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Fred Hailon Université de Tours (LLL)/Montpellier (OPME) Paris Ouest (Modyco) - avril 2015.

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2 Fred Hailon Université de Tours (LLL)/Montpellier (OPME) fredaile@wanadoo.fr Paris Ouest (Modyco) - avril 2015

3 Etapes/Plan La cognition politique : aspects généraux (la philosophie des dispositifs, une pensée instituée) Régime de pensée et régime de discours (définitions de l’idéologie) Modèles de l’Analyse du discours (comparaison ADF/CDA) L’implicite (aspects généraux, cognition sociale) Outillages analytiques (hétérogénéités énonciatives et cognitives, circulation idéologique, su et insu) Exemplification (l’implicite dans les discours : radio, presse et politiques)

4 La cognition politique : philosophie des dispositifs Les dispositifs dans la philosophie de M. Foucault sont « des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit… Le dispositif c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments » (Foucault 2002 [1975] : 299). Il relève du tissage, de l’écart, d’un corps d’idées, de pratiques et d’actions (historiques, politiques, culturelles, sociales). Le dispositif est ce qui, d’une certaine manière, précède et préexiste au sujet ; et qui lui est nécessaire pour se constituer socialement. Les dispositifs encadrent les perceptions et les phénomènes de la conscience, ils la débordent. Ils permettent des conduites de la pensée et du sens, provoquent des pensées attendues, des sous-entendus et des impensés.

5 La cognition politique : philosophie des dispositifs Selon G. Deleuze (1989) qui commentent M. Foucault, les dispositifs « éclairent des objets préexistants » et « distribuent le visible et l’invisible, faisant naître ou disparaître l’objet » (1989 : 185). Ils sont à même de produire des objets d’étude avec leurs régimes d’énoncés, selon des lignes d’énonciation. Les dispositifs ne font pas seulement agir (faire faire), ils sont ce qui façonne foncièrement le sujet qui s’en trouve produit (faire à faire). Ils impliquent que l’identité des sujets est mouvante et hétérogène, qu’elle peut varier en fonction d’institutions (état, école, université, famille, église…), le sujet s’en trouvant toujours « disposé », constitué : sujet de l’école, sujet de famille, sujet de l’administration étatique qui nous concède une carte d’identité. Le sujet n’est pas autodéterminé, mais coréalisé dans la relation qui le fait vivre (sujet) : écolier, étudiant, citoyen, enfant, parent…. chercheur.

6 La cognition politique : une pensée instituée D’après M. Douglas (2004), il n’existe pas de pensée institutionnelle : les institutions ne pensent pas. La pensée dépend d’elles et réciproquement les institutions dépendent de ce que les individus mobilisés en société pensent et instaurent communément comme pensée. Il en va de même des croyances. Dans l’esprit Durkheimien, l’institution est un groupement social légitimé. Il se rapporte à une forme d’organisation sociale qui lie des valeurs, des normes, des rôles, des modèles de relations et de conduites. L’institution effectue un décentrement de la raison humaine, de la pensée individuelle (Fleck 1935, Flahaut 2005). Se réalise une sorte de réflexivité instituelle, « constituelle », des individus qui voient leurs intérêts, passions, désirs, mais aussi leurs raisons et connaissances, décentrés : le clivage (Lacan, Pêcheux), l’assujettissement (Deleuze, Foucault), la méconnaissance (Althusser), l’holisme sémantique (Sarfati) et cognitif (Flahaut).

