir tous ces objectifs. En effet, en effectuant un rapide tour d’horizon des compétences spécifiques développées dans l’éducation plurilingue, on peut tout particulièrement mettre en avant :
des compétences d’utilisateur des langues, dans la mesure où les langues servent principalement de moyens d’accès à d’autres connaissances, ce qui correspond au développement d’une compétence communicative ; des compétences d’approfondissement des concepts disciplinaires dans au moins deux langues; ce qui correspond au développement de connaissances et d’expériences à la fois linguistiques, socioculturelles et disciplinaires ; dans le cas où il s’agit d’un enseignement bilingue, c’est- à- dire qui articule de manière constante et régulière les savoir-faire en deux langues, dans le processus d’apprentissage, doivent également se développer des composantes importantes de ce que le CECR nomme « la médiation » : on peut alors considérer que, dans ce cadre, les langues interagissent.
Il convient de s’attarder quelque peu sur la notion de compétence de médiation, considérée comme l’une des quatre catégories descriptives fondamentales définies par le CECR, mais dont on ne retrouve que très peu de traces dans les outils proposés pour mettre en œuvre la politique européenne en matière de langues: ses caractéristiques, brièvement décrites dans le chapitre 4 du CECR, se réduisent presque exclusivement à des activités de traduction ou d’interprétariat. La médiation n’est alors conçue que comme une négociation entre des locuteurs de langues différentes. Les modalités plurilingues d’enseignement semblent particulièrement même de développer chez les apprenants cette activité de médiation, qui peut ainsi adopter des formes plus complexes et diversifiées.
Compléter le portfolio Pour remplir pleinement le rôle qu’on assigne à ce type de livret, il serait donc préférable que ces phénomènes puissent être décrits non seulement sous la forme de descripteurs, renvoyant à des capacités identifiées en termes d’objectifs à atteindre, mais aussi et surtout qu’un tel outil qui puisse permettre de donner du sens à la compétence à partir d’une mise en contexte de sa construction. On pourrait alors envisager l’organisation de ce livret en trois chapitres, répartis de la manière suivante :
une partie centrée sur les acquisitions concernant les langues, qui mette l’accent sur la compétence de médiation ; on y trouverait des descripteurs tels que : - je peux lire un texte dans une langue et le résumer dans une autre. -je peux passer d’une langue à une autre, dans le cours d’une explication, pour mieux faire comprendre quelque chose à mon interlocuteur. une partie plus centrée sur l’apprentissage disciplinaire et les spécificités de leur développement en plusieurs langues, dans laquelle on pourrait imaginer des items comme : - je peux nommer une notion dans plusieurs langues et comprendre les nuances d’une langue (culture) à une autre. - je peux m’appuyer sur ce que je sais d’une notion dans une langue pour l’expliquer dans une autre langue.
une partie « commentaires, dossier, journal d’apprentissage » qui permette de contextualiser les compétences et leur construction, en rendant aussi visible la dimension sociale et affective des apprentissages ; cette partie pourrait comporter à la fois des éléments renvoyant à l’explicitation du processus cognitif (« ce qui m’a aidé à comprendre cette notion... », « quand il me manque trop de mots, je ne comprends plus rien... ») et des éléments témoignant du cheminement collaboratif, dans et hors de l’école, accompagnant le développement de la compétence plurilingue. Ce type de présentation permettrait non seulement d’avoir accès aux résultats de l’apprentissage, ce qui est habituellement un but essentiel des processus d’évaluation, mais aussi de retracer des parcours d’appropriation plurilingues, dans et hors du cadre scolaire.
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES C ASTELLOTTI V., C OSTE D„ M OORE D., et Tagliante C. (2004), Portfolio européen des langues collège, Paris, Didier/ ENS/CIEP. C OSTE D. (2002), « Compétence à communiquer et compétence plurilingue », Notions en questions, n° 6, ENS Éds