7 La cognition politique : une pensée instituée Ce décentrement engendre des effets de rationalisation par lesquels les sujets prennent conscience de leur état d’être social, dans des « réglages » et recherches d’adéquation aux normes, au vivre ensemble (Foucault 1969, Arendt 1989) ; rapport à l’imaginaire chez Althusser (1976). L’habitus (Bourdieu 1980), la doxa (Barthes 1984), le socius (Angenot 1989), l’hétérogénéité en tant manifestation de l’idéologie spontanée (Authier-Revuz 1995). Il s’agit ainsi de s’intéresser au rôle des systèmes de connaissance et de la cognition dans la formation de l’ordre social, dont l’ordre de discours ; de questionner les relations entre pensée, culture, organisation sociale et individus, entre « pensée du dehors » et « en dedans de la pensée » (Deleuze), entre le su (l’énonçable, le visible) et l’insu (l’incitatif, le déterminant). Subjectivation (formelle) dans les rapports informels du savoir et du pouvoir.

8 Régime de pensée et régime de discours Le discours politique et le discours médiatique sont des supports de conduite de sens social ; cherchant chacun à leur manière à être le centre de leur interprétation mondaine. Horizon normatif, scénario cognitif, intercompréhension normée sur le plan du sens. Les discours agissent comme régulateur social. Les discours politiques et médiatiques produisent de l’ordre cognitif social ; ajustement communautaire. Discours obligés d’une communauté de savoirs qui déterminent ce qui doit être considéré comme sensé, vrai ou faux. Les savoirs et leur vérité sont conditionnés socialement. Distinction idéologie et politique : l’idéologie relève de la métacognition (connaissance socioréflexive des potentialités de savoir ; potentialités qui débordent l’individu - Hailon 2014 : 172 ). Le politique tient de l’hétérocognition (connaissances, croyances, convictions, attitudes et réactions comme données de l’expérience sociale et de son interprétation).

9 Définitions de l’idéologie (Hailon 2014) R. Fossaert (1983) a dégagé quatre définitions de l’idéologie dans leur visée et portée politique : la définition zéro (déf. 0) désigne l’idéologie en général, au sens général, en tant que fonction commune à toutes les sociétés et dont l’objet, pour reprendre L. Althusser, est la représentation du rapport imaginaire des individus à leur conditions réelles d’existence (1976 : 67), dans un rapport que tout à chacun cède au contexte social. Elle constitue les individus en société dans un imaginaire qui les destitue et les constitue subjectivement. L’idéologie reste profondément non consciente et inaccessible aux individus qui la méconnaissent et la pratiquent pour autant. L’idéologie en tant qu’elle fait ordre social s’effectue hors de représentation. L’hétérogénéité constitutive chez Authier-Revuz (1984).

10 Définitions de l’idéologie La définition une (déf. 1) correspond à l’ensemble de la matière idéologique propre à une société donnée, à un moment donné de son développement ce qu’A. Gramsci (1975) appelle « le monde culturel existant » dans ses fonctions de sens commun. Selon A. Gramsci, le langage est le lieu d’inscription et de reproduction du sens commun, c’est-à-dire un ensemble de conceptions liées à la théologie, à la philosophie et aux sciences qui se sont fixées dans les idiomes par le biais des pratiques, et somme toute de l’usage linguistique qui les a reprises et naturalisées. Le sens commun constitue la dimension linguistique, et par extension discursive, de l’idéologie. Approches de sens commun : le socius chez Angenot (1989), la doxa pour Barthes (1957) ou encore la compétence topique pour Sarfati (1996).

11 Définitions de l’idéologie La définition deux (déf. 2) est ce que L. Althusser appelle les idéologies régionales et qui peuvent correspondre aux formations idéologiques (cf. Foucault). Les idéologies (ID.2) peuvent être définies selon l’usage courant des mots et des formes spécialisées que sont la religion, le droit, les arts, les sciences, le commerce… Les découpages sont un effet de l’idéologie en vigueur dans la société considérée (déf. 1). Les ID.2 ont une histoire à elles, avec des portées internes, dans un imaginaire qui est le leur (par ex. : l’église catholique avec le ciel, la trinité, l’enfer, les saints ; les partis politiques d’extrême droite et la mixophobie, la xénophobie comme forme d’alterophobie : l’immigré, l’étranger, l’ennemi de l’intérieur…). Elles ont pour particularité de créer leur propre objet d’existence et d’autosuffisance, ainsi de partager des intérêts communs de groupe mais aussi de défendre des intérêts propres.

12 Définitions de l’idéologie Dans la dernière définition (déf. 3), l’idéologie est considérée dans un sens polémique, unilatéral. Elle est la source d’argumentations et de commentaires à son encontre : l’accusation d’idéologie. En tant que point de vue, ID.3 reste aveugle à ceux qui ne la reconnaissent pas et la considèrent sous un regard extérieur, biaisée et inappropriée : par exemple prenons un discours de campagne de N. Sarkozy, celui du 1 er février 2012 : « Ce n'est pas une affaire, là encore, d'idéologie, c'est une affaire de bon sens » critiquant le programme socialiste de créer 60 000 postes de fonctionnaires (infra). Les idéologies ont la capacité de produire des représentations qui, en tant que telles, peuvent devenir des objets sociaux des réalités idéologiques. Leur effet est symbolique qui atteste leur diffusion sociale (Fossaert 1983 : 501). En cela, elles peuvent jouer et user symboliquement de la disponibilité cognitive des individus.

13 Idéologie - déf. 3 exemplifié Nous pouvons prendre globalement l’exemple des discours et des déclarations de campagnes de 2007 et 2012 de N. Sarkozy. Pour la campagne 2007 on note : « Cela n'a rien à voir avec de l'idéologie » à propos des heures supplémentaires rémunérées et détaxées (le 2 oct. 2006), « L'école n'a pas besoin qu'on lui assène des idéologies » (1 er déc. 2006), « L'écologie a trop souffert des idéologies » (22 février 2007, devant la Fédération nationale des chasseurs), « […] le développement durable est au coeur du débat politique. […] l'enjeu de la mobilité est déterminant et il faut bien se garder de le laisser aux idéologies » (le 7 déc. 2006), « J'ai voulu aussi que la politique cesse de chercher dans l'idéologie les réponses toutes faites aux questions que lui posent les Français » (11 février 2007). « Etre de droite c'est refuser de parler au nom d'une France contre une autre. C'est refuser la lutte des classes. C'est refuser de chercher dans l'idéologie la réponse à toutes les questions, la solution à tous les problèmes » (14 janv. 2007), et de manière contradictoire : « Partout l'idéologie de 68 a imposé le relativisme intellectuel et moral » (13 avril 2007).

14 Idéologie - déf. 3 exemplifié Pour la campagne 2012, on trouve : « Ce n'est pas une affaire, là encore, d'idéologie, c'est une affaire de bon sens », critique du programme socialiste de créer 60 000 postes de fonctionnaires (1 er fév. 2012), « ce n'est pas une question d'idéologie, c'est une question de réflexion » à propos de l’autonomie des universités (19 janv. 2012), « Laissez les partis ! Votre rôle n’est pas de défendre une idéologie » à propos d’unité nationale (1er mai 2012), et de manière ambivalente : « Toute personne qui se rendra à l’étranger pour y suivre des stages d’endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme sera punie pénalement » (24 mars 2012). Dans Le Figaro du 17 avril 2007, N. Sarkozy déclarait : « Je ne mène pas un combat politique, mais un combat idéologique. Au fond, j'ai fait mienne l'analyse de Gramsci : le pouvoir se gagne par les idées. C'est la première fois qu'un homme de droite assume cette bataille-là. Depuis 2002, j'ai donc engagé un combat pour la maîtrise du débat d'idées. » N. Sarkozy ici dessine des frontières entre ce qui est ou n’est pas idéologique, faisant la loi du discours sur le monde. Définition d’un ordre des choses propre à être la norme politico-discursive.

15 ADF /CDA La définition zéro (déf. 0) est effective dans le champ de l’Analyse de discours à la française (ADF) et pour ce qu’elle développa de théorie de la méconnaissance, c’est-à-dire de non maîtrise du sens de la place du sujet parlant. L’ADF a été fortement inspirée par les théories lacaniennes (cf. Althusser, Pêcheux, Maldidier, Authier-Revuz). La définition une (déf. 1) est investie par le courant de la Critical discourse analysis (CDA). La CDA porte sur des considérations de sens social commun propre au monde culturel existant ; considérations définies dans les limites et conditions de l’organisation sociopolitique. (cf. Fairclough, Van Dijk, Wodak, Richardson). La CDA est née en réaction à la pragmatique des années 1970-1980, notamment par rapport à la théorie des actes de langage de J.-L. Austin et à la sociolinguistique de W. Labov. Ce fut aussi le cas en France où les travaux de M. Pêcheux, mais aussi ceux de J. Authier-Revuz, sont venus critiquer la pragmatique d’O. Ducrot.

16 ADF /CDA Le concept d’ideology est à l’articulation des problématiques de la doxa comme représentations (nécessairement) partageables et partagées et de l’idéologie dans sa portée imaginaire (le programme de l’ADF). N. Fairclough dans le sens qu’il donne à ideology s’est inspiré de l’ADF (Althusser, Pêcheux), mais aussi de Bourdieu, ainsi que des écrits politiques de Gramsci, et des théories de Foucault. Sa conception est celle des pouvoirs culturels, des rapports de dominance, des dispositifs qui produisent et reproduisent les sujets en sujets idéologiques. Il considère que l’idéologie en tant que système de représentation et d’interprétation fixe et préfigure la réalité. Le lien entre déf. 0 et déf. 1 existe en tant que le rapport à l’impensé est commun et constitutif des discours. L’Autre dans la théorie psychanalytique se réalise dans un rapport du sujet au monde, dans un monde socioculturel interpersonnel partagé et situé : perspective éco- égo-logique (Morin 1991).

17 L’implicite : aspects généraux Selon Kerbrat-Orecchioni (1986) : « les contenus implicites (présupposés et sous-entendus) ont en commun la propriété de ne pas constituer en principe le véritable objet du dire » (1986 : 21) ; contenus marqués et non marqués. Cf. implicatures (Searle, Grice), Ducrot : l’implicite « permet le dit sans le dire » (1984), crée des effets d’évidence : du ça va de soi, de la doxa. Lecture pragmatique de l’implicite : l’implicite est liée à l’interprétation, à la subjectivité ; effet de subjectivation. L’implicite c’est « l’autrement dit réalisé par un intermédiaire langagier plus complexe que le discours direct » (Jaubert 1990 : 195). Lecture sociopolitique de l’implicite : il y a dissimulation et/ou manipulation du dit par le dire en tant que l’implicite n’est pas « le véritable objet du dire », qu’il s’agit d’ « autrement dit » ; effets et enjeux socioculturels. Sujet défait de sa subjectivité, de son intentionnalité ; compréhension et intercompréhension à ajuster.

18 Implicite et cognition sociale La méconnaissance constitue les sujets sociopolitiquement dans l’oubli nécessaire de leur constitution cognitive socialisée et socialisante. Primauté des valeurs sociales sur le psychisme individuel (Ecole de Francfort : Fromm, Habermas, Honneth). Elle pose une connaissance acquise, un présupposé de savoir à partir duquel on glose (Honneth 2008 : « la reconnaissance précède la connaissance »). Conflit des réalités psychique et sociale ; interactions entre réalités (individuelles) socialisées et pratiques (sociales) individualisées Le discours devient le lieu de réalisation de l’entre relation sociale. Il présuppose le lien aux autres (discours, sens, individus, représentations) dans les fondations de son autodétermination et de son autoréalisation. C’est branché sur ses autres que le discours se produit et se « déborde » sémantiquement, politiquement, cognitivement.

19 Implicite et cognition sociale L’implicite est constitutif des pratiques socioculturelles de penser, d’agir et de dire. L’implicite en tant qu’interprétant culturel (cf. infra idéologisation). Rôle de l’allusion : l’allusion participe de l’implicite culturel, des savoirs acquis intégrés. Rappel : selon Authier-Revuz, l’allusion est une manifestation de l’interdiscours. L’implicite, c’est l’autre (discours, mot/chose, sens…) interprété ; un préconçu qui permet des ajustements/(in)adéquations de connaissances socialement admises et discursivement disponibles (cf. infra hétérogénéités énonciatives et cognitives). La connaissance que les sujets ont de leur état d’être social est intégré à leur pratique de discours. Perpétuation d’un ordre socioculturel des choses entre variations personnelles et visées culturelles (rapport entre idéologisation et idéologie, entre su et insu, entre discontinu et continu, entre prédiction et prédictibilité).

20 Hétérogénéités énonciatives Modèle d’Authier-Revuz : rapport hétérogénéité constitutive (HC)/ hétérogénéité montrée (HM) Mouvement entre une hétérogénéité constitutive (HC), inconsciente et inaccessible mais qui vient former le sens des discours et une hétérogénéité montrée (HM) où le sujet, par cette illusion d’être à l’origine du sens, délimite son dire et où il est possible d’analyser les mécanismes énonciatifs dans la matérialité discursive, le sens en discours. Dans ce modèle, les formes de discours rapporté (DR) font partie d’un plus grand ensemble qui sont les représentations de discours autre (RDA) dans lequel on trouve le discours direct (DD), le discours indirect (DI), le discours direct libre (DDL), le discours indirect libre (DIL), les modalisations autonymiques (MA) interdiscursives (Authier- Revuz 1995, 2004) et les modalisations autonymiques (MA) interdiscursives allusives (Authier-Revuz 2000).

21 Hétérogénéités énonciatives Nous trouvons aussi des modalisations autonymiques (MA) interprétatives (MAI) de la forme « X » dont des MA aglosiques (MAA) et des MA semi-allusives (MAS). Les MA aglosiques (MAA) sont des MA interprétatives (MAI). Elles sont guillemétées, sans glose et peuvent interprétativement cumuler toutes les valeurs de non-coïncidence : les valeurs de l’écart dans la nomination, de l’équivoque, interlocutive et interdiscursive contre les MAS de la forme l dit que « X » uniquement interdiscursives. (Hailon 2011) Les MA allusives sont des emprunts non balisées et non guillemétées. Elles sont interprétables en fonction de la culture de l’allocutaire. Les formes allusives, implicites sont mémorielles et relèvent de savoirs emmaganisés. (cf. « hétérogénéité suggérée » Moirand, « prédiscours » Paveau).

22 Hétérogénéités cognitives Pour G. E. Sarfati (2011 : 146-148), l’hétérogénéité constitutive (HC) peut renvoyer au canon et à ses effets d’homogénéité. L’hétérogénéité montrée (HM) marquée (HMM) notamment les formes guillemétées renvoie à la vulgate et l’hétérogénéité montrée (HM) non marquée (HMm), selon nous allusive et interdiscursive, convoque la doxa. Le canon est la ressource dogmatique des savoirs. Il est l’instanciation fondatrice d’une communauté de sens. Il est établi comme pouvoir homogénéisant de reconduction d’un régime institutionnel et culturel. L’identité des cultures se façonne sur l’ignorance de sa constitution : « La méconnaissance est aussi la condition de la vie et de la reproduction des civilisations » (Legendre 2012 : 44). Dans le cas de la vulgate, une mise en écho dogmatique se produit, c’est-à-dire une entreprise de banalisation et de diffusion d’un savoir canonique.

23 Hétérogénéités cognitives La vulgate renvoie à des mécanismes de transmission du dispositif normatif de la communauté de sens considérée. Elle vise la compréhension du canon. Elle est un espace de reformulation et de possibles resémantisations et recatégorisations à visée canonique. La doxa concerne la naturalisation et l’évidentialisation des savoirs dogmatiques. Elle est une agrégation d’une série de réappropriations de sorte que le savoir propre des membres d’une communauté de sens s’est banalisé, cristallisé par effacement de toute référence au canon et à la vulgate. La doxa correspond à un haut niveau de stéréotypie. Aussi, les produits de l’idéologisation sont les évidences socio-culturelles.

24 La circulation idéologique Articulation dynamique des rapports HC/HMM/HMm (canon/vulgate/doxa) à partir du concept de circulation idéologique, en s’appuyant sur les dimensions socioculturelles du sujet, sur les formes opacifiantes du dire (cf. supra, J. Authier-Revuz) et leurs effets de sens ; prenant en compte les idéologies en cours pour ce qu’elle impose de visions mondaines à dessein politico-culturel commun. La circulation idéologique s’établit dans un rapport entre propriétés signifiantes et conditions de production du point de vue de l’émission énonciative et conditions de production et reconnaissance interprétative pour la réception. Problématisation de la circulation idéologique et de sa réalisation socio-discursive à partir des marques et des indices de points de vue (autre) dans le discours.

25 La circulation idéologique Le discours peut être le cadre de la répétition de représentations et de points de vue mondains pouvant être eux-mêmes empruntés. La circulation idéologique prend en compte les valeurs hétérogènes des discours. Elle permet d’observer les visions du monde argumentées en discours et les idéologies en présence. Elle permet également de percevoir les allusions elles-mêmes idéologiques. Des indices de non-coïncidence idéologique existent dans les discours lorsqu’une représentation autre fait travailler l’énonciation représentante, l’énonciation représentante « signifiée » et signifiante pouvant prendre sens dans sa relation à un discours générateur, identifiant.

26 Le su et l’insu (idéologisation/idéologie) L’idéologie s’impose comme évidences fictionnalisées, constitutives de « l’être ensemble » : le su en tant que donné, énoncé de connaissance. L’idéologisation renvoie à la pratique de ces évidences dans l’imaginaire en partage de la place des sujets. Les sujets par leur discours mettent en fonctionnement par un acte individuel d’utilisation l’idéologie produit de l’idéologisation : l’insu en tant que variation de connaissance suppose un donné (de connaissance). L’idéologie est ce qui s’est déposé en chacun et à l’échelle d’une société des pratiques d’idéologisation. L’idéologie c’est le dépôt culturel par les sujets des évidences fictionnalisées. Elle porte avec elle son imaginaire et ses réalités de pratiques autofondatrices, en continu et en discontinu. Une réédition de la scène de la culture se déploie sur le terrain de représentations transhistoriques et transindividuelles.

27 L’implicite dans un discours radio Discours radio : France Inter du samedi 2 août 2014 : « Le 28 septembre 2012, dans le quartier des Granges à Echirolles, souvenez-vous, près de Grenoble, deux jeunes de 21 ans, deux copains Kevin et Sofiane, avaient été lynchés par un groupe de jeunes, des jeunes qui pourraient être renvoyés devant les assises » (Maxime Debs, journal de 9h). Catégorisation différenciée dans l’implicite culturel : les « jeunes de 21 ans (Kevin et Sofiane) » ne sont pas les « jeunes » renvoyés aux assises. Le sens est dans l’interdiscours, dans les manières de pensée culturellement établis. L’implicite culturel renvoie à une manière de pensée socialement reconductible ; ici un implicite ethnicisant, stigmatisant : comprendre jeunes pour délinquants, possiblement des quartiers, issus de l’immigration, musulmans… (Hailon 2011). L’interprétation est intégrée aux pratiques de sens (pratiques socioculturelles) ; conjointe aux membres de la communauté discursive. Il s’agit d’intercompréhension, d’inter-préhension du sens. La pratique sociale de sens est dans l’implicite, dans ce qui se partage culturellement, communément en tant ça va de soi des pratiques de pensée.

28 L’implicite dans le discours de presse Corpus des émeutes de 2005 et 2007 (Hailon 2014) où nous trouvons de très nombreuses occurrences de jeunes modalisé et non modalisé. Cités : les non-dits d’une rébellion [titre] Qu’a-t-on vu, ces jours-ci ? Une police obligée de se défendre d’avoir voulu pourchasser deux « jeunes » qui, fuyant un contrôle d’identité, se sont tués en pénétrant dans un transformateur EDF ; Nicolas Sarkozy mis en cause pour avoir dénoncé les « voyous » et la « racaille » […] La dialectique victimaire est à l’œuvre. (Le Figaro, vendredi 4 novembre 2005) ; BANLIEUES M. Sarkozy intervient tous azimuts après les émeutes de Villiers- le-Bel [surtitre] Précaire retour au calme après les émeutes de Villiers-le-Bel [titre] Trois jours après le début des affrontements entre bandes de jeunes et policiers, le calme semblait revenu à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise). La tension était toujours sensible, malgré un important déploiement de forces de l'ordre. (Le Monde, jeudi 29 novembre 2007).

29 L’implicite dans le discours de presse Nous assistons à un glissement de la catégorisation en classes d’âge à une classe racialisante à travers le caractère incomplet et mensonger de la catégorisation de la jeunesse. Par « jeunes » nous avons un processus discursif et cognitif implicite de reconstruction du référent. Le changement de catégorie est formellement repérable, marqué quand il y a guillemétage (ex. du Figaro), et il est non marqué, interprétatif quand il relève de l’allusif (ex. du Monde). « Jeunes » est cotextuellement et contextuellement resémantisé, réidéologisé. Un glissement opère vers l’idéotype (jeunes immigrés) : le sens de jeunes est indexé sur la catégorisation sociale du désordre sociétal des banlieues

30 L’implicite dans le discours de presse Corpus campagne 2002 (Hailon 2011) : Les bandes ethniques souhaitent une « bonne année » à la France… [titre] Des « jeunes » qui, interviewés à visage découvert dans les zones de non-droit, expliquent aux intervieweurs complaisants que la présence de la police dans ces zones incontrôlée et incontrôlable est une « provocation » […] Vitry-sur-Seine à feu et à sang. Parce que des voyous ethniques ne supportent pas que la police ait séché sur place un voyou braqueur qu’ils considèrent comme un « frère ». […] Dejlloul, le gentil voyou ethnique braqueur de Neuilly-sur-Marne (déjà très connu des services de police), s’apprêtait à tirer sur les policiers avec une arme de guerre d’origine yougoslave. (Présent, jeudi 3 janvier 2002). Dans ces extraits, le délinquant identitairement repérable (voyou ethnique braqueur, « jeunes », étrangers) dans des lieux donnés (zones de non-droit) construit le présupposé idéologique du FN. Les discours sur l’identité nationale et l’insécurité sont tous deux fonctionnels pour la racialisation explicite d’un construit social (récurrence de ethnique).

31 L’implicite dans le discours politique Corpus Hailon 2014 (campagne 2007, 2012) : « Lorsque je vous propose, en appui sur ce que vous avez dit, un nouveau pacte avec les jeunes, d'où qu'ils viennent, en leur disant que moi, je ne vois pas en eux d'abord un problème, ou chaque fois que je vois le mot « jeune », je ne pense pas à délinquance, au contraire, chaque fois que je vois le mot jeune, je me dis que c'est là que se trouve la solution à bien de nos problèmes. » (Discours S. Royal à Rouen le 24 fév. 2007, page 2, ligne 17 et suivantes). On observe ici la relation métalinguistique mot-chose dans la construction de la référenciation nominative de « jeune ». « Je ne pense pas » met à l’épreuve l’individuation (discursive) de la connaissance par rapport à une altérisation foncière. Le « je pense » de S. Royal en tant que manifestation de savoir constituant produit un savoir constitué, exprimé discursivement en « je ne pense pas ». Représentation de l’activité cognitive qui se réalise dans la relation dialogique (par la négation ne pas) à ce qui se donne comme discours social, ici potentiellement les présupposés de la doxa (jeune = délinquance).

32 L’implicite dans le discours politique Le discours de S. Royal peut raisonner avec celui de N. Sarkozy dans le cadre de la campagne 2007 : « Nous sommes quand même le seul pays au monde où une petite élite trouve des excuses à un multirécidiviste, qui ne paie pas son ticket de métro, qui, non content de ne pas le payer, frappe les agents de sécurité de la RATP. On lui trouve des excuses, une émeute s'en suit et à longueur d'émission de télévision on pose la question du fossé entre les jeunes et la police. » (Discours de N. Sarkozy à Issy-les-Moulineaux, 18 avril 2007, page 11) Le discours de S. Royal marque son ancrage dialogique possiblement par rapport au discours de son adversaire politique. Il lui répond, en le convoquant et en s’y opposant. La connaissance que les personnels politiques de gauche et de droite donnent et construisent de visions des choses par leurs discours (la jeunesse comme facteur de désordre social, la jeunesse « insurrectionnelle ») dialogue également avec les connaissances et visions mondaines véhiculées par les discours racialisants et hétérophobes tels que ceux de M. Le Pen.

33 L’implicite dans le discours politique Corpus campagne 2012 (Hailon 2014) : Je m’indigne de voir que les seuls « jeunes » sur qui se porte le projecteur sont systématiquement, et je mets volontairement des guillemets autour de « jeunes » pour qualifier ces individus, des voyous et des sauvageons de banlieue ? Non la jeunesse de France ce n’est pas cela. La jeunesse française ne se résume pas aux hordes de barbares qui polluent nos cités, profitent de l’argent public dilapidé dans une soi-disant « politique de la ville » et passent leur temps à brutaliser les autres. [je souligne] (Discours de M. Le Pen du 11 déc. 2011 à Metz, page 10, ligne 13). « Jeunes » (jeunesse française) qui ne sont pas des « jeunes » (voyous, sauvageons des banlieues, horde de barbares) (supra. discours radio). Réajustements transindividuels partagés ; régulation dans l’ajustement de sujet à sujet avec ses formats obligés et ses stéréotypes, régulation socio-normée.

34 L’implicite dans le discours politique Les commentaires métacognitifs sont des formes de négociation du sujet dans le processus de référenciation sociale. Ils marquent des glissements dans la référencialité et dans la normalisation du sens. La référenciation en tant que co-construction discursivement située et politiquement partagée émerge de l’exhibition de cette distance. La négociation du sens peut relever d’une volonté de ruptures dans les savoirs (catégoriel et événementiel) acquis et ainsi de façonner une originalité, une différence selon l’objectif politique défendu. M. Le Pen assure, par ses discours, sa propre cohérence et son espace (de discours) à la marge, pamphlétaire. Rhétorique centrifuge de la marge. Il peut s’agir au contraire de s’y conformer. Dans cas, l’implicite permet une réédition de la scène culturelle. Sens dans l’expérience sociale commune, dans des cadres d’intercompréhension partagés, suggérés qui permettent des pré-dictions.

35 Pour conclure La fonction cognitive de sens commun conduit à des « empilements », à des stratifications-circulations d’une parole politique altérisée et pour laquelle opère une identification et resémantisation collective. L’exemple de l’implicite de connivence idéologique : « jeune(s) » : « nous nous comprenons, si vous voyez ce que je veux dire » dans le contexte du désordre des banlieues, qui construit un « comprendre et vivre ensemble » (la convivance selon Fossaert 1983). Principe d’économie cognitive, d’un discours mécanisable, d’une recherche de coordination-compréhension idéologiquement performante et potentiellement reconductible. La recognition commune d’un sens commun communément resignifié est à l’oeuvre. Interprétations partagées qui permettent une pensée commune en train de se faire (communément). Cf. « Ordre idéologique » (Hailon 2014) ; perception et manières de pensée alignées pour un dicible et « entendable » global.


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